Les femmes excisées au Sénégal sur le « 20 heures » de France 2, le 6 février 2018

Les femmes excisées

France 2 et l’information

Le « 20 heures » du 6 février 2018

Le Sénégal et ses femmes excisées

            Le « 20 heures » a consacré quelques minutes à un documentaire sur le problème de l’excision au Sénégal, en a situé l’ampleur et décrit l’action qui était aujourd’hui menée pour éradiquer cette coutume barbare, fut-elle religieuse.

            Il est bien dommage que la chaine « publique », n’ait pas rappelé à ses téléspectateurs que l’excision existait aussi en France pour plusieurs dizaines de milliers de femmes originaires d’Afrique, de première ou de deuxième génération.

            Dans un article du Monde du 22 décembre 2016, Ondine Debré avait intitulé un article « Les femmes coupées » et cité le chiffre de 60 000 femmes excisées vivant alors dans notre pays.

            Sur ce blog, j’avais fait écho à cet article, le 2 janvier 2017, en critiquant l’article de Stéphane Madaule dans la Croix du 26/12/2016, alors responsable de l’AFD à Brazzaville, qui avait le titre tout à fait paradoxal de « Communautarisme ou intégration à un modèle commun ».

            A la gloire d’un « communautarisme » partagé, « femmes coupées » y compris ?

            A quand un documentaire sur France 2 et sur le même sujet en France ?

            Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? – En esquisse de conclusion

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

En esquisse de conclusion

De quelle histoire s’agit-il ?

Une histoire postcoloniale à la dérive ?

            Il n’est pas toujours facile de comprendre les phases d’évolution de l’écriture de l’histoire, et de savoir s’il s’agit véritablement d’une « science », tant elle est, et a toujours été, traversée par des remises en cause et des controverses fondées ou non, compte tenu de l’importance de ses enjeux.

            Dans les cas examinés, il n’est pas illégitime de se poser la question des fins poursuivies par leurs auteurs, sur leurs buts idéologiques, politiques, ou médiatiques, en vue de conquérir un nouveau marché « ethnique » ou non, puisqu’il s’agit aussi de cela.

            Est- ce que ce type de thèse historique postcoloniale est représentatif des courants historiques qui traversent aujourd’hui notre société ? Est-ce qu’ils ont fait l’objet d’une évaluation de leur contenu scientifique et de leurs effets dans l’enseignement, les universités ou l’opinion publique ? Je n’en sais rien !

            L’histoire de France a longtemps tenté de proposer la lecture d’un passé commun et d’un vivre ensemble commun, fondés sur des valeurs qui, au cours des siècles et au fur et à mesure des crises, ont fait partie intégrante de notre passé national, la liberté, l’égalité, et la fraternité, avec ses ombres et ses lumières.

            Ombres et lumières, oui, comme le soulignait dans le cas de l’Afrique, le grand lettré et sage africain Hampâté Bâ, très bon connaisseur de  la tradition africaine et très bon analyste de la France coloniale, lequel notait que  l’histoire de cette époque avait connu à la fois une face diurne et une face nocturne.

         Face à l’histoire frappée d’un sceau universitaire, et depuis plusieurs dizaines d’années, l’histoire médiatique, pour ne pas dire politique, connait le plein succès, et lui fait concurrence. Elle explose avec les réseaux sociaux, alors que l’Université elle-même n’a jamais été à l’écart des grands conflits d’interprétation du passé et de l’avenir.

        Dans les cas d’écriture historique analysée, le discours fait plus que confiner avec la propagande ou le marché, qu’il soit politique, médiatique, ou ethnique.

         Histoire « scientifique » et roman historique ? Roman national, colonial, ou postcolonial, comment s’y reconnaître ?

            Ces productions littéraires soulèvent de très nombreuses questions de « scientificité » que nous avons examinées successivement, relativement aux sources, aux méthodes quantitatives d’évaluation des vecteurs de culture et de leurs effets, et donc aux interprétations possibles, compte tenu d’une représentativité supposée et non démontrée.

            Ajoutons qu’en filigrane de tous ces discours idéologiques apparait souvent un fil rouge conducteur, celui de l’Algérie érigée comme le symbole de toute la colonisation française, avec en arrière plan la guerre d’Algérie  : le Président actuel s’est cru autorisé, et comme par hasard, lors d’une visite « électorale » à Alger, à faire la déclaration que l’on sait sur les crimes de la colonisation.

            Le courant idéologique et historique en question ne rassemble évidemment pas l’ensemble de la classe des historiens vivants, mais c’est lui qui semble faire le « buzz », selon le mot et les modes du jour.

            Est-ce qu’en définitive, et comparés à ces œuvres, les romans historiques ne font pas preuve d’une plus grande rigueur historique que ces « produits » de la catégorie d’histoire postcoloniale que j’ai critiquée ?

            A la fin de ses nombreux romans historiques sur notre très lointain passé, le XIIème ou le XIIIème siècle, Jean d’Aillon, propose une petite rubrique intitulée «  Le vrai du faux », une rubrique qui pourrait sans doute être nourrie par des chercheurs en histoire dont l’ambition serait de « déconstruire » ce nouveau roman postcolonial, puisqu’il  s’agit de cela.

            Dans son livre « Le lecteur de cadavres » (Le Livre de Poche) dans la Chine du XIIIème siècle, un autre auteur, Antonio Garrido, délivre un message tout à fait intéressant de rigueur en vue d’exploiter les sources de la Chine du XIIIème.

            Reconnaissons que la dernière matière citée ne soutient peut-être pas la comparaison avec celle des images coloniales dont il a été question … et que les romans historiques cités échappent à l’actualité encore vivante de l’époque postcoloniale.

      Le roman historique d’Antonio Garrido s’appuie sur une recherche très fouillée d’archives datant du XIIIème siècle, à la fois sur l’état de la Chine ancienne et sur l’état de la médecine légale de l’époque, avec la lecture du traité de médecine légale en cinq volumes du Chinois Xi Yuan Ji, publié en 1247, un document qui a fait l’objet de nombreuses traductions.

        L’auteur s’intéressait à la médecine légale, et c’est à l’occasion d’un congrès, l’Indian Congress of Forensic Medicine and Technology, à New Delhi, en 2007, qu’il découvrit son sujet à l’occasion d’une conférence.

Est-ce que les auteurs des écrits postcoloniaux critiqués ont fait preuve des mêmes précautions de rigueur méthodologique dans la consultation des sources historiques, le dénombrement des données recueillies, leur interprétation, le discours « scientifique » qu’ils en ont tiré.

            Nombre de leurs exposés, remarques, ou appréciations mériteraient de figurer dans une rubrique « Vrai ou Faux », ou de façon plus précise « Faux ou à Vérifier ».

         Ces livres diffusent une nouvelle propagande postcoloniale autrement plus efficace que celle de la période coloniale, une propagande d’autant plus pernicieuse, ou perverse qu’elle tend à accréditer un discours idéologique pernicieux pour la collectivité nationale.

           Un seul rappel pour terminer, un des propos de l’historienne Lemaire, relatif aux affiches, et à leur effet sur l’inconscient collectif des français :

        « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice », et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. Il suffit pour s’en convaincre d’imaginer combien les français pouvaient être sollicités, interpellés par un article, une émission  radiophonique, une  affiche aux dessins exotiques et aux couleurs chatoyantes, ou encore comment ils pouvaient être marqués par une visite à un stand colonial lors d’une exposition… » « Culture Coloniale – Fixation d’une appartenance (1914-1925)- « Propager ; l’Agence générale des colonies» (p, 137)

        L’inconscient collectif, qu’est-ce à dire ? Combien d’affiches année après année ? Combien de postes de radio par année ? N’oublions pas que nous sommes au mieux en 1925.

       Je n’aurai pas la cruauté de rappeler la sorte de  vrai faux en écriture d’histoire, celui du riz indochinois, que j’ai déjà évoqué, sous le titre « Du riz dans  les assiettes, de l’Empire dans les esprits ». (CI,p,82)

       En résumé, il s’agit d’une manipulation des sources consultées, d’une manipulation des interprétations proposées comme des sentences historiques, c’est-à-dire d’un travail de désinformation historique  frappée du coin de diplômes universitaires.

        Je rappelle 1) que le contenu des travaux du Colloque savant de janvier 1993 ne conduisaient pas aux conclusions tirées par ces chercheurs,

          2) que le contenu du livre Images et Colonies ne conduisait pas non plus aux conclusions tirées par les mêmes chercheurs, outre le fait qu’il soulevait déjà en tant que telle, la question capitale de sa représentativité comme échantillon de situations coloniales très variables, de même que celle de ses effets supposés sur la culture coloniale des Français et des Françaises, non évalués,

      3) que le contenu des livres successifs publiés par cette équipe de chercheurs exprime un discours évident et tonitruant de propagande postcoloniale, fondé sur des analyses historiques très fragiles.

        Peut-être conviendrait-il de regretter qu’une telle recherche aboutisse à ce gâchis de sources historiques relatives à un passé colonial qui méritait plus de sérieux et d’objectivité.

        Dans l’ambiance actuelle, encore plus que dans un récent passé, il est évident que ce type de sujet est de nature très sensible, en même temps que d’une extrême complexité, notamment avec l’émergence d’un islam radical, un mouvement de mondialisation sauvage qui se poursuit depuis des dizaines d’années, l’arrivée de flux d’immigration étrangère que la France n’a jamais connus dans son passé, qu’il contribue à l’enrichissement d’un terreau favorable à toutes les subversions imaginables.

          Dans un tel contexte, l’écriture d’une histoire scolaire ouverte sur le monde, qui tienne compte du pluralisme démographique, religieux et culturel qui existe aujourd’hui chez nous est un véritable challenge, d’autant plus redoutable à relever sur des territoires où vivent des Français et des Françaises d’origine immigrée, quand l’on sait que leurs peuples d’origine africaine constituent encore un patchwork religieux et culturel inextricable.

Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? 3 – Les Expositions coloniales

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 Les Expositions coloniales, exhibitions, zoos

           Les auteurs des contributions concernées dans la série de ces ouvrages s’en sont donné incontestablement à cœur joie, mais quel crédit historique à accorder à ces discours ? Réalités ou mythes d’écriture ?

         Emphase, exagération, mystification ?

        Résumons quelques-unes des questions et critiques.

      Il aurait été sans doute utile de donner le cadre historique des manifestations proposées, l’identité de leurs organisateurs, publics ou privés, les périodes concernées, ce qui n’a pas été le cas. S’agissait-il d’un phénomène français ou européen ?

      Les rédacteurs ont été quasiment hypnotisés par la grande Exposition Coloniale de 1931 et par le parfum idéologique subtil des exhibitions d’indigènes.

         Un langage savant, un peu bouffi ? : « Cette culture coloniale se constitue par strates. Dans ce processus, les expositions universelles sont des dates structurantes, celle de 1889, particulièrement… (CC,p,9)

       1931 ou l’acmé de la culture coloniale

        « La croisade coloniale devient avec l’exposition comme Jeanne d’Arc, Napoléon, Clovis et la révolution française, une brique supplémentaire dans l’édifice national. Sauf qu’elle se construit en même temps qu’elle s’énonce… » (CC,p,87) 

Qu’est-ce à dire ?

        Dans le livre La République coloniale, les auteurs écrivent :

    « et la multiplication des expositions universelles ou coloniales. Ces dernières fonctionnent comme de véritables lieux de sociabilité coloniale au sein de la République. »  (RC, p,99)

       « Lieux de sociabilité coloniale » ? Qu’est-ce à dire ?

         Les auteurs font évidemment un sort aux exhibitions d’indigènes, nus ou habillés, un des tops de l’histoire postcoloniale, symbole du racisme et de l’exploitation des êtres humains.

       « Ces exhibitions ethnologiques vulgarisaient donc l’axiome de l’inégalité des races humaines et justifiaient en partie la domination associée à la colonisation.
     L’impact social de ces spectacles fut dès lors immense, d’autant qu’ils se combinaient avec une médiatisation omniprésente qui imprégnait profondément l’imaginaire des Français. » (CC, p,89)

Sauf que dans le même livre et dans les pages précédentes, p,58 et 59,  un des auteurs écrit :

            « Elles portent en elles le rapport de domination coloniale, même si celui-ci s’applique également, toujours au travers des exhibitions humaines, aux Bretons ou aux Auvergnats, populations considérées par la France centralisée comme des populations « ethniques » encore à civiliser. » (CC,p,58, 59)

           Mais alors Bécassine au recto, et Banania au verso » ?

        Philippe David a fait un gros travail de recherche sur la reconstitution historique des expositions de «  Villages noirs » qui étaient présentés dans des tournées de spectacle en métropole, et la conclusion de ce travail n’était pas la stigmatisation, mais la curiosité et la découverte.

       J’ai publié sur ce blog une longue analyse du livre d’Eugen Weber intitulé « La fin des terroirs » qui relève qu’effectivement les fameux indigènes d’Afrique ou d’ailleurs, existaient alors aussi en métropole.

      Ajouterais-je que les récits des explorateurs et des premiers administrateurs coloniaux donnent des exemples de rencontres avec les peuples africains qui éprouvaient le même type de curiosité à l’égard des premiers blancs qu’ils rencontraient, qu’ils paraient de qualités souvent étranges.

         Je me souviens entre autres d’avoir lu le récit de ce type de rencontre que fit l’africaniste Delafosse, dans les années 1900, dans une peuplade de Côte d’Ivoire, où ils furent observés comme des bêtes sauvages par tout un village dans leur paillote de passage.

        Sur la côte d’Annam, dans la baie de Tourane, dans les années 1880, le médecin de marine Hocquart racontait un épisode du même genre.

            L’« Exposition coloniale internationale de 1931 » ?

      Effet éphémère ou durable de cette Exposition sur l’opinion publique ? Telle est la question à laquelle il faut répondre.

    Notons tout d’abord que, dans son discours, le collectif de chercheurs n’a pas peur des contradictions en n’hésitant pas, dans une page, à affirmer que les expositions ont été des dates structurantes (CC,p,13), tout en indiquant plus loin dans une contribution consacrée spécialement à l’exposition de 1931 :

       « Si l’Exposition coloniale internationale de 1931 est aujourd’hui absente de la mémoire collective des Français, il faut voir dans cet oubli les effets d’un refoulement plus large de l’histoire coloniale qu’il reste à régler. » (CC, p210)

       Et le tour est joué ! Une certaine histoire postcoloniale retombe sur ses pieds, en invoquant un « refoulement », une « mémoire collective » que personne n’a mesurée, et mesurée encore de nos jours.

        L’historien Charles-Robert Ageron a donné une appréciation historique sur cet événement :

       « En 1997, l’historien Ageron a proposé dans un des tomes de la collection « Les Lieux de mémoire », une lecture nuancée de l’événement.

        Dans le livre Images et Colonies, il s’était interrogé sur le point de savoir si le mythe après le choc de la défaite de 1940 : « L’Empire devint la dernière carte de la France, le suprême recours, et beaucoup de Français naguère indifférents ou sceptiques se persuadèrent que l’Empire restait la seule porte ouverte sur l’avenir.» (IC,p,109)

        Une conclusion qui avait donc un caractère très conjoncturel….

      Lyautey, le chef d’orchestre de la manifestation grandiose, partageait ces conclusions. Et l’historien de préciser : « Aux élections de 1932, on vérifia que rien n’était changé : il n’y eut que dix députés pour parler des colonies dans leur profession de foi… »

         Il ajoutait plus loin :

    « Mais d’après le témoignage de tous les mentors du parti colonial, l’historien doit répéter que l’Exposition de 1931 a échoué à constituer une mentalité coloniale : elle n’a point imprégné durablement la mémoire collective ou l’imaginaire social des Français. »

       Question : les députés manquaient-ils donc à ce point de culture coloniale, devenue impériale ? (Chap III – Expositions, page 83 à 107, Sup Col)

JPR  – TDR

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? Exemples de critique historique : livres de la jeunesse et cinéma

Quelques exemples de critique historique, avant d’aborder le thème principal de la propagande coloniale.

         1 – Les livres de la jeunesse – Un sujet capital pour qui apprécie à sa juste valeur le formatage intellectuel qui peut en résulter, un formatage dont les « hussards noirs » de la Troisième République avaient fort bien compris le sens et l’importance.

        Les chercheurs de ce collectif développent à ce sujet un discours tonitruant qui tendrait à démontrer que l’école laïque de Jules Ferry aurait réussi à modeler l’imaginaire « colonial » des jeunes cerveaux au cours de la Troisième République :

      « Modeler l’esprit des écoliers. Les textes et plus encore les images des manuels scolaires de la 3ème République ont modelé l’esprit de plusieurs générations d’écoliers. » (CC/94)

       Seul problème, les travaux du Colloque savant ne permettaient pas d’en tirer une conséquence aussi simpliste, comme l’historien bien connu Gilbert Meynier le notait lors de ce colloque :

        « L’organisation de la propagande : en fait, sur un échantillon de quatre-vingt-sept manuels d’histoire, la part des colonies reste très modeste si elle ne régresse pas, comme l’a montré Patrick Haus (Mémoire de maîtrise, Nancy, 1990)-(IC, p,113)

      « Le même historien joignait à la page 124 une annexe 2 intitulée : « Pourcentage de la place des colonies dans les manuels d’histoire ». Les chiffres concordent avec ceux d’une étude faite par MM. Carlier et Pédroncini.

         Ces derniers auteurs avaient calculé que ce thème représentait quelques pour cents au cours de la période 1870-1940, dans l’enseignement primaire, supérieur, et secondaire.

        Dans les pas de l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, le même collectif faisait un sort au Petit Lavisse, le petit livre scolaire bien connu, mais les espaces consacrés au colonial, en textes comme en vignettes, représentaient dans l’édition de l’année 1930 moins de 5% sur un total de 182 pages : une culture coloniale à 5% ?

      Dans un  article intitulé « Les colonies devant l’opinion publique française », paru dans la Revue Française d’Outre-Mer, numéro 286, l’historien Charles Robert Ageron écrivait en 1990 :

       « L’étude des colonies avait certes déjà sa place dans l’enseignement, mais une place bien minime… Elle ne l’était pas à coup sûr pour forger cette mentalité coloniale ou impériale que souhaitaient les apôtres de l’idée coloniale »

        Il serait tout à fait intéressant d’avoir le même type de statistique  des livres scolaires patronnés par Sandrine Lemaire, et de mesurer les effets d’une déconstruction coloniale supposée. (Chap I, p, 31 à 63- Sup Col.)

       2 – Le cinéma colonial   Le cinéma colonial a-t-il bien existé et quelle place a-t-il occupée dans l’agenda du cinéma français de l’époque coloniale ?

       « Leur discours :

        Sous le titre « Rêver, l’impossible tentation du cinéma colonial » dans le livre Culture Coloniale, et dans la partie consacrée à la fixation d’une appartenance (après 1914) le critique de cinéma Barlet et l’historien Blanchard, en décrivant la situation du cinéma, écrivent :

         « En s’inscrivant dans la construction d’une  identité nationale, le cinéma colonial a de toute évidence puissamment contribué à la conceptualisation d’un  imaginaire en permanente évolution et encore à l’œuvre dans la France contemporaine. Il a surtout touché un vaste public qui, avec ces westerns coloniaux, va découvrir un monde, une épopée, un espace de conquêtes in connu. Une sorte d’initiation à la France coloniale, ludique et romanesque, où les rôles entre les « gentils » administrateurs, colons, médecins, missionnaires, légionnaires… et les « méchants indigènes » rebelles, fanatiques religieux… sont parfaitement répartis. » (CC, p, 122)

      J’ai souligné les expressions grandiloquentes ou trompeuses : « construction d’une identité nationale » : rien que ça !

       « Conceptualisation d’un imaginaire » dans ce cinéma colonial tout à fait limité en productions dans le temps et des espaces visités ?

      « Vaste public », alors que les deux auteurs se sont bien gardés de donner quelques chiffres documentés sur les films « coloniaux », en distinguant les époques, leur champ géographique, Maghreb ou Afrique, ainsi que les chiffres d’entrées de spectateurs qui ont pu être enregistrés dans les cinémas de l’époque.

       Plus loin, les mêmes auteurs écrivent : « La rhétorique du cinéma colonial découle d’un code proprement manichéen. » (CC,p,124)

        Plus loin encore : « Les schèmes coloniaux se déploient souterrainement dans les consciences, s’ancrent en silence dans les mentalités. «  (CC,p,183)

      Rien que cela ! Nous y voilà ! Le ça colonial !

      Ce qui n’empêchait pas le même historien, en 2005 de déclarer en toute cohérence intellectuelle et « sans doute » historique :

      A l’occasion du Cycle « Colonies » au Forum des Images, l’historien Blanchard a eu l’occasion de s’exprimer sur le cinéma colonial. Il y déclarait le 13 avril 2005 :

     « Toutefois il est certain que cette production est en marge du cinéma français, comme porteuse d’une malédiction en rapport avec le contexte de l’époque. Elle est donc peu diffusée, cachée, et même en grande partie « oubliée ».

      Le lecteur aura noté « oubliée », adjectif qui figurait dans le livre Boulanger. »

      Pierre Boulanger avait publié un livre fort bien documenté sur ce sujet, intitulé « Le cinéma colonial de l’Atlantide à Lawrence d’Arabie » (1975).

     Les lecteurs intéressés pourront consulter les pages que j’ai consacrées à cette critique que je concluais ainsi :

      « Et en conclusion, une grave insuffisance de chiffrage des pellicules et de leur audience comparative ! A croire que la nouvelle école de chercheurs est fâchée avec la statistique ! Absence complète d’évaluation de l’écho presse, ou radio à partir de 1935, que ces films ont reçu à chacune des périodes considérées ! » (Chapitre V, page 142, Sup Col)

     Et à partir d’un corpus très modeste, avant tout maghrébin, des affirmations et conclusions dont le lecteur pourra apprécier la pertinence, l’audace, sinon la mystification.

      Cette école de chercheurs a encore beaucoup de chemin à parcourir pour démontrer, et dans la rigueur de la recherche historique et du raisonnement, que le cinéma a été « un acteur de premier plan du mythe en construction de la culture coloniale en France ». »

JPR – TDR

La circoncision en Islande : décryptage !

Pourquoi décryptage ? Car les médias adorent le mot et la nécessité de décrypter, de tenter de comprendre ce qu’ont voulu dire ou écrire confrères et consœurs, alors que chacun sait qu’ils se tiennent presque tous par la barbichette… redevenue d’ailleurs à la mode.

            Comment décrypter dans le Figaro des 28 et 29 avril 2018, à la page 8, deux articles sur une moitié de page, avec pour titres : « L’Islande voudrait interdire la circoncision » et « Lewin : «  Il ne faut pas faire d’amalgame avec l’excision »

Curieuse idée que celle de l’Islande, cette petite île des mers du nord, alors que la circoncision a dans beaucoup de civilisations une signification religieuse, culturelle et sociale à laquelle leurs peuples restent attachés !

        Cette signification dépassait et dépasse encore souvent une croyance religieuse, juive ou musulmane, même si les lettrés d’Afrique noire dénommaient les blancs, au choix de « nazaréens » ou d’« incirconcis ».

        La circoncision était une fête coutumière de classe d’âge, et correspondait à une cérémonie importante d’initiation, de symbole du passage des garçons à l’âge adulte, une cérémonie célébrant l’esprit de solidarité collective de cette classe d’âge qui nous fait peut-être défaut de nos jours.

        A Madagascar, la grande île de l’Océan Indien, sur les plateaux, la circoncision était une coutume importante, car, avant d’être circoncis, un garçon n’était pas considéré comme un homme.

          « … le prépuce coupé est placé entre deux tranches de banane mûre et avalé sans être mastiqué par l’un des oncles (consanguin ou utérin) de l’enfant. » ( Louis Molet L’Homme-1976- p,33-64)

          Terminons en indiquant que l’incidence sanitaire de l’opération n’est pas à négliger !

          Certains n’ont pas manqué de se demander si les Islandais n’avaient pas plutôt en tête d’interdire le trafic de prépuces de poissons ?

         En ce qui concerne l’excision, un sujet autrement sérieux, les lecteurs connaissent mon opinion sur cette forme de barbarie.

         Jean Pierre Renaud

III- Propagande postcoloniale contre propagande coloniale: I -1880-1914 – 2 – 1914-1918

III – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies

I –  Exploration Conquête Exotisme 1880-1914 (pages 15-72)

 57 pages et 167 images

J’ai récapitulé ci-après le nom des auteurs et  le titre des contributions qui figurent dans cette partie I

      Anne Hugon : « Conquête et exploration en Afrique Noire »

        (p,18 à 24 –  23  images) : I = oui  – Ex = oui – Prop. = non

      Philippe David : « Les cartes postales sur l’Afrique noire française » (p,24   à 26 – 6 images) : I = oui – Ex = oui – Prop.= non

      Laurent Gervereau : « L’exotisme » (p,26 à 47 – 62 images ) : I = oui –

       – Ex = oui – Prop. = non

       Citons un extrait de texte d’autant plus intéressant que son auteur a été une des chevilles ouvrières de l’ouvrage pour la BDIC, aux  côtés de l’Achac :

         « Reprenant notre précédent essai de catégorisation, « nos cercles concentriques » de l’exotisme, nous débuterons par ce que l’on peut appeler le « fantasme exotique ».

      Il est le fait, durant notre période (1880-1914) de la quasi-totalité des illustrations de presse et d’ouvrages (nous venons de le constater), il s’appuie sur trois axes ; la violence, l’exotisme, l’étrangeté. Ce sont ces trois termes qui se conjuguent dans ce qui fut appelé la « peinture d’histoire » ». (p,39)

       Question : exotisme ou propagande ?

      Lynne Thorton : « La Villa Abd-El-Tif et les peintres orientalistes français » (p,48,49 – 5 images)  – I =oui – Ex = oui – Prop.= non

      Cette communication est d’autant plus intéressante qu’elle met en lumière la richesse des images coloniales de l’Algérie et leur ancienneté que Monsieur Pierre-François Souyri a ignorées en esquissant une comparaison hardie entre la colonisation de la Corée et celle de l’Algérie. (voir blog du 20/08/15)

            Françoise Raison-Jourde : « Images missionnaires et propagande coloniale » (p, 50 à 57- 16 images) : I – oui – ex = oui –  Prop. = non

            Cette contribution s’intéresse surtout au cas de Madagascar.

            Nous sommes ici dans un domaine ambigu, sinon contradictoire, car paradoxalement et faute d’y mettre l’argent public nécessaire, les gouvernements laïcs de la Troisième République ne voyaient que des avantages à ce que les missions suppléent à leur défaillance.

      L’auteure conclut : « Les images des lointains îlots de chrétienté et de leurs héroïques bergers atténuent la virulence de cet –épisode- et confortent la revendication d’éternité dans le temps d’universalité dans l’espace qui est propre au christianisme. » (p,57)

       Yann Holo : « L’œuvre civilisatrice de l’image par l’image » (p, 58 à 65- 22 images) :I = oui – ex = oui – Prop. = oui, mais avec quels effets, aucun avant 1914, et après ?

       L’auteur écrit en effet : « …  jusqu’à la première guerre mondiale, la grande majorité des Français reste indifférente à l’Empire. » (p58)

       L’auteur décrit les traits de ce type d’action, le « génie colonisateur », l’Evangile du Progrès », l’ « après-Sedan », « Le Parti colonial à la conquête de l’opinion » avec les trois pôles, le parlementaire, l’intellectuel, l’Union Coloniale, mais souligne :

       « Malgré ses efforts, la question coloniale reste absente des programmes du primaire et du secondaire et c’est seulement dans les années 20 que l’étude des colonies progresse dans le cadre de l’enseignement de la morale et surtout de l’histoire géographie. … Avec une rhétorique manichéenne (p,62)    

     « L’image du bon Noir se substituant ensuite à celle du sauvage. » (p,62, 64)

      «  Le discours civilisateur, fondamentalement positiviste et raciste, traverse toute la période coloniale… En effet, les représentations des « bienfaits de la colonisation », des progrès techniques, apportés par le colonisateur dominent l’imagerie coloniale jusqu’aux indépendances. »  (p, 65)

Commentaire : une sorte de survol de la période, quelque peu contradictoire.

         Yves Galupeau : « L’Afrique en images dans les manuels élémentaires d’histoire (1880-1969) »    (p, 66 à 70 – 12 images) :

       I = oui – ex = oui –   Prop. = non

     Noter que la période étudiée va au-delà de cette première phase chronologique.

       L’auteur propose un tableau statistique sous le titre « La conquête de l’Afrique : ventilation relative des images % » avec le  découpage chronologique suivant : 1880-99 ; 1900-18 ; 1919-29 ; 1930-44 ; 1945-62 ; 1963-69. L’Algérie représente la part principale de ces images, plus de 70% entre 1880 et 1929.

       L’auteur précise à la fin de son étude, en note 2 : « Pour la période ici retenue, l’analyse repose sur un corpus iconographique d’environ 1 300 images extraites de près de 250 manuels. » (p, 69)

       L’auteur introduit son texte ainsi : «  Contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire en parcourant hâtivement quelques manuels anciens, l’iconographie des livres élémentaires d’histoire – et a fortiori celle inspirée, pendant près d’un siècle par les colonies françaises d’Afrique – ne se réduit nullement à la répétition indéfinie d’une poignée de stéréotypes. »

… «  Une ample moisson de lauriers : tel est le premier bénéfice que les français semblent avoir retiré de l’aventure coloniale…Indéniablement, le légendaire colonial des manuels d’histoire est prioritairement un légendaire militaire….De ce point de vue, l’inflexion majeure, dans l’ensemble du corpus, correspond à l’exigence nouvelle, vers 1930, d’une version moins brutale, plus diplomatique de la conquête….Cette exaltation, sans nuance, de l’œuvre civile de la colonisation, s’inscrit dans le même contexte et la même chronologie….les élèves n’ont aperçu dans leurs livres d’histoire la face cachée de la domination coloniale. L’image qu’on leur proposait ainsi de l’univers colonial était assurément mythique voire onirique ; mais il n’est pas indifférent de noter que ce rêve n’était pas de pure domination et d’exclusion, mais de ressemblance et, en définitive, d’égalité, dès lors toutefois que le modèle fut la métropole. » (p,68)

       « Gilles Manceron « Le missionnaire à barbe noire et l’enseignant laïque » (p,68-70- 8 images)–  I = oui – Ex = ? – Prop. = ?

        D’entrée de jeu, l’enseignant décrit le paradoxe de l’enseignement colonial : «  N’est-il pas paradoxal que la grande période de construction de l’Empire colonial français, de 1880 à 1914, ait été à la fois, en politique intérieure française, une période d’affrontements intenses entre le parti clérical et le camp laïque, et  en matière de politique coloniale, une période de consensus global entre les deux grands courants de l’opinion… Selon le mot de Gambetta, l’anticléricalisme ne devait pas être un article  d’exportation. » (p,70)

      J’écrirais volontiers faute de mieux, compte tenu du système de financement de la colonisation choisi par la France, le même self-suffering que celui des Anglais.

Commentaire : pas de quoi  produire le miracle du fameux « bain colonial » !

III – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : le livre « Images et Colonies »

II – « Quand les Africains combattaient en France en 1914-1918 » (p, 72 à 96)

24 pages et 56 images

Question préalable : cette période a-t-elle sa place dans ce type d’exercice d’évaluation historique ?

       Cela dit,  et à cette occasion, les Français et les Françaises ont pu faire connaissance avec le monde noir, celui des tirailleurs africains, avec des contacts souvent sympathiques, à l’opposé de la condition qui était faite aux Noirs en Allemagne, et chez nos amis américains.

      Ajouterais-je que beaucoup de ces tirailleurs, pour ceux qui furent de retour dans leur pays, des intermédiaires irremplaçables entre leurs peuples et l’administration coloniale et  des interprètes influents.

     Ne s’agirait-il pas d’un cas paradoxal de propagande coloniale positive ?

      Hans-Jürgen Lüsebrink « Les troupes coloniales dans la guerre : présences, imaginaires et représentations »  (p, 72 à 90 – 30 images)

     I = oui – Ex = non –  Prop. = ?

      Question : quelle est la représentativité historique de cette période de guerre qui rend difficile toute comparaison dans les mouvements longs de l’histoire ?
            Marc Michel « L’image du soldat noir » (p,86,90 – 11 images)

      I = oui – Ex= non –  Prop.  = oui dans le sens opposé au discours Achac.

       « L’imagerie du soldat noir de la Première Guerre mondiale a donc été abondante et variée. Elle témoigna d’une grande activité de la propagande, mais également d’un intérêt nouveau du public métropolitain envers les hommes de l’Empire. Cet intérêt fut beaucoup moins malsain que ne le laissent entendre les gloses ultérieures, une curiosité plus empreinte de bienveillance pour les hommes et d’admiration pour les combattants, que d’hostilité, mais évidemment un regard ambigu parce que profondément imprégné de condescendance raciale et très peu curieux, finalement des Africains pour eux-mêmes. Au total, une imagerie fonctionnelle, beaucoup plus que désintéressée. Rendons lui cependant cette justicela condescendance raciale ne déboucha jamais sur la volonté de ségrégation raciale. » (p90)

      Laure Barbizet Namer « Ombres et lumières portées sur les Africains Peintures, gravures, illustrations, cartes postales »  (p,91à 96 – 16 images)

        I = oui – Ex = oui –  Prop.  = ?

        Rendons hommage tout d’abord à l’auteure pour son éclairage statistique, mais convient-il de rapprocher le chiffre ci-dessous de celui du million de documents cités par Pascal Blanchard ?

         500 000 documents sur le million cité, soit la moitié sélectionnés pour la totalité de la période 1880-1962 ?

       « A partir de la collection du musée d’histoire contemporaine qui regroupe 500 000 documents sur la Première guerre mondiale, on abordera les différents supports de ces images, puis les thèmes qui les traversent» (p,91)

      « Les supports – L’Africain est peu représenté sur les affiches…Pour en finir avec les chiffres, concluons par la sous-représentation évidente des coloniaux par rapport au corpus initial – ils ne sont présents que dans une image sur mille – alors que l’effectif des soldats provenant d’Afrique avoisinait 2% des effectifs. »

     Venant d’’Afrique noire ou du Maghreb, que  l’auteure évoque ensuite dans « Les Thèmes » ?  

     Josée Violette « De l’imaginaire à l’humain » (p,96 – 2 images) :I = oui – ex = non – Prop.  = ?

      Jean Pierre Renaud    –   Tous droits réservés

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale – « Apogée coloniale – 1919-1939 » Suite et fin

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale : « Images et Colonies »

III – Apogée coloniale 1919-1939  (suite)

        Yann Holo – « « Jeux et jouets »  (pages 125 à 128 – 11 ImagesAuteur déjà cité dans la première période : I = oui – Ex= oui – Prop. = ?

        L’auteur écrit : «  Vecteurs de la propagande coloniale, les jeux et les jouets, les jeux et les jouets participent à la formation d’un imaginaire dominé par l’exotisme et l’aventure et contribuent également à enraciner les préjugés courants sur les « indigènes …»

Commentaire : comment interpréter ce texte sans évaluation des vecteurs et de leur succès ?

         Catherine Hodeir, Michel Pierre, Syviane Leprun – « Les expositions coloniales » Discours et images (pages 129 à 139 – 29 images) :

        I = oui – Ex = oui – Prop. = oui

      Cette chronique comporte de très belles affiches, et ne contredit pas les commentaires des deux historiens Ageron et Meynier, pas plus que l’avis très dubitatif du maréchal Lyautey sur le succès tout relatif de cette belle exposition : il y bien eu un gros effort de propagande, mais les résultats en ont été très mitigés.

       J’ai retenu deux citations :

        «  Le fonds iconographique parvenu jusqu’à nous reste un témoin essentiel de l’exportation éphémère des mondes coloniaux. » (p,139)

      « la synergie du discours et de l’image continue d’interroger et l’histoire et la sémiologie »  (p,139)

Commentaire : j’ajouterais volontiers le qualificatif de quantitative et représentative au concept et terme d’histoire.

     Les auteurs ont  très justement relevé la nécessité d’interroger la sémiologie, une des carences importantes de méthodologie des travaux ici décrits.

L’art et la propagande coloniale ?

        L’ouvrage comprend alors plusieurs contributions relatives à l’art, et il est superflu de préciser que nous entrons ici dans le monde très étroit des spécialistes et des connaisseurs, aussi bien à cette époque que de nos jours.

     Je crois pouvoir dire qu’il s’est agi d’un art des deux rives, et très tôt, la France a pris l’initiative de mettre en place des institutions coloniales de type culturel, qui n’avaient pas l’ambition de museler les formes d’art local, à l’exemple de l’Ecole des Beaux-Arts à Alger en 1897, ou de l’Ecole Française d’Extrême Orient et l’Académie Malgache, en 1896.

      Dominique Taffin – « Le Musée des colonies et l’imaginaire colonial » (p,140 à 143 – 5 images) : I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

       Il serait tout à fait intéressant de pouvoir comparer la fréquentation de ce musée avec celle du musée actuel de l’histoire de l’immigration.

       Michèle Lefrançois – « La sculpture » (p145 à 151 – 18 très belles images) : sans commentaire : I = oui – Ex = oui –  Prop.  = non

     Barbara Boëhm et Antonin Mendès – « Peindre l’Afrique » (p, 152 à 160 –18 très belles images) :  I = oui – Ex = oui – Prop. = non,  sinon comme « Propagandistes ou non, elles ont contribué à façonner le regard des Français sur leur Empire » (p,158), d’une petite élite sans doute, mais pas de la population.

       Christian Delporte «  L’Afrique dans l’Affiche, la Publicité, le Dessin de presse » (p,161 à 169 – 28 images) :  I = oui – Ex = oui – Prop . = ?

        L’auteur écrit : « L’Empire, et singulièrement sa partie africaine, apparaît comme un thème non négligeable dans l’affiche et le placard publicitaire durant l’entre-deux guerres. En atteste ainsi une centaine de documents au moins, assez bien répartis dans le temps, malgré l’influence ponctuelle des expositions coloniales (Marseille en 1922, Strasbourg en 1924, bien sûr Paris en 1931. Le flou des références géographiques y domine, à tel point qu’il est parfois peu aisé de définir les origines des personnages représentés (s’agit-il de Noirs d’Afrique ou d’Antillais, d’Arabes du Maroc ou d’Algérie ? En revanche, on observe sans équivoque une sous-représentation des possessions d’Afrique du Nord par rapport au reste du continent africain.

      En dehors de celles qui annoncent les expositions coloniales, les affiches choisissant l’Afrique pour décor et ses populations pour actrices peuvent être rangées en trois catégories majeures… » (p161)

Un seul commentaire : à la condition sine qua non que la « centaine » de documents puisse en « attester » comme échantillon représentatif.

     Raymond Lefèvre « Le cinéma colonial » (p,170 à 173- 6 images) :

     – I = oui – Ex = oui – Prop. = ?

      Un article intéressant, mais sans qu’il soit possible d’en tirer une conclusion représentative à la fois du nombre de films et de leur succès.

       La référence du sujet est, à mon avis, celle de Pierre Boulanger.

      Olivier Peyron «  Les Timbres-Poste », (p,174,175 – 7 images) :

     I = oui – Ex = sûrement – Prop. = non, impossible à évaluer.

     Tayeb Chenntouf «  La méditerranée coloniale » (p, 176 à 183 – 31images) :    I = oui – Ex = oui –  Prop. = ?

Commentaire : il est intéressant de relever la situation suivante :

        « Dans l’entre-deux guerres – en réalité depuis le début du siècle – les images de l’Afrique du Nord qui circulent en France sont enrichies d’une iconographie produite en Algérie, en Tunisie, et au Maroc par des Français nés dans la colonie et les deux protectorats. » (p,181)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

VI – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? V – « Propagande économique et décolonisation » – VI  » Autres regards »

VI – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

V – Propagande économique et décolonisation 1945-1962 (page 218 à 264)

46 pages et 108 photos

VI – Autres regards (page 265 à 289)

        Nicolas Bancel et Ghislaine Mathy « La propagande économique » (pages 221 à 231)  (10 pages – 26 images)

        I = ? –  Ex = ? – Prop. = ? De quelle propagande s’agit-il ? Dans la continuité de celle supposée, antérieure à 1939 ?

Commentaire : cette chronique souffre de plusieurs défauts, notamment l’insuffisance d’analyse du cadre juridique et financier d’une période qui n’avait plus rien à voir avec celle de la Troisième République fondée sur le self-suffering des colonies : la France était passée à une conception fondamentalement différente des relations « coloniales», celle de Plans financés par le FIDES, avec les trois clés de financement, subvention, prêt, et avance, la clé subvention se substituant très rapidement aux deux autres clés.

      Est-ce que cette sorte de révolution aurait été possible sans le Plan Marshall ?

       Traiter d’une propagande sans évaluation des vecteurs et de ses effets dans un exercice d’analyse économique suscite naturellement plus de questions que de réponses.

        Les  auteurs écrivent : «  Il est très difficile d’établir un chiffrage précis, à la fois de la diffusion des publications semi-officielles du Ministère et de l’impact de cette iconographie de la presse. L’étude d’un corpus partiel permet d’affirmer que la propagande coloniale étatique a presque entièrement submergé l’iconographie des périodiques non  spécialisés » (p,227)

       Comment comprendre la logique de ce langage historique ?

       A  la fin de leur texte, les auteurs écrivent :

      « Les images sur l’économie du continent africain qui martèlent dans les mémoires françaises son infériorité constituent une des facettes de l’idéologie du progrès. Ces images sont indissociables de ce discours sur la nationalisation de l’économie qui a débouché sur l’expérience de la planification et finit par s’imposer après les indépendances.

        Il y a actuellement coexistence entre l’universalité technique du monde  occidental et les particularités culturelles des autres civilisations qui ont aujourd’hui à faire valoir leurs réponses à leur propre devenir. » (p,230, 231)

        Comment comprendre le sens de ces expressions écrites par deux auteurs qui, après avoir déroulé un discours historique aussi imprécis que lacunaire, osent utiliser les expressions les « images… qui martèlent dans les mémoires françaises… son infériorité… » ?

      Ajouterais-je enfin qu’il m’est arrivé de m’étonner ailleurs sur les caractéristiques statistiques très hypothétiques d’un sondage effectué par le même chercheur auprès d’anciens élèves de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, afin de nous expliquer doctement, sur la base d’un pourcentage de réponses anodin, que leur recrutement avait été motivé par leur appartenance passée à des mouvements de jeunesse, entre autres sportifs ?

      Nous y reviendrons plus loin dans la quatrième partie du mouvement de réflexion , dans notre résumé à propos des sondages, qu’il s’agisse de ce dernier ou de celui de Toulouse effectué en 2005.

       Elisabeth Rabut « Un acteur de la propagande coloniale : l’Agence des Colonies » (p, 232 à 236 – 12 images) : Intérêt = oui – Ex = non – Prop.  =  ?

Commentaire : une analyse précise et synthétique de l’Agence des Colonies, de son historique, son organisation, et ses moyens, avec en finale une interrogation :

     « La propagande sous ses diverses formes paraît s’être développée en confondant progressivement objectifs et moyens : selon quelle chronologie ? Sur quels fondements ? Pour quelle image du monde colonial ? » (p, 235)

      Bonne question, outre celle relative à la place chronologique de cette analyse dans l’ouvrage ?

       Le lecteur trouvera plus loin, dans le quatrième mouvement de notre réflexion, une longue chronique sur la propagande coloniale, telle qu’elle a existé, et non pas comme celle décrite par Sandrine Lemaire dans les ouvrages de ce collectif.

      Jean Barthelemi Debost « La publicité” (page 236 à 240 – 13 images)   :

      Intérêt = oui – Ex = ? – Prop.  = ?

Commentaire : sommes-nous encore dans le domaine de la propagande coloniale qu’il s’agisse  de la chronologie ou du fond ?

       La sémiologie a-t-elle été mise à contribution ?

        Retenons quelques-unes des expressions utilisées : « L’image de l’Africain des vingt-cinq années (c’est-à-dire de 1945 à 1970 ?) qui ont succédé à la Seconde guerre mondiale devient terriblement complexe…On l’a vu, la publicité chérit le stéréotype… » (p,239)

       Qu’en conclure ?

     Michel Pierre – « L’Afrique en bande dessinée (pages 241 à 245 – 19 images) :  Intérêt = oui –  Ex = oui – Prop. = ?

        « Il n’est pas d’aventure coloniale sans production de mythes aux couleurs des rêves, sans jeux de miroir sur la réalité. Dans la formation de cet imaginaire, la bande dessinée ou plutôt les « illustrés » comme on disait autrefois a joué un rôle essentiel même s’il est difficilement mesurable. Mais on devine comment des séries américaines ou européennes, Tarzan, Jim la Jungle, Akim … ont façonné des croyances, encouragé ou suscité des vocations… » (p, 241)

       Youssef El Ftouh et Manuel Pinto « L’Image  de l’Afrique dans le cinéma » (page 246 à 249 – 6 images) : Intérêt = oui – ex = oui – prop. = ?

       Deux remarques préalables, le propos couvre la période 1895-1962, et fait concurrence à une autre chronique du même livre.

      « Des débuts du cinéma en 1895 à la fin de la période coloniale en 1962, l’Afrique noire et surtout le Maghreb, ont servi de toile de fond et de lieu d’action à plus de 250 films de fiction, des centaines de documentaires, de films d’actualités et de publicités, pour ne citer que la production française….

      Car bon nombre de ces représentations perdurent encore tant au niveau des images que de l’imaginaire… Nous vous livrons ici à quelques notes d’un visionnage toujours en cours… » (p,246)

      « Esclaves « comiques » et rayés

       Les « Africains » faut-il le rappeler ne sont pas les personnages principaux de ces films…(p,247)

       En comparaison avec le Maghreb, peu de fictions françaises seront réalisées en Afrique noire, une vingtaine tout au plus… (p,248)

      « Civiliser c’est blanchir

     En résumé, le cinéma colonial traduit de manière remarquable l’idée d’une France venant « civiliser » un continent de « sauvages » et de « barbares »….(p,249)

Commentaire : plus haut, les auteurs avaient relevé « C’est l’Indien de l’Atlas », une image qui me parait assez bien résumer cette analyse qui soulève maintes questions liées à sa représentativité et à ses effets sur le public, quant à savoir si l’Afrique et l’Africain noir figuraient bien sur ces écrans, et quant au chiffre effectivement faible des films contenant un thème africain, noir ou maghrébin.

      Les spécialistes vous citeraient le nom d’un film américain tourné aux Etats-Unis dans un décor marocain.

        Benjamin Stora, « Quelques images fixes d’une fin d’Empire » (pages 250 à 264 –  32 + 24 images) : Intérêt = ? – Ex = ? –  Prop. = ?

       VI – Autres regards (page 266 à 288)

        Les contributions publiées ne manquent pas d’intérêt, mais elles sont éloignées de l’objet principal de l’ouvrage, à savoir la question de savoir s’il y avait bien une propagande coloniale en France, et si oui quels en ont été les moyens et les effets.

      L’image d’introduction de la partie VI du livre, le choix d’un dessin du journal satirique  l’Assiette eu Beurre (1902) est déjà tout un symbole : un soldat présente à un officier deux noirs embrochés sur une baïonnette.

       Le livre « Culture coloniale » a ouvert de la même façon illustrée la « Partie I Imprégnation d’une culture » (1871-1914), page 40.

        Cette caricature figue dans la contribution de l’historien Claude Liauzu intitulée « L’iconographie anticolonialiste » (page 266 à 271 – 15 images) –absent au Colloque de 1993.

      Ce texte est illustré de nombreuses caricatures aussi horribles les unes que les autres, mais l’anticolonialisme n’a jamais été dans notre pays, en tout cas jusque dans les années postérieures à la deuxième guerre mondiale, très vivant.

          A titre personnel, j’y verrais plutôt le désintérêt que manifestait une fois de plus l’opinion publique à l’égard des sujets coloniaux, beaucoup plus  qu’une adhésion au colonialisme qu’il fallait combattre : le mot ne fut connu qu’en 1910, comme l’indique le petit livre jaune « Les mots de la colonisation » de Sophie Dulucq, Jean François Klein, Benjamin Stora, page 30 .

      « L’image de l’autochtone maghrébin » de Malek Chebel (page 272 à 278 – 16 images) – absent au Colloque de 1993

       Un texte au contenu intéressant mais qui pose à nouveau le problème de l’objet même de ce livre, à savoir : regards des Français ou regards des peuples colonisés ?, sauf à dire qu’il s’agit d’une analyse de type rétroactif, étant donné que ces images furent dans la plupart des cas inconnues des peuples colonisés.

     « Regard : Images coloniales sur l’Afrique Noire » d’Achille Mbembe (page 280 à 289 – 10 images) – présent au Colloque de 1993

         L’historien traite le sujet avec une forme de violence intellectuelle que l’on peut comprendre, en notant toutefois que son propos concerne une partie de l’échantillon d’images coloniales proposé, en acceptant les deux postulats de raisonnement suivants : 1) l’échantillon proposé serait représentatif des situations historiques visées, 2) ces images auraient marqué, par hypothèse, leurs récepteurs français.

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

Les quartiers sensibles et la République Française ? Un Plan France des quartiers !

Les quartiers sensibles et la République Française ?

Propositions : un vrai ministre motivé à plein temps, une équipe motivée à plein temps, et un Plan France des Quartiers !

Dans les journaux du jour :

« 15 milliards d’euros pour les formations numériques sur cinq ans », « 10 milliards pour le secteur HLM » …

Combien de milliards pour les quartiers ?

            Depuis de très nombreuses années, je plaide pour que nos gouvernements et nos assemblées décident de mettre en œuvre un plan pluriannuel et global d’insertion des quartiers sensibles dans la République Française.

            Sur ce blog, j’ai appelé à plusieurs reprises l’attention des lecteurs sur ce sujet sensible, à la fois sur les diagnostics et sur les solutions.

            Je rappellerai notamment la chronique que j’avais proposée le 1er mai 2010 pour la lecture du livre de Luc Bronner « La loi du ghetto ».

            Huit années plus tard, les choses n’ont pas véritablement avancé, car si le Plan Boorlo fut une bonne chose, des milliards d’euros pour la rénovation urbaine, il y manquait toutefois un volet politique, culturel, économique et social. A lire la presse, il semble que dans un rapport récent Monsieur Borloo reparte sur la même lancée, les murs et non les hommes.

            Ces quartiers ont besoin depuis longtemps d’une réappropriation de leur tranquillité civile, de la création d’un réseau serré de soutien culturel, social et scolaire, d’un programme d’investissements publics d’aide à la création d’entreprises, d’un véritable effort de longue durée, au minimum d’une dizaine d’années sur l’emploi des jeunes et des moins jeunes de ces quartiers.

            L’Etat, c’est-à-dire vous et moi, en notre qualité de citoyens et de citoyennes, sommes actionnaires de plusieurs entreprises publiques ou privées de moyenne ou grande taille. Il faut les inciter, sinon les obliger à investir dans ces lieux.

            En bref, ces quartiers attendent que la République Française reprenne possession des quartiers !

            J’ai également proposé dans le passé de revoir les procédures publiques pour que juridiquement et réellement, les habitants de ces quartiers soient associés à la vie de leur commune, en faisant appel à des comités de quartiers élus et obligatoirement consultés sur les grands sujets de la cité.

            Enfin, tant que ne sera pas désigné un ministre à plein temps et motivé, disposant de la cagnotte budgétaire nécessaire, de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros, la partie ne pourra pas être gagnée !

            Rappelons à titre de comparaison que les fonds de la formation professionnelle représentent plus de 30 milliards d’euros.

            Deux réflexions pour terminer :

            1 – La France va-t-elle enfin mettre en œuvre un Plan France Républicaine, comme les États-Unis l’avaient fait en 1945 avec le plan Marshall ?

            Les gouvernements de la France sont toujours prêts à dépenser des milliards pour intervenir militairement à l’étranger, au Sahel ou ailleurs, ou à fournir des aides au développement, mais ils n’ont pas le courage de faire face aux défis de ces quartiers.

            Peut-être conviendrait-t-il de créer une Agence Française de Développement pour nos quartiers ? Comme il en existe pour l’Afrique ?

            2 – Il est évident qu’aucune initiative majeure comme celle-là ne connaîtra le succès, sans contrôler, autrement que par le passé, les flux réguliers ou irréguliers de l’immigration.

     Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? – 4

4

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

Eclairage critique sur le modèle des Lettres Persanes !

           Une histoire postcoloniale idéologique au service de l’autoflagellation nationale !

      Avec la mondialisation, l’explosion démographique de l’Afrique, le multiculturalisme en vogue, une arrivée tout d’abord clandestine de l’islam dans notre pays, la poursuite de flux d’immigration, régulière ou clandestine, qui viennent grossir la population des quartiers sensibles, dont certains semblent en partie échapper aux règles républicaines, il est évident que des discours historiques souvent habillés de fausse science ne facilitent pas l’intégration de populations qui cumulent les handicaps.

          Dans le livre « La Fracture Coloniale »  (2006- Sous la direction de la triade Blanchard, Bancel et Lemaire),  leurs trois auteurs n’hésitaient pas à écrire :

           « Retour du refoulé…qui font de la fracture coloniale une réalité multiforme impossible à ignorer (p.10)… la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savante (ce que l’on nommera ici une culture coloniale) (p.13). De ce champ de bataille mémoriel (p.23)… la banlieue est devenue un théâtre colonial » (p.23).

         Un champ de bataille mémoriel, s’il existe, ouvert par cette catégorie de chercheurs !

        Ces récits sont évidemment de nature à créer un état d’esprit dangereux pour la paix civile, comme on le voit aujourd’hui avec les tentatives d’un Islam radical pour déstabiliser la République dans son état de droit, dans ses modes de vie, dans son respect des libertés de conscience et d’expression, dans le droit des femmes.

          A Alger, le 21 février 2017, au cours de sa campagne électorale, le Président actuel a eu le très mauvais goût  de juger que la colonisation française en Algérie fut « un crime contre l’humanité ».

          C’est l’exemple même de la caricature historique.

        Les carences de méthode intellectuelle : les deux exemples de la thèse du collectif Blanchard sur la période coloniale et de la thèse Huillery sur l’ancienne Afrique Occidentale Française.

       Elles ne sont pas obligatoirement représentatives des travaux actuels de l’histoire postcoloniale, mais elles bénéficient de toute la lumière que lui accordent sans compter  les médias.

        J’ai passé beaucoup de temps à analyser les deux types de thèse, la première assez classique pilotée par Pascal Blanchard, et celle novatrice, richement dotée en outils économétriques, d’Elise Huillery.

        Les cibles de la thèse Blanchard sont très ambitieuses, en temps et en lieux, alors que la cible de la thèse Huillery est cantonnée à la seule Afrique Occidentale : il est évident que la taille des cibles n’est pas du tout  la même, tout en notant qu’en choisissant pour cible l’ancienne Afrique Occidentale Française, Mme Huillery a fait un choix qui n’est pas anodin, compte tenu des relations de toute nature que la France a conservées avec ces territoires..

       La thèse du Collectif Blanchard s’est exprimée dans les ouvrages : thèse Blanchard Sorbonne 1994 (TB) – Culture Coloniale 2003 (CC) – La République Coloniale 2003 (RC) – Culture Impériale  2004 (CI) – La Fracture Coloniale 2005 (FC). L’Illusion coloniale 2006 (ILC)

&

         Il serait dommage de ne pas rappeler que le manuscrit « Supercherie coloniale » a fait l’objet d’une lettre de refus très aimable de la part d’un des grands éditeurs de la place, dont vous trouverez ci-après l’essentiel du texte :

       « Paris le 5 juillet 2007

        Concerne : Supercherie coloniale.

      Cher Monsieur,

        Je vous remercie vivement de vos deux textes.

         Je les ai appréciés à leur juste valeur, bien entendu, sur la même longueur d’onde que vous. Mais, pour vous dire la vérité, je n’ai aucune envie de me lancer ou de laisser …. se lancer dans une polémique directe avec des auteurs nommés (et dont un a même été publié dans la Maison !).

           Votre avant-scène postcoloniale m’a par ailleurs bien amusé.
        J’espère que vous trouverez un autre éditeur et vous assure, cher Monsieur, de tous mes sentiments les meilleurs. »

       N’ayant pas trouvé d’éditeur, j’ai fait appel à une petite maison d’autoédition.

      Puis-je rappeler aussi le petit écho que j’avais donné sur ce blog à la mésaventure « idéologico-politique » que ce livre avait connue avec la Mairie de Paris (mandat Delanoë) ?  Une bonne citoyenne m’avait informé gentiment qu’elle avait trouvé l’un des deux spécimens que j’avais pris le soin de déposer auprès du service des bibliothèques, dans une librairie-solderie de Paris.

          Il me parait donc intéressant de proposer ci-après le texte de « l’avant-scène postcoloniale » aux lecteurs :

« En avant-scène postcoloniale »

Et sur les pas du célèbre Montesquieu

Comment peut-on être Malgache à Paris au XXI° siècle ?

            De Jérôme Harrivel, Cité Universitaire Internationale, à Paris, à sa chère et tendre Vola, restée à Faravohitra, à Antananarivo,

       Octobre 2001 – Comme tu le sais, à l’occasion du match Algérie France, dans ce magnifique stade de France, (quand en aurons-nous un aussi beau dans notre belle capitale ?) une partie du public a sifflé l’hymne national des Français. Tu vois le scandale ! Je n’y étais pas, car tu connais l’amour très modéré que je porte au sport. Cela m’a beaucoup étonné, moi qui croyais que l’Algérie était indépendante depuis 1962. La France était-elle devenue, à son tour, la colonie de l’Algérie ?

    Septembre 2003 – Des amis français m’avaient convié à une soirée à la campagne, une campagne toute verte comme tu l’aimerais, près du Mans. A un moment donné, un des convives se mit à évoquer des livres récents qui traitaient de l’histoire coloniale de la France. Tu sais que les Français ne s’y intéressent pas beaucoup,  mis à part la guerre d’Algérie, qui a laissé des traces profondes dans beaucoup de familles françaises.

            Je ne m’estimais pas vraiment concerné, lorsque j’entendis ce convive parler de « bain colonial », et aussitôt je fis une association d’idées avec notre grande fête du bain de la Reine, notre « fandroana », mais il ne s’agissait pas de cela. C’était bien dommage, car la cérémonie du bain revêtait une grande importance  dans notre monarchie. Beaucoup de faste, une grande foule, le bain de Ranavalona III derrière le rideau rouge, la couleur sacrée, avec ce petit grain de folie religieuse qui mettait du sel dans le rituel sacré du bain, l’aspersion de la foule venue entendre le « kabary » de la reine et assister à son bain caché, avec l’eau qui avait servie au bain de la reine, une eau naturellement sacrée. Une lointaine parenté sans doute avec l’eau bénite, sans vouloir blasphémer le rite catholique !

       Février 2005 – Un de mes bons amis malgaches m’a entraîné au Forum des Images de la Ville de Paris pour assister à une des séances du festival des films coloniaux qui y avait lieu.

Deux personnes commentaient ces documents, un belge, je crois, et un universitaire africain dont j’ignorais le nom. Pour nous mettre sans doute dans l’ambiance idéologique de cette séance, le présentateur belge avait distribué une note de présentation dans laquelle il énonçait quelques fortes vérités, je cite :

           « C’est au nom de la légitimité coloniale que l’on filme les femmes au torse nu…c’est la relation d’assujettissement du colonisé au colon. C’est la violence légale,  naturelle de l’ordre colonial qui apparaît lorsque l’on regarde ces images… on perçoit régulièrement les signes d’un déni d’humanité accordé à l’indigène dont le filmeur (sic) d’alors n’avait pas conscience. »

        On nous a projeté plusieurs films d’amateurs de qualité tout à fait inégale. L’un d’entre eux a attiré mon attention, parce qu’il avait été tourné chez nous, par un vazaha (un blanc) sans doute riche, car il le fallait pour disposer d’une caméra. A un moment donné, on voyait une femme blanche assise dans un filanzana, notre fameuse chaise à porteurs, portée donc par quatre bourjanes, et le commentateur de souligner doctement, et une fois de plus, que cette image était un autre symbole du colonialisme en action.

       A la fin de la projection, un vazaha s’est levé et a pris la parole pour expliquer à la salle que tous les gens riches de Madagascar, nobles, hauts fonctionnaires militaires ou civils, marchands fortunés recouraient habituellement à ce mode de transport à une époque où il n’y avait aucune route dans l’île, et donc aucun véhicule à roues. Je me suis bien gardé d’intervenir, mais l’échange m’a bien amusé.

        Mai 2005 –  Un grand débat agite les médias et le microcosme politique, sur l’esclavage et  le rôle positif de la colonisation française. Des députés, toutes tendances confondues, de droite et de gauche, ont eu une foutue bonne idée de faire reconnaître par la loi le rôle positif de la colonisation. Grand chahut chez les historiens et au sein des associations qui ont l’ambition de défendre la cause des populations immigrées, notamment de celles qui ont publié un appel d’après lequel, leurs ressortissants seraient les  indigènes de la république.

            Prudence de notre côté étant donné le passé de notre grande île et de l’abolition relativement récente de notre esclavage. Certains de nos lettrés ne disent-ils pas que les descendants des andevos, nos anciens esclaves, portent encore dans leur tête leur passé d’esclave, avec la complicité des descendants de leurs anciens propriétaires d’esclaves. Nous sommes d’ailleurs bien placés à Madagascar pour savoir que la traite des esclaves s’est prolongée longtemps en Afrique de l’Est, dans l’Océan Indien, et dans le Golfe Persique, avec les traditionnels trafics arabes d’esclaves.

            Je te signale d’ailleurs qu’une historienne de La Réunion prend des positions hardies dans ce difficile débat.

            Je recommanderais volontiers la même prudence aux descendants des grands royaumes négriers de l’Afrique du Centre et de l’Ouest.

        Novembre 2005 – En France, la mode est aujourd’hui à la repentance. Les Français adorent ça et se complaisent dans leurs défaites militaires qu’ils célèbrent avec une joie masochiste. Le président Bouteflika somme la France de se repentir, alors que la guerre d’Algérie a été un affrontement de violences des deux côtés, et que l’Algérie indépendante sort à peine d’une guerre civile cruelle.

            Dans toute cette affaire, plus personne ne comprend plus rien à rien, entre ce qui relève de la mémoire et ce qui relève de l’histoire ! Je me demande si certains historiens ne s’intéressent pas plus à la mémoire qu’à l’histoire.

        Octobre 2006 – Tu vois, l’Algérie est toujours au cœur du problème français, et certains historiens ont du mal à travailler sur l’histoire coloniale sans être obsédés par l’Algérie, toujours l’Algérie, qui parait d’ailleurs de plus en plus présente en France, plus de quarante ans après son indépendance. Un politologue, espèce difficile à définir, a commis un livre, ou plutôt un crime contre la raison, en énonçant le postulat qui voudrait que « Coloniser,  c’est exterminer », et bien sûr en raisonnant sur l’Algérie. Ce politologue s’est fait ramasser dans les grandes largeurs par deux éminents historiens de l’Algérie.

              Ce mois-ci, Blois a accueilli les 9ème Rendez Vous de l’Histoire. A l’occasion d’un Café Littéraire, tu te souviens du rôle des cafés dans l’histoire littéraire parisienne, un dialogue musclé s’est engagé entre le principal prosélyte d’une nouvelle histoire coloniale et l’auteur d’un livre intitulé « Pour en finir avec la repentance coloniale », précisément dans le cas de l’Algérie. Le prosélyte de lui lancer : « Vous êtes un historien révisionniste, ça vous fait triper (sic) ». Je me serais bien gardé d’intervenir dans ce débat : il n’y a pas si longtemps, notre grand Amiral marxiste, dictateur et chef de l’Etat, aurait brandi aussi facilement ce type d’accusation. » Jérôme Harrivel

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

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