Macron en Afrique ! Le grand débat ? Comment s’en sortir ? La solution: un grand sorcier d’Afrique !

Macron en Afrique !

Le Grand Débat?

Comment  s’en sortir ?

La solution : un grand sorcier d’Afrique !

            Le Président entreprend une tournée en Afrique, et la question qui vous brûle naturellement les lèvres, compte tenu du grand désordre qui règne en France : l’« Homme Blanc » ne va-t-il  pas y chercher le sésame miraculeux des dieux d’Afrique, tel qu’on en trouve encore quelques-uns dans certaines de ces lointaines terres bénies : le secret des « faiseurs de pluie », une pluie miraculeuse ?

            Dans l’héritage du héros d’un roman de Saul Bellow (1961), Monsieur Henderson, ami d’un roi africain en pays zoulou, et « faiseur de pluie ».

       Compte tenu de l’itinéraire choisi, entre Djibouti, l’Ethiopie et le Kenya, et compte tenu des affinités religieuses des terres visitées, le Président n’aura guère le choix, sinon trouver la perle rare en terre kényane, peut-être chez les Kikuyu, les Luhya, ou les Kamba…     

                     Jean Pierre Renaud

Exercice : l’objet d’art africain dans une glace sans « tain » !

Prologue

Pourquoi un tel titre ?

            Chacun connait l’usage d’une glace, usage modéré ou immodéré selon les jours, l’âge, la société, ou l’époque dans laquelle on vit. Chacun sait tout autant que cet exercice peut être aussi bien agréable que désagréable : tel est aussi le regard que nous sommes capables de poser sur notre passé national.

            Une glace a l’avantage de refléter une image d’un soi, qui est, ou n’est pas celle de son vrai soi, et il en est de même pour le passé d’un pays qui se regarde dans une glace : il n’est pas toujours facile d’assumer totalement son passé, pour autant qu’il soit d’ailleurs connu, ou qu’il puisse l’être au fur et à mesure des siècles, et sur tous les continents.

            Tenter de mettre devant la glace du passé, les objets d’art africain que l’on trouve dans les musées ou sur les marchés, constitue donc un art difficile, truffé d’énigmes, alors que les histoires ou les mémoires ont toujours fait l’objet de manipulations d’écriture dans tous les pays et à toutes les époques, soit par servilité – l’obéissance à l’autorité ou à une idéologie -,  soit par l’absence de sources écrites crédibles, soit tout simplement par ignorance ou incompétence.

          Le dossier de « restitution » d’objets d’art « conservés » soulève, comme nous le verrons, de redoutables questions de lecture historique des objets en question.

         Si une glace est un bon instrument d’analyse historique du passé, une glace sans tain ne peut manquer de fausser le regard, à condition de le savoir ou de s’en douter, à partir du moment où quelqu’un nous voit, sans qu’on le voie et qu’on le sache, et dans le cas de l’histoire, joue son jeu.

      Dans le cas considéré, je n’aurai pas la cruauté de faire un jeu de mot facile en hésitant entre les deux écritures de tain et de tin, pour ne pas nommer un Monsieur qui, au fil des années, tisse sa toile anachronique de revendication et de réparation.

             En prélude :

       Premier prélude, celui de Monsieur Marsal, un excellent professeur de philosophie et de logique qui, à Louis Le Grand, forma ses élèves à l’esprit critique et à la réflexion : dans son exercice intellectuel favori, il nous faisait commenter un texte en exposant son contenu, premier mouvement, et en le critiquant, deuxième mouvement contraire. (auteur du Que sais-je « L’autorité »)

       Dans ce bel établissement, nous avions aussi d’excellents professeurs d’histoire, de géographie, de littérature, et d’anglais.

        Ce premier prélude, en véritable parrainage,  m’autorise à inviter de nombreux chercheurs postcoloniaux à confronter leurs discours à un passé africain qu’ils connaissent mal ou pas du tout, je parle avant tout ici de l’Afrique de l’Ouest.

       Je vise ici tout particulièrement les livres du « modèle de propagande postcoloniale Blanchard and Co » issus d’un ouvrage collectif « Images et  Colonies- 1993) dont le contenu n’infusait pas  une propagande coloniale ou postcoloniale.

      Dans le cas des objets d’art, je les inviterais volontiers à confronter leurs  thèses à la réalité de l’histoire africaine des années de la colonisation française, « face à une glace sans tain ».

     En deuxième prélude, une compétence revendiquée de chercheur historien amateur qui vaut largement celles de chercheurs qui se piquent de savoir interpréter les images de propagande coloniale, sans avoir une connaissance approfondie de l’histoire coloniale, ou qui se piquent de savoir interpréter ces images sans formation sémiologique, ou encore en oubliant complètement les données de l’histoire quantitative (évaluation des vecteurs et des effets), quand il ne s’agit pas de faire tout simplement son « marché » éditorial postcolonial.

      Les lecteurs intéressés peuvent consulter les chroniques de ce blog que je publie depuis 2010, et les ouvrages que j’ai publiés à compte d’auteur, notamment le livre « Supercherie coloniale », une récapitulation, en 2008, des critiques que je portais à l’endroit des ouvrages du modèle de propagande cité plus haut.

       En troisième prélude, celui d’une France donatrice, pourquoi pas ? Afin que les nouveaux Etats d’Afrique de l’Ouest connaissent mieux leur passé, si tant est qu’ils l’ignorent, une France coloniale qui fut aussi « conservatrice » de leur patrimoine, avec le concours capital de l’IFAN.

      L’exercice historique portera sur deux points essentiels :

     Premier point, l’art du Bénin, ou de l’ancien « Dahomé » (dans le « ventre de Dan »), centré sur l’ancien royaume de Béhanzin

    Deuxième point, les très nombreuses questions religieuses, culturelles, juridiques, monétaires, ne serait-ce que leur datation,  que ces revendications d’objets d’art posent dans le contexte historique de l’époque coloniale.

      Pourquoi ne pas souligner que ce dossier est plein d’énigmes ?

 2 – L’art africain du Bénin

      Tous ceux qui ont depuis longtemps apprécié l’art africain, souvent des découvreurs, amateurs, collectionneurs, artistes ou marchands dans les premiers temps, puis de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’on les exposait en Europe ou ailleurs, trouveront peut-être que le débat actuel est tout à fait dérisoire, d’autant plus que les transferts en question ont contribué à mettre en valeur les œuvres d’art du continent africain, alors que cet art n’était le plus souvent pas reconnu comme un art, en Afrique ou ailleurs.

      Pourquoi ne pas souligner dès le départ, qu’un tel sujet aurait vivement besoin d’un bon « récadère » historique, de compétence égale dans ce domaine à ceux qui ouvraient la voie à l’étranger avec leurs « bâtons » dans les royaumes du Dahomé de l’époque au nom de leurs rois ?

Première interrogation :le mot « Bénin » ne serait-il pas un piège ? L’ouverture d’une boite de Pandore ?

    « Il ne faut pas en effet « confondre le Bénin historique – royaume prestigieux connu depuis le XVème siècle et situé dans le centre-Ouest de la République fédérale du Nigéria (ville de Bénin City sur la carte) – avec la « République populaire du Bénin » qui a  succédé en 1975 à la République du Dahomey.

     C’est le commandant Kérékou (un Somba du massif de l’Atakora), alors adepte du socialisme scientifique qui a mis en avant ce nouveau nom. .. Peut-être voulait-il prendre ses distances vis-à-vis des gens d’Abomey.

     Quand il est question dans les ouvrages spécialisés et les expositions de « l’art du Bénin », c’est le Bénin historique dont il s’agit. Ce sont surtout des bronzes, (têtes commémoratives, plaques de piliers).

     Ces objets ont fait leur apparition dans les collections à la suite d’une « expédition punitive » des Anglais contre le roi du Bénin (l’iba) en 1897. Les Anglais ont conservé une partie de ce trésor royal pour le British Muséum et vendu l’autre pour couvrir les frais de « l’expédition punitive ». Le Musée ethnographique de Vienne avait été un gros acheteur ; en 1990, il a présenté à la Fondation Dapper un échantillon de ses acquisitions.

     Pour les connaisseurs, c’est du grand art, sans doute au-dessus des productions du Dahomey.

     Par ailleurs à son apogée, au XVIème siècle, le Royaume du Bénin s’est étendu vers l’Ouest jusqu’à Ouidah, les étudiants qui entouraient Kérékou lui ont peut-être dit. » (M.A, un vieil ami de promotion, bon connaisseur du sujet).

     Les revendications du Bénin ne risquent-t-elles pas d’inciter l’Etat voisin de Nigéria à revendiquer les mêmes objets, étant donné que le siège du royaume puissant du Bénin était situé en Nigéria ?

     Dans d’autres pays d’Afrique, leur dénomination officielle risque de poser le même type de question.

      Deuxième interrogation : il est tout à fait exact que la conquête du Dahomé s’est traduite lors de la prise d’Abomey par un pillage des œuvres qui se trouvaient dans le Palais de Béhanzin, mais les conditions historiques de cette conquête mériteraient sans doute d’être mieux connues, pour au moins deux raisons, les coutumes sanguinaires de ce royaume – avec des sacrifices humains d’importance (esclaves ou prisonniers) – et d’autre part les pratiques esclavagistes du Dahomé.

       De multiples témoignages existent à la fois sur ces sacrifices – Mme Zinzou a d’ailleurs fait, sauf erreur, l’acquisition d’un des grands plateaux de sacrifice de la Cour royale -, de même que sur le soulagement qu’éprouvèrent alors les habitants des royaumes voisins, les Nagos, les Mahis, de Savé, ou encore les Baribas, très guerriers eux-mêmes, des royaumes dévastés par les razzias du Dahomé, aussi bien pour se procurer des esclaves que pour piller les richesses locales.    Il serait donc intéressant de savoir ce que les descendants des royaumes en question pensent des restitutions demandées, de la destination prévue, et de leur contexte historique de présentation locale.

     « J’oubliais, mais ce peut être intéressant pour un « historien amateur ». Le Royaume du Bénin avait lui aussi des « coutumes barbares » (sanguinaires ».(M.A.)

     Ceci dit, et à mes yeux, pour avoir beaucoup fréquenté l’histoire de la colonisation française de l’Afrique de l’Ouest, trop peut-être, je me suis souvent demandé quel pouvait être l’intérêt, pour ne pas dire la justification de la conquête du Dahomé, du Soudan, ou de la Mauritanie, sans citer d’autres territoires, Haute Volta, Niger ou Tchad…

      3 – De multiples questions posées :

       Quelle est la définition de l’art africain ? Ce que nous appelons l’art africain existerait-il sans la période des conquêtes coloniales et des colonisations de l’Occident.

     A l’époque de leur création, s’agissait-il d’art, d’objets de culte, d’ornements ou de signes de pouvoir ?

       Ces objets ne baignaient-ils pas dans un univers culturel ou religieux, visible ou invisible, bénéfique ou maléfique selon les époques ou leur origine ethnique ?

     L’énigme de la datation – Faute de pouvoir dater beaucoup d’objets, nombreux ont été les objets, masques, statuettes, ou sculptures,  qui ont été mis en vente sur le marché, sans qu’ils soient authentiques, un trafic on ne peut plus lucratif.

      Une fois ces premières difficultés résolues, il conviendrait de pouvoir identifier les conditions de la cession de tel ou tel objet, – cadeau, troc ou cession en cauris, vol – en fonction de sa contrée d’origine (Sahel, savane ou forêt), sinon de son ethnie d’origine, en pouvant distinguer entre celles sous influence musulmane, disposant d’une armature de lettrés et de textes écrits, mais réfractaires à toute image, et celles sous influence animiste ou fétichiste, de civilisation verbale.

      Dans ce dernier domaine géographique, le  rayonnement des objets « récoltés » est historiquement difficile à identifier, tant ce domaine de la création nous plonge dans un univers à clés de type magique détenues par des féticheurs ou des sorciers. Est-ce que ça ne pourrait pas être le cas dans le Bénin d’aujourd’hui, un pays où les couvents de féticheurs et féticheuses, notamment à Ouidah, ont toujours eu beaucoup d’adeptes ?

       Il est évident que derrière ce type de revendication que l’on peut considérer comme en partie légitime, l’on voit en permanence la main d’un courant idéologique, politique, culturel, universitaire, encore puissant, lequel, comme à son habitude, met les pleins feux sur la « face nocturne », et peu ou pas du tout, sur la « face diurne », la distinction historique que proposait Hampâté Bâ pour faire le bilan de la colonisation française.

            Une sorte de concours de beauté historique est entre les mains d’un courant d’autoflagellation historique, comme si nous avions réellement caché le passé de la France, avec sans le dire ou en le disant (voir M.Tin), la revendication d’une réparation en monnaie sonnante et trébuchante.          

      Je conclurai volontiers ma chronique en élargissant ce débat par nature austère, difficile, et relatif, à la question de la définition de ce qu’est l’art

      Dans les domaines de la sculpture ou de la peinture, chacun sait que, chez nous, à l’époque moderne, la peinture impressionniste ou abstraite n’a pas eu beaucoup de succès, alors qu’un Picasso a été un des premiers à reconnaître certaines formes de l’art africain.

       Que dire enfin, lorsqu’il s’agit de très grosses sommes de monnaie bien sonnante et bien trébuchante telles que celles de certaines ventes aux enchères internationales !

       Jean Pierre Renaud

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) Avec les Mémoires de Joseph Caillaux

DECISION COLONIALE, QUI DECIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

« MES MEMOIRES »

Tome 2

Mes audaces. Agadir…

1909-1912

Joseph Caillaux

Plon 1943

Lecture critique

La date de cette parution peut surprendre, c’est-à-dire en pleine époque d’une France occupée par les Allemands.

            La lecture de ces mémoires m’a donné l’occasion de faire connaissance avec son auteur, un des hommes politiques les plus brillants de la Troisième République, mais surtout de réviser un certain nombre de connaissances que j’avais acquises grâce à la lecture passée du livre d’Henri Brunschwig, « La colonisation française » et de son chapitre VII « Le Maroc et les interférences de politique étrangère. »

            La lecture du tome II m’a surtout permis de voir comment fonctionnait un gouvernement de la Troisième République quelques années avant la Grande Guerre, à la fois sur le plan de la politique intérieure et sur celui de la politique étrangère et coloniale : qui prenait la décision ?

            Ces mémoires illustrent parfaitement la conception de la politique étrangère que pouvaient avoir alors les puissances coloniales à l’égard des terres qu’ils s’estimaient en « droit » de conquérir.

            Rappelons que Caillaux fit partie de cette caste politique – les Jaurès, Briand, Barthou, Clemenceau, Poincaré – qui gouverna alors la France. En sa qualité d’Inspecteur des Finances, il manifesta en permanence de l’intérêt pour les questions financières (voir l’impôt sur le revenu), et fit tout d‘abord partie du groupe des Républicains (la gauche) qui furent le fer de lance des conquêtes coloniales, puis de celui des radicaux socialistes.

            Caillaux fut un Président du Conseil éphémère, comme le furent beaucoup de ses prédécesseurs et successeurs au cours de la Troisième République, moins de six mois entre le 27 juin 1911 et le 14 janvier 1912.

            Son passage fut essentiellement marqué par l’affaire d’Agadir et les initiatives concurrentes de la France et de l’Allemagne pour dominer le Maroc, avec l’enjeu parallèle du Congo, par une intervention française du type « fait accompli » à Casablanca et à Fez, et en réplique, le positionnement de la canonnière Panther à Agadir.

            Brunschwig écrit, en parlant du Kaiser :

            « Il espérait la cession du Congo Français » … « des conversations réunirent, en dehors du quai d’Orsay, le conseiller d’ambassade von Lankert et Caillaux à Paris, l’agent personnel de Caillaux Fondère et le ministre des affaires étrangères Kiderlen-Waachter à Berlin. Pendant un mois, entre le 15 juillet et le 15 août, on fut à deux doigts de la guerre. » (p,252)

Cette situation donne déjà une petite idée du fonctionnement concret de la diplomatie française « en  dehors du quai d’’Orsay » avec un « agent personnel ».

            Indiquons que ces mémoires constituent un plaidoyer pro domo de Caillaux, une justification de la politique qu’il a menée avec l’Allemagne, de l’accusation qui lui a été constamment faite d’être un pacifiste, prélude, plus tard,  d’une accusation de haute trahison qui lui valut d’être traduit après la guerre devant la Haute Cour.

          Il sortit de ce procès avec honneur.

            Nous verrons plus loin les arguments que Caillaux développait pour justifier ses positions.

            Il n’est pas superflu de préciser que Caillaux faisait partie d’une nouvelle génération d’hommes politiques qui succédaient à celle d’une partie des Républicains que le Panama avait dévorés, c’est-à-dire très largement corrompus.

            Le scandale du Panama s’était soldé, en 1888 par une ardoise de 1,4 milliard de francs or, soit 5,4 milliards d’euros 2015, pour 850 000 souscripteurs, dont beaucoup étaient des petits épargnants rentiers.

            Puis intervint, en 1894, l’affaire Dreyfus qui « coupa la France en deux » (La Troisième République, Jacques Bainville, p, 203).

           La France parlementaire était en gros divisée en deux camps politiques, le camp politique de la revanche, avec le retour de l’Alsace Lorraine au pays et des alliances avec la Russie et l’Angleterre, afin de contrer la puissance allemande, et le camp politique de ceux qu’on appelait les pacifistes, Jaurès, Briand, et Caillaux, lesquels recherchaient l’apaisement et la négociation.

          Avant d’esquisser mes observations sur les acteurs du scénario Caillaux, sur la scène française et internationale où se jouait ce scénario, et sur ses résultats, échec ou succès, il convient de reconnaitre que l’homme politique avait une belle écriture, notamment lorsqu’il l’exerçait pour faire le portrait des acteurs qu’il appréciait, mais surtout ceux qu’il détestait.

        Ces portraits dénotent aussi beaucoup de condescendance à l’égard de ses collègues

        Les acteurs

         Les acteurs politiques – A lire ce deuxième tome des mémoires, les acteurs du scénario Caillaux constituaient un petit cercle d’hommes, et rarement de femmes, qui se sont fréquentés, croisés, combattus, pendant de longues années, tout en faisant souvent partie du même petit monde politique parisien républicain, radical, ou socialiste du début du vingtième siècle.

      A côté des ministres en vue, Caillaux évoque quelques figures surprenantes, le couple Herbette Conti : « L’administration est conduite par le sous-directeur des Affaires politiques et par le chef de cabinet du ministre, tous deux nationalistes aussi ardents qu’inconsidérés. »

      Il s’agissait d’Herbette le chef de cabinet du ministre des Affaires Etrangères de Selves – les Allemands l’avaient surnommé Herr Bête – (p149), Caillaux n’hésitant pas à dresser le portrait peu flatteur du ministre :

       « Je me suis montré quant à présent aussi réservé que possible dans mes appréciations sur M de Selves. Je voudrais continuer. Je n’ai pas le droit de lui en vouloir de sa faiblesse intellectuelle qui  le fait prisonnier de son entourage – car on entend bien que toutes les puérilités qu’il débitait lui étaient serinées par les Herbette et tutti quanti. Je l’avais choisi sachant sa médiocrité, ne me doutant naturellement pas du degré qu’elle atteignait. Peu importe ! J’étais averti. J’aurais dû voir plus clair. «  (p,203)

        Il s’agissait du ministre des Affaires Etrangères !

       Il faut reconnaître que l’auteur, à l’exception de de Freycinet, et encore, dresse des portraits très acides d’autres acteurs de cette scène, ministres ou ambassadeurs.

        Il trace un  portrait élogieux de M.de Freycinet, avec toutefois un coup de pied de l’âne final, qui lui parut sans doute d’autant plus justifié qu’il contribua à satisfaire les ambitions de son petit-cousin de Selves, le ministre cité plus haut :

        « … L’occasion m’est donnée de tracer un léger croquis de lui. Je manquerai d’autant moins de la saisir que M.de Freycinet fut jusqu’à la fin de sa vie un des grands personnages de la République.

        Il en imposait par son passé, par sa merveilleuse intelligence, par son exquise aménité qui se mariait avec un aristocratisme de bon aloi. « Allez donc causer avec M.de Freycinet, » disaient les anciens aux jeunes ministres tels que moi, tels que Barthou, quand les circonstances nous mettaient aux prises avec une question difficile de gouvernement ou d’administration. Et nous allions solliciter dans un hôtel de la rue de la Faisanderie les éclaircissements qu’avec une lucidité incomparable distribuait, d’une voix fluette, un vieillard au profil de camée, tout grêle et tout blanc – la souris blanche fut son surnom.- « Le cerveau de cet homme est un filtre, « disait de lui Gambetta. Le tribun avait raison. Il avait non moins raison hélas ! quand il ajoutait : « Toutes les eaux en sortent pures mais infécondes. » A M.de Freycinet, comme à d’autres, plus qu’à tous autres, le caractère faisait défaut. » (p,47)

          Ou de la façon de choisir ses ministres, toujours de Selves, puis Klotz :

      «  Tout bien pesé, je me résignai : de Selves au Quai d’Orsay, moi dans un grand ministère politique, ailleurs des collaborateurs appropriés à leur tâche, ayant tous de la valeur. Une seule exception : Klotz aux Finances, Klotz dont il ne me venait pas à l’esprit de mettre la probité en doute mais que je savais un médiocre.

        Pourquoi, ayant cette opinion de lui, me suis-je assuré de sa collaboration ? D’abord parce que je n’avais guère l’embarras du choix. Le Parlement était presque aussi pauvre en financiers d’État qu’en diplomates… ». (p,80)

      Dans cette galerie de portraits, Caillaux fait un sort à Berteaux qu’il choisit comme ministre de la Guerre, alors que de Selves détenait le Quai d’Orsay, le couple ministériel qui est à la manœuvre dans les affaires marocaines, dont Caillaux dénonce le rôle dans le fait accompli de Fez, une intervention française qui ouvre une nouvelle fois le dossier du Maroc avec l’Allemagne.

       « Possesseur d’une énorme fortune, sachant largement dépenser, Berteaux disposait d’une immense clientèle. Son empressement à rendre service, son exquise bonté lui valaient d’autres amitiés, plus précieuses celles-là puisque désintéressées. Il conquérait jusqu’à ceux qu’horripilait sa passion de démagogie. Car cet homme d’une réelle valeur avait une tare : il était foncièrement démagogue. Je dis « foncièrement ». Je suis en effet convaincu qu’il n’entrait pas de calcul dans les attitudes de Berteaux…

         Ce n’est guère qu’en 1911 que les barrières tombèrent devant lui. Il sentit alors avec l’extrême finesse dont il était doué qu’il ne désarmerait les hostilités, qu’il ne parviendrait aux très, très hautes situations dont il rêvait que s’il inscrivait à son actif un geste national… voire nationaliste. Pourquoi pas ? il ne répugnait pas entièrement au nationalisme qui cousine avec la démagogie. Or voici que surgit l’histoire de Fez. Elle offre une occasion exceptionnelle de prendre une posture éclatante. Comment hésiterait-il ? «  (p, 65,66)

        Caillaux évoque à plusieurs reprises le personnage politique de Briand, en même temps autant admiratif que contempteur.

       « Il était certainement de bonne foi quand il jugeait que notre parti abusait de sa force vis-à-vis de ses adversaires. Mais, quelles que fussent les exagérations auxquelles il se complaisait en paroles, il était trop intelligent pour ne pas comprendre que le temps seul pouvait modérer l’âpreté des luttes entre hommes de gauche et gens de droite, que collaborer discrètement à cette œuvre de longue haleine par des conseils de calme distribués à propos était tout ce qu’un gouvernement pouvait faire.

        Il serait entré dans ses vues, il n’aurait pas brandi « l’apaisement » s’il n’y avait trouvé un moyen de transformer le régime et du même coup, d’asseoir son hégémonie personnelle. C’est ici que l’analyse à laquelle je procède devient délicate…

        Fondre tous les Français en un seul et immense parti selon l’expression exacte de Jaurès avec pour toute bannière « l’apaisement », se placer à la tête du pays, assurer la permanence de son autorité et la compacité de l’amalgame formé en instituant – ce fut sa grande trouvaille – la dictature des journaux sous son contrôle à lui, Briand, tel fut sa politique… l’entreprise avorta …

       Mais cela est une histoire qui sera contée tout à l’heure. Ce qu’il me faut expliquer de suite c’est comment le Président du Conseil de 1909 parvint à mettre sur pied l’extraordinaire combinaison qu’il avait, selon toutes probabilités, méditée depuis longtemps, comment il arriva à cartelliser la presse de Paris. » (p,23,24,25)

        Nous reviendrons plus loin sur le rôle de la presse à la veille de la Grande Guerre, car il s’agit d’un sujet qui ne me parait pas avoir encore assez attiré l’attention des historiens, au cours de cette période, notamment dans le domaine colonial, alors qu’il s’agissait d’un des rares vecteurs d’information ou désinformation qu’il était possible de mesurer.

        J’ai déjà eu l’occasion dans quelques-uns de mes écrits de faire le constat de cette carence historique notoire pour tout ce qui touche à l’histoire coloniale de la Troisième et Quatrième République.

       Les pages consacrées à Tardieu, une figure de la Troisième République valent le détour de lecture.

       « M.Hébrard, le directeur du Temps, vint plaider auprès de moi la cause de M.André Tardieu. Attaché au cabinet de Waldeck-Rousseau qui était lié avec les siens, nommé tout jeune inspecteur général adjoint des services administratifs du ministère de l’Intérieur, devenu par la suite inspecteur général titulaire, M.Tardieu rédigeait la bulletin de politique extérieure du Temps. Cumul critiquable, admissible cependant… à la rigueur ! Ce qui n’était pas tolérable c’est que M.Tardieu prétendit participer à des affaires internationales et qu’il soutint ou qu’il attaquât les ministres des Affaires étrangères suivant qu’ils secondaient ou qu’ils se refusaient à servir les intérêts pécuniaires de ses amis…. Ce que, en revanche, je relevais, c’était la position que M.Tardieu avait prise dans l’affaire de la N’Goko-Sangha. Il avait accepté, lui inspecteur général des services administratifs, de se faire contre l’Etat l’avocat stipendié de la Compagnie devant le tribunal arbitral constitué pour décider si la société concessionnaire avait droit à indemnité et pour en fixer le montant aux dépens du Trésor. Arrivant au ministère de l’Intérieur, je jugeai que je ne pouvais laisser passer sans sanction une incorrection – c’est le moins qu’on puisse dire – dont, si elle restait impunie, d’autres fonctionnaires pourraient s’autoriser pour en commettre de semblables.

       M.Hébrard défendit très vivement son collaborateur… Il me fit valoir le profit que je retirerais du concours dévoué que le rédacteur de la politique étrangère dans le plus grand journal de la République ne manquerait pas de me prêter…

         M.Hébrard fit valoir que ses deux prédécesseurs ne s’étaient pas formalisés de cette situation, M.M.Briand et Monis.

      « Je souris. Je consentis le geste de générosité qui m’était demandé. » (p,107,108)

      Caillaux semble découvrir à cette occasion le rôle secret que joue Tardieu dans les négociations engagées sur le Maroc.

       Tardieu était un brillant sujet, et le mélange des genres qu’il pratiquait ne l’empêchera pas de faire une belle carrière politique après la Première guerre mondiale.

    Dans la chronique que j’ai consacrée à la problématique « Subversion et pouvoir », le lecteur a pu constater que le lobby des médias fonctionne toujours aussi bien.

        Jean Pierre Renaud   –   Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) avec Joseph Caillaux 2 et 3

DECISION COLONIALE, QUI DECIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

2

        Les acteurs étrangers

     Quatre puissances étaient véritablement intéressées par le dossier marocain, la France tout d’abord, l’Espagne et la Grande Bretagne, et plus récemment l’Allemagne, avec l’ambition affichée du Kaiser, Guillaume II, de rattraper son « retard colonial », notamment en Afrique.

      En Europe, et face à l’Allemagne, la France avait noué des relations d’alliance avec la Russie, notamment sur le plan de la défense.

       Ses relations diplomatiques avec la Grande Bretagne restaient un brin ambiguës, tant ce pays avait pour constante attitude internationale de vouloir conserver sa liberté de manœuvre jusqu’au dernier moment.

       Il parait intéressant de dire un mot de deux représentants anglais et russe à Paris : Sir Francis Bertie, ambassadeur de Grande Bretagne et Iswolski, ambassadeur de Russie.

       Sir Francis Bertie : « Il m’amusait toujours de le voir. Je savourais son costume, ses allures. Le stick en bataille, la moustache au vent, le chapeau haut de forme campé de travers sur de beaux cheveux blancs bouclés, il marchait la tête haute, alerte, juvénile. Tenue tout à fait soignée… datant ! Saucissonné dans des jaquettes ou dans des vestons trop ajustés, portant la large cravate lavallière bleue à pois bleus… passée de mode, il ressuscitait les personnages de Dickens et de Thackeray.

     Mais, si l’aspect de l’homme faisait mes délices…. Si, tout compte fait, j’éprouvais une vive sympathie pour cet échappé des romans qui avaient enchanté ma jeunesse, je me sentais mal à l’aise vis-à-vis du diplomate.

       … – il était réactionnaire comme trente-six gendarmes -… Cette mentalité je crois l’avoir définie en appliquant à sir Francis Bertie un sobriquet. Je le dénommai à part moi The squire, le hobereau pour parler français….

        C’eut été perdre son temps que de lui montrer la transformation du monde, depuis cent ans ; perdre son temps de lui indiquer les dangers pour l’Europe, à commencer pour la Grande Bretagne, d’une conflagration qui pouvait ruiner, anéantir l’ancien continent au profit des Amériques…

       Après les paroles de bienvenue j’étale la carte de l’Afrique, je montre les ambitions allemandes. Je demande : « L’Angleterre consentira-t-elle à ce que l’Allemagne s’approprie les énormes territoires qu’elle convoite ?  – Mon cher, réplique Bertie, l’Angleterre laissera l’Allemagne prendre toutes les colonies qu’elle voudra pourvu que ce soient des colonies françaises. » Je rapporte textuellement la phrase, taillée à l’aune du squire. Je veux la tenir pour une boutade. » (p137,138)

      « La Russie, elle, avait une armée de terre magnifique sur le papier. Notre alliée ferait sans nul doute honneur à sa signature. Mais, était-elle prête ?

      Je n’eus pas besoin de convoquer le comte Iswolski ambassadeur de Russie pour lui poser la question. De lui-même il frappa à ma porte.

        A la différence de son collègue de Grande Bretagne, il n’était rien moins que plaisant à voir et à entretenir. Son aspect, ses allures, son langage, tout en lui trahissait une superbe dont il fallait se maitriser pour ne pas s’irriter.

       De belle stature, ne perdant pas un pouce de sa taille, vêtu avec la dernière élégance, le monocle vissé à l’œil, il était le spécimen le plus accompli, presque la caricature, du haut fonctionnaire tsariste. Chez lui comme chez la plupart de ses pareils, la suffisance dédaigneuse, incommensurable ! N’étaient-ils pas les serviteurs d’un grand souverain régissant un immense empire ?…

      Le comte roulait sans doute ces pensées dans sa tête, quand il entra il assit gravement sa morgue dans le fauteuil où, quelques jours plus tôt, le squire avait campé sa désinvolture dans mon cabinet avec l’attitude compassée, avec la démarche gourmée qui seyaient – il l’imaginait – au représentant de l’empereur de toutes les Russies.  (p140)

         … « Il me faut, monsieur le président, vous avertir que, quelles que soient nos dispositions d’esprit, nous ne sommes pas, à l’heure actuelle, en état de participer à une guerre européenne. »  (p,143)

       Ce qui était effectivement le cas après la mission  du général Dubail en Russie.

        Parmi les comparses officiels ou secrets de cette histoire figurait une  Mme M. de J…, amie, confidente du ministre des Affaires étrangères allemandes dont le récit ne révèle pas grand-chose, mais qui joua un rôle ambigu d’intermédiaire dans toute l’affaire

3

        Les scènes

      La situation internationale du Maroc avait fait déjà l’objet d’accords internationaux, en 1880, la Conférence de Madrid (huit signataires), en 1906, l’acte d’Algésiras (7/04/1906), des accords qui avaient placé le Maroc sous le régime commercial de la porte ouverte sur le plan international, avec les initiatives continues de la France pour y installer un protectorat, comme elle l’avait fait en Tunisie. Sur ses frontières, l’armée d’Algérie était à la manœuvre pour aider à la pacification d’un Maroc encore largement insoumis, gouverné par un sultan tout à la fois vénal et incompétent.

       Les gauches françaises, les Républicains et les Radicaux Socialistes avaient à peu près mis fin à leur « course au clocher », pour le partage de l’Afrique, mais les troupes coloniales n’avaient pas encore complètement terminé leurs opérations de pacification contre les résistances qu’elles rencontraient notamment en Côte d’Ivoire et sur les marges du Sahel.

      Les limites de la carte coloniale étaient à peu près fixées. Des accords avaient été passés avec les autres puissances coloniales, en appliquant la « règle du jeu » diplomatique tout à fait formelle dite des reconnaissances de « papiers », d’après lesquels, tel ou tel chef, ou roi, reconnaissant sa situation de « protégé » de telle ou telle puissance coloniale.

      Un mot sur le Congo, un territoire immense que les occidentaux avaient encore beaucoup de mal à connaître et dont les superstructures coloniales étaient encore en voie d’établissement, en tout cas du côté français.

     Il n’en était pas de même du Congo Belge qui connaissait déjà un développement foudroyant, facilité par la découverte d’immenses gisements de minerai.

      J’ai évoqué dans une autre chronique le Congo Belge des années 30 avec le concours du géographe Jacques Weuleursse dans son livre  « Noirs et Blancs ».

     La situation économique et financière du pays n’était pas mauvaise. L’épargne française avait beaucoup contribué à financer les infrastructures de la Russie, beaucoup plus d’ailleurs que celles du domaine colonial, les fameux emprunts russes qui ruinèrent après la guerre de 14-18 beaucoup de petits épargnants, comme l’avait fait avant guerre le scandale du Panama.

      Le pays sortait d’une phase politique relativement violente née de l’affaire Dreyfus et de la loi de Séparation de l’Église et de l’État (1905), et de façon tout à fait curieuse pour certains, avec une droite beaucoup plus soucieuse de la ligne bleue des Vosges que des côtes marocaines ou congolaises, avec le souci numéro Un de pouvoir affronter l’Allemagne, si nécessaire.

        A plusieurs reprises, il m’est arrivé d’ écrire que les conquêtes coloniales de la Troisième République étaient le fruit d’une alliance entre le sabre des troupes coloniales, et le goupillon de la franc-maçonnerie, car pour la droite parlementaire, l’objectif premier restait celui de la restitution de l’Alsace Lorraine, une province qui parlait aux français, ce qi n’était pas le cas des colonies en général, ou du Congo en particulier, puisque dans le cas du Maroc, le Congo était devenu un enjeu du dossier marocain franco-allemand.

      Il serait honnête d’y ajouter un troisième « larron », les Églises chrétiennes missionnaires en quête d’évangélisation des nouveaux peuples dominés, dans certaines contrées lointaines.

        En 1911, la France n’était pas prête à affronter l’armée allemande, et c’est un des éléments de justification importante que Caillaux fait valoir dans ses Mémoires pour justifier sa politique avec l’Allemagne, une politique que ses adversaires ont qualifiée de pacifiste.

          « Je n’avais pas besoin de causer longtemps avec le ministre de la Guerre M.Messimy, dont je veux dire tout de suite qu’il fut un collaborateur admirable, pour constater qu’il y avait deux lacunes on ne peut plus graves dans l’équipement de la défense nationale : le haut commandement n’était pas organisé, nous n’avions pas d’artillerie lourde. » (p,123)

        Caillaux inscrivait sa conception de la politique européenne dans un registre politique tout à fait respectable, et sans doute encore très prématuré pour son époque :

         « Je suis, j’ai toujours été, je serai toujours, non seulement de par ma doctrine mais de par ma réflexion, l’adversaire déterminé des guerres européennes que je juge monstrueuses dans le temps où nous sommes. L’incidente qui clôt ma phrase suffit à indiquer que je n’obéis pas en me décidant ainsi à une sentimentalité débile. Ceux qui savent ou qui sauront ma vie, ceux qui me liront, ceux mêmes qui ne me connaîtraient que par les attaques de mes adversaires, accorderont que la pusillanimité n’est pas précisément mon fait…

       Il y avait chance, me disais-je, en rassemblant mes idées, pour qu’une grande guerre sonnât le glas – le premier glas – de l’ancien continent, chance pour que, réparant peut-être certaines des violences internationales du passé, elle ne causât d’autres génératrices de luttes nouvelles, chance pour que l’Europe, s’épuisant… » . (p 11,112)

       A la lecture de ses Mémoires, son auteur donne effectivement, au-delà de toute rhétorique, des arguments très concrets de l’impréparation de la France sur le plan militaire, des arguments qui ont peut-être été validés par des spécialistes de l’histoire militaire, mais je n’en sais rien.

       « Le haut commandement, l’artillerie lourde, et le concours extérieur » :

     « Ainsi j’en viens à constater dans ce mois de juillet 1911 que notre commandement n’est pas organisé, que nous n’avons pas d’artillerie lourde, que nous ne pouvons compter sur aucun concours sérieux de l’extérieur ». (p,145)

         La dernière justification a déjà été évoquée plus haut, car les spécialistes estimaient qu’il fallait encore au moins deux ans pour que l’armée russe soit en état d’apporter un concours sérieux à la France.

      Il n’a sans doute pas suffi de remplacer le titulaire du haut commandement par Joffre, un général issu de la matrice coloniale, car le Joffre en question renvoya dans leur foyer plusieurs dizaines de généraux une fois la guerre engagée.

         Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Décision coloniale, qui décide ? Le cas du Maroc (années 1909-1912) – 5 – Fin – Les enseignements, la presse, avec Joseph Caillaux

DÉCISION COLONIALE, QUI DÉCIDE ?

Le CAS du MAROC des années 1909-1912 : avec Joseph Caillaux

5 – Fin

         Les enseignements

               A travers cet épisode colonial, et il y en a eu beaucoup, le lecteur aura déjà pu se faire une idée précise du fonctionnement d’un des gouvernements de la République française, sous la Troisième République, quelques années seulement avant la déflagration mondiale des années 1914-1918, la façon dont les affaires les plus graves étaient concrètement traitées, mais tout autant la façon dont la France officielle, celles de l’élite politique et de sa presse, abordait et traitait les problèmes coloniaux.

        Un mot sur la presse et sur son rôle :

       Tout d’abord, et une fois de plus, comment ne pas noter que l’histoire coloniale et postcoloniale souffre encore d’une grave carence d’analyse de la presse et de son rôle dans le domaine colonial.

       Les quelques lignes que Caillaux lui consacre dans ses Mémoires en montre pourtant le rôle et l’importance.

        A propos de Briand :

         « … Ce qu’il me faut expliquer de suite c’est comment le président du Conseil de 1909 parvint à mettre sur pied l’extraordinaire combinaison qu’il avait, selon toutes probabilités, méditée depuis longtemps, comment il arriva à cartelliser la presse de Paris.

          Il fut servi par les circonstances dont sa merveilleuse habileté sut tirer un parti prodigieux. J’ai montré dans un  manuscrit qui me fut  dérobé et dans des productions diverses, l’orientation que les maîtres des grands organes avaient tendance à donner depuis 1905 ou 1906 à leurs feuilles. J’ai indiqué pour quelles raisons ces puissants seigneurs faisaient de plus en plus grise mine aux gauches.

         C’est à l’heure actuelle…., un lieu commun pour les hommes politiques de constater l’effacement, dans les grandes villes du monde et surtout à Paris, des journaux de parti devant les grands journaux d’information. Le grand journal d’information, qui tire à plusieurs centaines de mille exemplaires, représente une grosse affaire. C’est une vaste firme étayée sur des millions. Ceux qui la dirigent ou qui la soutiennent appartiennent nécessairement aux classes riches, toujours disposées en France, à se rebeller quand leurs intérêts sont en cause…. Que leur importait la dissolution des congrégations, la séparation de l’Eglise et de l’Etat ?

       Tout changea du jour où cette partie de leur programme étant épuisé, au moins momentanément, les partis de gauche se prirent à aborder les réformes sociales et où se profila à l’horizon l’ombre de l’impôt sur le revenu…

        J’avais tenté de me rapprocher du plus considérable des directeurs de journaux, de M.Brunau-Varilla, « principal actionnaire » du Matin. J’eus beau multiplier les prévenances, les politesses, écouter patiemment, faire semblant d’approuver les calembredaines que débitait ce curieux homme, supérieur dans la conduite de ses affaires… j’aperçus que je me heurtais à un mur….

        « Tout ce que vous voudrez… pourvu que vous renonciez à l’impôt sur le revenu et à toutes mécaniques du même genre si parfaitement désobligeantes pour les multimillionnaires, surtout quand ils ont pêché leurs écus dans la grande eau trouble du Panama. »

       Car M. Bruneau-Varilla était un « panamiste », tout comme son rival à l’époque, son compère plus tard, M.Letellier propriétaire du Journal. » (p25,26,27) … ils avaient réalisé des fortunes colossales.

         Menacés de poursuites lorsque croula l’entreprise ; l’un et l’autre eurent l’idée de mettre à l’abri leurs personnes et leurs biens en s’embarquant sur des vaisseaux de ligne du journalisme qu’ils achetèrent, qu’ils affrétèrent à grand frais….

        Lorsqu’il se fut écoulé à peu près dix années après ces scandales, nos hommes jugèrent que la prescription leur était acquise. Ils s’émancipèrent. Letellier découvrit et exploita une nouvelle arme de bénéfices. Il hospitalisa dans les colonnes du Journal des annonces sur la nature desquelles mieux vaut ne pas insister…

         Bruneau-Varilla poursuivit, lui, tout autres buts, des buts grandioses. Il aspirait à « régner sur la France ». Clemenceau qui le harcelait d’épigrammes, l’appelait « l’empereur ». Toutes choses remises au point, le principal actionnaire du Matin voulait donner vie à de grands projets qu’il roulait dans sa tête. Il entendait surtout que les gouvernements brûlassent de l’encens à ses pieds et ne contrecarrassent aucune de ses idées maîtresses – sous un masque républicain, il était un parfait réactionnaire, réactionnaire social – il va de soi. – Des origines de sa fortune il ne s’embarrassait pas. «  (p28,29)

       Avec le Matin et le Petit Parisien, « Briand se trouva commander aux deux plus puissants journaux d’information. «  (p,30)

        Question : plus d’un siècle plus tard, les choses ont-elles réellement changé ?

            Presse et opinion publique ?

         L’auteur évoque à un moment donné l’opinion publique ;

      A propos du Congo,  Caillaux note « L’opinion est nerveuse », « elle regimbe », « elle s’insurge », (p,171), sans donner plus de précision sur la source qui lui permet d’affirmer qu’il s’agit bien de l’état de l’opinion publique.

      A propos de la négociation du traité, Caillaux note : « …l’opinion est incertaine. Elle a été offensée par le geste d’Agadir. Elle se demande si l’Allemagne a reçu la leçon qu’elle méritait. » (p172)

       De même écrit-il plus loin : « La masse du public français comprend que, s’il ne faut pas prendre au pied de la lettre les paroles de Maximilien Harden, adversaire passionné du Kaiser, l’échec de l’Allemagne n’en est pas moins patent. » (173)

        Comment prendre pour de l’argent comptant historique ce type de propos ? Je serais tenté d’écrire, l’opinion, le public, la masse  ont bon dos !

      L’état d’esprit colonial des hommes de gouvernement ? Impérialistes de tous les temps ou d’une époque déterminée ?

          A lire ce type de document, de témoignage, il est frappant de constater l’état d’esprit colonial qu’un de leurs éminents représentants exprime dans le langage même qu’il utilise :

        A cette lecture, on en tire en effet la conclusion, qu’en tout cas pour l’Afrique, les gouvernements occidentaux en décidaient comme s’il s’était agi de terres sans maîtres, qu’il s’agisse du Maroc ou du Congo.

       Caillaux note : « Le 4 novembre 1911 le traité est signé. La paix est maintenue. Le Maroc est à la France. Nous ne perdons que des bribes de possessions, acquises diplomatiquement de l’Allemagne elle-même moins de vingt ans auparavant (1895).

        Oublieuse de la lourde rançon que nous avons payée à l’Angleterre pour avoir les mains libres dans l’empire chérifien… » (p,172) 

          Plus loin, à propos de l’Italie, Caillaux note encore :

       « Attentive à l’accroissement considérable de forces dont bénéficiait la France réglant à son avantage la question marocaine, l’Italie résolut à la fin de septembre 1911 de s’approprier la Tripolitaine.

     «  Nous avions dès le 29 décembre 1900, écrit à nos voisins notre désintéressement sur Tripoli en échange de leur désintéressement sur Fez. Nous étions donc tenus non seulement à ne pas nous opposer à l’entreprise italienne mais à la considérer avec bienveillance. Le cabinet que je présidais n’y manqua pas. » (p,196)

        J’ai souligné les quelques mots qui marquent la tonalité du langage de domination occidentale qui avait cours à  l’époque considérée.

         N’étant pas un historien professionnel, je n’ai pas connaissance de recherches ou de travaux portant sur l’état d’esprit, les mentalités des « impérialistes » à chacune des époques impérialistes qu’a connues l’histoire du monde, mais il s’agit d’un des points qui m’ont le plus surpris dans la lecture des mémoires de Caillaux.

       Caillaux concluait :

        « Ainsi, tout était en bonne voie. Le haut-commandement avait été organisé. La rigoureuse observation de la neutralité belge était prescrite. La violation des traités par l’Allemagne n’en était pas moins prévue et l’état-major agençait, agencerait à coup sûr nos plans en conséquence. Enfin, l’armée était à la veille de posséder les premiers éléments d’une artillerie moderne.

       Ayant assuré la paix du monde, acquis le Maroc pour la France, amélioré l’institution militaire – le tout en sept mois, – le gouvernement de juin 1911 pouvait disparaître. 

         J’ai  décrit les phases diverses de l’affaire d’Agadir en pleine objectivité. C’est la même objectivité que j’ai apportée à mesurer les périls que faisaient courir à la France les graves lacunes dans l’organisation de sa Défense nationale auxquels mes collègues et moi-même mîmes un terme.

      Je ne conserverai pas plus longtemps l’entière sérénité dont je ne me suis pas départi quant à présent. … » (p,215)

        Les  « ragots » !

        « Ils ne voulaient pas admettre, oublieux du traité de février 1909, qu’un agrément quelconque, même limité à l’Afrique, fût passé avec nos voisins d’outre-Rhin. Ils ne pouvaient surtout digérer la phrase que j’avais prononcée à la tribune de la Chambre où je déclarais que la France et l’Allemagne « devaient être désireuses de s’accorder pour le plus grand profit de la civilisation dans le monde. » (p,216)

          Fin d’évocation de la situation coloniale du Maroc et du fonctionnement politique de son « règlement » au tout début du vingtième siècle.

          Jean Pierre Renaud    –   Tous droits réservés

« Mariage focé d’une élue: sa famille devant le tribunal » Des femmes « marchandises »

« Mariage forcé d’une  élue : sa famille devant le tribunal »

« Son père ses oncles et son frère auraient tenté de la marier de force en Algérie. Une pratique loin d’être isolée »

Le Figaro du 2/08/2018, page 8

Des femmes « marchandises »

         Une histoire que l’on peut raconter comme une histoire d’amour courante ou que l’on peut raconter comme un épisode de plus de mariages forcés de jeunes femmes françaises d’origine maghrébine ou africaine !

        L’Algérie est indépendante depuis 1962, soit depuis plus de cinquante ans, et les femmes de Kabylie,  Grande ou Petite, bénéficiaient alors d’une grande liberté, et en ce qui concerne celles de religion musulmane, le voile n’’existait pas.

        Nombreuses ont par ailleurs été les femmes algériennes qui ont milité à la fois pour l’indépendance de leur pays et pour une Algérie démocratique.

      Cette affaire est d’autant plus symbolique et inquiétante, que la jeune promise exerce un mandat électoral au sein du Conseil Départemental de l’Indre-et-Loire, à Tours.

        Qu’une famille d’origine immigrée algérienne, en supposant qu’elle soit française, ait le culot de se lancer dans une telle aventure en dit peut-être plus long que tout autre épisode sur les difficultés que notre pays rencontre pour faire adhérer quelques-unes des fractions de la population qui vit en France, à notre système républicain, laïc, et démocratique !

      Les spécialistes du sujet savent que ce type d’épisode n’est pas rare en France, et que dans un certain nombre de cas, il s’agit tout simplement de la marchandisation du mariage par le biais de la nationalité. Dans le cas présent, il pourrait s’agir aussi d’un cas supplémentaire d’islamisation de notre pays.

        L’histoire du monde montre que les femmes ont longtemps été considérées comme des marchandises, et c’est encore souvent le cas dans de nombreux pays. En 2013, et sur ce blog, (voir mon article sur « Les branches esseulées »), j’ai évoqué le cas des femmes vietnamiennes achetées par des Chinois célibataires, mais certains pays d’Afrique continuent à voir des hommes riches acheter, une deuxième, voire une troisième épouse.

        En Afrique noire, la coutume des dots a favorisé ce type de « marchandisation ».

         Ayons l’honnêteté de reconnaitre que, même en France, les femmes ont mis longtemps à se voir reconnaître des droits et libertés à égalité avec les hommes, et que cette inégalité a encore laissé des traces profondes dans notre société.

       Dans un passé qui n’est pas trop éloigné, beaucoup de familles  négociaient le mariage de leurs enfants en tenant compte d’un risque de mésalliance sociale, financière, ou encore religieuse.

        Plus récemment et sur ce blog, j’ai rapporté le cas d’un couple du Pays de Montbéliard des années 1960,  dont le mari, catholique,  avait quasiment fait l’objet d’un  bannissement de la part du clergé local et de sa famille, en raison de son choix d’une épouse  de religion protestante.

       Quel que soit l’angle d’analyse de l’autre cas de mariage forcé, la véritable cassure nationale éventuelle serait celle du refus de la laïcité française, fondée tardivement au début du  XXème siècle sur le précepte évangélique : « Rends à César ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu ».

       Notre pays a effectivement rencontré beaucoup de difficultés pour  sortir de son régime théocratique, et aujourd’hui encore des tentatives existent pour revenir à ce type de passé.

           Jean Pierre Renaud – (M.C.Imprimatur)

Le « benchmarking : Réfugiés ou Migrants ?

Le « benchmarking »

Plus simplement la bonne information !

Réfugiés ou Migrants ?

Que cache ce mot anglo-saxon et savant ?

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil !

Le cas des « mineurs étrangers isolés »

            Le ministre de l’Intérieur a évidemment choisi le mot pour faire le buzz, car dans notre pays et dans les médias d’aujourd’hui, les mots anglo-saxons ont plus de chances de faire le buzz que le vieux bon français.

            Les dénominations choisies par les médias, les responsables politiques ou des groupes de pression humanitaires ou non, ont introduit la plus grande confusion dans l’interprétation de la nature des flux démographiques qui sont arrivés à nos frontières, pour autant qu’elles existassent encore : s’agissait-il de réfugiés ou de migrants économiques ?

            il y a quelques années, je me souviens avoir accroché les responsables du journal la Croix sur la distinction qu’il convenait de faire dès le départ entre réfugiés et migrants.

            Il est évident que des flux de migrants économiques venus de pays d’Afrique en paix relative ont profité de l’occasion provoquée par la guerre de Daech en Syrie et en Irak pour franchir mers et frontières.

         Les pays d’Europe ont ouvert une large brèche dans leur politique d’accueil, d’autant plus large que les pays de l’Union ne sont toujours pas d’accord sur la politique d’immigration qu’il convient d’appliquer, chacun d’entre eux tentant de repasser le réfugié ou l’immigré à l’autre.

        La situation actuelle de l’Allemagne montre que la générosité de la chancelière y a profondément rebattu les cartes politiques, et pas obligatoirement au profit de la paix civile et du bien commun.

            En ce qui concerne la France, on ne peut qu’être surpris de voir entrer dans ces nouveaux flux des enfants supposés mineurs venus de l’Afrique de l’ouest ou du centre mettre à profit cette situation internationale pour bénéficier chez nous d’une loi de protection des mineurs.

           C’est l’exemple du fonctionnement du « benchmarking », c’est-à-dire des informations de toute nature qui donnent la possibilité aux candidats à l’émigration de s’orienter, de s’organiser pour atteindre le pays de leur choix.

            Il faut bien comprendre que dans beaucoup de villages ou cités situés sur les fleuves Sénégal, Niger, ou Congo, on sait depuis longtemps beaucoup de choses sur la vie que connaissent des parents ou des amis dans notre pays.

            Il est évident qu’il en a toujours été ainsi, sauf que l’explosion des médias, des réseaux de communication en tout genre, a démultiplié ces possibilités d’information.

            Au cours de son histoire, l’Afrique a souvent connu des flux de migrations internes volontaires ou forcées.

            Dans le cas de la France, la présence de communautés importantes de Français d’origine immigrée constitue, avec le partage d’une langue commune, un facteur évident d’attraction.

             Il est non moins évident que la profession de passeur y a prospéré, de même que celle des faussaires de papiers, alors qu’en même temps, certaines entreprises françaises n’ont pas été mécontentes d’embaucher des clandestins.

          Dans de nombreux cas, le gain d’argent constitue un des motifs fréquent de l’émigration, parce que le parent émigré soutient financièrement toute sa famille.

            Pour mieux comprendre la nature et l’origine de ces flux officiels ou clandestins, il n’est pas inutile d’avoir un minimum de connaissances sur la culture africaine, la place du collectif, de la famille dont la composition est très différente de la nôtre, beaucoup plus large, le rôle des parentés, le rôle des anciennes coutumes, etc…

            Comment blâmer ces mouvements suscités par l’espoir d’une vie meilleure? Ils ne sont pas nouveaux.

            Pourquoi ne pas avoir aussi la lucidité de constater que toutes sortes d’associations de couleur « humanitaire » prennent place dans le « benchmarking » des flux de migrants ?

            L’immigration actuelle soulève beaucoup de difficultés en raison de son caractère massif, incontrôlable, qui ne tient aucun compte des capacités d’accueil des pays européens. C’est un facteur évident de trouble de la paix civile, d’autant plus que l’Union européenne fait preuve à la fois de laxisme et de désunion, alors qu’un islam de combat multiforme sait épouser tous les ressorts de propagande et d’action offerts par ces flux de migrants incontrôlables ou incontrôlés.

            Les Françaises et français d’origine immigrée sont mieux placés que quiconque pour mesurer les risques que notre pays est susceptible de courir dans un tel cas de figure.

            Il faut aussi que les gouvernements des pays d’émigration assument leurs responsabilités, lesquels, faute souvent de bonne gouvernance, feignent d’ignorer qu’ils n’échapperont pas, qu’ils le veuillent ou non, à une certaine dose de contrôle démographique.

            Beaucoup de ces pays ont beaucoup de peine à sortir d’un statut de pays assisté, très proche, pourquoi ne pas le dire de l’ancien statut colonial.

Le cas des « mineurs étrangers isolés »

            Avant toute chose, il convient de rappeler que notre pays s’est fait l’obligation juridique d’accueillir tout mineur étranger isolé.

            Il se trouve que, le 20 août 2018, sous le titre en première page « Migrants mineurs : l’épineux problème », le quotidien régional Ouest France a consacré plusieurs articles sur le sujet en ce qui concerne les données générales du problème et le cas de la Loire Atlantique.

            Je ne pense pas que l’on puisse faire un mauvais procès à ce journal qui expose le sujet avec un regard d’humanité, mais cela ne doit pas empêcher les citoyens de notre pays de porter un regard lucide sur ce dossier sensible.

            Regard lucide sur l’authenticité des témoignages qui fondent la reconnaissance juridique du titre de « mineur étranger isolé », et sur l’âge réel du mineur étranger, avec toute la difficulté de faire la lumière sur ces deux points.

            Connaissant un peu la culture africaine, les propos que tient le jeune guinéen interviewé dans le journal suscitent de ma part plus que de la réserve.

            Mais le problème n’est-il pas ailleurs, précisément dans les pays d’origine des jeunes migrants, celui de l’information dont  ils disposent au sein de leurs familles, des aides dont ils ont pu bénéficier pour affronter maints dangers pour arriver dans notre pays.

           Le problème ne concerne-t-il pas plus encore les pouvoirs publics des pays africains dont sont originaires ces mineurs, car après tout, les destinées de leurs enfants les concernent avant nous.

       Il semblerait assez légitime de renvoyer  les jeunes migrants dans leur pays, plutôt que de continuer à entretenir le feu de ce type d’immigration que notre pays est de moins en moins capable de gérer.

        Le même journal citait le chiffre de 476 mineurs isolés en Loire Atlantique, et indiquait qu’en ce qui concerne l’évolution du nombre de mineurs reconnus comme tels et accueillis dans notre pays, il y en avait 8 054 en 2016 et 14 908 en 2017, soit une hausse de 85% en un an, dont 80% viennent d’Afrique.

          Il est évident que cette progression n’est pas innocente.

         Par ailleurs, personne n’évoque le chiffre des « mineurs » étrangers qui ne se voient pas reconnaître le statut, et qui restent donc en France et gonflent l’effectif des migrants sans papiers.

        Dans le même journal : « La prise en charge d’un jeune isolé nécessite 50 000 euros par an », ce qui représente un coût annuel national pour ceux reconnus tels en 2017 de 14 908 x 50 000 =  745 400 000 euros.

      Une source IFRAP du 11/07/17 indiquait en charge budgétaire nationale : « bientôt un milliard cinq cents millions pour les pouvoirs publics », j’écrirais plutôt pour les contribuables.

       Ce dossier est en lui-même un scandale international et national à tout point de vue et les criminels ne sont pas toujours ceux que l’on désigne à la vindicte publique.

        Question :  ne serait-il pas plus intelligent, et en définitive plus humain de verser une partie de cet argent aux pays africains d’origine, lesquels seraient beaucoup mieux placés pour assumer la responsabilité qu’un tel système nous transfère dans des conditions tout à fait discutables, tant il met en cause la fiabilité des relations internationales que nous entretenons avec ces pays africains, notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest ?

    Jean Pierre Renaud

Crise migratoire et vérité statistique ? « La France a accueilli plus de réfugiés que l’Italie » Didier Leschi

Crise migratoire et vérité statistique ?

« La  France a protégé plus de réfugiés que l’Italie »

Didier Leschi, directeur de l’Ofii, le Figaro du 15 juin 2018, page 18

A lire attentivement cette interview, le lecteur  peut avoir l’impression de lire une recette de salade russe ou niçoise, car il  est impossible de distinguer entre les différents flux d’immigration « officielle » que la France a       accueillis au cours des dernières années, d’autant plus que chacun sait que les demandes d’asile refusées correspondent pour l’essentiel à des flux d’immigrés restés chez nous sans papiers.

            Le chiffre de 267 000 titres de séjour attribués en 2017 est considérable, sans que l’on sache à quoi il correspond, migrants ou réfugiés, regroupement familial ou non, mariages mixtes ou non, etc…

            Ce que l’on peut retenir c’est l’importance de ces chiffres, alors que les processus d’intégration sont en panne, que les flux clandestins continuent, et surtout qu’une partie non négligeable des nouveaux immigrés viennent de pays de l’Afrique du nord ou de l’ouest :

            « Sur les 124 000 personnes disposant du droit d’asile, il y a une forte poussée venant de la Guinée, de la Côte d’Ivoire (+68%), d’Algérie (+26%) et du Mali (+35%). Les syriens n’arrivent qu’en quinzième position…)

Est-ce bien sérieux ? Ces pays sont-ils en guerre ? Dans le cas du Mali, nous y envoyons nos soldats pour défendre ses frontières en même temps que les nôtres, c’est vrai, mais cet Etat indépendant nous envoie ses enfants ?

            Dire que nos médias et tout un ensemble de groupes de pression humanitaires de bonne ou de mauvaise foi tentent en permanence de nous entrainer dans une spirale de mauvaise conscience grâce à une confusion voulue entre réfugiés et migrants !

            L’interview n’évoque pas le dossier très sensible des mineurs étrangers, alors que la connerie d’une loi Sarkozy a créé une obligation d’accueillir et de protéger les mineurs étrangers, un réel « appel d’air » pour ce type d’immigration, même si Monsieur Leschi « n’aime pas beaucoup l’expression « appel  d’air ».

            A lire ce type de document, on ne peut manquer de regretter ce flou statistique et conceptuel entretenu par un des responsables du contrôle avancé et sensible des flux d’immigration que la France accueille ou non en toute connaissance de cause.

     Jean Pierre Renaud

Médias : des lettres ou des chiffres ? Quels chiffres ? Ou les nouveaux sophistes ?

Les ordres de grandeur et la représentativité des informations diffusées par les médias ?

            Il est évident que dans notre pays, l’information baigne dans une sorte de halo complice dominé aujourd’hui par les acteurs multiculturels, mondialistes de l’establishment parisien où le fric fait bon ménage avec la charité internationale et une mondialisation heureuse.

            Notre information souffre d’un autre défaut beaucoup plus grave, celui de la représentativité des sujets traités et des informations données.

            On oublie trop chez nous les rapports de grandeur et de force – cela nous arrange – entre les grandes, moyennes, ou petites puissances du monde actuel.

            J’aimerais par exemple que chaque matin, en se levant, le ou la journaliste se rappelle par exemple que le Parti Communiste Chinois compte presqu’autant d’adhérents, en tout cas officiels, que la population française, que beaucoup d’entreprises américaines ont un chiffre d’affaire qui dépasse celui de notre budget, ou encore qu’en 2050, l’Afrique comptera  plus de 2,5 milliards d’habitants, au lieu du 1,2 milliard actuel.

            Rappelons qu’en 2017 la Chine comptait 1,29 milliard d’habitants et l’Inde 1,33 milliard d’habitants.

Les Chaines de télévision publique ? « Publique » ou « privée » ?

            Incontestablement, il y a beaucoup de bon et de positif dans les productions des chaines publiques que nous finançons, mais elles font à mes yeux une trop large place aux jeux ou au show-biz.

            Il serait tout à fait légitime que les grandes chaines, la 2 et la 3 se voient imposer par les pouvoirs publics des quarts d’heures de citoyenneté où seraient débattus des sujets de « politique » non politique, c’est-à-dire touchant à la vie de tous les jours.

            Comment ne pas se poser enfin la question de savoir à qui appartiennent les chaines publiques, à la collectivité nationale ou aux producteurs d’images en tout genre, aux Ruquier, Delahousse, Salamé, ou Nagui…?

                        Jean Pierre Renaud

L’Afrique face à l’Aquarius : questions sur les « res nullius » ?

L’Afrique face à l’Aquarius : après le « res nullius » des terres, le « res nullius » des enfants, et tout autant le « res nullius » des ONG ?

            Lors du Congrès de Berlin sur le partage du continent africain dans les années 1884-1885, les gouvernements occidentaux du XIXème siècle raisonnaient de façon tout à fait hypocrite sur le principe d’une Afrique « res nullius », d’une Afrique n’appartenant donc à personne.

        AU XXIème siècle, les choses ont-elles changé, à voir le déroulement du feuilleton humanitaire de l’Aquarius ?

       Ces enfants, ces femmes et ces hommes n’appartiennent donc à aucune communauté humaine d’Afrique ?

          Les États Africains font preuve d’un silence assourdissant, alors qu’ils ont acquis leur indépendance il y a plus de cinquante années, laissant accroire que leurs enfants sont par définition apatrides, ainsi complices d’une régulation démographique inavouable.

        Assistance au lieu de responsabilité, ne s’agit-il pas de la maladie dont souffrent la plupart de ces États ?

         Le méli-mélo migratoire ancien et actuel en est l’illustration permanente, avec la montée en puissance d’un cinquième pouvoir, au-delà de celui de la presse, le quatrième, celui des ONG internationales ou nationales, les nouveaux États qui dictent le droit international et sa morale : à titre d’exemples de budgets, 500 millions de dollars pour MSF et Greenpeace, 800 millions de dollars pour Oxfam et Care, plus d’un milliard de dollars pour WWF, et plus de 2 milliards de dollars pour WorldVision, soit plus que le budget de l’Otan. (Source Ch.Reveillard)

       Le Président Trump aura tous les défauts que l’on veut, mais au moins aura-t-il eu le mérite d’obliger les puissances européennes à prendre leurs responsabilités, – s’il n’y a pas de volte-face – trop contentes jusqu’à présent de vivre à l’abri du parapluie militaire américain, et donc pour parler clair, d’être des pays assistés à vie, sans avoir le courage d’assumer leurs propres responsabilités.

       L’arrivée d’un Trump au pouvoir, sur une face, et de l’autre une crise migratoire très confuse entre réfugiés et migrants, mettent en évidence un consensus qui ne dit pas son nom sur une gouvernance de l’assistance et de l’irresponsabilité politique, qu’il s’agisse de l’Union Européenne ou de l’Union Africaine.

        Aux lecteurs intéressés, je recommanderais volontiers de lire le livre de Gaston Bouthoul, sociologue et polémologue intitulé « La surpopulation », lequel décrivait en 1964 ce qui allait se passer avec l’explosion démographique des pays africains.

          Une seule citation pour illustrer son analyse :

       « Prenons donc le cas de l’Algérie. Une seule comparaison suffit à nous donner la clé de toutes ces difficultés. En 1830, l’Algérie nourrissait environ un million d’habitants, la France une trentaine. En 1960, la France avait atteint 45 millions d’habitants et l’Algérie environ treize. Autrement dit si, entre 1830 et 1950, la population française avait augmenté dans la même proportion que l’algérienne, la France aurait aujourd’hui plus de quatre cents millions d’habitants. On peut imaginer la bonne humeur qui règnerait, s’il en était ainsi sur le territoire de la République. » (page 83, Petite Bibliothèque Payot)

           Jean Pierre Renaud