Madagascar et la Françafrique de l’ambassadeur de France Châtaignier

Il y a quelque chose de «  pourri » dans la politique étrangère de de la République Française, ou en tout cas dans les déclarations, interventions, et interférences de l’ambassadeur de France, à Madagascar, dans les affaires intérieures de cette République.

D’après Madagascar Tribune.com du 8 décembre 2010, l’ambassadeur Châtaignier aurait déclaré le 7 décembre : « Le référendum est un fait politique à considérer. », et  « Il faut reconnaître ce qui se passe lorsqu’on est dans une logique de sortie de crise ».

Si tel est bien le cas, il n’est même pas besoin d’un WikiLeaks pour connaître la politique de la France et ses secrets, et donc son immixtion dans les affaires intérieures de la République Malgache.

De deux choses l’une, ou l’ambassadeur dit et « dicte » la politique de la France, et nous sommes effectivement en pleine Françafriqiue ,

Ou cet ambassadeur outrepasse ses instructions, et la République Française doit le rappeler.

De toutes les façons, le mal est fait pour tous les Malgaches et les Français qui avaient encore quelques illusions sur la politique de la France à Madagascar, et sur la réserve qu’un ambassadeur de la France doit respecter.

Jean Pierre Renaud

« Le colonialisme en question » Frederick Cooper- Les possibilités de l’histoire- Lecture 6

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

Troisième partie

« Les possibilités de l’histoire » (page 205 à 311)

« Etats, empires et imaginaire politique » (page 205 à 274)

Lecture 6

Le discours

            « Dans ce chapitre, je montrerai que la manière dont les dirigeants des Etats-empires percevaient leur Etat et les formes prises par la contestation  politique reflétaient une « pensée en termes d’empire ». Trouver l’équilibre entre les deux pôles de l’intégration (les sujets de l’empire appartiennent à l’empire) et de la différenciation (des sujets impériaux différents sont gouvernés autrement) était affaire de débats et des stratégies changeantes. Les équilibres furent régulièrement bouleversés par les actions des populations coloniales. Loin d’être un anachronisme politique dans l’« ère moderne », cette perspective impériale vaut pour la France, la Grande Bretagne et d’autres Etats importants des XIX° et XX°siècles…

            J’affirmerai que les politiques impériales – « anciennes » et « nouvelles » – constituaient un système dans lequel tout prétendant sérieux à une influence géopolitique devait penser et agir comme un empire. (page 206)

Et avant de revenir sur le contenu de ce chapitre, allons  à la conclusion du même chapitre :

            « Le point central de ce chapitre est aussi le plus simple : jusqu’à un passé très récent, les empires ont eu une importance fondamentale dans l’histoire mondiale. Nous devons examiner en profondeur ce que signifiait pour un Etat penser comme un empire, conjuguer intégration et différenciation, affronter les problèmes liés à l’extension sur de grandes distances et reconnaître les limites du contrôle de populations nombreuses et diverses. Penser comme un empire n’était pas la même chose que penser comme un Etat-nation et, si, les conceptions territoriales et culturelles de « la nation » furent dans certains cas plus fécondes – et eurent parfois des effets dévastateurs -, l’impératif d’agir comme un Etat-empire au sein d’un système global d’Etats-empires limitait drastiquement les possibilités d’action. (page 269)

            « Le fait le plus important concernant les empires est qu’ils ont disparu. Une composante autrefois ordinaire de la vie politique est devenue une impossibilité politique. Réfléchir sur les circonstances qui ont conduit à cette impossibilité permet d’apprécier les limites du pouvoir lorsqu’il prend ses dimensions extrêmes, la capacité des peuples à trouver des niches et des fissures dans les systèmes de contrôle et de contrainte, le conservatisme des Etats les plus progressistes et l’adaptabilité de peuples soi-disant traditionnels. (page 273)

            L’analyse de ce chapitre propose une vue panoramique de la plupart des empires qu’a connus l’histoire mondiale depuis l’Antiquité et nous propose de creuser les concepts d’empire et de nation, d’Etats-empires et d’Etats-nations, et relève en ce qui concerne les empires coloniaux du dernier siècle :

« Les empires ont commis des violences parce qu’ils étaient forts et parce qu’ils étaient faibles. La tactique de la terreur –massacres à grandes échelle durant les conquêtes et, par la suite, châtiments collectifs de villages et de groupes parentaux – fut la marque distinctive de la colonisation et la caractéristique durable de ses méthodes de contrôle, qui allièrent technologies nouvelles et tactiques séculaires…

Les vieux empires durèrent des siècles, tandis que les nouveaux – les colonies africaines françaises, britanniques et belges – durèrent seulement quelques décennies. Au premier abord, les nouveaux empires disposèrent de technologies et d’organisations plus efficaces pour exercer et maintenir leur pouvoir. Ce qui frappe dans ces comparaisons, c’est l’incapacité des Etats européens « modernes » à exercer ce pouvoir en Afrique. La domination coloniale fut un empire au rabais ».  (page 210)

Dans la description qu’il fait des différentes situations impériales, l’historien fait un certain nombre d’observations qui concernent l’histoire de France :

« La France ne devint un Etat-nation qu’en 1962, lorsqu’elle renonça au dernier élément vital de sa structure impériale, l’Algérie. » (page 209)

« Les grands courants des historiographies française et britannique ont longtemps traité les colonies comme des choses situées « là-bas », marginales pour une histoire avant tout nationale, ou comme des extensions de la culture et du pouvoir nationaux. » (page 229)

« Je vais d’abord décrire la conception impériale des sociétés britannique et française…La France s’est construite à partir de Saint Domingue, des conquêtes et des pertes françaises en Amérique du Nord, de l’aventure napoléonienne, et plus tard, de l’Algérie, de l’Afrique et du Sud-Est asiatique. Et le pouvoir d’imposer des limites à ses révolutions et ses réactions ne fut pas uniquement situé à Paris. (page 230)

« Tout examen d’une société impériale doit se mener en référence à la colonisation se déroulant sur le terrain. Dans les pages qui suivent, je prendrai l’exemple de l’Empire français pour illustrer les ambiguïtés de la citoyenneté au niveau impérial, et celui de l’Empire britannique pour illustrer l’ambiguïté du lien entre impérialisme et capitalisme. » (page 232)

« Dans la société impériale française, la qualité de sujet coexistait avec la citoyenneté – catégorie accessible en théorie, mais refusée dans la pratique. La notion de citoyenneté impériale, affinée en France pendant plusieurs décennies, contenait en puissance une notion restrictive, culturellement spécifique, de la francité, et une autre notion, davantage centrée sur l’Etat et concernant les droits et les responsabilités au sein d’une société complexe. Si l’Etat pouvait avoir besoin d’invoquer la citoyenneté, il pouvait également se trouver face à des revendications pour exiger cette même citoyenneté.

Les régimes coloniaux eurent besoin de la collaboration de « notables locaux », de personnel et surtout de soldats coloniaux…

Dans les années 1920, le gouvernement français tenta d’enrayer le processus de citoyenneté en mettant en avant un autre mythe : l’empire était la réunion de cultures et de nationalités différentes, toutes placées sous l’égide impériale garantissait la paix et la préservation de la diversité des cultures et des traditions. (page 235)

L’auteur cite Alice Conklin (note 64) : « la vision dominante était que les Africains vivaient et appartenaient à des tribus primitives et distinctes.

« Un point plus important est l’ancienneté des empires sur la scène mondiale : dans les années 1870, l’Europe n’était pas une Europe d’Etats-nations, mais une Europe d’empires – de vieux empires et d’aspirants    au titre d’empire. (page 244) »

« Nous sommes maintenant face au paradoxe central de l’histoire du colonialisme, à savoir les limites rencontrées par les puissances colonisatrices ayant apparemment la plus grande capacité d’action et la plus grande confiance en leur propre pouvoir transformateur. Les administrations coloniales, y compris celles de l’Etat britannique, n’étaient pas très fournies : elles avaient besoin de légitimité et de la capacité coercitive des autorités locales pour collecter les impôts et regrouper la main-d’oeuvre, et manquaient de connaissances du terrain… La structure de la domination accentua et rigidifia l          a distinctivité des unités politiques subordonnées au sein des empires. Le colonialisme favorisa l’ethnicisation de l’Afrique ».(page 246)

« La bestialité et les humiliations qui allaient de pair avec l’incapacité des régimes coloniaux à transformer en routine le contrôle et l’autorité coexistèrent difficilement avec l’autre pôle de l’impérialisme, à savoir l’idée que l’empire était une entité politique légitime dans laquelle chacun de ses membres trouvait un intérêt…

Tant en Afrique française qu’en Afrique britannique, la Première Guerre mondiale fut suivie d’une tentative visant à faire rentrer les génies de l’appartenance impériale dans les lampes tribales… (page 249)

« Expliquer l’échec de cette entreprise (de développement) nécessite un examen non seulement de l’évolution du capitalisme durant l’après-guerre (après 1945) – et en particulier du rôle prépondérant des Etats Unis – mais aussi de l’incapacité des puissances coloniales, malgré la croissance économique considérable durant la décennie de l’après-guerre, à transformer le développement colonial en un projet politiquement durable dans les colonies africaines. «  (page 251)

« En Afrique, ce qui s’effondra en premier fut non pas le colonialisme en tant qu’édifice rigide et immuable, mais le colonialisme dans sa dimension interventionniste. (page 252)

« Cette section a examiné le domaine le mieux étudié dans la multitude de travaux récents sur les sociétés coloniales : les empires ultramarins « modernes ». L’intérêt tout particulier de ces travaux est qu’ils se sont concentrés sur la manière dont l’Europe s’est définie et a défini les espaces colonisés dans une relation mutuelle. Ils montrent comment les régimes coloniaux ont perçu les Africains comme des corps à remodeler de manière qu’ils soient intégrés au monde moderne, comme des corps porteurs d’un moi racialisé, sexué, qu’il fallait fondre dans une niche particulière de l’ordre économique et social colonial, ou comme des corps incarnations de l’altérité. » (Page 254)

L’auteur ne peut esquiver le cas de l’empire américain qu’il évoque sous le sous-titre « L’empire malgré lui : les Etats-Unis »

Enfin, le chapitre traite brièvement (quatre pages et demie) un sujet plein d’intérêt, celui des « Réseaux et imaginaires intra, trans et anti-impériaux » (page 264)

Questions

Elles seraient naturellement innombrables tant les sujets abordés sont variés, complexes, et polémiques aussi, mais nous allons nous limiter aux plus importantes, à nos yeux, en tout cas.

La première :

Il est tout d’abord très difficile de situer ce type d’analyse dans l’une ou l’autre des disciplines de pensée telles que l’histoire, la sociologie, la philosophie des idées, ou l’histoire des idées, et je serais tenté de la classer dans l’une ou l’autre de ces dernières catégories, car elle passe sous silence l’histoire classique de relation des faits (dans un contexte déterminé), ainsi que l’histoire quantitative, financière et économique, celle des quantités et flux mesurables.

Est-ce que dans beaucoup de cas « coloniaux » (français et hors Algérie), il ne s’agissait pas de grandeurs marginales ? Avec des problèmes de grandeurs comparables ou non, d’échelles aussi ? Que pesait le commerce extérieur de l’AOF par rapport au commerce extérieur français ? A quelle échelle se situait le commerce extérieur de l’Indochine par rapport à celui de l’Inde ?

La deuxième :

Colonialisme, colonisation, empires, états-empires, états-nations, tout un ensemble de concepts d’analyse brassés au cours des siècles et sur tous les continents, pourquoi pas ? Mais au risque de ne plus identifier l’objet d’une recherche historique, sa chronologie et son contexte.

L’historien compare la longévité de trois empires, ottoman, austro-hongrois, et russe à la brièveté de vie des deux empires coloniaux britannique et français, mais ces situations historiques sont- elles comparables ? Sans tenir compte de la continuité géographique et des temps historiques ? L’empire américain serait sans doute une meilleure référence avec sa course vers l’ouest et le sud, dans la même continuité territoriale.

Dans un empire intercontinental, les communications revêtaient en effet un intérêt stratégique majeur : ni « colonialisme, ni empire sans communications ».

L’historien Brunschwig  a écrit quelque part que sans télégraphe, il n’y aurait pas eu de conquête de l’Afrique occidentale.

« Les empires coloniaux des puissances de l’Europe occidentale occupent une place relativement petite dans le paysage historique. » (page 270)

Effectivement, et à beaucoup de points de vue !

A un moment donné de son analyse, l’auteur recommande aux chercheurs de ne pas oublier le terrain, mais à le lire, on a plutôt l’impression qu’il ne respecte pas lui-même  cette belle recommandation, car à la lecture de nombreux récits de conquête coloniale et d’administration coloniale, le récit colonial concret, celui du terrain, ne fonctionnait pas comme il le décrit.

 Est-ce que l’administration coloniale française, en AOF, avec ses cent dix- huit commandants de cercle (exactement, et théoriquement) a pu réellement gouverner les 50 000 villages de l’époque en appliquant les méthodes dénoncées par l’auteur ? Partout, et en tout temps, et alors qu’ils ne séjournaient que quelques années dans leurs postes ?

La troisième :

Citoyenneté de l’empire ou de la république, c’était effectivement un vrai problème, mais comment était-il possible de le résoudre en dehors des rêves fous de quelques discours parisiens de la 3ème République ? Avec des populations en grande partie paysannes, très différentes les unes des autres, en particulier selon qu’elles habitaient en forêt, sur la côte ou dans le Sahel, et selon aussi leur appartenance à l’univers musulman, animiste ou fétichiste, alors que la grande majorité de leurs membres ne connaissait pas le français, et alors qu’aucune langue locale « dominante » ne s’imposait réellement ?

La quatrième :

L’auteur constate que l’historiographie française avait tendance à considérer les colonies comme un « là-bas », mais c’était effectivement le cas, car la population française ne s’est jamais sentie concernée par ce « là-bas » colonial, sauf pendant les deux guerres mondiales, et lorsque la guerre d’Algérie a débuté. On a bien vu alors dans quel sens allait alors le peuple français.

Une analyse qui parait donc trop abstraite, trop synthétique, en dépit de la pléthore de sources sur lesquelles elle s’appuie, et j’ai envie du dire que la micro-histoire, celle du terrain n’a pas fonctionné comme la macro-histoire des idées de l’auteur. Et le distinguo conceptuel entre centre et périphérie aurait été sans doute un outil mieux adapté au sujet.

La cinquième :

De plus, et comme nous l’avons déjà relevé, il est difficile d’analyser tous ces phénomènes, leur évolution en faisant l’impasse sur le quantitatif, et les idées les plus intéressantes esquissées par l’auteur, celles de l’importance des réseaux, des connexions, appelleraient incontestablement à la fois des analyses détaillées et des évaluations, c’est-à-dire des chiffres.

Influence de la révolution d’Haïti sur les destinées de la France ? Ecrire que  « la France s’est construite à partir de Saint Domingue… «  (page 230) est une appréciation qui étonnera sans doute plus d’un lecteur !

Il serait intéressant d’en savoir plus sur l’écho que cette révolution a eu dans l’opinion des Français de l’époque, vraisemblablement peu importante, compte tenu de l’état de la « nation » naissante du début du 19°siècle.

De même, citer en références les relations transsahariennes ou transocéaniques sans jamais proposer d’évaluations de ces relations parait notoirement insuffisant.

La sixième :

L’historien porte des jugements polémiques sur les situations coloniales, pourquoi pas ?

Mais est-ce qu’il n’est pas un tant soit peu réducteur, à la fois sur le plan intellectuel et rédactionnel, d’écrire : « Le colonialisme favorisa l’ethnicisation de l’Afrique » (page 246), ou, « Tant en Afrique française qu’en Afrique britannique, la première guerre mondiale fut suivie d’une tentative visant à faire rentrer les génies de l’appartenance impériale dans les lampes tribales. »  (page249)

Le sujet mériterait beaucoup mieux, car s’il a été quelquefois, par ignorance ou par calcul politique, instrumentalisé par la puissance coloniale, il l’a été beaucoup plus ensuite par certains politiciens africains.

La septième :

Quant aux pensées que l’auteur prête aux dirigeants politiques de la France et à la société française en général,  « la vision dominante », « la société impériale française », et sa conclusion qui proposerait « ce que signifiait pour un Etat penser comme un empire», ce type de réflexion nous laisse rêveur, très rêveur.

Je fais sans doute partie des ignorants de notre histoire coloniale, mais mes recherches et mes lectures ne m’ont pas véritablement convaincu qu’il y ait jamais eu de politique coloniale ou impériale en France, que le peuple français se soit beaucoup intéressé aux colonies, et c’est peut-être là qu’était le vrai problème, alors prêter à la société impériale française un « penser comme un empire », parait tout à fait imaginaire.

Et c’est bien dommage parce que l’auteur appâte le lecteur en mettant dans le titre de ce chapitre l’imaginaire politique, alors qu’il n’y consacre que quelques pages !

L’auteur esquisse quelques réflexions sur l’existence de connexions, de réseaux transnationaux, de limites au pouvoir colonial, et c’est sur ce terrain que la réflexion et la recherche aurait pu être la plus novatrice, mais le lecteur doit rester sur sa faim.

Empires ou non, états-nations ou non, imaginaire colonial ou non, en tout cas non démontré, la colonisation française n’a pas fonctionné de la façon abstraite décrite.

&

La France et l’Afrique n’ont jamais été en mesure de relever le challenge de la citoyenneté républicaine pour de multiples raisons, dont les deux principales sont celles des deux guerres mondiales : après 1918, une France saignée à blanc qui n’avait plus les moyens de ses ambitions coloniales, pour autant qu’elle en ait eu ; après 1945, une France encore plus affaiblie, et l’arrivée des Etats Unis, de la guerre froide qui a redistribué toutes les cartes.

Est-ce que le FIDES aurait pu exister sans le plan Marshall, financé par les Etats Unis ?

Les caractères gras sont de ma responsabilité

« La vie militaire aux colonies » par Eric Deroo – Lecture

« La vie militaire aux colonies »

par Eric Deroo

Lecture

            Un livre intéressant, avec de belles images, mais qui soulèvent quelques questions préalables, outre les autres remarques qu’il est possible de faire sur certains de ses chapitres, avec une grande réserve, pour ne pas dire plus, en ce qui concerne le contenu du chapitre 4 intitulé » « En colonne ». (page 64 à 112). Nous en donnerons les raisons.

 Il contient une introduction « Militaires et photographes » et sept chapitres intitulés : Au-delà de Suez, Rencontres avec l’autre, Des terres nouvelles, En colonne, La grande vie, Sous le casque blanc, et enfin Bâtisseurs d’empires, soit un total, 179 pages d’images et de textes.

            L’introduction prête sans doute une importance qu’elle n’avait pas, parce que non encore démontrée à ce jour (1), au rôle des images et de la photo dans la propagande coloniale :

«  Un processus implacable s’instaure, auquel elle participe largement (la photo) qui légitime l’œuvre coloniale en dévaluant les sociétés conquises et en renforçant la croyance commune dans une échelle des races, avec à son sommet  l’«homme blanc », et sur laquelle d’autres races progressent lentement, qu’il faut aider. »(page 5)

La question se pose par ailleurs de savoir pourquoi le livre a fixé comme borne historique, l’année 1920. (page 9)

Est-ce qu’il n’aurait pas été intéressant par ailleurs d’indiquer si les troupes de marine disposaient, à un moment donné des conquêtes, de photographes des armées, donc organiquement ou non, c’est-à-dire incorporés dans les unités militaires, et à quel niveau du commandement ?

Enfin, est-ce qu’il n’aurait pas été plus rigoureux, et aussi plus respectueux du travail et des œuvres des photographes, sur le plan de l’utilisation des sources, d’indiquer pour chaque image, le nom du photographe ou, faute de nom, de la source, avec si possible la date et le lieu, si possible, ce qui n’est pas toujours indiqué ?

Quant au contenu des chapitres eux-mêmes, rien à dire d’important sur les chapitres Rencontres avec l’autre, Terres nouvelles, Sous le casque blanc et Bâtisseurs d’empire, des chapitres qui illustrent convenablement les sujets traités.

Une observation qui concerne, le premier chapitre intitulé Au-delà de Suez, avec une belle photo d’entrée de jeu qui concerne le détroit de Magellan : un peu surprenant, non ?

Une autre remarque qui a trait au chapitre « La grande vie » : il est un peu étonnant également de voir le chapitre débuter avec la photo d’un empereur d’Annam, Thang Taï, complètement fou, destitué, parce qu’il torturait et assassinait ses concubines.

Et au sujet de ce même chapitre, il parait tout de même difficile de classer les nombreuses photos de la Fête nationale du 14 juillet dans la catégorie « La grande vie ».

Et d’ajouter que pendant la période de conquête, en gros, de 1880 à 1914, les marsouins et bigors qui connaissaient la grande vie, n’étaient pas très nombreux, car leur vie la plus ordinaire était la « colonne ».

Des critiques de fond sur le chapitre « En colonne » :

Le seul chapitre susceptible de faire l’objet d’une véritable critique de fond, sur le plan historique est en effet celui intitulé « En colonne », 48 pages de photos, sur le total des 179 pages de l’ouvrage, soit le quart des pages, avec le chiffre négligeable de dix photos qui ne font qu’esquisser le thème « En colonne », un des thèmes majeurs de la vie militaire pendant la période étudiée.

Avant d’aller plus loin, indiquons qu’il semble tout à fait incongru de classer dans ce chapitre la mission Pavie au Laos (pages 74 et 75) : rien à voir entre l’explorateur aux pieds nus et une colonne.

Les commentaires de présentation utilisent deux expressions pour dénommer une colonne, colonne de police ou colonne armée, sans attacher une autre importance à ce que fut la « colonne » dans l’histoire coloniale et dans l’histoire militaire de l’époque des conquêtes coloniales.

Elle fut le véritable instrument de la conquête coloniale, en Afrique, en Asie, et à Madagascar, avec des caractéristiques qui les rapprochaient quelquefois plus de la « colonne » que de l’expédition militaire, tel que ce fut le cas au Tonkin, au Dahomey, ou à Madagascar.

Les colonnes de la conquête coloniale furent toujours minutieusement préparées, organisées, et menées, avec une réunion des moyens, effectifs, armement, et ravitaillement sur une première base de départ, par exemple Kayes lors des premières colonnes du Soudan.

Une colonne était éclairée par des spahis en éclaireurs, comportait des effectifs plus ou moins importants, centaines ou milliers de combattants, avec le plus souvent une majorité de tirailleurs, des canons de montagne, un convoi de porteurs et de mulets chargés du ravitaillement, et en accompagnement, le long cortège des épouses de tirailleurs.

Et en terrain non pacifié, elle fonctionnait en permanence comme une force de combat, en défense ou en attaque.

A titre d’exemples :

–       En 1883, la colonne du colonel Borgnis-Desbordes qui prit pied à Bamako, comprenait 521 combattants, dont 217 européens et 27 officiers.

–       En 1886, la colonne du colonel Frey comprenait 607 combattants, dont 27 officiers, 50 spahis, 2 médecins, 2 vétérinaires, un service télégraphique. Elle disposait de quatre canons de 4, et de 300 porteurs. Il s’agissait d’un des premiers gros contacts avec l’Almamy Samory.

–       En 1891-1892, la colonne Humbert chargée de combattre Samory dans son fief de Bissandougou, sur le Haut Niger, comptait plus d’un millier de combattants, dont 144 européens. Elle disposait de quatre canons de montagne de 80, dont elle eut à faire usage pour réduire la citadelle de Samory. Sa logistique reposait sur des convois de pirogues venus de Siguiri et de mulets.

Le bilan de cette campagne fut  de 61 combattants tués, dont 2 officiers, et de 176 blessés, dont 12 officiers.

Au Tonkin, dans le Yen-Thé, d’octobre 1895 à décembre de la même année, le colonel Gallieni mit en œuvre des colonnes puissamment armées, avec canons et éléments du génie, pour tenter d’amener un des grands rebelles du Tonkin, le Dé-Tham à accepter sa reddition.

Dans un article très documenté de la Revue Maritime et Coloniale,  le capitaine Péroz examinait cette technique de conquête coloniale, en la comparant à celle comparable que mettaient en œuvre les Anglais, mais avec une intendance extraordinairement plus lourde que celle des Français.

Le capitaine Péroz proposait de comparer une colonne à une « forteresse ambulante », et pour avoir analysé en détail certaines des conquêtes coloniales de l’époque, ce terme était tout à fait approprié (2).

Il est donc évident que le très petit nombre de photos proposées pour illustrer le thème « en colonne » ne rend absolument pas compte de la vie et des campagnes en colonne qui constituèrent l’essentiel de la vie militaire aux colonies, jusque dans les années 1914, moins de dix photos, dont quelques-unes intéressantes, à Madagascar, en 1907, donc dans la phase de pacification postérieure à la conquête (page 64 et 65), et au Soudan, en 1898,  lors de la capture de Samory (pages 96 et 97) .

Jean Pierre Renaud

(1)  Voir le livre « Supercherie Coloniale » Mémoires d’Hommes 2008

Voir les analyses à ce sujet (page 179) dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » Editions

Les élections en Côte d’Ivoire: la Françafrique de Libé et du Parti socialiste

Libé (27 et 28/11/10 et la Côte d’Ivoire : une information objective ?

            Le journal Libération publie une double page sur les élections de Côte d’Ivoire, et c’est plutôt une bonne initiative, mais que faut-il en penser en réalité ?

            La première page publie une immense photo d’une manifestation favorable à Gbagbo, une demi-page en surface avec la page 2 : ne s’agit-il pas d’une publicité électorale indirecte ? Voyez, chers lecteurs, la popularité de Gbagbo !

            Autre remarque, à gauche de la page, une présentation sommaire des deux candidats, Gbagbo et Ouattara :

            Laurent Gbagbo

A 65 ans cet opposant à Félix Houphouët-Boigny…

            Alassane Ouattara

            Ce musulman originaire du nord…

            Du premier, le journal ne donne ni l’origine géographique, ni la religion, alors qu’il les donne pour le deuxième.

            Vous avez lu ? Musulman ? Et Gbagbo est-il fétichiste, animiste, chrétien, ou athée ? Du nord ou du sud ?

            Sur l’article lui-même qui représente à peu près une page, rien à dire, mais la deuxième page contient sur deux colonnes, une analyse de la position du PS sur le cas Gbagbo : difficile à le lire, à dire quel est le responsable socialiste qui a assisté à un meeting de Gbagbo ? Lang, Le Guen, ou Cambadélis, alors que l’on sait déjà que Lang a pris l’avion personnel du candidat Gbagbo pour assister à l’un de ses meetings ?

            Conclusion : contrairement à ce que certains croient ou feignent de faire croire, la Françafrique n’est pas uniquement celle des lobbies capitalistes.

« Le Colonialisme en question » de Frederick Cooper: « Modernité » – Lecture

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

« Modernité »

Lecture 5

Le discours

            Je suggère aux lecteurs de commencer la lecture du volet 4 « Modernité » par le texte de la conclusion de l’auteur qui marque bien les limites de l’exercice :

            « Mon objectif n’a pas été ici de vider de son sens le mot modernité, et certainement pas de nier les problèmes sur lesquels travaillent ceux qui utilisent ce mot. J’ai simplement cherché à promouvoir une pratique de l’histoire attentive aux diverses perceptions que les gens se font du lien entre passé, présent et futur, à défendre une compréhension des situations et des conjonctures qui permettent ou empêchent des représentations particulières, et à susciter la réflexion sur les processus et les causes du passé, de même que sur les choix, les systèmes politiques et les responsabilités concernant l’avenir. » (page 202)

            L’auteur récapitule donc les différentes thèses qui ont l’ambition de donner un sens à ce mot, et son examen conduit donc à des recommandations méthodologiques relatives à l’utilisation du concept par les historiens, mais les sources bibliographiques citées dépassent largement le champ historique proprement dit.

            L’auteur relève tout d’abord que dans trois cas sur quatre, la modernité est attachée au rôle de l’Europe, et nous verrons plus loin, que derrière ce constat, c’est le colonialisme européen qui est visé.

Comment ne pas être d’accord pour constater que :

« le sens le plus ordinaire de moderne est ce qui est nouveau, ce que l’on peut distinguer du passé. En ce sens, la modernité nous a toujours accompagné et nous accompagnera toujours… » (page 161).

Et l’auteur de s’attacher à plusieurs reprises à examiner la relation existant entre le colonial et le moderne :

« La question coloniale n’est pas la question de la modernité, même si la question de la modernité intervient dans l’histoire de la colonisation. » (page 157)…  L’emploi par les historiens et d’autres chercheurs du concept de modernité coloniale oblitère l’histoire, élève des histoires confuses au rang de projet cohérent et minimise les efforts déployés par les populations colonisées pour détourner et s’approprier certains éléments des politiques coloniales, en démontant cette modernité que ses critiques laissent intacte. » (page 158)

« Certains chercheurs parlent de « modernité coloniale » ou d’une « gouvernementalité coloniale » qui est la manifestation du processus foucauldien de création d’un certain type de sujet. » (page165)

D’autres chercheurs préfèrent assimiler le concept à celui d’un « capitalisme plus », mouvement vers la modernité.

Certains auteurs écrivent à ce sujet : « Elle est incolore, inodore et insipide. La modernité n’est pas une catégorie analytique. Elle est une formation idéologique, fluctuante, souvent mal définie, certes, mais néanmoins une formation idéologique. » (page 175)

Vaste débat, et grande variété des opinions, et l’on ne peut qu’être d’accord avec le constat de l’auteur quant à « l’existence de de trajectoires multiples conduisant à des modernités multiples » (page 180), et dubitatif sur le sens des propos qui suivent :

« Que signifie attribuer le rôle d’agent à la modernité ? Si le colonialisme est un aspect de la modernité au sens actuel du mot modernité, il n’a alors pu guère être chose. Dès lors, les responsables des guerres meurtrières de la conquête coloniale, des cruautés du recrutement de la main-d’oeuvre coloniale, de la violence gratuite de la répression de la révolte herero de 1904 à 1907 comme de la révolte malgache de 1947 étaient « modernes ». (page 182)

Je serais tenté de renvoyer cette analyse à celle, plus synthétique, et tout aussi corrosive, d’Axelle Kabou qui revendique une autre conception de la modernité : « L’Afrique du XXIème siècle, dit-elle, sera rationnelle ou ne sera pas. » (page 186)

L’auteur consacre quelques pages à Une modernité coloniale ?  et note à juste titre :

« Si l’on croit sérieusement à la « mission civilisatrice » proclamée par le gouvernement de la IIIème République française à la fin du XIXème siècle, on ne peut tout de même ignorer que les dirigeants coloniaux consacrèrent peu de ressources – en enseignants, en médecins, en ingénieurs – à cette cause ,tandis que l’adversaire irréductible du républicanisme laïc, l’Eglise catholique, envoya dans l’Empire un nombre bien plus considérable d’hommes, dans le but non de civiliser, mais de convertir et d’entretenir un ordre social bien plus hiérarchisé et traditionnel que celui défendu en métropole et outre- mer par les modernisateurs républicains. » (page 196)

  Et dans sa conclusion, l’auteur note :

« Les critiques relèvent les dangers de l’invention par la modernité, d’un « homme universel » censé servir de modèle au monde entier, invention qui efface les origines coloniales de cet homme et de son « autre », traditionnaliste, non européen, qui lui sert de faire-valoir .Mais s’ils soulignent que la modernité est un ensemble d’attributs, ou que ses origines peuvent se réduire au capitalisme et à l’impérialisme, ces critiques ne reconnaissent toutefois la « modernité » que dans la version la plus occidentale du récit et ferment les yeux sur l’ampleur des débats et des luttes qui ont façonné ce que la raison et les droits peuvent prétendre signifier. »(page 202)

Questions

Histoire abstraite ou histoire concrète, réelle ? Histoire à entrées multiples ou à sens unique ?

Est-ce qu’il n’était pas suffisant, tout d’abord, de rappeler la définition tout simple de l’adjectif moderne, c’est-à-dire contemporain, et à l’évidence, un contemporain relatif à un contexte historique de lieu et de de temps ? Ou « nouveau » ? Ainsi que l’indique l’auteur lui-même ?

La première question est celle qui porte donc sur la nature du concept, est-elle une catégorie analytique ? Sûrement, mais l’auteur montre à la fois la variété et la complexité de cette catégorie analytique, et je ne suis pas sûr que la lanterne du chercheur soit mieux éclairée sur le sujet, sauf, si au lieu de fréquenter les mirages des grandes controverses intellectuelles, philosophiques, ou historiques, il se coltine à l’histoire concrète, au terrain, à condition naturellement qu’il y trouve des sources sérieuses d’information.

Car que voulait dire par exemple la modernité coloniale, ou occidentale, ou capitaliste dans l’Afrique occidentale de la fin du XIXème siècle ?

L’arrivée du télégraphe à Bamako en 1883, et en 1885,  avec le premier câble français entre Saint Louis et Ténériffe, une liaison directe avec Paris ? Ou la même année, celle de la première canonnière sur le Niger, et quelques années auparavant, l’arrivée de la voiture Lefèbvre, une des premières charrettes à roue dans l’économie africaine de l’époque sur les premières pistes qui reliaient la nouvelle capitale de Kayes à Bamako ? Ou plus tard, l’introduction des premières charrues (au lieu de la houe) en Guinée ? Pour ne pas évoquer l’ouverture de quelques ports, dont Dakar, sur la façade d’une Afrique occidentale souffrant d’une « anémiante continentalité » ?

Les romans d’Hampaté Bâ fourmillent de notations sur ces aspects de la modernité coloniale, évidemment relative. Comment ne pas citer l’épisode au cours duquel l’enfant Hampaté Bâ fait la connaissance de son premier vapeur sur le Niger, vapeur qui va précisément le conduire à Bamako, en 1905 ?

Alors, « face nocturne » ou « face diurne » de la modernité coloniale que le même Hampaté Bâ, rappelait ailleurs dans ses œuvres, en évoquant le grand et beau conte Peul, philosophique et métaphysique, de Kaïdara.

La deuxième question porte sur le champ conceptuel choisi par l’auteur, vaste champ qui parait enjamber toute la période qui va de 1492 aux années 1970, avec l’ambition de couvrir une grande partie du domaine interdisciplinaire, intercontinental, et en définitive intemporel de la modernité, au risque de perdre de vue le champ historique.

Il ne faut pas avoir fait beaucoup de recherches historiques, je crois, pour avoir compris que la modernité était un concept tout relatif, changeant au cours des siècles, et que sa signification n’a pas été la même dans les pays coloniaux ou pas qui affrontaient ou accueillaient leur « modernité » de l’époque, de même qu’elle n’était pas la même non plus dans les pays « émetteurs » vrais ou supposés de modernité.

Pour revenir un peu les pieds sur terre, certains d’entre nous se rappellent sans doute le nom de villes françaises qui, à la belle époque de l’expansion et de la modernité du chemin de fer, le refusèrent.

Troisième question, relative à la difficulté qui a toujours trait au processus  intellectuel qui permet de passer d’une analyse des faits, d’une situation, à un jugement, à supposer que le jugement soit la marque de l’historien.

L’auteur écrit : «  Si l’on croit sérieusement à la « mission civilisatrice » proclamée par le gouvernement de la IIIème République française à la fin du XIX° siècle, on ne peut tout de même ignorer que les dirigeants coloniaux consacrèrent peu de ressources – en enseignants, en médecins, en ingénieurs – à cette cause, tandis que l’adversaire irréductible du républicanisme laïc, l’Eglise catholique, envoya dans l’Empire un nombre bien plus considérable d’hommes, dans le but non de civiliser, mais de convertir, et d’entretenir un ordre social bien plus hiérarchisé et traditionnel que celui défendu en métropole et outre-mer par les modernisateurs républicains. »(page 196)

Plusieurs remarques à ce sujet :

L’écart entre le discours et la réalité était inévitable, étant donné que le Parlement, par une loi votée en 1900, s’était interdit d’accorder toute subvention aux colonies, leur demandant de trouver elles-mêmes leur financement. Sauf à remarquer tout de même qu’en accordant sa garantie, et en rendant possible une souscription publique, le Trésor français leur accorda certaines possibilités de financement, et donc d’équipement,  que celles-ci n’auraient pas pu trouver hors de cette garantie.

Il ne faut jamais oublier non plus qu’après la première guerre mondiale, la France était un pays « saigné », et qu’il y sans doute là une des explications de la politique coloniale ou de son absence entre les deux guerres.

Les rapports entre administration coloniale et églises d’outre-mer ne furent pas toujours, et loin de là, des rapports conflictuels, étant donné le peu de moyens dont elle disposait pour créer des écoles ou des dispensaires.

La franc-maçonnerie laïque fit souvent bon ménage outre-mer avec l’administration « républicaine ».

« Modernisateurs républicains » ? Compte tenu de la faiblesse de ses moyens, et de sa méconnaissance de la société africaine, l’administration coloniale fut bien obligée de s’appuyer sur l’ordre social existant.

Et nous expliquerons plus loin, à partir des analyses mêmes de l’auteur sur le cas de l’Afrique occidentale française, pourquoi les termes de la dialectique dominant- colonisé étaient posés dès le début des conquêtes coloniales.

Le témoin « colonialiste »

« C’est une idée banale que le colonialisme a contribué à faire entrer de nombreux pays dans la modernité. Ce qui est contesté c’est la façon dont la « modernisation » s’est faite.

            Par « modernité on entend les valeurs et les techniques de l’Europe et de ses extensions (Etats-Unis) – on dirait maintenant « de l’Occident ».

            Certains sociologues ont d’ailleurs qualifié d’«autocolonisation » les effets déployés par certains pays (Empire ottoman, Perse…) pour accéder à la modernité (on trouve par exemple ce terme dans les ouvrages de Gaston Bouthoul)

            Il y avait en effet à des degrés divers et dans des portions plus ou moins grandes des élites un désir de modernité. La question est de savoir si la colonisation (le colonialisme) a accéléré ou non la modernisation. Si l’on compare la situation des pays colonisés avec celle des pays non colonisés, il semble que le colonialisme ait été plus déterminant en Afrique qu’en Asie. Les exemples du Libéria et de l’Ethiopie témoignent peu en faveur de l’Afrique. En Asie, ce ne serait pas un exercice absurde que d’imaginer pour le Viet-Nam une évolution qui aurait été celle du Siam.

            La modernisation apportée par le colonialisme a été parfois brutale. Mais y-a-t-il des transformations profondes du droit, des valeurs, de la hiérarchie et de l’organisation sociale sans violence. L’exemple des révolutions incite à une réponse prudente.

            Un reproche qui pourrait être fait au colonialisme est celui d’avoir effectué une modernisation insuffisante. On a parfois l’impression qu’avec les moyens qu’on lui prête il aurait pu faire mieux. Ainsi au moment des indépendances africaines, on distinguait encore deux Afriques : une en cours d’évolution et une autre (plus étendue) restée traditionnelle.

            Quand la colonisation avait encore pignon sur rue au plan international, il était admis que la modernisation (l’accès à la modernité) devait conduire à l’indépendance (ou à son équivalent). C’était la philosophie du système des mandats et de celui de la tutelle. Les colonisateurs ont pu avoir la tentation de ne pas hâter les choses, et pout cela préférer diffuser les moyens de la modernité plutôt que l’esprit (critique) de la modernité. Les Belges, parmi d’autres, ont eu à subir ce reproche. Dans cette circonstance, il y a pu  y avoir une certaine antinomie entre colonialisme et modernité.

            Quelles que soient les ses imperfections la modernité léguée par le colonialisme reste une donnée qu’il appartient aux pays ex-colonisés d’exploiter. C’est ce qu’ont dû reconnaître les adversaires du colonialisme. Karl Marx, dans un essai célèbre sur la domination britannique aux Indes, disait déjà, -près avoir condamné des sacrifices humains énormes – que le colonialisme avait rendu possible ce sur quoi l’Inde construisait. De son côté l’historien indien Panikkar note dans son livre « L’Asie et la domination occidentale » (1953) :

« La domination européenne, en forçant les peuples asiatiques à la fois à résister et à s’adapter aux idées nouvelles qui, seules, pouvaient les aider à se libérer et à se renforcer, leur a donné une nouvelle vitalité et a réellement préparé l’avènement d’un monde nouveau. » (page 422)

Pour souligner l’importance de la relation entre le colonialisme et la modernité, on observera que si l’anglais est la langue de la modernité la plus actuelle, il le doit à la colonisation britannique. »

M.A

Les caractères gras sont de ma responsabilité

Humeur Tique: les cuisines de l’Elysée, la HAT démocratique de Madagascar, la démocratie elyséenne du Parti Socialiste

Humeur Tique : les cuisines de l’Elysée, la HAT de Madagascar, issue d’un coup d’Etat et ses atteintes à la sûreté de l’Etat, la démocratie Elyséenne du PS et la démocratie lycéenne

Les cuisines de l’Elysée :

Hier 25 novembre, l’émission « Envoyé spécial », sur France 2, a diffusé un documentaire très intéressant sur la gastronomie française, trop souvent, et dans beaucoup de restaurants,  une gastronomie du micro – ondes.

Le Président de la République a défendu et obtenu la reconnaissance de la gastronomie française par l’UNESCO, bravo et très bien ! Mais que voit-on dans ce documentaire, et qui voit-on ?

Le capitaine des cuisines de l’Elysée, Bernard Vaussion, qui accorde donc son patronage « physique » à la grande manifestation mondaine d’un des grands fabricants de produits et de plats cuisinés, la société anglaise Brake, si j’ai bien compris.

Martin Hirsch aura donc la possibilité d’ajouter un nouveau chapitre gastronomique, à son livre « Pour en finir avec les conflits d’intérêt »

Et en ce qui me concerne, si les faits décrits sont avérés, je virerais purement et simplement ce grand chef tricolore des cuisines de l’Elysée.

La Haute Autorité de Transition de Madagascar et la démocratie

Il est tout de même curieux qu’une Haute Autorité de Transition, venue au pouvoir à la suite d’un Coup d’Etat, toujours transitoire depuis presque deux années, s’arroge aujourd’hui le droit d’engager des poursuites contre X ou Y pour atteinte à la sûreté de l’Etat, alors que depuis presque deux années, elle porte atteinte à cette sûreté de l’Etat, et ce qui est plus grave, à la sûreté du peuple malgache.

La France n’a pas été claire dans cette affaire, en ne s’engageant pas pleinement et clairement dans le processus de retour à la démocratie initié par les accords de Maputo. Nombreux sont en effet ceux qui pensent, que la France a contribué, tout au début de la crise, et après le coup d’Etat, à pourrir la situation politique de ce pays.

Démocratie au Parti Socialiste et démocratie lycéenne ?

Dans une livraison précédente, nous avons dit ce que nous pensions de la démocratie lycéenne à l’occasion du blocage non démocratique des lycées. Pour Ségolène qui avait incité les lycéens à descendre dans la rue, c’était effectivement un galop d’essai

Le Parti Socialiste a retenu la leçon : après avoir passé des années à batailler, plutôt que de s’attaquer à un projet de gouvernement, et à se mettre d’accord sur un processus électoral permettant le choix de son candidat aux futures présidentielles, on voit bien que tout cela n’a servi à rien : Aubry, Strauss-Kahn, et Royal ont passé un accord de non-agression, si les citoyens ont bien compris le discours d’Aubry.

Il ne reste donc plus qu’au principal « cocu » de ce processus et autres candidats de fonder un nouveau parti démocratique, ou à lancer un nouveau processus de désignation démocratique pour l’année 2017, si tout se passe bien.

« Le colonialisme en question », Frederick Cooper : « Globalisation » lecture 4

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

« Globalisation »

 (page 124 à 152)

Lecture 4

Globalisation, deuxième concept d’analyse proposé par l’auteur : est-il opératoire en recherche historique?

Le discours

            L’historien écrit :

            «  Il y a deux problèmes avec le concept de globalisation, premièrement le global, deuxièmement l’isationGlobal suggère qu’un système de connexions – via en particulier les marchés des capitaux et des biens, les flux d’information et les espaces imaginaires – a investi la planète toute entière ; isation, que cela se passe maintenant, que nous sommes à l’ère du global… On ne pose pas les questions cruciales : sur les limitations des interconnexions, sur les régions auxquelles la capital n’a pas accès et sur la spécificité des structures nécessaires au fonctionnement de ces connexions… Ce qui est absent des discussions actuelles sur la globalisation, c’est la profondeur historique des interconnexions et l’examen des structures et des limitations des mécanismes de connexion…(page 124)

            Les africanistes devraient selon moi être particulièrement sensibles à l’ancrage temporel des processus transterritoriaux, car la notion même d’Afrique a été façonnée durant des siècles par des liens tissés à travers le continent, les océans et les déserts –par la traite esclavagiste atlantique, par les routes de pèlerinage, les réseaux religieux et les idées associées à l’islam, par les relations culturelles et économiques de part et d’autre de l’Océan indien. » (page 124,125)

            L’auteur examine la relation entre territoire et connectivité et observe :

            «  Les changements survenus ces dernières décennies au niveau du marché des capitaux, des firmes transnationales, méritent un examen attentif, mais cela ne doit pas nous faire oublier l’échelle, elle aussi gigantesque, à laquelle, au XVIIème siècle, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales – reliant les Pays-Bas, l’Indonésie et l’Afrique du Sud, et connectée aux réseaux commerciaux alors existants dans le Sud-Est asiatique – a pris ses décisions d’investissement et de production. » (page 128)

            « La globalisation est elle-même un terme dont le sens n’est pas clair et qui suscite d’importants désaccords parmi ses utilisateurs. » (page 131)

            L’auteur souligne le rôle des Caraïbes dans le développement du capitalisme anglais et l’importance des échanges transatlantiques au XIXème siècle.

            «  La juxtaposition des années 1791 et 1938 permet d’appréhender la politique dans une perspective spatiale transcontinentale – et non comme un affrontement binaire entre authenticité locale et domination globale – et de mettre simultanément en relief la lutte sur le sens des idées et leur transmission dans l’espace. » (page 135)

            « Océans, continents et histoires croisées » (page 137)

            La description que fait l’auteur de la position de l’Afrique est plutôt déconcertante pour qui connait un peu l’histoire de l’Afrique de l’ouest :

            « Cela ne signifie pas que l’Afrique était un continent de paisibles villages, car des efforts y étaient déployés pour surmonter précisément les défis que posaient les groupes de parenté et la dispersion physique. L’aspirant roi tentait s’assujettir des personnes à la dérive – celles qui étaient en conflit avec leurs aînés ou dont les parentèles s’étaient décomposées – afin de se constituer une suite patrimoniale. » (page 140)

            Cette description mérite incontestablement un détour de lecture :

            «  Les rois africains étaient vulnérables chez eux et puisaient leur pouvoir dans leurs liens avec l’extérieur. Le commerce des esclaves ne signifiait pas la même chose pour les différents partenaires : pour le roi africain, il signifiait l’acquisition de ressources… en s’emparant des bien humains d’autrui et en s’évitant ainsi de subordonner sa propre population. Razzier un autre territoire et vendre à un acheteur étranger les esclaves récupérés externalisait non seulement le problème du recrutement mais aussi celui de la surveillance. Avec le temps, le marché extérieur eut un impact croissant sur les politiques et les économies de certaines régions d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale, impact que n’avaient pas prévu les premiers rois africains qui se trouvèrent impliqués dans ce système transatlantique. » (page 140, 141)

            Et de rappeler l’interdiction internationale du commerce des esclaves :

            « Ce langage fut d’abord utilisé pour extirper un mal présent dans les empires européens et dans le système atlantique, puis à partir des années 1870, pour sauver les Africains de la soi-disant tyrannie qu’ils exerçaient les uns sur les autres. »  (page 141)

            L’auteur analyse ensuite le rôle des réseaux anciens et des réseaux nouveaux :

            « Les conquêtes coloniales imposèrent non seulement des frontières territoriales aux réseaux commerciaux qui se déployaient sur de grandes distances à l’intérieur de l’Afrique, mais aussi des monopoles sur le commerce extérieur qui se développait à l’époque, bouleversant ou détruisant ainsi les systèmes commerciaux plus articulés qui traversaient l’océan Indien et le Sahara ou longeant les côtes ouest-africaines » (Page 143)

            Les colonisateurs : « Ils apprenaient à certains indigènes le minimum nécessaire pour interagir avec eux puis tentaient de les isoler du reste de la population – dont ils soulignaient et institutionnalisaient la division en soi-disant unités culturelles et politiques distinctes (les «tribus »). » (page 143) 

            « Comment penser l’histoire de l’Afrique en en soulignant les connexions spatiales sans toutefois supposer le global ? La vision du responsable colonial ou de l’anthropologue des années 1930 – une Afrique gentiment divisée en unités culturelles et autorevendiquées – était illusoire, malgré la tendance des mythes officiels à créer leur propre réalité. «  (page 146)

            Et pour  éclairer  le débat ?

            «  A l’instar de la théorie de la modernisation, la théorie de la globalisation tire sa force du fait qu’elle unit des phénomènes divers au sein d’un cadre conceptuel et d’une vision unique du changement. Et c’est là que ces deux théories obscurcissent plus qu’elles n’éclairent les processus historiques. » (page 150)

            « On peut bien entendu voir dans toutes ces formes changeantes, présentes et passées, de connexions transnationales, d’intégrations et de différenciations, de flux et de blocages, des aspects d’un processus unique mais complexe que l’on peut appeler « globalisation ». Mais cela revient à défendre le concept en soulignant son peu de signification… et surtout pouvons-nous développer une terminologie différenciée qui invite à réfléchir sur les connexions et leurs limitations ? » (page 152)

            Très bien ! Mais que propose donc l’auteur pour identifier et décrire les connexions et leurs limitations ?

Questions

Elles sont nombreuses, trop nombreuses sans doute, et nous allons tenter de les résumer.

Acte est donné tout d’abord à l’auteur, quant au doute cartésien qu’il recommande sur un  tel sujet, le premier précepte du raisonnement cartésien : « Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle. »

N’est-il pas toutefois trop ambitieux de vouloir embrasser tout le champ géographique et historique d’un tel débat, sans s’attacher au fonctionnement concret d’un processus de globalisation, et en s’en remettant aux travaux d’autres sociologues, anthropologues ou historiens ?

Ce type d’analyse effectivement trop abstraite, trop globalisante, rencontre rapidement ses limites, d’autres limites que celles indiquées par l’auteur, celles du terrain, de l’histoire concrète, celle d’une région d’Afrique, celle de l’Ouest, précisément, dont le contenu et les caractéristiques ne paraissent pas pouvoir entrer dans l’épure.

Le tableau que l’auteur fait de cette Afrique ne correspond pas à celle communément décrite par les historiens, et je ne reviendrai pas sur certaines appréciations, un peu trop tendancieuses, citées plus haut.

Le chapitre évoque le transnational, les réseaux, les limitations, les échelles, mais il me semble que la théorie économique fait une assez large place à ces concepts, et dans un passé relativement  récent, François Perroux a donné un exemple du fonctionnement concret et théorique des pôles de développement.

Echelles du problème : citer les réseaux commerciaux du Sahara comme exemple d’un fonctionnement ancien des connexions, certes, mais il aurait fallu en donner la mesure : je ne suis pas sûr que le commerce saharien ait eu le même poids que le commerce côtier de l’Afrique occidentale, dans les années 1870, et sûrement pas celui que la création des premiers ports côtiers a débloqué.

Il faut relire à ce sujet les travaux du géographe Richard-Molard qui a décrit avec talent les caractéristiques de ce morceau d’Afrique, caractérisé par son « hypercontinentalité », c’est-à-dire de mauvais et très rares accès à l’océan.

Echelles encore en ce qui concerne les remarques sur le transnational existant à l’époque de la révolution d’Haïti : il serait intéressant de connaitre le fonctionnement concret de ce type de transnational, alors que les bateaux mettaient de longs mois, lorsqu’ils arrivaient à bon port, pour traverser l’Atlantique, et alors que les habitants de France et les nouvelles du jour, pour autant qu’elles existaient, avaient déjà beaucoup de mal à circuler dans une communauté, nationale ou non, largement paysanne et attardée.

Comment ne pas adhérer au raisonnement de l’auteur quand il conseille de porter le regard sur les « questions cruciales », « les limitations des interconnexions », quand il souligne la nécessité de dépasser « l’affrontement binaire entre authenticité locale et domination globale », et appelle l’attention sur la sensibilité que doivent avoir les africanistes quant à « l’ancrage temporel des processus transnationaux » ?

Mais il est bien dommage que l’auteur n’ait pas livré des analyses précises sur les phénomènes qu’il relève, et dont il énumère les concepts qui paraissent les plus novateurs, tels que les connexions, les interconnexions, et leurs limitations, les réseaux, le transnational, les flux,  les hybridations, les systèmes flexibles, etc. Et qu’aucune évaluation des effets de ces concepts n’ait été proposée, ou esquissée.

C’est sur ce terrain que l’analyse aurait pu dépasser le stade du doute « cartésien » qu’il recommande aux chercheurs, et proposer une méthodologie innovante, et nous verrons ce qu’il faut penser de ce qui semble être le test historique de ce type d’analyse en examinant le chapitre VIII, intitulé « Syndicats, politique et fin de l’empire en Afrique française. »

Le témoin « colonialiste »

«  « Globalisation », c’est un mot anglais apparu à la fin des années 1970 pour désigner à la fois « une plus grande liberté dans le mouvement des biens, des capitaux, des gens et des idées autour du monde (« cf The Economist du 7 novembre 2009) et à un processus d’interactions grandissantes entre les économies et les sociétés de notre planète (cf Olivier Piétré-Grenouilleau). La galaxie histoire-monde dans le Débat mars avril 2009.

On l’a présenté d’abord comme un phénomène propre à notre époque avec la révolution dans l’information, puis comme un phénomène ancien qui s’est reproduit plusieurs fois dans l’histoire de l’humanité. Sa traduction en français « mondialisation » est à la mesure de cette ampleur historique.

            Le XIXème siècle est crédité d’une mondialisation. Si l’on met l’accent sur la plus grande liberté dans les échanges, les liens entre le colonialisme et cette mondialisation semblent d’une nature indirecte. Pour autant que le colonialisme s’explique par un retour au protectionnisme, le colonialisme serait plus une réaction contre la globalisation qu’un épanouissement de cette globalisation.

En revanche, si l’on est plus sensible à l’aspect « interaction », il y a parfaite correspondance entre les deux phénomènes. Les héros du colonialisme et de la globalisation sont interchangeables. C’est du moins la conclusion que l’on peut tirer de la description que l’historien américain Nayan Chanda fait des quatre groupes sociaux (commerçants, missionnaires, aventuriers et guerriers) qui selon lui  ont donné forme à la globalisation. (cf son livre Bound Together : How traders, preachers, adventurers and warriors shaped globalisation)

On soumet souvent la mondialisation présente aux grilles de lecture “perdants-gagnants” “périphérie-centre » et on évoque le rôle qu’a pu avoir le colonialisme dans le classement des pays de la planète dans les diverses catégories. Les constats que l’on peut faire sur la situation des anciennes colonies n’amènent pas de conclusions claires. Si les anciennes colonies d’Afrique sont dans la « périphérie » et souvent « perdantes », celles d’Asie s’apparentent de plus en plus à des « centres » gagnants. D’une certaine façon, ce qui importe ce sont plus les comportements des pays concernés que leur passé de colonies. »

M.A

Les caractères gras sont de ma responsabilité

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« Le colonialisme en question » de Frederick Cooper (première partie), lecture 2

« Le colonialisme en question »

Frederick Cooper

« Première Partie »

«  Etudes coloniales et interdisciplinaires (page 9 à 81) »

Lecture 2

Le discours

L’auteur brosse un tableau général de l’évolution conceptuelle et historique des études coloniales (ou postcoloniales ?) mondiales et en analyse les tendances et les défauts, en négligeant quasiment, comme déjà indiqué,  l’historiographie française, alors que les analyses portent principalement sur les empires coloniaux  de l’époque moderne.

Dans ce tableau, l’auteur relève : «Pourtant, une part significative de ces travaux a isolé les études coloniales de l’histoire, dont l’importance vient juste d’être affirmée, et traite le colonialisme de manière abstraite, générique, comme une chose à juxtaposer à une vision pareillement plate de la « modernité » européenne. ».

Et plus loin : « Refuser de considérer le « colonial » comme une dimension nettement délimitée, dissociable, de l’histoire européenne constitue un défi important pour l’analyse historique. » (page 10)

Plus loin encore, il relève que les travaux de chercheurs non européens ont facilité la discussion sur « la centralité de l’expérience coloniale dans l’histoire mondiale. » (page 51)

« La critique des Lumières et de la modernité est devenue l’une des activités favorites des études coloniales et postcoloniales ; » (page 13)

Les concepts d’analyse les plus fréquentés du colonialisme portent d’abord sur l’identité, la modernité, et la globalisation, et les analyses interdisciplinaires ont ouvert d’autres horizons :

« Or, si elles ont fait connaître à un large public transcontinental la place du colonialisme dans l’histoire mondiale, la majorité de ces études attribuent cependant à un colonialisme générique – situé quelque part entre 1492 et les années 1970 – le rôle décisif dans la construction du moment postcolonial, dans lequel on peut condamner des distinctions et une exploitation injustes et célébrer la prolifération des hybridations culturelles et la rupture des frontières culturelles. » (page 22)

Questions :

1492 – 1970, ce spectre chronologique n’est-il pas à la fois trop vaste et trop vague ?

Pour le lecteur, précisons que le terme les Lumières vise le siècle du même nom et l’Occident, avec l’énonciation de valeurs telles que la liberté et les droits naturels, mais l’historien anglais Headricks, dans son livre « The tools of Empire » a développé, en ce qui concerne l’impérialisme colonial des deux derniers siècles, une analyse qui parait plus convaincante, celle d’une supériorité occidentale assurée par les grandes découvertes technologiques du XIXème siècle.

Quant à la prolifération des « hybridations culturelles » et à l’affirmation d’après laquelle, le postcolonial correspondrait à « la rupture des frontières culturelles », le propos parait trop flou : l’histoire mondiale a été le fruit permanent d’une hybridation culturelle, sans d’ailleurs que les frontières culturelles aient le plus souvent disparu.

L’auteur soulève la question de la distinction qu’il conviendrait de faire ou de ne pas faire entre les empires coloniaux et les autres empires :

«  Les efforts des nouveaux empires se heurtèrent aux mêmes problèmes que ceux rencontrés par les anciens : la dispersion géographique, les chaînes de commandement étendues, le recours indispensable aux circuits économiques régionaux et aux systèmes locaux d’autorité et de patronage. » (page 36)

Et « Comment peut-on distinguer clairement les empires coloniaux des autres types d’empires ? ». (page 41)

Pour un esprit habitué à délimiter un objet de recherche, à le situer dans son contexte interdisciplinaire, et naturellement chronologique, ce discours flottant peut surprendre. Alors s’agit-il du colonialisme ou des empires ? Ou le colonialisme est-il un concept qui contient celui d’empire ? Et que dire de l’ambiguïté que recèle le mot même de colonialisme, selon le sens qu’on lui attribue !

            L’auteur intitule un de ses paragraphes « La fin des empires et la marginalisation des études coloniales » (page 52), et ce discours est tenu par un certain nombre de chercheurs français, lesquels feignent d’ignorer, dans le cas de la France, la place effectivement marginale que l’empire a occupée dans l’économie et l’opinion publique françaises, sauf au cours des deux guerres mondiales, après 1945, avec la guerre d’Algérie, et à l’époque postcoloniale avec l’immigration africaine. Donc, rien de surprenant à ce que ce créneau de recherche historique n’ait pas obligatoirement attiré nos chercheurs ! J’ajouterais même qu’il aurait été par ailleurs, et aux yeux d’excellents esprits, un des domaines de recherche de prédilection des chercheurs à culture marxiste.

Dans la conclusion de cette première partie, l’auteur écrit :

 «  L’histoire coloniale à l’époque de la décolonisation a souffert d’une double occultation des années 1950 aux années 1970, l’idée de modernisation a occulté le colonial. Dans les années 1980 à 1990, l’idée de modernité a occulté l’histoire. La spécificité du projet formulé par Balandier en 1951 a pendant un temps disparu derrière les espoirs de construction d’un avenir nouveau. » (page76)

Et plus loin : « Aujourd’hui, une fois que le colonialisme est identifié au jumeau malfaisant de la rationalité héritée des Lumières, on ne voit plus très bien ce que l’on doit faire ensuite. » (page77)

Jumeau malfaisant ? Ne s’agit-il pas d’un jugement moral ? Sommes-nous encore dans l’histoire coloniale ou postcoloniale ?

Ce chapitre d’introduction aborde la relation entre l’histoire et le colonial ou le postcolonial, dimension historique ou non, et c’est une des questions, mais son contenu laisse un peu sur la faim.

A ma décharge, n’étant ni chercheur universitaire, ni historien professionnel, je vous avouerai que le cheminement intellectuel de l’auteur, désarçonne plus qu’il ne convainc.

Si le colonial est partout, s’il a baigné tous les siècles de l’histoire européenne du quinzième au vingtième siècle, s’il s’agit de la domination des Lumières, alors il est à la fois un accessoire et un principal, mais je ne sache pas que l’histoire coloniale française n’ait pu être autre chose qu’un domaine mineur, sans qu’elle ait, à ma connaissance, négligé le contexte historique mondial.

En tout cas, et pour un chercheur « postcolonial », ce premier chapitre constitue un excellent répertoire, au plan international, des études les plus récentes sur ces vastes sujets. Les sujets qui peuvent « interpeller », ou « fâcher », c’est selon, seront abordés dans les chapitres suivants que nous tenterons d’analyser et de commenter au cours des prochaines semaines.

Alors le Colonial ou le Postcolonial ? Everywhere or anywhere ?

Jean Pierre Renaud

Elections en Côte d’Ivoire: La Françafrique du Parti Socialiste, « Papamadit » est de retour!

  Le Monde du 10 novembre titre en page 6 :

«  En pleine campagne présidentielle ivoirienne, le PS renoue avec M.Gbagbo »

            « Laurent Gbagbo est le candidat du cœur. Laurent Gbagbo est le candidat de l’amitié. Laurent Gbagbo est le candidat de la fidélité », s’est exclamé Jack Lang, député PS, lors d’un meeting du président sortant, le 17 octobre à Bouaflé (centre du pays), où il avait été transporté dans l’avion privé du candidat. »

            Et plus loin, le journaliste du Monde, M. Philippe Bernard fait état du déplacement en Côte d’Ivoire de MM Cambadélis et Le Guen (courant Strauss-Kahn) et du propos Cambadélis, secrétaire national chargé des relations internationales, d’après lequel le candidat en question est une « personnalité estimable »

            Est-ce qu’on n’est pas devenu fou au Parti Socialiste ?

            La belle et corrompue Françafrique de « Papamadit », le fils monsieur Afrique de Mitterrand, serait-elle donc de retour ?

Vous avez lu ?  Lang s’est rendu à un meeting électoral du candidat dans son avion privé.

 Cambadélis s’est-il déplacé, en cours de campagne, pour « soutenir le processus électoral », ou pour soutenir le président sortant, seul candidat qui aurait accepté de le recevoir ?

 C’est véritablement prendre les citoyens de Côte d’Ivoire et les citoyens de France pour des fèves de cacao !

Ingérence donc de la France socialiste dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire, néocolonialisme d’un ancien et nouveau genre, de la part d’élus qui n’ont pas de mots assez durs pour condamner tout ce qui a une odeur de néocolonialisme, au risque, une fois de plus, et à juste titre, de laisser croire que la France reste fidèle à des vieux démons colonialistes ou néocolonialistes, qui n’ont jamais vraiment inquiété l’inconscient collectif des Français, cher à certains chercheurs ou historiens.

Mais ce qui est beaucoup plus grave, au risque de mettre en péril le renouveau démocratique de la Côte d’Ivoire, et de ne pas inciter d’autres pays d’Afrique à y goûter, ou à y revenir !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique : Côte d’Ivoire, les élections ; immigration, reconduites à la frontière ; la retraite à 60 ans et le Conseil Economique et Social

Côte d’Ivoire, les élections :

            Bravo pour ces élections ! Un tour de force après cinq années de tergiversations du gouvernement !

            Indépendante en 1960, il y a donc 50 ans, la Côte d’Ivoire était une des colonies les plus prospères de l’Afrique occidentale. Elle avait été une création pure et simple du pouvoir colonial (ou colonialiste, c’est selon) de l’époque (décret du 10 mars 1893), aucune route, aucun port, aucune école, une cinquantaine de peuples, de tribus, ou d’ethnies, (selon vos affinités idéologiques), dont un royaume Baoulé prospère et bien organisé. Chacune de ces entités avait sa propre langue que ne comprenait pas l’entité voisine.

            La prospérité passée n’est pas encore de retour : le Monde du 5 novembre titre en dernière page : « Dans la tente des résultats », car comme l’indique cette lettre d’Afrique signée Jean-Philippe Rémy « 3 600 villages de Côte d’Ivoire ne disposent d’aucune structure, pas même une école, pour organiser le scrutin. »

Immigration, les chiffres de reconduite à la frontière

(le Monde du 5/11/10, page 2)

            21 384 reconduites à la frontière depuis janvier, chiffre publié par le ministère de l’immigration et de l’identité nationale, dont plus de 13 000 ont concerné des ressortissants roumains ou bulgares.

            A quel usage ? Interne ? A destination de l’opinion publique française ?

            Des chiffres fiables ? Pas sûr ! Car une partie des reconduits d’origine roumaine ou bulgare sont déjà de retour dans notre pays, ou le seront bientôt !

             Autant dire que ces statistiques sont à la fois inexactes et obsolètes.

La retraite à 60 ans et le rôle du Conseil Economique et Social.

            Le lecteur voudra sûrement  connaître le rôle qu’a joué notre troisième chambre économique et sociale dans la gestion du dossier de la retraite à 60 ans : nous lui ferons connaître la réponse à cette question que nous avons posée au Conseil.