« Afrique: dépasser l’intensité du temps présent » Stephane Madaule, La Croix du 29/02/16 : ou dépasser le temps de l’écriture?

« L’Agence Française de Développement » à Brazzaville

Avec M.Stephane Madaule, son délégué

Dans le journal La Croix du 29 février 2016, la Tribune «  Afrique : dépasser l’intensité du temps présent » (page 23)

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Question : quel est le but de ce type de tribune, aussi bien pour son signataire que pour le journal qui l’a publiée ?
Un but intellectuel ou un but politique confinant avec une idéologie humanitariste qui ne dit pas son nom ?
Parler du développement et tenir un discours du type « Continuez ! Mettez-vous en plein les poches ! » Car le « temps présent » file entre vos mains !
La belle citation !  : « …Devant l’incertitude, comment ne pas être tenté de tirer avantage de sa fonction le plus vite possible pour soi-même et pour son entourage qui réclame avec insistance sa part du gâteau ?… »
Un beau titre littéraire pour un sujet austère qui touche à l’économie et à la politique du développement !

            Qu’est-ce à dire vraiment ?

            Le titre porte sur l’Afrique en général, mais il parait difficile, dans le cas de ce continent, d’avoir l’ambition d’en appréhender la complexité et la variété sous cette seule appellation géographique.

            A lire cette tribune, signée sous la qualité d’ « essayiste », quelle en est la raison, alors que le signataire est le délégué de l’AFD à Brazzaville, une qualité qui aurait permis de mieux localiser géographiquement le sujet traité, c’est-à-dire le cas de l’Afrique centrale, tropicale et équatoriale ?

            L’auteur décrit un contexte de contraintes géographiques extrêmes qui expliquerait l’obsession du court terme que partagent les acteurs de cette zone géographique : « Le temps présent est ainsi surévalué »…, mais tient aussitôt un discours qui n’a rien de géographique ou d’économique :

          « Lorsqu’on a la chance d’assumer des responsabilités dans les affaires publiques ou dans les affaires privées, le court terme domine également. Devant l’incertitude, comment ne pas être tenté de tirer avantage de sa fonction le plus vite possible pour soi-même et pour son entourage qui réclame avec insistance sa part du gâteau ? Si l’on gagne un peu d’argent, on essaie de le protéger du milieu, en l’envoyant ailleurs, à l’étranger, dans des coffres ou sous des latitudes au climat plus clément. Pourquoi l’exposer au soleil ? A l’humidité des tropiques ou à la chaleur du Sahel ? A la demande insistante des porches ? A tous ceux qu’il faut « servir », et qui sont parfois dans le besoin ?…« De nombreuses communautés d’Afrique se construisent sur ce socle, appuyées sur l’instant présent, adaptées à un milieu instable fait d’excès en tout genre, en capacité à jouir complètement et heureusement de l’immédiat. »          

Et le responsable local de l’AFD de conclure :

          « L’’intensité du temps présent qui semble dicter sa loi en Afrique peut et doit être vaincue. Il en va du développement réel de ce continent, pour un bien-être partagé de ses populations. Mais que l’obstacle est  rude à franchir !»

             Discours d’économiste du développement ou discours politique tout disposé à passer en pertes et profits la situation de corruption qui prévaut dans ce continent, toute l’Afrique que l’auteur a ciblée dans sa Tribune ?

               En lisant ce texte, et en me remémorant mes connaissances économiques du sujet, je me suis demandé si son auteur n’avait pas oublié le concept d’«intensité du capital » au lieu d’«’intensité du temps présent », un concept qui aurait sans doute mieux éclairé le sujet sur le terrain économique qui est celui de l’AFD.

                Quant à l’obsession du court terme, est-ce que nos sociétés ne sont pas aussi frappées du même mal : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous en étaient frappés ! », aurait peut-être dit le bon La Fontaine.

               Pourquoi ? Parce que de plus en plus de nos « lettrés » confondent, en tout cas dans ce domaine, l’intérêt général avec la bonne conscience humanitaire.

Jean Pierre Renaud