Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? Quatrième partie et fin

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ?

Quatrième et dernier mouvement du chemin d’analyse et de réflexion, comme  annoncé sur ce thème

Résumé et plein phare sur le cœur de cible historique, la « propagande coloniale »

Source, le livre  « Supercherie coloniale »

&

En prologue

       De quelle histoire postcoloniale est-il question ? Celle racontée par le modèle de propagande Blanchard and Co !

       Il n’est évidemment pas dans mes intentions d’affirmer que cette catégorie d’histoire est représentative de l’histoire postcoloniale dans son ensemble.

        Il est superflu d’indiquer que je ne suis pas un historien de formation, mais que j’ai toujours été passionné par l’histoire. Je suis revenu vers l’histoire coloniale et postcoloniale, en grande partie par curiosité intellectuelle, pour compléter ma culture générale, mais tout autant, afin de mieux comprendre et juger les discours que tiennent certains historiens à la mode qui surfent sur une histoire postcoloniale qui dénature l’histoire coloniale.

       Mes études universitaires, puis les fonctions que j’ai exercées dans la fonction publique, m’ont inculqué une rigueur intellectuelle que je n’ai pas trouvée dans les ouvrages que j’ai analysés.

         L’histoire postcoloniale du modèle de propagande Blanchard and Co soulève maintes questions sur l’écriture de l’histoire postcoloniale, comparables à celles énoncées et analysées dans le livre de Sophie Dulucq « Écrire l’histoire à l’époque coloniale », un ouvrage qui a fait l’objet de ma lecture critique sur ce blog.

       J’y relevais notamment que la question de « servilité » de cette catégorie d’histoire se posait effectivement, mais par rapport à quel pouvoir ?

      Dirais-je en passant, qu’après avoir lu, et souvent annoté de nombreux récits publiés à l’époque coloniale, le plus souvent par des explorateurs, des officiers, des administrateurs, et par des spécialistes, j’en ai conservé le souvenir de récits d’histoire que je qualifierais de « brut de décoffrage », souvent bien rédigés, qui se contentaient de nous faire part des faits et observations de toute nature qu’ils effectuaient alors dans leurs pérégrinations civiles ou militaires ?

       Elles étaient loin d’être « fabriquées » et représentent encore de nos jours une sorte d’encyclopédie coloniale incomparable, fut-elle quelquefois ou souvent entachée d’un certain regard de supériorité blanche !

        Une encyclopédie écrite et en images, à consulter la multitude de croquis, de dessins, de cartes, et de photographies, un potentiel de récits et d’images qui ne paraissent pas avoir trouvé leur place historique dans les livres critiqués !

       La richesse de ces sources a été complètement mise de côté par ce collectif de chercheurs, qui ont choisi comme source historique un échantillon d’images de type métropolitain, supposé représentatif, ce qui n’est pas le cas.

      Est-ce que ces travaux d’histoire postcoloniale ne sont pas à ranger, comme tous les autres, dans la catégorie des histoires qui correspondent aux situations successives de l’histoire de France ? Avec toujours le cordon ombilical du pouvoir ou d’un pouvoir qui tient les manettes, l’Église et la monarchie, puis la République laïque et ses hussards, puis le pouvoir idéologique du marxisme, du tiers-mondisme, et de nos jours le multiculturalisme.

        La « servilité » est toujours omniprésente, et sert d’une façon ou d’une autre les pouvoirs régnant dans chacune des situations historiques décrites !

      De nos jours, il s’agit du marché médiatique auquel les éditeurs sont évidemment sensibles, tant ils ont de peine à rentabiliser les ouvrages en sciences humaines, en concurrence sur les réseaux sociaux, à tel point que la « mémoire »  remplace souvent l’« histoire » avec un grand H.

       La véritable question posée n’est-elle pas celle du pouvoir ou des pouvoirs de l’Université face à ces nouvelles concurrences ?

        En ce qui concerne les thèses d’histoire postcoloniale, et compte tenu de leur impact idéologique, pourquoi n’exigerait-on pas qu’elles ne soient pas frappées d’un secret de la confession qui enveloppe le travail et les conclusions des jurys, c’est-à-dire le manque de transparence sur la scientificité supposée de ces  thèses d’histoire ?

       Une suggestion pour finir ce prologue ! Pourquoi ne pas disposer d’un deuxième volet de l‘écriture de l’histoire à l’époque postcoloniale sous le titre « Écrire l’histoire à l’époque postcoloniale » ?

      Le lecteur trouvera ci-après un résumé récapitulatif des critiques qu’ont appelées de ma part les discours du « modèle de propagande  ACHAC-BDM », en mettant naturellement l’accent sur le dossier de la propagande coloniale.

         Ce type de récapitulation n’évitera évidemment pas quelques redites des analyses déjà publiées sur ce blog.

Jean Pierre Renaud  (JPR) –  Tous droits réservés (TDR)

Propagande postcoloniale contre propoagande coloniale ? « Fragments du jeu académique postcolonial » par Vincent Chambarlhac

L’ACHAC/BDM, fausse ou vraie sirène postcoloniale ?

Le moteur d’une subversion postcoloniale.

2

La sirène ACHAC/BDM

« Fragments du jeu académique postcolonial (à propos d’un collectif, l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine, ACHAC)

Vincent Chambarlhac – CAIRN INFO

            « Pour emblématique qu’il soit, le débat sur l’article 4 de la loi du 23 février 2005 vaut palimpseste, effaçant parce que le réécrivant le texte des polémiques intellectuelles qui contribuèrent à la structuration de la controverse coloniale. Partant, il ne s’agit pas pour autant de restituer un sens caché à ce débat (1), mais plutôt d’évoquer à grands traits un faisceau de pratiques universitaires, éditorialistes et militantes qui concourent à cette structuration dont le nœud gordien serait le lien tissé entre le passé colonial et le présent républicain. Soit l’irruption  des postcolonial studies dans le champ académique. Si l’essentiel de mon propos vise à restituer à une part des acteurs de ce débat leur rôle singulier, le politique dans sa version parlementaire et partidaire demeure en hors-champ de l’analyse. Dans la genèse intellectuelle du débat, ces jeux d’acteurs se saisissent à mes yeux dans l’horizon du postcolonialisme comme enjeu conceptuel simultanément universitaire et militant, à l’orée des années 1990 dans le monde anglo-saxon (2), aujourd’hui en France. Embrasser l’ensemble du champ français du postcolonialisme outrepasse évidemment le cadre de cet article : il se restreint à la part active prise dans le développement de ce champ par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et plus largement le collectif qu’est l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC) dans son lien avec l’histoire contemporaine. Dans l’historiographie française, leurs publications, et les stratégies qui les animent, constituent à mes yeux une part des débats en cours sur le postcolonial.

            L’hypothèse d’un transfert culturel ouvre l’analyse : elle n’est pas inédite, reprend un argument souvent brandi dans les débats. Cette hypothèse débouche sur la saisie de deux logiques complémentaires. L’une se situe aux confins des pratiques universitaires et médiatiques ; elle désigne autant un projet qu’une manière de se situer dans le champ de l’histoire universitaire. La seconde désigne l’appropriation politique de la problématique postcoloniale dans l’espace public, et postule que celle-ci participe de l’inscription du postcolonial dans le jeu académique. Toutes deux signalent des lieux et des passeurs par quoi et par qui les débats adviennent, se structurent et s’arriment au champ historique dans la récurrence des polémiques.

L’HYPOTHÈSE D’UN TRANSFERT CULTUREL

        «Sur le fond, ce qui se joue dans ce débat sur le fait colonial tient à ce que l’histoire de ce passé fait aux universaux républicains. Cette position travaille finalement peu le monde colonial : seule importe la métropole. Lié au présentisme des enjeux mémoriels, ce questionnement de la République à partir du fait colonial convoque les apports des postcolonial studies anglo-saxonnes. Ce mouvement, qui commence à partir du débat des années 1990, se déploie à partir de la culture comme objet. Significativement, l’une des premières manifestations de cette irruption des problématiques des postcolonial et cultural studies dans l’historiographie française est la longue recension que Christophe Prochasson donne de l’ouvrage d’Hermann Lebovics pour les Annales HSS (3) ce livre est finalement traduit chez Belin en 1995. Pour Christophe Prochasson, « le retour à une histoire politique passe par la publication » de tels ouvrages (4). C’est dans la conjoncture du renouvellement de l’histoire politique par l’histoire culturelle que se déploient l’appel aux travaux anglo-saxons et, dans le cas présent, la question du postcolonialisme. La situation peut se lire dans la problématique de l’appel au profane : en recourant aux travaux anglo-saxons, une partie des historiens français se distingue dans la reconfiguration en cours du champ historiographique par l’histoire culturelle (5)…

        On peut ainsi risquer l’hypothèse, à propos de la question coloniale, d’un transfert culturel paradoxal… L’irruption des thématiques propres au postcolonial studies bouscule en partie l’histoire du fait colonial naguère pratiquée à partir de l’histoire politique et de l’histoire sociale. Déplaçant sur le sol métropolitain la prise en compte du fait colonial, elle fragilise l’équilibre des découpages jusque-là dominants où l’histoire coloniale occupait un secteur historiographique marginal.(6) Cet appel au profane présuppose l’hybridation des synthèses prévalant, multiplie les controverses possibles puisqu’elle postule dans la trame du national (réduite spatialement au métropolitain) la part du colonial, soit l’argument emblématique des racines coloniales de la république au sens de l’histoire politique.(7)…

          Ici, le rôle de l’ACHAC et des publications qui lui sont liées paraît déterminant. Son action se déploie à la charnière de ces deux logiques. L’une est militante et universitaire ; éditoriale la seconde se marque davantage à partir de 2003 des  signes propres au spectaculaire. Cumulées, ces logiques concourent simultanément à la légitimation universitaire d’une part des travaux d’un collectif au titre du postcolonialisme, et à l’évidence prescriptive de ces thématiques dans l’espace public. Dans son rapport à la société, l’historien parait ici thaumaturge puisque légitimant scientifiquement les nécessités d’une politique de la reconnaissance ; dans son rapport l’historiographie, l’historien paraît là challenger. La possibilité des polémiques et l’impossibilité des controverses naissent de ce positionnement singulier. » (11)    

         Commentaire :   

         Ce quime frappe dans cette analyse fort intéressante du type de problématique historique ou mémorielle rencontrée,  de la nature d’historicité racontée, c’est en arrière-plan, la question d’une historicité légitimée par sa scientificité, et dans le cas présent sa représentativité, sa validation dans une histoire quantitative dans le contexte historique métropolitain de la période coloniale, dénombrement des vecteurs et de leurs effets, mesure de la mémoire « coloniale » post-indépendance,  et d’un transfert supposé entre populations.

        Transfert culturel ou politique, pourquoi pas, mais comment en effet tirer une conclusion, une prescription, à partir du moment où les historiens, les sociologues, les anthropologues, les politologues, et ici les sémiologues, « bâtissent » une histoire ou une mémoire, en fondant   interprétation, mais pis, « prescription », sans évaluation scientifique des sources de validation ?

       Car, tel est bien le cas du discours pseudo-historique tenu par ce collectif.

        Les lecteurs de ce blog qui ont eu la curiosité de lire mes analyses des œuvres d’Edward Said, ont constaté que je posais la question de base du « quantitatif », à savoir si les « structures d’influence » supposées avaient été effectivement mesurées. Indiquons en passant que les travaux d’Edward Said se situent à un autre niveau d’exigence intellectuelle que ceux de ce collectif.

        L’auteur poursuit :

       « Une trajectoire historiographique

        L’ACHAC participe depuis 1989 d’une manière souvent déterminante à la promotion du concept de culture coloniale. La structure de l’association articule le monde de la recherche (Bancel, Blanchard et alii), des écrivains (Daeninck), des cinéastes et des artistes militants, et reproduit en partie la morphologie anglo-saxonne des postcolonial-studies. Son action repose sur des supports variés : l’exposition, le livre, l’article, le documentaire vidéo, la radio…  A l’ACHAC, on peut adjoindre, au moins pour son savoir-faire l’agence les Bâtisseurs de mémoire créée par Pascal Blanchard qui considère l’histoire comme un vecteur de communication au service des entreprises. Les travaux de l’ACHAC ont graduellement balisé l’irruption des thématiques postcoloniales. Ils se déportent progressivement de l’Afrique à la métropole, interpellant alors la République par le biais de la question coloniale. »

         Commentaire :                  

       Le texte ci-dessus est intéressant parce qu’il pose  plusieurs problèmes : – sur le qui fait quoi entre l’associatif, ou le public, et le privé, c’est-à-dire sur le mélange des genres, d’autant plus que Pascal Blanchard était répertorié dans un laboratoire du CNRS de Marseille ?

  • Sur le sens à donner à la dernière phrase sur le déport progressif de l’Afrique à la métropole… par le biais de la question coloniale »   

      A proprement parler, le déport n’a pas été fait de l’Afrique à la métropole, mais de la métropole à la métropole, à partir d’un corpus de représentations coloniales diffusées en métropole, des représentations qui n’avaient pas été manipulées par le Colloque savant de janvier 1993, comme le fit l’ACHAC.

        L’auteur découpe trois étapes :

       « Trois étapes marquent ce processus

        Dans une première phase, les travaux de l’ACHAC procèdent de la mission fondatrice de l’association, organisant autour de la bibliothèque de documentation internationale (BDIC) et de ses fonds des expositions sur l’Afrique coloniale. Le choix d’une entrée par la culture coloniale implique l’étude des représentations métropolitaines sur le fait colonial. Le catalogue d’exposition prend ainsi comme cible la propagande coloniale, mais aussi dans le sillage d’Edward Said, le regard des Occidentaux sur l’Orient, et ce jusqu’en 1962. L’empire colonial français fut également en 1997, l’objet d’une exposition.

       A partir de ce capital, une inflexion décisive se dessine avec la publication d’un ouvrage collectif consacré aux zoos humains. Ici, la traduction spatiale s’achève. La métropole seule importe comme cadre géographique des représentations coloniales, et la séquence chronologique embrassée par le titre (De la Vénus hottentote aux reality shows) signifie la pertinence d’une grille de lecture postcoloniale. Ce travail sur les zoos humains fut préparé par la publication d’un ouvrage portant sur la continuité de l’indigène à l’immigré. Les travaux d’Abdelmalek Sayad innervent cette problématique. L’essentiel de cette translation tient à sa dimension anthropologique où les représentations du corps, ses usages, deviennent le lieu déterminant de l’analyse. La problématique se noue à la discrimination positive, où le corps vaut marqueur social ; elle établit également un pont avec la question de l’esclavage. Au cours de cette seconde étape, l’approche s’institutionnalise scientifiquement par la création du groupe de recherche GDR CNRS 2332 « Anthropologie des représentations du corps » créé en janvier 2001 dans lequel entre l’Agence des Bâtisseurs de mémoire, représentée par Pascal Blanchard et Eric Deroo. Au cours de cette seconde étape, les problématiques employées se resserrent, à partir du concept de culture coloniale, sur la question du rapport à la métropole en termes de représentations. Les objections de Claude Liauzu à ces travaux désignent cette réduction du fait colonial au seul registre des représentations métropolitaines. A ce stade également, l’argument de la culture coloniale s’entend dans la configuration plus ample du succès d’une histoire des représentations dans le champ historique où Sylvain Venayre décèle la fin de la soumission du monde mental au social. Le propos de Claude Liauzu procède en partie du refus de cette fin, comme d’une historiographie aux paradigmes érigés avant le tournant culturaliste.

        La troisième étape voit la systématisation de cette entrée sur le fait colonial maintenant placé au cœur du récit national républicain. L’argument d’une République coloniale publié sous forme  d’essai prolonge la trilogie des Editions Autrement sur la culture coloniale. La publication en 2005 de l’ouvrage consacré à la culture coloniale clôt momentanément cette étape. Avec ce dernier opus, la grille postcoloniale se donne comme une clé d’explication possible de la question sociale contemporaine…Cinq ans plus tard, le volume Ruptures coloniales. Les nouveaux visages de la sociétéfrançaise  procède du même mouvement…

            Cette relecture de l’histoire politique au miroir du colonial emprunte nombre de ses arguments au questionnement des colonial studies anglo-saxonnes comme en  témoignent les entrées de Ruptures postcoloniales. Les racines intellectuelles d’un collectif s’affirment face à la polémique dans le champ scientifique ouverte par l’irruption de ce postcolonialisme académique.

      Ainsi ramassée, cette trajectoire historiographique nouée autour des publications de Nicolas Bancel et de Pascal Blanchard montre comment ceux-ci peuvent apparaître comme des passeurs dans le cadre d’un transfert culturel des problématiques postcoloniales. Peu à peu autour de leurs publications, s’ébauche un système éditorial qui construit progressivement leur position dans le champ universitaire à partir d’une critique sans cesse plus resserrée des représentations républicaines. En ce sens, leurs travaux s’apparentent à l’émergence d’une nouvelle génération de  chercheurs légitimant ces nouveaux champs de recherche par l’appel aux cultural studies. Les controverses universitaires suscitées par ces travaux construisent également par leur médiatisation, la réputation de ces chercheurs. Cette stratégie part des marges de l’institution universitaire (l’ACHAC, l’agence les Bâtisseurs de mémoire), elle trouve des points d’appui dans le monde universitaire anglo-saxon et se nourrit de chantiers proches tel celui de l’esclavage pour proposer in fine une autre écriture du récit républicain. Ce système éditorial ne set pas seulement cette position historiographique. La stratégie qui anime son progressif développement structure pour  partie la réception des problématiques postcoloniales dans l’espace public, ouvrant ainsi intellectuellement la voie à une appropriation large de ces travaux, questionnant le rôle social de l’historien dans la CitéLes enjeux politiques de l’histoire coloniale (de Mme Coquery-Vidrovitch , sorte de marraine de guerre idéologique de Pascal Blanchard ne cessent ainsi de scander dans l’espace public la question du postcolonialisme depuis 2005. Nécessairement celle-ci n’est donc pas uniquement académique, accolant ainsi systématiquement à la figure du chercheur celle du militant. L’assomption des propositions historiographiques de l’ACHAC tient à ce moment politique où la colonisation est convoquée dans l’espace public.

             Commentaire :

             Comparé à ces historiens entrepreneurs d’un nouveau genre, et pour les initiés, l’historien Lavisse était un ange !

        Il faut dire les choses, et pas à demi-mot, face à beaucoup de ces chercheurs qui ignorent beaucoup de choses, sur l’histoire coloniale et postcoloniale, mis à part le cas de l’Algérie, grâce, entre autres, au zèle médiatique et mémoriel de Benjamin Stora, animateur du modèle de propagande des Raisins Verts, que j’ai qualifié ainsi dans une de mes chroniques, l’agit prop d’un nouveau Trotskisme, faute de l’autre !

        Est-ce qu’ils ne sont pas définitivement fâchés avec les chiffres, ceux de l’histoire quantitative ? Ont-ils eu la curiosité, comme je l’ai fait, de tenter de mesurer l’activité des vecteurs d’une culture coloniale supposée, ainsi que de leurs effets qui n’a jamais existé ?

        Histoire, mémoire ou plutôt politique, car ce collectif fait semblant d’ignorer l’importance des flux d’immigration régulière et irrégulière qui sont venus dans notre pays depuis près de trente années, dont une majorité d’entre eux ignoraient presque tout de leur histoire coloniale.

         Il faut donc dire que ce collectif surfe depuis le début sur un créneau politique nouveau, un nouveau « marché », comme les analyses sérieuses l’ont démontré, en pratiquant un mélange des genres entre associatif, public et privé, surprenant et choquant pour tout connaisseur des affaires publiques.

       Le nom de baptême que l’auteur a décerné à Mme Coquery-Vidrovitch m’est allé droit au cœur : « sorte de marraine de guerre idéologique de Pascal Blanchard », car il s’agit bien d’une « sorte de guerre » masquée, qui ne dit pas son nom, mais qui sait y faire dans la marchandisation de l’histoire, à supposer quand même qu’il s’agisse bien d’histoire.

      Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Vincent Chambarlhac – fin

 « Un dispositif éditorial militant

        A rebours de cette trajectoire de ce collectif une stratégie éditoriale s’esquisse. A sa racine, il y a sans doute la crise de l’édition en  sciences humaines. Parce qu’elle suppose la mise en concurrence des auteurs et des éditeurs, cette crise réclame un savoir-faire spécifique dans le mode d’apparition de travaux qui concourent à la réputation d’un auteur. Il s’agit là de solliciter la polémique plus que la controverse scientifique. La première permet d’asseoir une réputation scientifique dans l’espace médiatique et par contrecoup, de construire une espace dans le dispositif institutionnel de la recherche (fondations, musées, chargés de recherche…) Le dispositif médiatique déployé joue sur deux registres noués par la figure du refoulé de la mémoire coloniale. Il reprend le « modèle » heuristique vichyssois, l’appliquant au postcolonialisme. Il s’agit de réaliser la « paxtonisation » du champ de l’historiographie du fait colonial en France selon Nicolas Bancel et Pascal Blanchard. L’expression saisit la stratégie poursuivie et souligne un mode d’apparition dans l’espace public. Ce « modèle vichyssois » s’exprime en grande partie dans de courts articles au Monde diplomatique. Ici, l’écriture collective, se charge d’une évidence militante. L’essentiel est d’avancer l’argument quasi pathologique d’une amnésie, du refoulé d’une mémoire coloniale : le spectacle des zoos humains était ainsi routinier naguère, occulté aujourd’hui. D’un syndrome l’autre, l’emprunt au lexique d’Henri Rousso est patent. Ces prises de position, qui sont le fait de chercheurs, s’entendent dans l’espace public, comme un rapport singulier à l’histoire, construit sous les auspices du devoir de mémoire : animée par une écriture militante, la plume universitaire assoit la démonstration dans une revue de vulgarisation scientifique. L’essentiel du dispositif éditorial tient à cette circulation incessante entre les pôles militant et heuristique.

        La société française doit donc entrevoir et se questionner au prisme del’héritage colonial. Amorcée dès 1997, cette logique culmine avec la fracture coloniale qui outrepasse l’essai d’histoire immédiate, posant les membres du collectif en praticiens et/ou experts des pathologies sociales. L’ouvrage devient en 2010, sous la plume de Marie-Claude Smouts, le catalyseur des études postcoloniales sur la scène française : le collectif fournit ainsi une première réponse à une demande issue du mouvement des indigènes de la République comme des débats autour de l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 1995. Les émeutes de novembre 2005 renchérissent médiatiquement l’hypothèse d’une pertinence de la grille postcoloniale comme lecture du social. Un effet de seuil a été franchi. Dans ce franchissement, l’évidence d’une situation postcoloniale s’est imposée. La logique du palimpseste, inhérente à l’intrication des enjeux dans la polémique sur la question coloniale, recouvre alors la part de la structuration intellectuelle du débat…

         En son moment politique, la trajectoire de l’ACHAC consacre l’irruption médiatique du postcolonialisme dans le champ scientifique. Un « tournant postcolonial » serait là à l’œuvre dans l’ouvrage Ruptures postcoloniales entend sonder les contours, tout en gardant à « l’esprit l’illégitimité universitaire de l’histoire postcoloniale » en 2010. Puisque l’engagement du collectif peut se « concilier avec des approches plus distanciées d’une construction de l’objet respectant une certaine façon de se rapporter aux événements, aux autres et à soi-même », la capacité de ces historiens à diagnostiquer les pathologies sociales certifie leur scientificité. Dans cette configuration tautologique, l’historien du postcolonialisme est scientifique car intrinsèquement militant. La boucle est bouclée, la reconnaissance scientifique procède de la capacité militante à distancier son engagement pour construire un objet, posé ensuite comme central dans le réagencement du champ académique. L’illégitimité universitaire du postcolonialisme procède d’un combat d’arrière- garde. Coda, donc ?

        Commentaire :

       J’ai souligné plusieurs phrases qui me paraissent importantes dans cette analyse de grande qualité, par ce qu’elle devrait interroger le monde universitaire sur la scientificité de « ses productions ».

       A plusieurs reprises, j’ai posé la question, au départ, de la scientificité des thèses, alors que les débats éventuels des jurys et leurs votes restent secrets, et que le ou les rapports  de lecture le sont aussi.

      J’ai buté sur cette difficulté surprenante lorsque j’ai voulu obtenir ce type d’information sur les deux thèses de doctorat de Pascal Blanchard et d’Elise Huillery.

       « Tautologique » sûrement, étant donné que ce collectif renvoie ses auteurs les uns vers les autres, en boucle, sans avoir validé ou fait valider les sources – les représentations- qu’ils ont manipulées dans un but médiatique et idéologique.

            « Diagnostiquer les pathologies sociales » dans leur qualité de médecins de Molière du siècle, incontestablement, comme je l’ai souligné au début de ma conclusion du livre « Supercherie coloniale », en y ajoutant un zeste de psychanalyse avec l’invocation du refoulé, de l’inconscient collectif (voir Cocquery-Vidrovitch), du ça colonial ou postcolonial.

     « S’inscrire en challenger

       Ce dispositif éditorial se singularise par sa dynamique réflexive entre des pôles discursifs, schématiquement, qualifiée de militant (Le Monde diplomatique, les pages « Débats » du Monde, les interventions radiophoniques de Daniel Mermet…) d’heuristique (des revues de haut niveau de vulgarisation comme les Cahiers français, Hommes et migrations…) et les thématiques développées dans l’espace public par les politiques de mémoire et les luttes pour la reconnaissance. C’est dans cette réflexivité que se saisit  la part du jeu à l’œuvre, par quoi des challengers tentent de s’inscrire dans le champ scientifique, certes au prix de frottements. Lire cette stratégie en termes d’inscriptions académiques implique à nouveau la périodisation ; des figures et des rhétoriques s’enchâssent qui représentent autant de modalités d’être académiquement à ce « concept circulant » selon la formule de l’introduction de Ruptures postcoloniales qu’est le postcolonialisme.

       Née du combat pour les droits civiques aux Etats-Unis, la discrimination positive permit le développement de la Public history. La naissance, puis le développement de l’agence des Bâtisseurs de mémoire, comme celui de l’ACHAC, procèdent sans doute de ce lien. La charge critique de Camille Trabendi pour Agone sur Pascal Blanchard, free lance researcher, s’entend dans cette configuration. La polémique qui s’ensuit sur le blog d’Agone porte comme titre le néologisme de «  Postcolonial business ; l’article indique qu’il y avait dans « l’interprétation économique et sociale du malaise des classes populaires » comme un « marché à conquérir » pour Pascal Blanchard. Articulée sur la trajectoire de l’ACHAC en son moment politique, la charge déconstruit la posture d’l’historien ; elle dit peu sur l’inscription de ce Postcolonial business dans le champ académique, sinon par l’appartenance au laboratoire GDR 2322 du CNRS lu comme « une amulette qui préserve des pairs malveillants ».

Larges extraits du texte de Vincent Chambarlhac avec quelques commentaires

Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Revue Agone « deuxième ou troisième couteau (de poche » Camille Trabendi »

La sirène ACHAC/BDM

3

Revue Agone n°41/42- 2009

         « Sur la fonction de deuxième ou troisième couteau (de poche) »

Camille Trabendi

Jean-Jacques Rousseau La Nouvelle Héloïse : «  il y a comme cela une poignée d’impertinents qui ne comptent guère dans l’univers, et ne valent guère la peine qu’on les compte, si ce n’est pour le mal qu’ils font. »

Et l’auteur de préciser : « Mais il ne prétend à aucune grandeur, voulant au contraire donner à l’attaque ad hominem ses lettres roturières.» (p,166)

L’auteur ou les auteurs visent trois personnes, « L’intellectuel de la Région : Thierry Fabre, « La puissance d’agir » de Jérôme Vidal, et Pascal Blanchard, un « Free Lance Researcher »

            «  Les accointances des intellectuels avec le monde de la com’ et de l’argent – pardon, du business – ont longtemps été mal vus dans le pays des droits de l’homme. Mais c’est devenu un sujet has been de refuser de mettre les ressources du marketing au service des justes causes opportunément amarrée aux débats pesants de société…(p,185)

        Dans le monde des intellectuels médiatiques, la « cumulite » n’est pas une maladie rare…

       « De quels mondes souffre le monde contemporain ? » se demande l’historien fashion qui s’apprête à monnayer ses compétences et sa personne pour remédier aux défaillances de la société dans la gestion de son passé. Comme par une succession de symptômes : « inégalités sociales » ? Trop mou ! Passéiste. Il faut (post) moderniser le concept. « Fracture sociale » ? Plus de pêche mais déjà pris. Et puis ça penche un peu trop à droite. Pas sûr en outre que le « social » soit encore très porteur. Mieux vaut vanter les « malaises identitaires », les « clivages ethniques », les sociétés qui se « débrident et s’hybrident », les liens qui se « détissent et se métissent ». Bref, trouver des propositions sexy pour colorer un peu le monde des opprimés en détournant les regards du gris de leur porte-monnaie….

         Pour un historien du colonialisme comme Pascal Blanchard, il y avait là comme un marché à conquérir. Et il s’y connait en marchés, notre historien codirecteur de l’agence de communication « Les Bâtisseurs de mémoires » (BDM).

         Depuis qu’il la rejointe en 1999, cette agence propose aux entreprises une valorisation d’images par le biais d’un travail sur leur « mémoire » car, nous expliquent nos « bâtisseurs », le « lien entre l’individu et l’entreprise a besoin de mémoire pour être légitime. Pour construire cette légitimité, quoi de plus simple que de faire appel au passé… à la mémoire des hommes » (quoi de plus simple en effet ?). D’autant que « l’entreprise est aujourd’hui confrontée à une évolution majeure : il n’existe plus de consommateurs prédéterminés mais des individus en quête de sens, à la recherche de nouveaux repères »

         Petit jeu : remplacer dans les citations ci-dessus les mots « entreprise » et « individus » par ceux de « France » et de « citoyens – voir la réponse en note 51. Le paradigme blanchardien est posé : 1- nos sociétés/ entreprises sont en manque de repère ; 2- les citoyens(ne)s employé(e)s sont privé(e)s de repères identitaires ; 3- le travail de mémoire permet de redonner une place légitime à leur quête. Donc, dans l’ordre : 1- cibler les populations les plus en quête de sens » ; 2- trouver un slogan mobilisateur ; 3 déterminer les canaux de diffusion du nouveau produit. » (p,186)

       Mais attention, notre histoire n’ignore pas que, pour faire illusion dans le champ intellectuel en défense de la veuve et de l’orphelin mieux vaut être précédé d’un minimum de titres académiques plutôt que d’être paré d’une casquette de chef d’entreprise. Entaché par son appartenance au monde universitaire, Pascal Blanchard a donc dû se trouver des liens de légitimation. L’Achac comble une partie du vide… De plus, le CNRS étant vraisemblablement enclin à délivrer des certificats d’hébergement, que ce laboratoire soit hébergé par l’unité mixte de recherche « UMR Adaptabilité biologique et culturelle du corps » à la faculté de Médecine de Marseille et que notre researcher free lance n’y soit pas référencé comme membre officiel, ne doit pas nous étonner : ici le CNRS n’est qu’une amulette qui préserve des pairs malveillants. Ce dernier et l’ACHAC (à première vue dénuée de tout soupçon mercantile) vont fournir à Pascal Blanchard une caution académiquement suffisante pour le lancer sur la scène médiatique des sports en histoire coloniale et en sauvetage des minorités stigmatisées »(p,187)

       « En vingt ans, les activités de l’ACHAC ont crû exponentiellement, avec une pointe en 2000, lorsqu’est lancé le produit « zoos humains » (note 53), qui fait émerger dans le champ de l’histoire la question des stéréotypes coloniaux ; entretenus par les regards métropolitains sur les indigènes, ces stéréotypes auraient donné naissance à l’ « imaginaire colonial » ». Une comparaison rapide avec les discours racistes contemporains permet d’expliquer une bonne part des discriminations d’aujourd’hui par un continuum de l’indigène à l’immigré… seule nous intéresse ici la connivence entre les activités de l’ACHAC et celle des Bâtisseurs de mémoire. Il nous semble en effet que la « méthode Blanchard » tient notamment à la structuration monocéphale de deux officines aux vocations fort éloignées. » (p,187)

       « Mariage de préoccupations commerciales et citoyennes, définition d’une population cible, et analyse de l’ensemble des représentations, application des conclusions à la circonscription d’un nouveau bassin de consommation… Ne serait-ce pas là l’exacte définition du marketing ethnique ? La méthode Blanchard relève de l’extension du marché : « On estime à environ 12 à 14 millions de personnes les communautés ethniques en France, soit plus de 20 % de la population… « 

      Mais il serait injuste que notre dévoilement de cette facette occulte la dimension d’authentique homme de gauche de notre free lance businessethnic historien…

       Pascal Blanchard est conseiller scientifique de la Fondation Thuram…Mais surtout il a le courage de siéger parmi les 21 membres désignés dans ce unième guichet d’ « ouverture politique » de la présidence de Nicolas Sarkozy : la commission « Médias et diversité » instaurée par Yazid Sabeg, le commissaire à la Diversité et à l’Egalité des chances. Une bien belle consécration. On en remercierait le temps béni des colonies. » (p,194)

       Vous avouerais-je, mais les lecteurs n’en seront pas surpris, que j’ai beaucoup apprécié cette analyse à la fois vraie et mordante, à l’image d’interventions souvent agressives du même  free lance business ethnichistorien, et j’en passe.

       Question : « déport », « transfert culturel », ou en définitive acculturation du concept ethnique par l’ACHAC ?

        A relire la thèse défendue par Jean-Loup Amselle et Elikia M’Bokolo dans leur livre « Au cœur de l’ethnie », et notamment la « Préface à la deuxième édition  Au cœur de l’ethnie revisité », pourquoi ne pas se poser la question de cette acculturation du concept ?

         Est-ce que le « marketing ethnique » de ces nouveaux bâtisseurs de mémoire, ne constitue pas une façon détournée  et monnayée de parvenir par la voie du « marché » à une forme de recensement ethnique ?

Fin du troisième mouvement du chemin intellectuel consacré aux trois sources universitaires.

        Extraits et commentaires  Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? L’ACHAC/BDM

L’ACHAC/BDM, fausse ou vraie sirène postcoloniale ?

Le moteur d’une subversion postcoloniale.

            A l’occasion de mes recherches historiques sur la thèse pseudo-historique que défendait le collectif de l’Achac, sous la baguette du chef d’orchestre Pascal Blanchard, sur une « culture coloniale » dans laquelle la France métropolitaine aurait « baigné » sous la Troisième, puis Quatrième République, j’avais trouvé que le monde universitaire avait fait preuve d’une grande prudence, ou de discrétion sur le sujet, en ne proposant pas d’analyse entre le vrai et le faux de ce discours : à la lecture des extraits de trois sources de critique historique d’origine universitaire, le lecteur constatera qu’il n’en fut heureusement pas toujours ainsi, sans doute par ignorance de ma part..

            Sont cités :

           – un article de Laurence de Cock, sur « Le rôle de l’Achac »,

           – un article de Vincent Chambarlhac dans Cairn Info « Fragments du jeu académique postcolonial. (A propos d’un collectif, l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine).

         – un article de Camille Trabendi (pseudonyme) dans la Revue Agone n°41/42- 2009 « Sur la fonction de deuxième ou de troisième couteau (de poche) » (p,165 à 194).

          Comme annoncé sur ce blog, le 4 avril 2018, il s’agit du troisième mouvement du chemin intellectuel de réflexion proposé.

&

Le rôle de l’Achac/BDM dans le fonctionnement et le développement du modèle de propagande Blanchard and Co

1

Source : « La production officielle des différences culturelles » (automne 2017)

« L’Achac et la transmission du passé colonial : stratégies entrepreneuriales et culturalisation de la question immigrée dans la mémoire nationale » (p,105 à 121)

Par Laurence De Cock

ACHAC ou ACHAC/BDM ?

Le 23 janvier dernier, j’avais annoncé sur ce blog mon projet de publication de l’analyse de cette contribution, compte tenu de son intérêt pour comprendre ce que fut la création de cette association pseudo-mémorielle ou pseudo-historique, ce qu’elle est devenue, comment elle fonctionne : une nouvelle entreprise, un nouveau marché, une nouvelle forme de propagande postcoloniale.

            A cette occasion, le lecteur pourra se rendre compte, qu’avec l’ACHAC/BDM, l’histoire postcoloniale était alors entrée dans un monde de falsification et de manipulation, en partant d’une interprétation tendancieuse des sources d’images disponibles au Colloque savant « Images et Colonies » de janvier 1993, dans un but à la fois médiatique, commercial, et politique, puis dans le livre « Images et Colonies ».

            Beaucoup de lecteurs diront sans doute, et à juste titre, ça n’est pas la première fois dans l’histoire des histoires, en France ou ailleurs !

            Je rappellerai plus loin l’essentiel des critiques de fond que j’ai portées en 2008, dans le livre « Supercherie coloniale » sur la thèse idéologique qu’ils défendent et font prospérer.

            « … L’Achac a réussi à se bâtir une position d’incontournable pivot à la fois dans la détermination du diagnostic et de la prestation de services en direction de différentes institutions et collectivités territoriales… (p,105)

            La transmission de l’histoire coloniale est au cœur de sa démarche. Ce faisant, l’Achac nourrit la corrélation entre la connaissance du passé colonial et le traitement du « problème » de l’immigration dans la société. L’angle proposé par l’Achac relève d’une sorte de thérapie mémorielle et repose sur l’idée qu’une meilleure transmission du passé colonial apaiserait la société en retraçant l’origine du racisme et en contribuant à une politique de la reconnaissance des populations héritières de l’immigration coloniale et postcoloniale. Leur propos est fondé sur le postulat de la mise en place d’une « culture coloniale » uniquement définie par le prisme des représentations des colonisés par les colonisateurs qu’ils  appréhendent par l’inventaire et l’analyse des sources de propagande dont se dégage une multitude de stéréotypes coloniaux…

            En ce sens, la stratégie de l’Achac participe d’une culturalisation de la question immigrée avec ceci de particulier que, par sa configuration, les acteurs qui y sont impliqués, ainsi que les actions mises en place, elle ajoute une dimension entrepreneuriale tendant à faire du passé colonial un véritable marché. C’est cet aspect que nous nous proposons d’interroger ici en retraçant la trajectoire de l’un de ses fondateurs, Pascal Blanchard, aujourd’hui responsable de l’Achac, ainsi que la stratégie de l’association, s’apparentant à un marketing du passé pour lequel la catégorisation culturelle constitue un argument-clé. Ainsi, la démarche de l’Achac introduit une nouvelle coordonnée dans les usages sociaux du passé et de la mémoire qui jusque-là privilégiaient les circuits associatifs, familiaux ou politiques sans que n’intervienne de façon si ostensible la question de la rentabilité. « (p,105,106)

Commentaire :j’ai souligné les quelques mots qui suffiraient déjà à caractériser cette entreprise bâtie sur une mémoire ou une histoire tronquée et fictive, animée par un business mémoriel de nature  idéologique.

          Fictive parce qu’elle n’est pas fondée sur le passé colonial, pas plus que sur une mémoire coloniale jamais mesurée, fictive étant donné la carence qui a affecté le dénombrement des vecteurs d’une culture coloniale qui aurait pu exister dans la population française et de ses effets dans leur contexte historique.

          Au Colloque savant « Images et Colonies » de 1993, il ne s’agissait pas du passé colonial de la France, mais d’une collection d’images des mondes coloniaux, c’est-à-dire d’une certaine image métropolitaine de ces mondes coloniaux.

          Ajoutons pour l’instant qu’à ce Colloque, la sémiologie fut étrangement aux abonnés absents !

            Les extraits ci-dessus suffiraient déjà à circonscrire les enjeux historiques des « entreprises » de l’Achac, mais pourquoi ne pas aller plus loin dans cette analyse fort instructive ?

&

« A l’origine de l’Achac, un entrepreneur bâtisseur : Pascal Blanchard » (p,106)

            Le 15 janvier 2010, l’auteure a eu un entretien de 2 heures 30 avec l’entrepreneur bâtisseur, « Pascal Blanchard est un bâtisseur, du moins c’est ainsi qu’il se présente ».

            « Pascal Blanchard fait des études d’histoire à la Sorbonne où il se lance dans une thèse (que j’ai consultée) sous la direction de l’historien africaniste Jean Devisse. Il y rencontre plusieurs étudiants également inscrits avec ce directeur de thèse, dont Nicolas Bancel. Jean Devisse prévient ses doctorants qu’ils auront à batailler dur pour se faire accepter dans un champ académique peu ouvert aux recherches sur la colonisation. La thèse de Pascal Blanchard étudie les mutations du colonialisme dans le discours de la droite nationaliste des années 1930 au régime de Vichy en analysant la presse de l’époque. (centrée sur celle du Sud Est, avec un sondage énigmatique).Entre temps, lui et ses amis étudiants fondent une association en parallèle du travail conventionnel des séminaires et laboratoires de recherche :

            « Voilà c’était un raisonnement qu’était très simple, c’est-à-dire soit on continue à pleurer comme font tous les africanistes le cul posé sur leurs chaises en disant « personne nous lit, personne ne s’intéresse à nos travaux, soit on fait l’inverse : comment on peut amener les gens à nos travaux » (p,107)

            …c’est l’imaginaire avec ce passé colonial qui dominait et qui faisait blocage… La narration de la genèse de l’association et de ses premiers travaux épouse une rhétorique de management : « Il fallait travailler l’opinion », nous indique-t-il. » (p,108)

            Une équipe se constitue avec Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire et Emmanuelle Collignon. Elles ne figuraient ni  l’une, ni l’autre pas dans la liste des participants au Colloque de 1993.

          «  Le travail de l’équipe s’effectue dans plusieurs lieux et selon plusieurs modalités qu’il convient de décrire pour comprendre les formes et l’ampleur de la conquête du marché. » (p,108)

Commentaire

           Accordons notre attention aux deux phrases qui paraissent bien poser les termes de la problématique postcoloniale proposée : « c’est l’imaginaire avec ce passé colonial qui dominait et faisait blocage… Il fallait travailler l’opinion…).

        Le collectif en question n’a jamais apporté aucune preuve du premier constat, et en a tiré la conclusion qu’il fallait aller sur le « marché » médiatique, auquel j’ajouterais les qualificatifs de politique et d’électoral, compte tenu des poussées d’immigration qui ont modifié notre démographie depuis une quarantaine d’années, et de leur incidence électorale.

         Je proposerais volontiers quelques sujets de thèse de doctorat d’histoire, de sociologie, de sémiologie, ou de statistiques, tels que : analyse du thème colonial dans la presse  métropolitaine pendant toute la période coloniale, une analyse statistique qui n’a jamais été effectuée – analyse sémiologique et statistique des images qui ont servi à bâtir la « source historique » du collectif –  état comparé des forces universitaires métropolitaines dédiées à l’histoire ou à la sociologie coloniale et des forces universitaires dédiées à l’histoire ou la sociologie de France ou d’Europe, avec les effectifs comparés des normaliens concernés par période et par discipline : une des questions que pose l’étude de Sophie Dulucq pour l’écriture de l’histoire coloniale.

Pourquoi ne pas constater à nouveau que les colonies n’intéressaient pas les Français, pas plus que le monde universitaire, et que le succès de ce collectif s’est nourri des épisodes migratoires que notre pays a connu ?

          Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? L’ACHAC/BDM

« Multipositionnalité de l’Achac » (p,109)

         « De fait, l’Achac a immédiatement orienté ses travaux vers des activités variées, savantes et profanes : séminaires, colloques, expositions, débats et publications. Très rapidement, les tribunes médiatiques font partie de la stratégie de visibilité, de même que les publications demi-savantes et les rencontres débats qui regroupent experts et citoyens, sorte de « forums hybrides » c’est-à-dire des lieux destinés à accueillir des débats et à distribuer la parole entre spécialistes et non-spécialistes afin de démocratiser les savoirs et surtout sortir de situations de crise. »

        L’auteure propose alors une description du réseau médiatique constitué par l’Achac.

       « … A partir de 2007-2008, l’association s’oriente à nouveau davantage vers l’organisation d’expositions. Un très long cycle est consacré à l’histoire régionale des immigrations…

           « Cette diversification des activités relève d’une stratégie consciente. Il en est de même d’une autre activité de Pascal Blanchard, plus vertement commentée celle-là, dans le cadre d’une entreprise dont il devient en 1996 l’un des codirigeants : les Bâtisseurs de mémoire (BDM). Cette agence propose aux entreprises d’organiser des expositions sur leur mémoire. » (p,110)

       L’auteure note :

      « Une visite du site web de l’agence montre quelques analogies conceptuelles avec l’Achac. On lit par exemple la volonté de cheminer de l’«histoire » à la « mémoire » à la culture de l’entreprise. Les accointances de Pascal Blanchard, que Camille Trabendi qualifie de « free lance researcher », avec le monde du marketing agacent parfois ou interrogent pour le moins, car elles soulèvent la question de la rentabilité des opérations lancées par l’Achac, de ses partenariats et, de manière sous-jacente questionnent le caractère désintéressé et neutre de ses productions savantes. Sur le blog des éditions Agone, on trouve une critique très vive de son « postcolonial business ». Pascal Blanchard y est accusé de marchandiser le passé colonial afin de placer ses produits, et au détriment d’une certaine déontologie. L’agencement Achac-BDM place en effet le travail de l’association dans le champ économique et confère une autre dimension à son caractère entrepreneurial. La stratégie du « marketing ethnique » est d’ailleurs assumée et plébiscitée par Pascal Blanchard qui la vante dans quelques revues de marketing. Cette dimension entrepreneuriale se retrouve aussi dans l’une des activités de l’association qui s’est donnée une base de données de plusieurs milliers d’images dont il explique l’origine ici lors d’une conférence à Paris « celui qui maîtrise les images, maîtrise tout », ajoutant, lors de notre  entretien :

         « Notre dernière idée de l’Achac, la meilleure idée qu’on ait eue, qui nous a donné une totale indépendance (…) 99% du patrimoine était éparse. On est parti de l’idée qu’il fallait qu’on constitue notre propre patrimoine…. Aujourd’hui on doit avoir 20 000 ou 30 000 originaux et peut-être 100 000, 90 000 documents »  (p,110,)

         « La médiatisation est également l’un des terrains d’action les plus importants. Dans les seules archives audiovisuelles, on compte quatorze passages entre 2005 et 2006. Cette présence agace beaucoup d’historiens du champ académique français. Pascal Blanchard évoque les lettres reçues par les rédactions des télévisions :

         «  Et là, le sommet que j’ai eu c’est un copain d’Arte qui m’a sorti toutes les lettres d’universitaires dénonçant qu’on passait trop à la télé. Et là tu lis avec grand plaisir, et je fais encore des sourires à tous ces gens-là que je connais très bien. »

        Vraie ou pas, l’anecdote témoigne d’un positionnement décalé mais assumé vis-à-vis du monde universitaire. Pascal Blanchard sait du reste reconnaître une faiblesse, le défaut de reconnaissance académique, en force : le positionnement économique et institutionnel. »  (p,111)

       Commentaire :

       Il est dommage que ce type de témoignage d’une historienne n’ait pas été connu en 2010, car il situe parfaitement la configuration du modèle de propagande Blanchard and Co. Il aurait permis de mieux prendre au sérieux les dérives d’une histoire postcoloniale qui en définitive, n’en est pas une,  ce que je pense et que j’ai exprimé en détail en 2008.

        L’auteure m’excusera sans doute d’avoir cité de longs passages de son analyse, mais ils apportent maintes preuves de l’action tout à fait ambiguë de l’association Achac.

        N’est-il pas surprenant pour ne pas dire illégal que l’on puisse faire partie d’un laboratoire du CNRS UP 3255, (un affichage périmé ?),  diriger une association qui reçoit des fonds publics, et en même temps codiriger une agence de communication privée, sur le même terrain ?

       Ce mélange des genres appellerait incontestablement transparence et contrôle des comptes associatifs et privés!

      Je ne retiendrai qu’une seule expression citée par Pascal Blanchard lui-même », le « marketing ethnique » pour caractériser une démarche qui n’appartient décidément pas à l’univers académique.

« Les partenariats institutionnels » (p,111)

       « L’ampleur de cette présence médiatique vaut enfin à l’Achac une reconnaissance institutionnelle importante. Des partenariats noués avec les collectivités territoriales permettent de financer les recherches et d’organiser des expositions. A titre d’exemple, en 2006, l’Achac passe un accord avec la mairie du 12°arrondissement pour un programme commun de manifestations sur l’exposition de 1931 et y organise un grand débat-conférence où les piliers du groupe sont présents. De façon plus régulière, le Fonds d’aide et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASIDL) devenu l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) en 2006 a cofinancé également des enquêtes et rapports. Cet appui institutionnel est un autre élément-clé du succès de l’Achac qui produit (et vend) des ressources (films, expositions, conférences) accessibles au grand public. Oe, depuis les années 1990, les collectivités territoriales se lancent dans des projets de valorisation patrimoniale dans lesquels l’immigration tient une place de choix. C’est le cas de la région Midi-Pyrénées qui, en 2003, commande à l’Achac une enquête financée par la Division interministérielle de la ville (DIV) dans le cadre du programme « Mémoire, ville, intégration et lutte contre les discriminations ».
       L’enquête dure six mois. Elle est menée par Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Emmanuelle Collignon. Une synthèse des résultats est publiée sur le site du ministère de la Ville en janvier 2005, ainsi que dans le livre 
LaFracture coloniale… le rapport insiste sur la méconnaissance de l’histoire coloniale par les populations immigrées comme élément constitutif du malaise et du ressentiment éprouvé…

         Plus récemment, le Comité interministériel des villes a décidé le 18 février 2013, une nouvelle enquête sur la mémoire collective dans les quartiers populaires… Le rapport est publié cette fois dans son intégralité en octobre 2013… Il y est rappelé le poids de l’héritage colonial, à plusieurs reprises.

       « Aujourd’hui, on le constate, l’histoire d’inégalités issues du passé se prolonge sous des formes multiples dans le temps postcolonial » (p,58 du rapport)

     «  En confiant ce rapport à Pascal Blanchard, les autorités, nationales, cette fois, franchissent un cap dans la reconnaissance de la mémoire coloniale comme ressource patrimoniale et révèlent la place acquise par l’Achac dans le dispositif institutionnel de lutte contre les discriminations. »  (p,113)

Commentaire : il peut paraître surprenant que pour procéder à l’enquête de Toulouse, l’administration  ait fait appel à une association dont la statistique  n’était pas vraiment la spécialité, d’autant plus que son travail d’interprétation des images de la France coloniale en métropole n’avait pas fait l’objet d’une analyse statistique qui l’aurait éclairée.

     Pour le reste, la double face publique et privée de cette association, le mélange des genres qu’elle semble pratiquer, a sans doute appelé des contrôles juridiques et financiers dont il n’est pas fait état, alors que l’Achac semble prospérer dans le « business » postcolonial.

     « L’usage de la culture coloniale et du continuum comme instruments de catégorisation culturelle. (p,113)

      Commentaire : pourquoi ne pas être surpris par la mise en scène du concept savant de « continuum », difficile à définir dans le cas présent, et qui n’a fait l’objet d’aucune mesure scientifique, ne serait-ce précisément que par sondage ?

      « Le continuum colonial est le fil rouge des travaux de l’Achac dès sa création. Il complète et explique la notion de culture coloniale fondée sur l’idée –inspirée des postcolonial studies – de la fabrication d’un imaginaire raciste par la situation coloniale (colonisation, moment colonial, décolonisation) qui perdure après la décolonisation et qui imprègne encore les sociétés contemporaines. L’expression  continuum colonial soutient l’hypothèse que l’un des facteurs des discriminations au présent réside dans la relégation du passé colonial, voire sa non-prise en compte dans le récit national. Cette interprétation développe l’idée qu’une meilleure appréhension du passé colonial faciliterait l’intégration des populations héritières de l’immigration soucieuses de verser leurs héritages dans le pot commun historique.

     Tous les travaux de l’association vont donc tourner autour de l’identification de cet imaginaire, à travers des sources quasi exclusivement de propagande (affiches de propagande, cartes postales coloniales, objets coloniaux), et la pise en avant (voire l’exposition) de la poursuite ininterrompue de ces représentations racialisées depuis la première colonisation du XVIème siècle. »

       Commentaire : l’auteure évoque ensuite l’exposition consacrée aux « zoos humains » lancée en 2000 ? Un seul commentaire : l’Achac a complètement caricaturé un sujet qui méritait plus d’objectivité et de sérieux.

      De 1877 à 1931, 32 expositions de peuples « exotiques » ont eu lieu au Jardin d’Acclimatation, dont 11 organisées par la troupe allemande Hagenbeck, et sur le total, on trouvait une grande variété d’origines, Lapons, Eskimo, Peaux-rouges, dont 11 venues d’Afrique.

         « L’idée de continuum  est donc posée comme une ressource pour penser politique. (p,114)

           Le moment le plus abouti de l’implantation de l’Achac dans le champ de l’histoire et de la mémoire coloniale est la publication en 2005 de La Fracture coloniale. Pascal Blanchard nous a relaté la genèse de cet ouvrage dont l’écho est considérable… Il est évidemment placé sous le prisme du continuum colonial puisque certains articles traitent des banlieues et de l’immigration quand d’autres sont focalisés sur le passé colonial. »

         Cette enquête a été financée par la Délégation interministérielle à la ville.

        «Dans le livre, l’article de Sandrine Lemaire est consacré à l’enseignement du fait colonial considéré comme partiel, lacunaire et n’opérant aucun lien avec la question de l’immigration. Cet article est le produit d’un long travail de fond à destination des curricula d’histoire. » (p,115)

         « Le marché de l’histoire scolaire (p,115)

         Très tôt, les historiens de l’Achac ont sollicité l’école, rouage essentiel de la démocratisation de leurs travaux… Lors de notre entretien, Pascal Blanchard évoque à plusieurs reprises son souci de toucher les enseignants. Sandrine Lemaire, enseignante dans le secondaire, est décrite comme assurant ce rôle d’interface.

        « moi je suis pas très compétent là-dessus : ça a jamais été mon territoire ; moi j’avais qu’un seul truc qui m’intéressait c’est la partie illustrative des manuels parce que je pense que les manuels (inaudible) maintenant ça a un peu changé mais l’image coloniale c’était une  catastrophe, c’est à dire qu’ils n’expliquaient pas que c’était une image de propagande, disaient pas, c’était illustratif. »

       « La stratégie a donc été, d’après lui, de développer un rapport de force avec les éditeurs…. La problématique scolaire intéresse très peu Pascal Blanchard lui-même, qui, n’a d’ailleurs jamais enseigné, mais l’Education nationale est un marché….

…  l’article de Sandrine Lemaire dans La Fracture coloniale est en quelque sorte l’aboutissement de cette conquête de marché. » (p,116) (J’ai souligné)

  • L’auteure évoque alors assez longuement l’enquête de Toulouse de   2003,     trente-quatre personnes seulement interrogées,  les enquêteurs s’étant rendus sur place avec une mallette pédagogique pour soixante-huit participants, la mallette proposée par l’Achac…

        « Les résultats de l’enquête sont détaillés dans le rapport in extenso que nous avons pu nous procurer. L’enquête prétend avoir choisi une ville neutre sur le plan de la mémoire coloniale. (note 28) L’analyse des questionnaires (aux questions fermées) montre une « défaillance des programmes scolaires qui accordent la portion congrue à cette page de l’histoire » (p,10)

         « … Fortes interférences entre la mémoire familiale…. Forte demande sociale « formulée explicitement vis-à-vis de l’histoire coloniale ». Enfin, ils signalent que les principaux schèmes coloniaux élaborés au temps de la colonisation ont conservé une certaine vitalité (p,17), affirmant même que :

       « Il ne fait guère de doute que la spectacularisation actuelle du débat sur l’insécurité et les banlieues – sans même parler du mot « jeune » qui opportunément remplace celui de l’esclave, de sauvage, d’indigène, d’immigré ou de sauvageon – constitue une reformulation de ce que l’on pourrait appeler une fracture raciale. » (p,18)

       « …  Beaucoup de jeunes sont encore plus dans une logique d’humiliation vis-à-vis de cette histoire, disent-ils, il y a donc un gros travail pédagogique à effectuer. » (p,117)

         Commentaire :  1- il est évident que Toulouse n’était pas une ville neutre comme le souligne la note 28 (p,117) : « C’est une affirmation très contestable du point de vue de l’histoire et de la réalité sociologique de la région Midi-Pyrénées et de la ville de Toulouse. »

       2 – la représentativité statistique de cette enquête ? 34 questionnés, et l’on en tire des enseignements qui permettent d’affirmer « Il ne fait guère de doute » ? L’éditeur a-t-il pu en juger ?

      3 –  je n’irai pas plus loin dans mon commentaire, sauf à dire que les propagandistes coloniaux n’ont jamais eu l’occasion de tenir et de diffuser leurs images et leur discours comme le font ces nouveaux propagandistes  postcoloniaux : seuls les historiens sérieux ont l’occasion de mesurer si les deux propagandes se font à armes égales, étant précisé que la propagande, s’il s’agissait de cela, dans les livres scolaires de la Troisième République, ne représentait que quelques pages de ces livres. En est-il de même pour les œuvres de Sandrine Lemaire ?

       L’Achac a obtenu le concours des  institutions publiques : « note 30, p,118, Ces documents ont un caractère semi-officiel, élaborés par des chargés de mission mais signés par l’Inspection générale. Publiés par le CNDP, et visés par l’IGEN, ils sont porteurs d’une vision  prescriptive même douce. »

Note 31 Au lycée, le manuel Hatier 1ère L,ES,S consacre une double- page aux « représentations de l’indigène », p, 74. Chez Bréal, le manuel de terminale consacre une double-page à « Comment les colonies sont-elles perçues par les Français entre les deux guerres ? »( p,144)

      Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? L’ACHAC/BDM -Extraits Laurence de Cock – fin

« Essentialisation et déhistoricisation de la question immigrée (p,120)

   « Les manuels rendent compte sans critique distanciée du fameux continuum, ce qui n’est pas sans poser problème. Sous couvert de « remettre l’indigène » dans le récit scolaire, les supports documentaires de propagande, publicités coloniales) proposent un discours focalisé sur les stéréotypes coloniaux. Certes spectaculaires, ces documents ne permettent pas d’interroger les conditions de réception de l’époque, ni même d’ajuster les variables historiques de l’édification de cette « culture coloniale ».  La démarche conduit à une forme d’essentialisation de la figure de l’indigène, au mépris des travaux universitaires qui insistent sur les phénomènes d’interactions, de rencontres, d’accommodements, de résistances, de métissage, etc. Le colonisé est enfermé dans son rôle de victimeune « histoire de fantômes délicieusement fascinante » (Note 32) Ce faisant, le risque existe de fabriquer des cadres d’intelligibilité rapides et artificiels des relégations actuelles qui ne sont vues que sous un angle culturaliste. Pour des adolescents en construction identitaire, cela peut nourrir une forme d’ethnicisation des rapports sociaux. C’est aussi ce que lui reproche le politiste Jean-François Bayart dans son ouvrage au titre évocateur Les Etudes postcoloniales, un carnaval académique ou dans quelques débats médiatisés… Il y a là le risque de substituer à une nécessaire réflexion sur la domination, une pensée réductrice et vidée de sa dimension sociale au profit d’une dimension purement culturelle.

Les expositions proposées par l’Achac reprennent aussi ce prisme

    Comment expliquer le succès de l’Achac ? L’Achac/BDM forme un conglomérat pénétré de la culture entrepreneuriale, militante et académique. Forte de ces trois propriétés, l’enrôlement de la sphère académique a été très réussi en prenant appui sur les ouvrages collectifs associant des universitaires et en cumulant les capitaux symboliques des auteurs français et étrangers, et de l’éditeur (forte renommée de la Découverte) a su faire valoir l’opportunité d’entrer dans son réseau ; viabilité des travaux et valorisation d’une science engagée qui expliquent la constellation d’auteurs impliqués à ses côtés sans être toujours d’accord avec ses orientations. Par ailleurs, la connaissance du fonctionnement du « marché » et des modalités  de communication, explique l’occupation du terrain médiatique ainsi que les multiples partenariats à vocation  « événementielle »… cette emprise multisectorielle de l’Achac nourrit encore aujourd’hui la culturalisation de la question de l’immigration et contribue à minimiser le facteur social de la relégation comme le montrent les diverses expertises sollicitées par la politique de la ville. » (p,121)

     Commentaire –  Cet article explique clairement comment fonctionne le moteur économique, médiatique et politique de ce modèle de propagande postcoloniale.

      Au-delà de la critique intrinsèque qui peut être faite sur la nature pseudo-scientifique du discours de l’Achac/BDM, pourquoi ne pas relever que le « conglomérat » en question surfe, sans le dire, sur les flux importants d’immigration régulière ou irrégulière qui depuis trente ou quarante ans nourrissent sa clientèle idéologique ?

Extraits de l’analyse Laurence de Cock avec quelques commentaires de

Jean Pierre Renaud

UNE SUBVERSION POSTCOLONIALE ORDINAIRE – L’ACHAC-BDM

Mercredi 4 avril 2018, fête de Saint Isidore, patron des « laboureurs » des champs historiques…

UNE SUBVERSION POSTCOLONIALE ORDINAIRE

Le « modèle de propagande Blanchard  and Co »

L’ACHAC-BDM, le moteur d‘une propagande postcoloniale !

Histoire ? Mémoire ? Roman National ? Roman historique ? Roman postcolonial ? Roman idéologique ?

Le vrai du faux ?

« L’esprit critique c’est la propreté de l’intelligence. Le premier devoir, c’est de se laver. »

Marc Bloch » 1914

&

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

En prologue 1

Les raisons de cette publication documentée ?

        Une forme du combat intellectuel qu’il convient de poursuivre contre le discours idéologique et pseudo-historique du « modèle de propagande postcolonial » du collectif Bhard and Co ?

           Au-delà d’un discours postcolonial qui fait bon ménage avec le business médiatique, ce collectif diffuse depuis de longues années, sans trop d’opposition universitaire, une propagande postcoloniale sur les images, sur une culture coloniale qu’aurait eue la France « coloniale » en jouant à fond le mélange des genres, la nouvelle démographie du pays, la méconnaissance de notre histoire coloniale, et en échafaudant des théories souvent psychanalytiques à partir d’un fonds d’images « coloniales » distribuées et diffusées en métropole.

       Nous allons successivement expliquer pourquoi leur discours n’est pas le résultat d’un travail de recherche, de lecture, et d’interprétation, je ne dirais pas « scientifique », mais au moins sérieux et rigoureux.

         Le chemin intellectuel que nous allons suivre est le suivant :

       Premier mouvement : le collectif en question est parti d’un échantillon supposé « représentatif » des situations d’images décrites, tel que celui établi et référencé dans l’ouvrage Images et Colonies (ACHAC-BDIC), riche en  contributions savantes, composées d’images et de textes, sur le thème des images coloniales pour l’ensemble de la période 1880-1962 concernant uniquement l’Afrique française.

       Il s’agit d’un échantillon dont on ne connait pas les méthodes d’élaboration, quelque chose comme sui generis, lequel aurait été soumis au Colloque savant de janvier 1993, dont les Actes ont été publiés.

         J’ai questionné à ce sujet le Conservateur de la BDIC de cette époque, et renouvelé ma demande auprès de la BDIC, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine. Plus récemment, j’ai également interrogé l’historien Antoine Prost, Président actuel de son Conseil Scientifique.

        Deuxième mouvement :

       Ce collectif de chercheurs est donc parti d’un corpus d’images soumis à l’appréciation du « Colloque » savant de janvier 1993, et, dès le départ, ses animateurs ont été les présentateurs des conclusions de ce colloque, la première source supposée de ce discours, de même que des contributions savantes illustrées qui figurent dans le livre « Images et Colonies : nous rappellerons le contenu des deux sources en question, et les biais d’interprétation dont elles ont fait l’objet dans leur présentation.  

        Troisième mouvement : nous donnerons alors la parole à des universitaires qui ont publié des articles critiques sur les travaux du binôme association ACHAC- Bâtisseurs de mémoire, un business éditorial et médiatique piloté par Pascal Blanchard que la présidente de son jury de thèse de doctorat, Mme Coquery-Vidrovitch avait baptisé à fort juste titre d’« historien entrepreneur », une sorte de start-up du nouveau marché de l’histoire ou de la mémoire, au choix.

        Trois sources seront citées, Laurence De Cock, Vincent Charmalhac, et Camille Trabendi.  Jean-François Bayart pourrait également être cité.

         Quatrième mouvement: nous nous pencherons enfin sur le contenu des différents livres que ce collectif de chercheurs a publiés dans cette ligne éditoriale de type postcolonial, en apportant une fois de plus la démonstration que leurs analyses souffrent de maintes carences historiques.

         Il s’agit du travail d’analyse critique auquel nous avons procédé sur les « œuvres » de ce collectif, « Culture coloniale », « Culture impériale », « La République coloniale », « Fracture coloniale », le résumé du livre « Supercherie coloniale » dont le contenu et les démonstrations établissent les  carences « scientifiques » de toute nature qui affectent ces ouvrages.

            Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés