Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ? Avec le Club Médiapart Quatrième épisode: « Mémoires dangereuses »

Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?

Plus d’un demi-siècle plus tard !

Autour des « raisins verts » ?

Quatre chroniques sur la guerre d’Algérie et les accords d’Evian

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Quatrième et dernier épisode

Mémoires « fictives » et « mémoires dangereuses » !

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« L’histoire est un roman qui a été, le roman de l’histoire qui aurait pu être »

« Les Frères Goncourt »

Une suggestion de dissertation pour les élèves des deux professeurs Alexis Jenni et Jérôme Ferrari, au choix, entre « La chute de Rome » et « L’art de la guerre »

« Pour ou contre la lecture des Frères Goncourt d’après laquelle l’un ou l’autre des deux romans n’est qu’ « roman de l’histoire qui aurait pu être », c’est-à-dire la leur ? »

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Quatrième épisode

Mémoires « fictives » et « mémoires dangereuses » !

Au Club de Mediapart, Benjamin Stora et Albert Jenni, dialoguent sur les « mémoires dangereuses »

     « Le Club de Médiapart…

        Les mémoires dangereuses. Extrait d’un dialogue

Extrait des mémoires dangereuses » (Ed Albin Michel, 2016), début du dialogue entre Alexis Jenni de « L’art français de la guerre » (Ed Gallimard) Prix Goncourt, 2011, et Benjamin Stora »

            Il s’agit d’un extrait tout à fait intéressant, parce que symbolique de la production d’un courant intellectuel qui tente encore de tenir un petit pan de l’opinion publique en haleine, pour tout ce qui touche aux pages les plus sombres de l’histoire de notre pays, tout en se défendant du contraire.

            Pourquoi ne pas dire dès le départ que ce type de discours incarne et diffuse une forme de perversion intellectuelle sur l’objet « mémoires » ?

            Rappelons succinctement quelles sont les Tables de la Loi du site Mediapart : une information de qualité, cultivant l’indépendance, la pertinence, et l’exclusivité.

      Qualité ? Soit ! Indépendance ? Un site qui ne serait pas irrigué par une ancienne et continue idéologie tiers-mondiste, ce qui veut dire une forme subtile de « servilité » à une idéologie ? Pertinence ? Nous verrons. Exclusivité ? Il parait difficile d’appliquer ces principes au contenu de ce dialogue, pas uniquement en raison du goût des deux dialoguistes pour tous les médias.

      Ce dialogue draine beaucoup des mots qu’aime utiliser Monsieur Benjamin Stora, en jouant sur les multiples facettes du mot « mémoires », aujourd’hui « dangereuses », hier en « guerre », de nos jours « communautaristes », et récemment avec la profession de foi d’un apôtre de la paix des mémoires, selon une chronique récente du journal La Croix.

      « Le prisme de la guerre d’Algérie…. Une histoire qui a été longtemps occultée

       C’est à si perdre, tant son discours est toujours aussi tonitruant, nourri d’affirmations et de certitudes répétées à satiété sur l’état de ces « mémoires », sans jamais, jusqu’à présent, et sauf erreur, avoir jamais donné la moindre mesure de cette guerre des mémoires. Monsieur Jenni parle de « guerre culturelle ».

      Est-il pertinent de tenir un tel discours mémoriel sans avancer la moindre évaluation des phénomènes décrits ? Non !

            Les mots tonitruants ?

            Monsieur Stora abrite son discours sous le parapluie d’une « histoire du Sud » laquelle ferait l’objet d’un « déni », en évoquant l’existence de trois mémoires celles des rapatriés, des anciens appelés du contingent d’Algérie, et  des enfants ou petits-enfants issus de l’immigration algérienne.

            « Aujourd’hui, la mémoire de cette guerre fait retour, massivement, dans les sociétés, algérienne et française… »

            Il conviendrait d’expliquer par quelle voie cette « histoire » ou cette « mémoire » fait aujourd’hui retour massivement  chez les enfants ou petits-enfants nés après 1962.

            S’agit-il 1) de l’Algérie ou de l’Empire colonial ? 2) de l’opinion du mémorialiste, fils d’un rapatrié de Constantine, ou enfin de la mesure de ce retour massif de la mémoire de cette guerre?

            A lire ce dialogue, la guerre des idées ferait rage, « des affrontements mémoriels d’une grand violence symbolique », « Ce conflit mémoriel », « Cette bataille culturelle », en dépit du « déni », du « refoulement », de la « dénégation » de notre pays, toutes caractéristiques abondamment décrites en chœur par les deux dialoguistes ?

            J’oserais écrire volontiers que ce type de discours ne correspond pas, jusqu’à preuve du contraire, à la situation historique actuelle de notre pays.

            J’oserais écrire une fois de plus que le peuple de France n’a jamais eu la fibre coloniale, que l’empire, sauf exception, n’a jamais été la préoccupation des Français, que la question coloniale a fait irruption dans notre histoire avec la guerre d’Algérie, et de nos jours, avec la présence d’une population d’origine immigrée largement nourrie par l’ancien domaine colonial.

     J’oserais écrire qu’en 1962, la grande majorité des Français et des Françaises ont été contents de se débarrasser du dossier algérien, et qu’à ma connaissance, la France d’alors n’a pas accueilli joyeusement le flot des rapatriés venus d’Algérie, comme s’en rappelle sans doute l’actuel Président  de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration.

            J’oserais écrire que ce type de discours mémoriel est étranger à celui de beaucoup des soldats, sous-officiers, officiers qui ont fait la guerre d’Algérie, faute pour le gouvernement de gauche de l’époque d’avoir su ménager une vraie voie d’évolution politique de l’Algérie.

            Beaucoup d’entre eux ont livré publiquement le fruit de leurs mémoires, et rien n’a été caché, le blanc comme le noir, comme dans toute guerre.

    Jean Pierre Renaud – Première partie

« 18 mars 1962 Les accords d’Evian » par Belkacem Recham – Deuxième épisode: le « regard » ?

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Plus d’un demi-siècle plus tard !

Autour des « raisins verts » ?

         Quatre chroniques sur la guerre d’Algérie et les accords d’Evian

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Deuxième épisode

« 18 mars 1962 Les Accords d’Evian » par Belkacem Recham »

Dans le livre « L’HISTOIRE DE FRANCE VUE D’AILLEURS » (pages 535,545)-Les Arènes

De Jean-Noel Jeanneney et Jeanne Guerout

            L’auteur est chargé de cours à l’Université de Strasbourg

« Le « regard » d’un ancien officier du contingent de l’armée dite « coloniale »

            Ma première remarque préalable portera sur le sens de l’adverbe « ailleurs » pour qualifier une source historique, quand l’on sait toute l’importance justifiée que les historiens de métier attachent à l’identification des « sources ».

            La quatrième de couverture de ce livre précise : « cinquante dates…. soumises au regard d’historiens étrangers… » : ma deuxième remarque préalableposera donc la question de savoir si M.Recham est un historien étranger.

            La question a d’autant plus d’importance que l’auteur place son commentaire sous le patronage de M.Harbi, ancien dirigeant du FLN.

            Rien de spécial à noter en ce qui concerne les premières pages relatant la phase des négociations secrètes qui ont précédé la signature de ces accords. (p,535,536,537,538)

            Les négociations se poursuivirent après le référendum de janvier 1961 qui donna, en quelque sorte, carte blanche au général de Gaulle.

       « Les points d’achoppement furent toujours les mêmes : refus par les Algériens d’une trêve préalable à toute négociation, perçue comme un  piège, le statut des Européens d’Algérie et surtout la question de la souveraineté du Sahara. Ce dernier point fit à nouveau achopper des discussions reprises en Suisse en juillet 1961 » (p,540)

       Le texte aurait pu souligner qu’aux yeux de De Gaulle, le maintien du Sahara dans une orbite française était capital, étant donné son importance pour la mise au point des bombes atomiques, au-delà du sort du pétrole saharien dont on aurait su s’arranger, l’objectif de puissance atomique comptant plus que tout le reste.

      Les accords signés :

       « L’Etat algérien exercerait une souveraineté pleine et entière, mais un certain nombre de conditions lui étaient imposées : souscrire à la Déclaration universelle des droits de l’homme, se doter d’institutions sur le principe démocratique et sur l’égalité des droits politiques entre tous les citoyens, respecter toutes les libertés et accorder aux Français toute une série de garanties. Les Français disposeraient pendant trois ans de droits civiques algériens, au terme desquels ils auraient le choix soit d’opter pour la nation alité algérienne, soit de demeurer citoyen français en se trouvant dès lors étrangers en Algérie. Dans les deux cas, ils auraient droit à un accès à toutes les professions, à l’égalité de traitement avec les nationaux, à la libre jouissance de leurs biens dont nul ne pourrait être privé sans une indemnité équitable préalablement fixée.

       En France, les passions se déchaînent

       En contrepartie, la France accorderait son assistance technique et financière…. Sur le plan militaire…. L’armée française serait réduite à 80 000 hommes, en attendant une évacuation totale dans les deux ans. Seules exceptions, la base aéronavale de Mers el Kébir, concédée pour quinze ans, et  les sites d’expérimentation nucléaire du Sahara accordés pour cinq. « (p542,543)

          Le constat « En France, les passions se déchaînent » mériterait de faire l’objet d’une mesure dans les médias de l’époque, car, dans mon souvenir, la grande majorité de la population française n’attendait qu’une seule chose, se débarrasser du dossier algérien.

         L’auteur note :

        « Le pari raté de la cohabitation

       Cependant, avant même d’être appliqués, ils furent contestés par une partie du FLN et condamnés par l’Organisation de l’armée secrète (OAS), devenue le bras armé du refus de l’indépendance du côté des Européens. Celle-ci déclencha des opérations dites de harcèlement dans les villes algériennes, qui tournèrent à une sanglante chasse à l’arabe à laquelle ne manquèrent ni bombardements au mortier des quartiers musulmans ni attentats à la voiture piégée.

         L’exode massif des « pieds noirs » ne saurait, au premier chef, être imputable à une insuffisance des garanties vis-à-vis des Européens d’Algérie. La responsabilité revient en premier lieu au terrorisme anti-arabe de l’OAS à quoi répondirent, notamment à Oran, au début de juillet, les massacres d’un grand nombre d’européens. Redoutant de prévisibles représailles, les Français d’Algérie, frappés de panique, quittèrent en masse sans esprit de retour, ce pays où ils avaient été les maîtres et où, disaient-ils, ils ne voulaient pas devenir des sujets. Comme l’a bien dit Mohamed Harbi, « ces accords reposaient sur un pari : la cohabitation entre deux communautés sous l’autorité d’un Etat multiculturel. Il n’a pas été tenu. Le premier coup a été porté par l’OAS, les willayas ont fait le reste…. Aucun des deux interlocuteurs d’Evian ne maîtrisait son propre camp. L’une des deux parties essentielles des accords, le pari d’une réconciliation nationale des communautés, était naufragé. »

       Il n’empêche que ces accords représentèrent, au moins à court terme, le compromis souhaité par la majorité des Français, puisqu’ils furent approuvés par plus de 90% d’entre eux au référendum du 8 avril 1962. Ils ne le furent pas moins par les Algériens qui répondirent « oui » à plus de 99% lors du référendum sur l’indépendance du 1er juillet 1962. » (p,543,544,545)

        Quelques remarques sur cette dernière analyse historique en laissant le soin évidemment aux spécialistes d’en apprécier la teneur :

      Etait-il besoin de placer cette analyse sous le patronage « spirituel » ou « intellectuel » de Mohamed Harbi, lequel, fut un dirigeant du FLN  pendant quelques années après le pari de la cohabitation décrit, avant de pouvoir s’évader, en 1973, vers quel pays ? Bien sûr, la France !

       Le respect des droits de l’homme était oublié depuis longtemps.

        Est-ce que la phrase relative au « pari »…d’une » « cohabitation entre deux communautés sous l’autorité d’un Etat multiculturel » n’est pas rédigée hors sol de l’histoire algérienne, et de l’immense majorité musulmane de l’Algérie devenue indépendante ?

       Enfin, il me parait tout de même hardi de mettre sur le même plan le référendum français et le référendum algérien, sauf à ne pas avoir encore compris que la grande majorité des Français ignorait presque tout de l’Algérie, et qu’ils étaient enfin contents de se débarrasser de l’Algérie.

       Les Français et les Françaises d’alors ont  voté au moins autant, sinon plus pour leur indépendance : indépendance contre indépendance !

Jean Pierre Renaud

            Je publierai au cours des prochaines semaines, les deux derniers épisodes :

           3 – « Les raisins verts » : Benjamin Stora historien ou mémorialiste, sur la petite musique biblique des « raisins verts » de la « matrice » algérienne,

     4 – « Les mémoires dangereuses » ou les mémoires « littéraires », « dangereuses » dans un dialogue entre Benjamin Stora et Alexis Jenni, Prix Goncourt, au Club de Médiapart.

 » Le 19 mars 1962″ avec Guy Pervillé et autres auteurs

« Le 19 mars 1962 » ?

Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?

Plus d’un demi-siècle plus tard !

A propos des « raisins verts » de la Bible

1962 : « Accords d’Evian » et guerre d’Algérie

  1.  « Les Accords d’Evian » avec l’historien du « dedans » Guy Pervillé,
  2.  « Le 18 mars 1962 Les accords d’Evian » avec l’historien « d’ailleurs », Belkacem Recham, selon le livre « Histoire de France vue d’ailleurs »,(page 535)
  3. « Les raisins verts » : Benjamin Stora historien ou mémorialiste, sur la petite musique biblique des « raisins verts » de la « matrice » algérienne,
  4. « Les mémoires dangereuses » ou les mémoires « littéraires », « dangereuses » dans un dialogue entre Benjamin Stora et Alexis Jenni, Prix Goncourt, au Club de Médiapart.

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            Je me propose de publier ultérieurement la lecture critique d’un livre de témoignage sur toute la période qui a précédé la guerre d’Algérie, celle qui lui a succédé, et « théoriquement » conclue par les Accords d’Evian, un témoignage historique, au jour le jour, qui vaut largement toutes les déconstructions ou constructions historiques ou mémorielles qui ont fleuri après les faits : il s’agit du livre « Carnets d’Algérie » (1965), signé par Robert Buron, ancien ministre, chrétien de gauche, témoin et acteur incomparable de la période en question.

« Le 19 mars 1962 » ?

Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?

Plus d’un demi-siècle plus tard !

A propos des « raisins verts » de la Bible

1962 : « Accords d’Evian » et guerre d’Algérie

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Premier épisode, l’histoire vue du « dedans »

Le livre de Guy Pervillé

« Les événements fondateurs »

« Les accords d’Evian (1962) »

« Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012)

Préambule

            Pour avoir été un des modestes acteurs de la guerre d’Algérie en qualité d’officier SAS du contingent,  dans la vallée de la Soummam, au cours des années 1959-1960, y avoir servi la France et l’Algérie, sur décision d’un gouvernement socialiste incapable de dénouer le conflit par des réformes radicales, j’ai approuvé la venue du Général de Gaulle au pouvoir et sa politique algérienne jusqu’aux accords d’Evian, parce qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’en finir avec un conflit de plus en plus ingérable.

            J’ai souligné, jusqu’aux accords d’Evian, parce qu’à partir de cette date, mon désaccord fut total avec la façon dont ces accords furent appliqués.

        J’ai écrit ailleurs que j’avais été dire ce désaccord à un camarade de promotion affecté au Cabinet du Général, notamment au sujet des massacres de harkis que nous laissions faire.

         Depuis cette date, sauf à titre exceptionnel, je n’ai pas porté d’attention particulière à telle ou telle histoire racontée par des historiens, ou à la multitude de témoignages d’anciens d’Algérie qui ont tissé ou tissent encore une sorte de mémoire de cette guerre, sans que l’on sache toujours faire le tri entre le vrai et le fictif.

       J’éprouve tout autant, à tort ou à raison,  la plus grande méfiance à l’égard des historiens professionnels marqués directement ou indirectement par leurs lieux historiques de naissance, qu’ils le veuillent ou non, surtout lorsqu’ils excipent de leur métier d’historien, l’authenticité qu’ils revendiquent sur les discours de mémoire qu’ils tiennent dans les médias.

       Tel est entre autres le cas de Benjamin Stora qui illustre tout à fait cette proximité. Je l’ai déjà critiqué pour ses prises de position  répétées dans le domaine sensible des mémoires que l’on peut si facilement manipuler, sans chercher à savoir si elles existent bien, c’est-à-dire en les mesurant, ce que l’on sait faire de nos jours.

         C’est la raison pour laquelle les lecteurs pourront trouver à la suite de mon commentaire du livre de Guy Pervillé, qui ne fait pas partie, à ma connaissance, des historiens ou intellectuels issus de la matrice algérienne décrite par l’historien Vermeren, un additif « concurrent » consacré à l’analyse rapide des Accords d’Evian proposée par le livre « L’histoire de France vue d’ailleurs » de Jean-Noël Jeanneney et de Jeanne Guérout dans le « 18 mars 1962 Les accords d’Evian » de Belkacem Recham (page 535 à 547).

        Pourquoi ne pas rappeler à cette occasion que le père de l’historien Jeanneney fut un des acteurs clés de la mise en route des fameux accords d’Evian ? N’aurait-il pas des choses à nous dire plus de soixante ans après ?

       C’est pour les mêmes raisons que les lecteurs pourront trouver également plus loin, une réflexion sur la question de savoir si le positionnement politique ou idéologique de Benjamin Stora, tel que je l’analyse, ne soulève pas celle de la scientificité supposée de ce type de discours, quels que puissent être par ailleurs ses qualités supposées d’historien, dont je ne suis pas juge.

      La quatrième contribution que je propose à la lecture est relative au positionnement littéraire, idéologique, ou politique, au choix, que soulève le contenu de deux livres récents qui ont reçu le prix Goncourt, Alexis Jenni pour « L’art français de la guerre »  et Jérôme Ferrari pour « Le sermon sur la chute de Rome ».

      Ces deux exemples sont intéressants à cet égard, car ils soulèvent la question des comparaisons qu’il  devrait être possible d’effectuer avec d’autres œuvres brillantes, également couronnées dans le passé, par un prix Goncourt

        Cette contribution fait en effet écho au dialogue qu’ont entretenu Messieurs Stora et Jenni sur le thème « Les mémoires dangereuses » dans le cadre du Club de Médiapart, à la date du 25 février 2016.

       Je noterai simplement pour l’instant, que d’autres auteurs, titulaires du même prix, avaient une réelle expérience des guerres qu’ils racontaient, sans imaginer rétroactivement ce qu’était une guerre concrète, ou des situations coloniales concrètes, c’est-à-dire vécues, comme c’est le cas dans les deux œuvres citées.

            Jean Pierre Renaud

« Le 19 mars 1962 » avec Guy Pervillé et autres auteurs

« Le 19 mars 1962 » ?

Le livre de Guy Pervillé

« Les événements fondateurs »

« Les accords d’Evian (1962) »

« Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012)

       Ma lecture mérite d’être précédée de quatre observations préliminaires :

            La première interroge la propriété de l’expression « Les événements fondateurs » : j’ai plutôt envie de proposer  « Les événements de désintégration ».

La deuxième interroge sur la signification du mot « réconciliation », sorte de succédané du mot « repentance » : dans notre conclusion, nous reviendrons sur son interprétation.

La troisième suggère un titre tout à fait différent :

« Tout ça, pour ça ! »

« Le double discours !

            La quatrième : la lecture de ce livre est démoralisante pour un ancien acteur de cette guerre d’Algérie.

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            Il s’agit d’un ouvrage fort bien documenté (1), quelquefois difficile à lire, compte tenu de son impression, un livre qui soulève des questions et des réponses pour l’ancien et modeste acteur de la guerre d’Algérie que je fus, en ma qualité d’officier SAS, à Vieux Marché, dans les années 1959-1960, dans un secteur de grande insécurité de la vallée de la Soummam, en bordure de la forêt d’Akfadou (Djudjura).

Quelle était la situation militaire et civile dans mon secteur militaire au cours de l’été 1960 ? Représentative ou non ?

            Après l’opération Jumelles, qui se déroula en Kabylie, Grande ou Petite, et qui démarra le 22 juillet 1959 dans mon secteur, au cours d’une belle nuit d’été, la situation du douar se caractérisait, au cours de l’été suivant par une situation « Le vide presque parfait », selon l’expression de Lao Tseu, c’est-à-dire une quasi-absence de rebelles.

            Pour avoir connu au printemps 1959, un état d’insécurité permanent, une armée française sur la défensive, le noyautage ou le contrôle de  tous les villages par les rebelles, ceux que nous appelions les fels,  l’extrême prudence qui était la nôtre face aux embuscades ou aux mines.

          Lors des convois de ravitaillement hebdomadaire entre Vieux Marché et Sidi Aïch, les Chasseurs Alpins du 28ème Bataillon prenaient toutes les précautions nécessaires : il fallait ouvrir la piste de montagne, en cas de mine ou d’embuscade, la sécuriser par des patrouilles latérales, et pouvoir bénéficier de la couverture aérienne d’avions T6.

       Depuis juillet 1959, la situation avait changé du tout au tout.

            Il m’était possible à présent d’aller dans tous les villages avec un seul garde du corps, un ancien rebelle,  un gars formidable.

            Une petite anecdote d’ambiance, sur la route de Sidi Aïch, à l’aller puis au retour :

        « Vieux Marché, le 26/04/1960… Ce matin, au passage, sur la route,  des enfants m’ont jeté des bouquets de fleurs dans la jeep. Au retour, j’en ai ramené quatre pour leur faire faire un tour de jeep. J’ai mis les fleurs en vrac à midi, sur la table, un vrai décor champêtre. »

      Avant de quitter l’Algérie, j’avais par ailleurs organisé des élections municipales dans les trois communes de Tibane, Tilioucadi, Djenane, dont j’étais jusqu’alors le Délégué Spécial : ces trois communes disposaient, pour la première fois, de conseils municipaux élus.

        J’avais également fait reconstruire les écoles et les mairies brûlées par les rebelles, des écoles où des chasseurs alpins de l’«armée coloniale » firent à nouveau la classe aux enfants du douar.

     Parallèlement, les Chasseurs Alpins commençaient à pouvoir mettre certains des villages en position d’autodéfense.

       La SAS de Vieux Marché fut aux premières loges de l’opération Jumelles : c’est à partir de son territoire que fut aménagée la piste qui devait atteindre le PC 1621 de l’opération Jumelles, à travers la forêt d’Akfadou.

      Le 29 août 1959, le général de Gaulle fit un saut de puce à ce PC, et il y déclara entre autres devant un parterre d’officiers ; « Moi vivant, jamais le drapeau FLN ne flottera sur l’Algérie. »

      En 1960, comme je l’ai raconté dans une  de mes lettres, le général Crépin, commandant en chef fit une tournée :

      Chemini, le 15 juillet 1960…

      « Je rentre de la popote. C’est vraiment dramatique !

       Longue discussion à la suite de la visite du général Crépin, Commandant en chef en Algérie.

         Figures-toi, qu’il a dit à peu près ceci (propos répétés) :

  • Alors ces villages ! Lesquels sont pour vous, lesquels sont contre vous ?
  • Nous ne savons pas. La plupart continuent sans doute à payer les fellouzes.
  • Qu’est-ce que vous attendez pour descendre ceux qui ne veulent pas.  être pour vous. Cela fait trop longtemps que dure ce petit jeu !
  • Votre Compagnie ne sert à rien. Depuis trois mois, combien  de fellouzes au tapis ? Zéro ! Je veux des bilans ou je retire les troupes. »

         Comme je viens de l’indiquer plus haut, il paraissait difficile d’aller plus loin dans un secteur où le vide était presque parfait, mais ce type de discours continuait à persuader une partie des officiers que l’Algérie resterait française.

        Je reviens à nouveau sur ce passé après avoir lu l’ouvrage de Guy Pervillé, pour bien faire comprendre l’état d’esprit des officiers auxquels la France avait confié la mission  de rétablir la paix en Algérie.

      Beaucoup de ces officiers, dont je fis partie, avaient le sentiment de servir autant l’Algérie que la France, peut-être d’ailleurs plus l’Algérie que la France, compte tenu de sa situation.

       Je fis partie des officiers, et je ne fus pas le seul, qui ne voyait pas d’autre issue que celle d’un changement complet du statut de l’Algérie, y compris son indépendance, mais pas de la façon dont elle a été négociée et liquidée.

            Ce livre a le mérite de nous sortir du registre des discours des historiens, chercheurs, intellectuels, issus de la « matrice » algérienne, ou « assimilée », lesquels surfent encore, avec un certain succès,  dans les médias et dans certaines maisons d’édition, et publient ou diffusent des récits qui flirtent, pour ne pas dire plus, avec la repentance ou l’autoflagellation nationale.

         A plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de dénoncer ces graves dérives, encore dernièrement à l’endroit du discours d’un auteur, Jérôme Ferrari, qui dans un de ses derniers livres couronné par un Prix Goncourt, irrigue son récit de ce type de discours. Dans un de ses billets publiés par le journal La Croix, le romancier philosophe pérorait sur la violence coloniale, les responsabilités de la France, citant en référence et à ce sujet, un propos de Joxe, le fils du ministre Louis Joxe, qui fit son service à Alger dans de bonnes conditions.

       J’ai commenté ce livre sur mon blog, le 4 mai 2016, mais je reviendrai plus loin, sur le sujet des « mémoires » frelatées en évoquant le dialogue qu’ont tenu Messieurs Stora et Jenni, autre prix Goncourt (2013), dans le cadre du Club de Médiapart.

       Il aurait été intéressant que le fils Joxe, comme le fils Jeanneney, en disent plus sur les responsabilités de deux pères qui furent à la fois de grands artisans des Accords d’Evian (lire le livre) et les acteurs de la non-application des mêmes accords, pour ne pas dire leur faillite.

        Les paternités en question ne s’inscrivaient-elles déjà pas dans le registre des « raisins verts » pour certains de leurs descendants ?

       Pour toutes ces raisons et beaucoup d’autres, je me suis investi dans des recherches qui ont porté sur un domaine qui ne fut pas celui de la guerre d’Algérie, mais sur l’Afrique noire, l’Indochine, Madagascar, car l’Algérie ne fut pas, contrairement à ce que racontent les principaux thuriféraires de l’autoflagellation, l’alpha et l’oméga de la colonisation française, sauf qu’elle était située sur l’autre rive de la Méditerranée et qu’elle comptait plus d’un million de Français.

     Avant d’aller plus loin, Guy Pervillé analyse de façon rigoureuse et précise le déroulement de ce qu’on a appelé « Les événements d’Algérie » entre 1954 et 1962 dans les cinq chapitres de la première partie (p,16 à 89) « Des réformes aux négociations », la période chaotique et confuse qui précéda celle des négociations, et des positions successives du général de Gaulle.

     Dans la deuxième partie « Les négociations et les accords d’Evian » (p,89 à 147), l’historien analyse dans les trois chapitres suivants le déroulement incertain et difficile des négociations avec le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, conclu en février-mars 1962, par les fameux accords d’Evian, et le cessez-le feu du 19 mars 1962.

      Il aurait été intéressant d’avoir une analyse des positions, rapports de force existant alors, entre le GPRA de l’étranger et les Willayas de l’intérieur, avec lesquelles il aurait été plus logique de négocier.

     L’auteur souligne bien dans le chapitre 8 « De Gaulle et l’application des accords d’Evian » (19 mars-20 septembre 1962) les responsabilités de son échec « Le sabotage des accords par l’OAS » (p,120), « Le contournement des accords d’Evian par le FLN » (p122).

    « Contournement » ou « sabotage » du FLN ? Au moins autant que celui de l’OAS ?

    L’auteur pose la question : « La France a-t-elle respecté les accords d’Evian ? « (p,131)

     Il s’agit d’une analyse très complexe, et de nos jours encore passionnée, mais on vit rapidement que le FLN n’était absolument pas en état de gouverner l’Algérie et d’y assurer la paix civile, condition  sine qua non d’une application sérieuse des Accords d’Evian.

      Je fais partie de ceux qui estiment que le retrait de l’armée française, une sorte de sauve-qui-peut qui ne disait pas son nom, a empêché la France et l’Algérie de mettre en application ces accords, c’est-à-dire de les imposer.

      Dans la troisième partie, « Un demi-siècle de relations franco-algériennes (1962-2012) » (p,147 à 260), l’auteur en montre le déroulement chaotique, mais y réintroduit le concept de « réconciliation », une « repentance » qui ne dit pas son nom.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Le 19 mars 1962 », le livre de Guy Pervillé – Suite et fin

« 19 mars 1962 » ?

Le livre de Guy Pervillé

« Les événements fondateurs »

« Les accords d’Evian (1962) »

« Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012)

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Autres réflexions

           Première réflexion sur la date des Accords d’Evian, le 19 mars 1962 : cette date est depuis l’origine un sujet de controverse, et il est évident que pour l’immense majorité des hommes du contingent, cette date clôturait cette guerre, une guerre qui n’a jamais été conclue en effet par un accord de paix.

       Le livre explique bien pourquoi cette guerre n’était pas finie.

         Deuxième réflexion, le livre en montre bien les raisons, notamment les graves carences du nouveau pouvoir algérien qui n’a jamais honoré sa signature, tout autant que le sabotage de tout accord par l’OAS.

        Troisième réflexion : le gouvernement du Général de Gaulle, et le Général lui-même, n’ont pas été à la hauteur pour maîtriser la mise en application respectée de ces accords, sur le terrain, pour au moins cinq raisons que l’on voit bien dans l’ouvrage, et une sixième que j’évoquerai :

  1. Le refus d’accueillir en France les harkis et moghaznis qui avaient rejoint notre cause pendant cette guerre, ainsi que leurs familles.
  2. La désignation d’un ambassadeur, M. Jeanneney, que son expérience professionnelle et politique ne désignait pas spécialement pour faire appliquer vigoureusement ces accords par le nouveau pouvoir FLN, entre les mains de la mouvance extérieure du GPRA.
  3. L’objectif principal du Général, qui fut de tout faire, pour ne pas dire tout accepter, afin de préserver jusqu’à la fin de l’année 1966, la possibilité pour la France de poursuivre  ses essais nucléaires au Sahara, et accessoirement, y exploiter le pétrole, avec pour corollaire, continuer à transfuser l’Algérie indépendante avec nos francs et à faire bénéficier ce nouvel Etat de dérogations exceptionnelles, pour ne pas dire laxistes, dans le domaine de l’immigration.

Ces dérogations continuent encore sous une forme atténuée, si je ne m’abuse.

La lecture des pages 175 et 176, avec le compte-rendu de la rencontre du 13 mars 1964 entre le Général et le nouveau Président Ben Bella en est une des illustrations.

  1. Réconciliation ou relation internationale entre deux Etats ? Je vous avouerai que je n’ai jamais compris la politique française après l’indépendance de l’Algérie. Les Algériens avaient choisi leur destin. Rapidement, le régime algérien fut celui d’une dictature du FLN.

Pourquoi De Gaulle n’a-t-il pas choisi le type de relations internationales qui était celui de la France avec l’URSS ou la Chine ? Sauf à dire que son objectif numéro 1 avait toujours été celui de la préservation, le plus longtemps possible des sites nucléaires du Sahara, en fermant les yeux sur le ratage complet de la mise en application des Accords d’Evian ?

Je me suis déjà exprimé à de multiples reprises sur un tel sujet, en affirmant que je n’ai jamais vu pourquoi nous, anciens soldats appelés, pas plus que les citoyens français, nous devrions faire repentance.

  1. La cinquième est celle de l’imbroglio dans lequel était plongée une armée française en pleine crise, avec, à Alger, la question du qui était qui ou quoi, entre les « loyalistes », les révoltés, ceux de l’OAS, et ceux qui ne savaient plus quoi penser, avec le souci du général d’y mettre fin le plus vite possible, sauf nouvelle crise nationale majeure à venir, c’est à dire en clair : il fallait « dégager » au  plus vite !

Comme la plupart de mes collègues, nous étions favorables à une évolution politique majeure de l’Algérie, mais pas à celle qui s’est produite sous la conduite d’un FLN venu de l’étranger, avec son armée des frontières, incapable de faire régner la paix civile dans ce territoire, et de respecter les Accords d’Evian, sans que notre pays ait fait ce qu’il fallait pour l’obliger à le faire.

6 – Plus de cinquante ans après ces accords, j’ai eu la mauvaise curiosité d’aller consulter dans les Archives militaires de Vincennes les Journaux de Marches et d’Opérations du 28ème Bataillon de Chasseurs Alpins qui ont suivi mon retour en France, dans les années 1961 et 1962, et je vous avouerai que leur lecture m’a démoralisé.

      Une armée française qui avait ramené la paix civile dans cette région de la Petite Kabylie, à laquelle on donne l’ordre de se replier successivement vers la côte pour s’y embarquer, laquelle exécute loyalement les accords diplomatiques en question, sans que le gouvernement gaulliste fasse ce qu’il fallait pour obliger le FLN à les appliquer. Au fur et à mesure du retrait, le FLN n’avait qu’à lever le petit doigt pour inciter les soldats français d’origine musulmane encore en service dans les postes militaires à se soulever et à les faire tomber aux mains du FLN, les uns après les autres.

          La vallée de la Soummam, comme beaucoup d’autres régions d’Algérie, fut alors un lieu de tortures et de massacres des harkis et des moghaznis qui avaient rejoint l’armée française après 1954, jusqu’en 1962.

        Le rapport du sous-préfet d’Akbou Robert en a récapitulé à l’époque une partie dans la vallée de la Soummam.

       L’armée française a obéi au gouvernement du Général et donc appliqué les accords d’Evian, ce qui n’a pas été le cas du FLN.

      Ce livre montre bien le processus de désagrégation qui a suivi les accords d’Evian, l’impuissance du gouvernement algérien, en même temps que celle du gouvernement français, avec la mise en place d’une dictature politique et militaire servie par l’armée des frontières.

         Je terminerai en évoquant tout d’abord un des points les plus sensibles de ces accords, celui des crimes de guerre, car effectivement ces accords avaient par avance amnistié tous les crimes de guerre commis par les deux parties, et il est évident qu’il y en a eu, comme dans toute guerre de type révolutionnaire ou non, et c’est cette amnistie injustifiable qui a permis à trop de chercheurs ou de mémorialistes français de laisser croire que la France, en Algérie, n’a été que saloperie.

        Le fait qu’une chape de plomb pèse en Algérie sur toute cette histoire n’est pas de nature à apaiser les mémoires, souvent frelatées, d’autant moins qu’on trouve beaucoup moins de belles âmes pour exalter violences, crimes ou tortures de la deuxième guerre civile qui a ensanglanté l’Algérie dans le années 1992-2000, et la mise en place d’un régime policier de type dictatorial.

        Je voudrais dire enfin que je n’ai jamais compris cette volonté de réconciliation, d’une repentance qui ne dit pas son nom, toujours affirmée par qui ? Le plus souvent par le groupe des intellectuels sortis de la « matrice » algérienne, ou par ceux qui flattent une histoire française de l’autoflagellation, ceux que j’ai appelés « les fossoyeurs » de l’histoire de la France

    Pour avoir beaucoup travaillé sur l’histoire coloniale et la décolonisation, je fais partie de ceux qui mettent en cause tout au long de ce processus la ou les gauches françaises, responsables des conquêtes coloniales de la Troisième République, tout autant que du « fiasco des décolonisations », selon l’expression de l’historien Vermeren.

                     Le cas de l’Algérie en est une des caricatures les plus funestes avec le tournant de guerre que le gouvernement Mollet Mitterrand  a fait prendre à la France, avant le retour du Général au pouvoir, en 1958.

            Alors tout ça pour cela ! Nous avons servi la France et souvent l’Algérie, nous y avons exposé nos vies, certains de  nos camarades y ont laissé la leur, et nous entendons à longueur d’année et depuis des années un discours sur la torture – tous nous aurions donc torturé -, – nous aurions été les seuls à exercer la violence dans un contexte de guerre -, nous devrions faire repentance -, mais en même temps, –  prôner une réconciliation – ?

            Avec qui devrions-nous nous réconcilier, nous, anciens soldats appelés du contingent ?

            Avec qui nos gouvernements devraient-ils se réconcilier ? Les gouvernements  d’une dictature FLN  qui continue ?

         Jamais jusqu’à nos jours, c’est-à-dire plus de soixante après les faits, et à ma connaissance, l’Algérie du FLN n’a donné l’occasion à une quelconque personnalité algérienne, respectée, intègre, capable d’incarner le partenariat  légitime d’une réconciliation entre les deux Etats.

            Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

(1) Il est bien dommage que le texte des Accords d’Evian n’aient pas été joints. Oserais-je dire que c’est la première source que j’y ai recherché.

Le Poids « historique » des « Paroles »! Les harkis, La Croix, hommage aux croque-morts de l’histoire de France ?

Le poids « historique » des « Paroles » !

La Croix du 26 septembre 2016, page 11 :

« La France reconnait sa  responsabilité dans les « massacres » des harkis »

En hommage aux croque-morts de l’histoire de France ?

            La chronique rend compte de la décision qu’a prise le Président de reconnaître la responsabilité de la France dans le massacre des  harkis plus de cinquante ans après les accords d’Evian, mais quid de celles du FLN à la même époque ?

            Le journal publie sur ce sujet sensible le commentaire d’un professeur de sciences politiques, Monsieur Le Cour Grandmaison, « Paroles

            Une avancée qui reste limitée … »

            Seul petit problème, le professeur en question s’est illustré dans un récent passé par la publication d’un ouvrage pseudo-scientifique intitulé « Coloniser Exterminer », un ouvrage que les historiens Meynier et Vidal-Naquet  ont qualifié de « sottisier ».

            Dans cette gamme de références historiques vraies ou supposées, pourquoi ne pas avoir alors consulté l’ancien cadre du FLN de cette époque que fut M.Harbi, aujourd’hui historien, ou encore l’historien Jeanneney dont le père, était alors ambassadeur de France à Alger, lequel a sûrement laissé quelques mémoires sur le sujet ?

            Nous dirons plus tard un mot du livre de l’historien Guy Pervillé sur les accords d’Evian, un ouvrage dense et rigoureux qui aborde de façon précise cette question, en traitant de tous ses aspects, et notamment les responsabilités respectives de la France et de l’Algérie.

            Je rappellerai pour terminer, comme je l’ai déjà écrit ailleurs, qu’en 1962, je pris rendez-vous avec un camarade de promotion, alors membre du Cabinet du Général de Gaulle, pour lui faire part de mon entier désaccord sur la façon dont la France « gérait » le sort des harkis et moghaznis que nous avions abandonnés en Algérie.

Jean Pierre Renaud

« Guerre d’Algérie: quelques réflexions » Volet 2 suite et fin : « les scénarios des deux guerres »

« Guerre d’Algérie : quelques réflexions »

Volet 2

Suite et fin

Guerre anglaise de Malaisie (1948-1960) et guerre française d’Algérie (1954-1962)

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Les scénarios des deux guerres

                Les buts de guerre étaient fondamentalement différents : dans le cas britannique, il s’agissait officiellement de lutter contre un ennemi communiste, de consolider les points stratégiques de l’empire britannique en Asie, notamment le port de Singapour, face à l’attraction nouvelle du modèle communiste chinois, tout autant que de préserver leurs ressources en  étain et caoutchouc.

             Les Anglais n’avaient pas du tout l’intention d’accorder la citoyenneté aux gens de Malaisie, mais ils tentaient d’aider à la mise en place d’institutions politiques nouvelles, capables de relayer leur pouvoir, sans perdre le bénéfice  de la poule aux œufs d’or qu’était encore la Malaisie.

               Rien de tel en Algérie où la présence d’un million de pieds noirs constituait un véritable casse-tête, un obstacle difficile à contourner compte tenu de son importance démographique, de son rôle politique, économique et financier, et pourquoi ne pas le dire de l’héritage qu’était le développement de l’Algérie, fut-il inégal, que le président Nasser reconnut lui-même, lors d’une de ses visites après l’indépendance.

               Officiellement, l’Algérie, c’était la France, et ses destinées s’inscrivaient toujours dans une perspective d’assimilation, puis d’intégration, avec une égalité des droits entre tous les habitants du territoire.

            En Malaisie, les Anglais n’ont jamais eu, ni l’intention, ni l’ambition d’accorder leur citoyenneté aux Malais ou aux Chinois de Malaisie.

                 Il ne faut pas non plus oublier deux choses, la première celle du rôle d’appoint et de charnière que jouaient souvent les députés d’Algérie dans la constitution des gouvernements de la Quatrième République, la deuxième relative au concours patriotique que les citoyens européens d’Algérie avaient spontanément apporté à la libération de la métropole, un facteur trop souvent oublié.

              Une fois la guerre engagée, à partir de 1954,  le discours politique a d’abord été, l’Algérie, c’est la France, disaient en chœur Mendès France, Mitterrand, mais au fur et à mesure de son déroulement, les objectifs devinrent moins clairs, celui de l’assimilation, une égalité entre citoyens, mutant vers l’intégration, et ce manque de clarté sur les buts de la guerre fut incontestablement une des raisons du flottement de notre politique, et en définitive du bâclage de ce dossier par de Gaulle.

            Avant la signature des Accords d’Evian, la situation du gouvernement en Algérie devint intenable, car on ne savait plus qui était contre ou pour de Gaulle, au sein même du pouvoir.

             Certains diront que l’occasion avait été manquée de confier le pouvoir à une élite algérienne pro-française, à la fois musulmane et française.

            Toujours est-il que si la rébellion touchait un maillon faible de la puissance française d’alors, elle n’était pas communiste, comme en Malaisie, et toutes les huiles politiques ou militaires qui ont déclaré que la France y combattait le communisme effectuaient une mauvaise analyse stratégique, sauf à dire que les dirigeants de cette rébellion rejoindraient à coup sûr le camp soviétique, une fois au pouvoir.

            La France éprouvait donc beaucoup plus de difficultés à fixer son ou ses buts de guerre  que la Grande Bretagne, en Malaisie.

           Toujours est-il que les deux pays mirent en œuvre des stratégies militaires de contre-insurrection très comparables, dans le cadre de l’Etat d’alerte des Anglais et  de l’Etat d’urgence des Français, mais selon des modalités et avec une intensité très différente dans la répression.

          Les Anglais mirent au point des outils de répression et de contrôle de la population à la fois très sophistiqués et très violents.

          A lire ce roman, je ne pense pas que la France n’ait jamais mis en œuvre et aussi longtemps un tel arsenal de répression, fusse avec l’emploi de la « torture », mais qui ne fut pas géographiquement et historiquement généralisé, quoiqu’on en dise ou écrive, mais je n’ai pas la compétence historique pour avancer une telle opinion.

         En Malaisie, la pendaison des terroristes, l’emprisonnement de rebelles, l’internement d’une partie d’entre eux, des techniques très sophistiquées de retournement de rebelles et de ralliement, les déplacements de population dans des camps d’internement entourés de barbelés et surveillées militairement.

        « Les prisons débordaient d’un assortiment de plus de trente mille suspects » (p,234)

           Une ambiance de suspicion généralisée avec l’utilisation de tout un ensemble de méthodes de  recherches et d’interrogatoire des rebelles ou des suspects de rébellion : 

       « On enfermait Ah Meï dans une cellule avec le suspect – toujours une jeune fille ou une femme…. Des noms, des noms, des noms » (p,140)

     L’action de ce roman se déroule beaucoup dans le camp de Todak :

      « A présent, Todak est un camp de réinstallation entouré de barbelés. C’est connu pour être un mauvais coin. »

        Les Anglais y faisaient une guerre psychologique, une expression qui eut son heure de gloire dans la guerre d’Algérie.

        Les rebelles capturés étaient classés en plusieurs catégories.

       « Il y avait les « PER », (partisans ennemis ralliés)… Les PER étaient d’un vif intérêt pour les sections de la « Guerre psychologique » et pour les étudiants américains désireux d’écrire des thèses de doctorat sur le communisme en Asie » (p,129,130

            « La bataille pour les cœurs et les esprits des habitants de Todak était déclenchée. » (p,191)

            L’auteure décrit les états d’âme d’un des officiers anglais, Luke :

            « Le malaise de Luke croissait. Même débordé de travail, traquant des hommes et des femmes pour leur credo politique, il s’interrogeait maintes fois sur ce qu’il faisait, tout  en se répétant que son devoir consistait à abattre le terrorisme, il lui arrivait de se demander pourquoi les moyens employés le bouleversaient tant. »  (p,206)

            Guerre totale ou guerre psychologique ?

            L’auteure met en scène une conversation tout à fait intéressante entre un ancien étudiant malais et un officier anglais, laquelle portait sur les méthodes de contrôle des esprits :

         « – Je vais te le dire dans un instant. Mahudin dit que le colonialisme britannique possède deux gros atouts. Le premier, c’est la comparaison avec la domination japonaise. Dans toute la Malaisie, on entend encore les gens déclarer : « Mais les Japonais étaient bien pire…

         Secundo, d’après ce que dit Mahudin, nous avons acquis une souplesse infinie. Il n’y a pas de limites aux déguisements, aux manteaux de vertu et de principe dont nous habillons les expédients qui nous servent à gouverner…

       Vous sapez notre confiance en nous-mêmes jusqu’à ce que nous n’existions que pour solliciter votre approbation. Pour vous « c’est injuste » équivaut à « ce n’est pas britannique » Vous nous gardez dans un perpétuel déséquilibre, péniblement conscients de notre infériorité, et voilà tout le secret de votre habileté et de votre pouvoir ?… (p343)

          Voilà ce que Mahudin appelle notre «  contrôle des pensées »…une hypnose d’infériorité provoquée, qui détruit confiance et initiative, et prolonge la période de tutelle que nous voudrions voir durer à jamais…

         Et je crois qu’en disant cela il a également mis le doigt sur sa propre faiblesse, car il a reçu une formation britannique dans nos écoles anglaises, et il ne peut nous échapper. Ainsi donc nous hait-il et nous aime-t-il tout à la fois » (p,344)

         Une admirable illustration d’une des formes de la domination de l’Empire britannique, vous ne trouvez pas ?

       La guerre coloniale anglaise était évidemment ambiguë, comme le soulignent les termes d’une conversation entre le général anglais et Quo Boon, le millionnaire chinois :

         « Nous faisons la guerre, une guerre à mort contre un ennemi dangereux, une bête menaçante qui rôde dans la jungle… et il nous faut toute la collaboration possible des gens de ce pays que nous protégeons contre cette bande de lâches assassins. Cette coopération, nous ne l’obtenons pas. Je sais ce que vous allez me répliquer… des arguments que j’ai déjà entendus : seul un peuple libre peut combattre le communisme…. Tant que  cette lutte anticommuniste est menée par un gouvernement colonial, c’est notre lutte, pas la vôtre. Voici pourquoi tant d’entre vous se prélassent en nous laissant tout le boulot. Vous êtes assis sur le mur. » (p, 368,369))

        C’était effectivement tout le problème, mais dans un contexte historique et politique très différent, la France rencontra le même type de difficulté, obtenir le soutien de la population, tel qu’elle put s’appuyer sur ce que certains appelaient une « troisième force », celle dont rêvait entre autres le général Challe, mais pour tout un ensemble de raisons, les jeux étaient déjà quasiment faits au moment de cette guerre.

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« Le sacrilège malais »
Pierre Boulle

            Comme annoncé en début de lecture du roman « … Et la pluie pour ma soif… », il parait intéressant de relier son contenu à celui de Pierre Boulle, dont le roman décrit ce à quoi ressemblait la Malaisie anglaise avant la deuxième guerre mondiale.

          L’intrigue de ce livre mettait en scène la vie d’un jeune ingénieur français, Maille, aux prises avec l’univers parfaitement organisé des plantations d’hévéas de Malaisie, une des richesses de la colonie, avec l’étain, que la puissance coloniale tenta de préserver après le désastre qu’y fut l’occupation japonaise.

       Une plantation d’hévéa était organisée et fonctionnait à la manière d’une industrie textile ou mécanique.

       Le lecteur pourra y faire connaissance avec le monde colonial anglais de Malaisie, les soubresauts de la conquête de la Malaisie par l’armée japonaise, le traumatisme national que fut la reddition de Singapour, fleuron de l’impérialisme anglais sur la route des Indes.

         A la défaite du Japon, les grandes sociétés capitalistes de l’archipel engagèrent la reconstruction des plantations comme si de rien n’était.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés