La loi Macron et son amendement « antilaïc » proposé par des députés d’outre-mer!

La loi Macron, son bazar économique, financier et … laïc !

L’amendement religieux et communautaire de l’outre- mer !

Une nouvelle tentative pour détricoter nos règles de vie républicaines !

             En première lecture de l’Assemblée Nationale, le vote de la loi Macron a fait l’objet d’un très long travail d’écriture, souvent à deux mains, de la gauche et de la droite pour une fois associées, cela est vrai, mais cela n’a pas empêché la gauche de faire voter un amendement prétendument « laïc ».

         Six députés de l’outre-mer français, un de la Guadeloupe, trois de la Réunion, et les deux députés de Mayotte ont fait voter un amendement selon lequel, dans les départements d’outre-mer, il serait possible de remplacer certains jours fériés inspirés de fêtes chrétiennes par des « jours fériés locaux », plus adaptés aux « contextes culturels et historiques particuliers en outre-mer ».

           Cette initiative de type communautaire est surprenante, pour ne pas dire contestable, pour plusieurs raisons :

          & Le privilège de discrimination positive de la représentation parlementaire dont bénéficie actuellement (sauf erreur) l’outre-mer, à chiffre de population égale, par rapport à la métropole, soit 2,8% de population pour l’outre-mer, comparés aux 4,8 % de représentation à l’Assemblée et aux 6 % de représentation au Sénat.

           & Un contexte religieux local, puisqu’il s’agit bien de cela, qui ne justifierait aucunement, sauf à Mayotte, où la population de religion musulmane représente plus de 90 % du total, ce qui n’est pas le cas à La Réunion (7% pour la religion hindoue, et 2 % pour la religion musulmane) ou à la Guadeloupe, département dans lequel il conviendrait alors de compter le culte vaudou.

              & Les deux députés de Mayotte ont-ils bien mesuré les enjeux de cette demande, alors que ce nouveau département (qui n’a pas reçu l’agrément de l’ONU), vient juste d’entrer dans la communauté française, et qu’il bénéficie d’un régime de faveur transitoire de mise aux normes républicaines de ses statuts personnels d’état civil ?

                Mayotte va-t-il contribuer à détricoter nos règles républicaines, alors que la crise, ou les crises du monde actuel, tentent chaque jour de déstabiliser notre modèle de vie républicain ?

             Non, trop, c’est trop !

       Que les députés de Mayotte s’efforcent plutôt de faire en sorte que la population de leurs belles îles voit diminuer l’effectif de ses sans- papiers qui menacent la survie de leurs îles (de l’ordre du tiers de la population), ou de proposer à leurs collègues parlementaires de faire le ménage dans toutes les niches fiscales qui polluent, depuis trop longtemps, les relations entre l’outre- mer et la métropole !

       Et qu’on ne vienne pas nous accuser enfin de racisme ou de discrimination, alors qu’il s’agit de respecter une laïcité qui est la meilleure garantie de la paix civile de la République française !

Jean Pierre Renaud

Chroniques de la « France d’en bas » Numéro 1 « Monsieur Bricolage »

Pourquoi cette expression « La France d’en bas » ? Parce que des écoles d’histoire  postcoloniale à la mode se sont inscrites dans la découverte des mondes d’en bas, avant tout coloniaux ou postcoloniaux, ceux qui n’appartenaient pas aux anciennes ou nouvelles nomenclatures coloniales.

« Monsieur Bricolage », tel est le titre de la première page du Parisien du 12 février 2016 !

            Un sacré remaniement, c’est sûr, avec le retour des Verts Ecolos, pour élargir à nouveau la majorité du Président, qui n’existe plus depuis longtemps, ni dans son camp, ni dans le pays, et encore moins chez les écolos, de moins en moins fréquentables !

            Le chômage continue à progresser, et le Président, contribue à sa résorption en portant l’effectif de son gouvernement de 32 à 38, dont 18 secrétaires d’Etat ! Excusez du peu ! Un geste fort, comme ils disent, dans notre belle intelligentsia ! Avec en prime, la nomination de nombreux apprentis ministres, une contribution qui répond sûrement à l’ambition du plan chômage –apprentissage !

            En surexploitant le pouvoir exceptionnel, pour ne pas dire anormal dans une démocratie, que la Constitution de la 5ème République accorde aux Présidents de la République, le Président actuel, privé de toute majorité, ne met-il pas en péril, avec de tels bricolages, notre Constitution ?

            Nouvel exemple de ce bricolage, l’ouverture d’une soi-disant majorité avec des Verts prêts à tout pour obtenir des maroquins, grands spécialistes des vaticinations politiques !

          Un petit bricolage digne des calculs politiques les plus subalternes mixé avec un projet de référendum démagogique pour l’aérodrome de Notre Dame des Landes, summum de la démission de l’autorité de l’Etat et de la négation de l’intérêt général et d’une utilité publique depuis longtemps déclarée !

            Il serait bien dommage de ne pas faire profiter les lecteurs du commentaire qu’a fait de ce « bricolage », Monsieur Colombani, ancien directeur du journal Le Monde, grand artisan de sa déconfiture politico-financière, dans Direct Matin du 15 février, LE BLOG NOTE, page 3, sous le titre :

            « L’art de saisir le bon moment » avec une photo du Président, sous-titrée «  Le remaniement de la semaine dernière illustre la volonté de rassembler l’ensemble de la gauche en vue de 2017 »

            Vraiment ? N’est-ce pas se moquer du monde ?

            Ces gens-là vivent effectivement dans un autre monde !

Jean Pierre Renaud

Le Japon et le fait colonial -1 L’Asie du Nord-Est coloniale -1880-1920- Lecture : deuxième partie

Le Japon et le fait colonial -1

L’Asie du Nord-Est coloniale – Années 1880-1920

Lecture critique : deuxième partie

« Hokkaidö, An Zéro » par Noémi Godefroy (p,105)
“Changement des rapports de domination et septentrion japonais à la fin du XIXème siècle »

         « Avant d’être une colonie du Japon moderne, puis un élément à part entière de son territoire national, l’actuelle île d’Hokkaidō, désignée avant 1869 par le nom d’Ezo, était déjà inscrite depuis longtemps dans un jeu complexe et changeant de rapports de domination à l’avantage de Honshū. »

          Il s’agit de l’île située au nord du Japon d’une superficie de 79 000 km2 comparée à la superficie du Japon de 360 000 km2, anciennement peuplée par une population aux mœurs primitives, les Aïnous, convoitée aussi bien par les Russes que par les Japonais,  dès les XVII° et XVIII siècles.

          Afin de bien comprendre la situation coloniale de cette île, il est indispensable de conserver en mémoire sa position géographique, et donc sa position stratégique, et son poids géographique à la fois sur le plan de sa superficie et de sa population, 17 000 aïnous, sa population indigène, et 60 000 japonais (p,118).

« La nécessité grandissante d’un nouveau type de domination » (p,108) 

         Sa proximité avec l’archipel, une de ses composantes, son importance stratégique pour le Japon ne pouvait que l’encourager à en prendre le contrôle.

       Cette île était historiquement convoitée par les russes, et le Japon s’en empara définitivement en 1869 :

       « La fonction de l’ïle d’Ezo est de servir de porte nord de l’empire » (p113)

         Le Japon créa une Mission au Défrichement et au peuplement dont le but était à la fois de coloniser l’île, de l’exploiter, de la développer, et de « japoniser » les quelques dizaines de milliers de ses habitants indigènes, et à lecture de cette chronique, on comprend bien que le Japon mit en œuvre les méthodes de pacification violente et de conquête des terres que les Américains ont utilisées pour la conquête du Far West, à la différence près que les échelles géographiques n’étaient pas du tout les mêmes.

        Les Japonais considéraient cette île comme une « terra nullius », et sur ce point leur regard n’était pas très différent de celui de la plupart des puissances coloniales qui, à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, avaient tendance à faire valoir le même concept, de bonne ou mauvaise foi, à partir du moment où une terre n’était pas exploitée ou peu peuplée.

         A plusieurs reprises, l’auteure fait référence à l’exemple américain choisi pour imposer leur modèle de colonisation.

         Le conseiller américain Horace Capron a « préconisé pour la gestion aïnous les mêmes mesures que celles utilisées à l’encontre des nations indiennes »  (p,123)

       « L’annexion (1869) va permettre au gouvernement japonais de tester l’établissement sur le territoire nouvellement acquis d’une autorité propre et relativement indépendante, concrétisée par l’instance administrative spécifique qu’est la Mission au défrichement. Celle-ci s’appuie sur des conseillers américains pour élaborer une politique coloniale qui s’articule autour de trois grandes lignes de force ; la prise de possession administrative de l’île ; l’organisation du défrichement en vue d’une exploitation économique du territoire ; l’instauration de mesures d’assimilation concernant les indigènes. » (p,133)

       Il s’agissait bien plus d’une politique d’assimilation forcée, avec l’interdiction de coutumes traditionnelles (les tatouages, la mise à feu des maisons des morts, et le port de la barbe), que de la politique d’extermination pratiquée dans certaines colonisations de type anglo-saxon.

&

Les débuts de l’emprise économique japonaise en Corée coloniale 1900-1919  par Alexandre Roy (page 135 à 187)

               La lecture de cette analyse m’a plongé dans un abîme de perplexité pour plusieurs raisons, notamment celle liée aux réserves méthodologiques dont l’auteur fait état à plusieurs reprises, sur les statistiques coloniales utilisées, (celles, très abondantes, citées dans de nombreux tableaux et graphiques), des réserves, notamment dans sa page de conclusion, dont je cite un extrait, dont l’interprétation ( monétaire, financière et économique) est de nature à susciter beaucoup de questions sur la pertinence scientifique des concepts utilisés :

          « Se pose donc la question du regard et du discours portés par la documentation utilisée ici. On voit que le gouvernement général aime à se présenter comme si la Corée était un Etat indépendant, jouissant de réelles prérogatives commerciales, comme s’il existait encore, après 1910, un « Etat » en Corée dont l’on pourrait analyser le déficit public et la balance commerciale. Mais ces notions ont elles un sens en contexte colonial ? En effet, que représentent  des « prêts » accordés par la métropole au gouvernement général de Corée, en réalité hypothéqués sur la richesse coréenne et servant à raffermir l’appareil colonial ? Celui-ci évidemment ne « remboursait » jamais la métropole, si ce n’est les investisseurs : il s’agissait d’un jeu bien compris dans lequel les valeurs monétaires et financières ne circulaient que dans un seul sens. De même, la question du rôle de la Banque coloniale de Corée qui, comme la Banque d’Indochine, dans le cas français, servit surtout de tremplin régional aux investisseurs de métropole, se pose quand l’on veut analyser le  secteur financier de la Corée coloniale. » (p,170)

          Perplexité aussi sur le choix de la période 1900-1919, sans tenir compte, semble-t-il, notamment dans sa présentation, en tout cas historique, sur le plan monétaire et financier, du choc de la Première guerre mondiale, «  le boum de la Grande guerre » (p,137) dont l’auteur souligne à plusieurs reprises, les effets importants, notamment en matière de spéculation financière, et tout autant d’érosion monétaire vraisemblable.

      Toutes les statistiques produites sont en yen et ne facilitent pas une tentative de comparaison avec des statistiques produites dans d’autres valeurs monétaires, livres, dollars ou francs.

       Pourquoi ne pas regretter en effet que l’auteur ne se soit pas attaché à esquisser une comparaison plus développée entre la colonisation française en Indochine et japonaise  en Corée, hors celle citée plus haut qui rend compte de façon tout à fait imparfaite du rôle des deux banques dans leur domaine colonial ou la description des relations commerciales fondées sur l’importation de riz ?

        Leur histoire avait certains points communs en ce qui concerne leur situation stratégique par rapport à la Chine et leur régime politique (Empire ou Royaumes), mais l’Indochine n’avait évidemment pas, pour la France, l’intérêt stratégique de sécurité  de la Corée pour le Japon.

         Indiquons que l’Indochine avait une superficie de 736 000 km2 pour une population lors de l’ordre de 15 à 20 millions d’habitants, et la Corée, une superficie de 220 000 km2 pour une population de l’ordre de 14, 15 millions d’habitants.

Un petit rappel historique tiré de l’analyse de M.Vié citée plus haut :

        En 1904, le Japon occupe militairement la Corée, et en 1905, le Japon place les trois royaumes de Corée sous son protectorat, un protectorat aussi fictif que celui de la France en Indochine sur l’empire d’Annam, grâce à un échange international de bons procédés, Corée contre Philippines.

         En 1910, le Japon annexe purement et simplement la Corée, décrite par Michel Vié sous le sous-titre «  La Corée comme muraille ». (p,57)

         L’auteur décrit avec force détails, les efforts que le Japon a effectués au cours de cette période dans le domaine des infrastructures et de la banque.

         Notons simplement que les lignes de chemin de fer construites avaient d’abord un objectif militaire, et que le total des lignes construites en 1918 était de 1.220 km, et de 2.026 km en Indochine, alors que l’objectif était autant économique que militaire.

        La démonstration financière laisse sur la faim, car elle n’embrasse pas la totalité du problème, en termes de description du système monétaire, financier et économique, des flux et des grandeurs analysées en monnaie constante.

      Certaines formulations financières paraissent surprenantes :

«  Une des raisons de l’effacement des subventions métropolitaines[1] était qu’en réalité la métropole ne donnait plus mais vendait son argent à l’administration coloniale. Cette dernière contracta des emprunts toujours plus importants assurant une rente permanente aux souscripteurs japonais, point sur lequel il faudrait se pencher davantage pour analyser l’expropriation coloniale. » (p,147)

       … « Remplir le tonneau percé des finances coloniales était lucratif pour la métropole, c’était aussi et surtout un moyen supplémentaire de dominer la péninsule. (p,147)

          Voire ! Compte tenu de l’évolution monétaire évoquée par l’auteur, marquée par la spéculation, donc le phénomène de l’érosion monétaire qu’a provoqué la guerre dans l’économie mondiale.

        L’auteur fait un constat, assez classique dans ce processus  d’équipement :

         « Sur l’ensemble de la période, le mouvement commercial extérieur de la Corée a été déficitaire. «  (p,148)

         Il était évident que le mode de financement du développement de ce type de territoire au début du vingtième siècle ne pouvait être que l’emprunt.

         Anglais et Français en avaient d’ailleurs fait un principe de base, le self-suffering anglais et la loi de 1900 française.

         En Indochine, ce fut l’emprunt, ou plutôt les emprunts qui permirent le démarrage économique du pays, comme en Afrique noire.

        La situation  déficitaire du commerce extérieur colonial (p,148) dans des territoires dépourvus de richesses ou encore en friche n’était pas une singularité de la Corée ; quasiment toutes les colonies françaises étaient affectées de la même faiblesse structurelle.

         L’historien Jacques Marseille a publié de bonnes analyses sur cette matière, applicables aussi à l’ancienne Afrique Occidentale Française, même si Elise Huillery a tenté de s’inscrire en faux sur le même sujet.

          Quant à la remarque faite sur « l’expropriation coloniale », une curieuse expression, elle mériterait d’être rigoureusement démontrée dans ce type d’analyse.

       « De la Banque n°1 à la Banque Coloniale de Corée » (p,148)

      Le processus décrit bien le processus de développement du système bancaire avec son rôle économique, le passage d’une banque privée à une banque centrale, et à son amarrage dans le système du yen en 1910, le même processus que celui suivi dans d’autres territoires coloniaux :

       « En dehors de l’infrastructure ferroviaire et de la structure administrative, la seule institution japonaise d’importance établie en Corée dès les débuts de la colonisation était la Banque n°1 de Shibusawa EIIchi. » (p151).

        Cette banque joua un rôle important dans les investissements du  Sud Est asiatique, compte tenu du nombre des antennes qu’elle y entretenait, 33 en 1918. (p,151)

       L’auteur porte alors son attention sur « Les structures de la production : entreprises et « industrie », à leur répartition, et à « une approche par le capital » (p,152), une analyse statistiquement très détaillée, en notant :

… « l’agriculture représentait tout au long de la période la quasi-totalité (85%) de la production économique matérielle coréenne. » (p,152)

   Etrangement, l’auteur analyse le fait colonial, tout en déclarant :

        « Par ailleurs, nous intéressant au phénomène colonial, nous ne traiterons pas des entreprises étrangères. La raison en est que ces dernières constituaient des structures très particulières : bien que très peu nombreuses (dix en 1910) leur poids en capital dépassait celui des entreprises coréennes. » (p,152)

   Plus loin :

    « Qu’en était-il des entreprises métropolitaines ?

    Le capital engagé dans ces dernières était sans commune mesure avec celui des entreprises péninsulaires : cinquante fois plus important, bien qu’elles fussent cinq fois moins nombreuses… «  (p154)

      La description économique que fait l’auteur montre bien comment fonctionnait l’économie coloniale animée par une banque centrale pas uniquement tournée vers la Corée, quelques entreprises importantes du capital, et un tissu de petites entreprises chargées de fournir à la métropole denrées (le riz), ou matières premières (le fer ), (« La capture commerciale du riz et du fer » (p160) :

      « L’emballement de la fin des années 1910 reposa donc sur le développement commercial et industriel. Autrement dit, comme on le voit, les statistiques construites par le gouvernement général de Corée dessinent assez clairement le schéma d’une colonisation économique « réussie », avec des débuts marqués par l’initiative politique, l’importance des entreprises publiques ou semi-publiques (banques et chemin de fer) et un développement assez rapidement marqué par l’importance du secteur privé, l’industrie et le commerce. » (p,157)

     Il est possible de s’interroger en ce qui concerne l’expression utilisée par l’auteur sur les statistiques que j’ai soulignée, et si tel était le cas, comment concilier l’observation sur le poids de l’agriculture (85%) et cette colonisation économique « réussie » ?

      En ce qui concerne le riz : « … le riz coréen s’imposa face au riz indochinois, birman et chinois. Cela à la faveur de la guerre…Ainsi, entre 1914 et 1917, les riz coloniaux japonais représentaient presque 80 % du volume importé. «  (p,163)

      La réorientation des importations de riz créa beaucoup de difficultés dans l’économie indochinoise qui avait de plus en plus besoin d’exporter son riz en métropole.

       Comme je l’ai écrit dans le livre « Supercherie coloniale », la mention qu’y fait une historienne du collectif Blanchard and Co, sur le riz dans nos assiettes, le riz indochinois bien sûr, ne correspondait pas à la réalité : l’Indochine avait besoin que la France importe du riz d’Indochine, un riz subventionné, et qui allait, ,non pas dans nos assiettes, mais dans nos poulaillers.

       L’auteur note l’importance qu’a eue le fer coréen dans le développement de la sidérurgie japonaise, en particulier en raison de la guerre :

    « Cette crise suscita au Japon un « boum de la fièvre sidérurgique » entre 1917 et 1918. » (p,167)

   Et l’auteur de conclure :

« L’économie coloniale de la Corée à la fin de la Première guerre mondiale : de la spéculation à l’impasse » (p,168) :

      « La politique menée en Corée entre 1905 et 1918-1919 était une impasse économique et sociale. Le lendemain, deux jours avant que l’ex-roi coréen Kojong fût inhumé, un peu plus d’un an après le discours du Président Wilson sur le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… un groupe d’intellectuels militants coréens se réunit dans la capitale coréenne pour déclarer en public l’indépendance de la Nation et appeler au soulèvement. Ce fut comme une étincelle sur une plaine d’herbes sèches : la société toute entière réagit, le Mouvement du 1er mars » était lancé, ébranlant la domination coloniale. » (p,169)…

         « En ce sens précis, l’échec de la politique de développement des années 1910, puis le Mouvement du 1er mars 1919, amenèrent à une autre politique économique dans la colonie qui allait autrement complexifier la structure de la Corée coloniale, ainsi que les rapports entre colonisé et colonisateur. » (p,171)

         Avant de conclure cette lecture inévitablement imparfaite, deux questions se posent à mes yeux :

      La première : est-ce que la première guerre mondiale, plus que la question coloniale, n’a pas caractérisé les relations entre le Japon et la Corée ?

       La deuxième se rapporte au silence auquel l’auteur s’astreint sur  la répression coloniale qui a eu pour but de casser le mouvement du 1er mars, et sur le nombre des victimes, des précisions qu’il faut aller chercher dans la contribution Souyri, intitulée « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » (p,189)

&

« Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » par Pierre-François Souyri (pages 189 à 236)

         Cette analyse se situe dans une chronologie différente des autres analyses de la même revue.

        En se situant dans l’histoire des idées, cette analyse manque à la fois de cadrage historique et d’évaluation des effets des  « trois courants anticoloniaux » qu’elle décrit , le courant « moral », le courant « économiste », et celui d’ « une critique du système au sein même de l’université japonaise »

            Le cadrage historique : il parait difficile de ne pas situer  ces courants dans le système de gouvernement japonais, pas moins que dans la chronologie politique de la même époque, une époque relativement longue.

            Il parait tout de même difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de ces « courants anticoloniaux », sans avoir plus de précisions sur leur effet dans l’opinion publique, ou dans leur représentation politique.

            L’auteur écrit :

            « Le colonialisme antirépressif et réformiste des démocrates japonais des années 1920 et 1930 peut paraître aujourd’hui désuet. Qu’on ne s’y trompe pas. D’une part, bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, par exemple, dénonçaient vers la même époque aussi clairement les abus du colonialisme. Les critiques japonais du colonialisme japonais sont, de ce point de vue, tout à fait remarquables. Par ailleurs les radicaux indépendantistes étaient alors minoritaires dans les colonies japonaises. En effet, une partie des nationalistes coréens ou taïwanais pensaient sincèrement – à l’instar des démocrates japonais – que le système colonial était réformable » (p,234)

            J’ai envie de dire les « démocrates japonais » ? Combien de divisions ?

            « Bien rares étaient ceux qui, en Grande Bretagne ou en France, dénonçaient… ?

            Est-ce si sûr alors qu’aucune comparaison historique n’est proposée ?

            Et sans être méchant, pourquoi ne pas recommander quelques-unes des lectures françaises qui ne cachaient pas grand-chose des abus du colonialisme français ?

         René Maran dans « Batouala » Prix Goncourt 1921), André Gide dans « Voyage au Congo », le scandale des grandes concessions forestières (1927) , Albert Londres, dans « Terre d’ébène » (1929), le scandale du Congo Océan, Louis Roubaud dans « Viet Nam » (1931) la tragédie de Yên Baï,  Augagneur avec son livre «  Erreurs et brutalités coloniales » (1911), Vigné d’Octon avec « La gloire du sabre » (1900) ou « Les crimes coloniaux de la Troisième République » (1911),  etc, etc…

        Pourquoi ne pas demander à Monsieur Pierre-François Souyri, pourquoi il n’a pas cité le même type de livre anticolonialiste au cours de la période étudiée, un vrai test de crédibilité ?

        Enfin, et dans la même veine,  une autre affirmation qui mériterait d’être étoffée :

        « Contrairement à une légende tenace, le colonialisme japonais n’a pas été plus brutal que les autres », un propos qui mériterait d’être confirmé par des spécialistes, deuxième guerre mondiale y comprise ?

         Dans le « d’avant 1945 » ? Et au fil des périodes historiques ?

       Sur ce blog, le 20 août 2015, j’ai publié un petit exercice de critique historique qui concerne le même auteur dont je reproduis le texte ci-après.

&

Petit exercice de critique historique ?

Ou la « contextualisation » du fait colonial ?

Publié le 20 août 2015

            Au fil des pages, et avant d’être en mesure de commenter les deux tomes tout à fait intéressants consacrés à l’ambitieux sujet traité, j’ai noté dans le chapitre intitulé « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » de Pierre-François Souyri, Université de Genève, une sorte de curiosité d’écriture d’histoire postcoloniale, un mélange tout à fait étrange entre histoire et prise de position politique.

            « Mais il faut quand même contextualiser le discours de Yanagi et, même si l’homme n’était pas exempt de défauts, il n’en a pas moins contribué à faire connaître une céramique largement mésestimée. Après tout, où sont les esthètes français capables de monter en Algérie un musée des arts populaires algériens ? » (page 209)

            « Contextualisons » donc un tel discours :

            Convient-il de rappeler qu’en Extrême Orient,  l’Ecole d’Extrême Orient a été créée en 1898, et installée à Hanoï en 1900, que l’Ecole Nationale des Beaux- Arts d’Alger a été créée en 1888, et la villa Abd-El-Tif en 1906, pour ne pas citer encore la création de l’Académie Malgache en  1902 ?

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Le Japon et le fait colonial -1 L’Asie du Nord-Est coloniale- Années 1880-1920- Cipango

« Le Japon et le fait colonial – 1

L’Asie du Nord-Est coloniale – Années 1880-1920 »

Cipango

Cahier d’études japonaises – Année 2011

Avant- propos

            Il n’est peut-être pas superflu de rappeler quelques-unes des caractéristiques essentielles du cadre géographique et historique, et donc sécuritaire et stratégique, dans lequel ce type d’analyse se développe.

            Les côtes des territoires les plus proches convoités par le Japon sont situées à une distance de l’ordre de 200 kilomètres pour la Corée, à l’ouest, et de l’ordre de 40 kilomètres pour l’île de Sakhaline, au nord.

            Cette situation géographique est évidemment un des éléments de toute explication historique.

            Les récits qui seront commentés se situent dans une dynamique de conquêtes impériales en Chine, avec pour fond de décor, la décomposition de l’Empire de Chine, avec ses territoires associés, une décadence qui avait commencé il y a bien longtemps.

       Les épisodes les plus récents en avaient été la première guerre de l’opium menée par l’Angleterre en Chine, dans les années 1839-1842, et par la deuxième guerre de l’opium engagée avec le concours de la France, des Etats-Unis et de la Russie, dans les années 1856-1860.

            Ces deux guerres se conclurent par l’ouverture de ports au commerce international, des concessions territoriales, et le paiement d’indemnités.

            La deuxième guerre de l’opium « s’illustra » par le « Sac du Palais d’Eté ».

            A partir de 1854, les Etats-Unis, nouvelle puissance du Pacifique, ont contraint le Japon à ouvrir ses ports au commerce international, et poursuivi leur conquête des îles du Pacifique, en direction de l’Asie.

            Un mot enfin sur l’Asie du sud-est.

            Les Anglais avaient mis la main sur le joyau de l’Empire des Indes et de ses territoires accolés, mis en place une ligne de communication stratégique avec la route des Indes, une succession de ports anglais en direction de Hong Kong, devenu anglais.

        D’autres puissances, les Pays Bas en Indonésie, et la France en Indochine, s’étaient établies comme nouvelles puissances coloniales.     

        La question que nous nous sommes posée en permanence en rédigeant cette lecture critique est celle d’une comparaison possible ou non avec les autres « colonialismes » ou « impérialismes » de la même époque historique.

         La revue Cipango traite un sujet d’histoire « coloniale » intéressant pour un Français plus habitué à se documenter et à analyser l’histoire coloniale occidentale, avant tout celle de la France ou de la Grande Bretagne qu’à tenter de la comparer à l’histoire coloniale du Japon, de la Russie ou de la Chine.

        Le lecteur français sera peut-être étonné de ne pas voir évoqué dans cette chronique intéressante, même de façon marginale, le cas de l’Indochine, qui occupait alors, par rapport à la Chine, une position très voisine de celle de la Mandchourie ou de la Corée.

            Autres remarques préliminaires, la première relative à la durée de la période étudiée, 40 ans de 1880 à 1920, un choix chronologique qui fait question, et la deuxième, relative à l’intitulé choisi « Le Japon et le fait colonial ».

            Nous verrons qu’au cours de cette lecture critique, se pose en effet  la question de l’appellation « colonial » dans cette phase de domination historique, qui concerne autant la Chine, la Russie, ou le Japon, que la Grande Bretagne, les Etats-Unis ou la France, et dans le cas de la Chine, avec la superposition de plusieurs types de domination.

            A plusieurs reprises, l’auteur, Michel Vié, pose d’ailleurs, et à juste titre, la question de ce type de qualification, une vraie question : dans quel registre historique ce type d’analyse de la domination se situe-t-il ? Expansion territoriale du type américain vers l’ouest, ou russe vers l’est ? Expansion de type impérial sur le mode international telle que pratiquée en Chine ? Expansion de type impérial telle que mise en œuvre en Asie du Sud-Est par les Anglais ou les Français, aux Indes ou en Indochine ? Expansion coloniale avec immigration européenne telle que pratiquée par les Anglais dans le Pacifique ou en Afrique du Sud, et par les Français en Algérie ?

            Difficile à dire !

.

            Le titre de la première chronique « La : Mandchourie et la « Question d’Extrême Orient » 1880-1910, par Michel Vié illustre bien à mes yeux la sorte d’ambiguïté qui pèse sur le mot colonial, équivalent à Question d’Orient ou des Balkans ?

            Deuxième chronique : « Un autre regard La Mandchourie des photographes pictorialistes japonais »  par Sandrine Dalban-Tabard, une chronique que nous avons laissée de côté par incompétence.

          Troisième chronique : « Hokkaido, An Zéro » Changements des rapports de domination et septentrion japonais à la fin du XIXème siècle », par Noémi Godefroy, une contribution dont le contenu pourrait être assimilé à ce qu’on entend souvent par histoire de la colonisation.

            Quatrième chronique : «  Les débuts de l’emprise économique japonaise en Corée coloniale 1900-1919 » par Alexandre Roy.

            Cinquième chronique : « Critiquer le colonialisme dans le Japon d’avant 1945 » par Pierre-François Souyri.

            A noter que la période proposée dans cette chronique est différente de celle indiquée dans le titre.

&

            A cette occasion, je rappelle quelques-unes des chroniques de ce blog, lesquelles donnent quelques éclairages chronologiques et géographiques, de type latéral, sur les sujets traités : Japon, Indochine, et Chine :

« Choc des cultures, des civilisations, des religions » 1868 L’incident de « Sakai »

A partir du livre d’Ôgaï Mori

L’ouverture forcée par l’Occident d’un pays fermé comme une huître

Blog du 23/09/2011

« Gallieni et Lyautey, ces inconnus »

Au Tonkin  (1892-1896), blog du 20/04/2012

Le colonel Gallieni chez le maréchal Sou, blog du 22/06/2012

Politique des races au Tonkin et à Madagascar, blog du 14/09/2012

Gallieni et son « bain de cerveau », blog du 1/10/2013

Edward Saïd et Victor Segalen, Regards sur la Chine, blog du 10/02/2011

« Les branches esseulées : trafic de femmes vietnamiennes en Chine », blog du 8/03/2013

       Par ailleurs, et à l’occasion de l’analyse que je proposerai sur l’Algérie, avec la Révolte du général Challe, puis une esquisse de comparaison entre le type de guerre contre-révolutionnaire en Malaisie, et en Algérie, avec le roman d’Han Suyin, « Et la pluie pour ma soif ».

         Enfin, je publierai une petite analyse critique d’un article de Lionel Babicz  paru dans « Le Japon et le fait colonial – II », intitulé « Japon-Corée, France-Algérie Réflexions sur deux situations coloniales et postcoloniales » en posant la question : s’agit-il de situations coloniales et postcoloniales » comparables ?

&

La Mandchourie et la « question d’Extrême Orient » 1880-1910 (p,19)

            Conquête, domination, annexion, colonisation militaire, humaine, économique, ou impérialismes ? Avec des impérialismes en concurrence, en coopération, ou en « cohabitation », et aussi des impérialismes superposés ?

            A lire cette étude intéressante, le lecteur retire l’impression d’une histoire inextricable face à la très grande complexité des facteurs historiques examinés, une sorte d’entrelacs où il n’est pas toujours facile de se repérer.

            Le titre choisi axe l’analyse sur la Mandchourie.

            Il s’agit d’une histoire au moins autant impériale que coloniale, avec l’enjeu de la conquête de la Mandchourie par les trois puissances voisines, les deux puissances terrestres de Russie et de Chine, et la troisième puissance maritime, le Japon,  une histoire marquée par deux guerres, la sino-japonaise en 1895, et la russo-japonaise en 1905, couronnées, toutes les deux, par les victoires du Japon.

  I – « La Mandchourie et les trois empires » (p,25)

            La remarque que fait l’auteur sur la nature de ces guerres est à citer, car elle pose à nouveau la question du « colonial » :

    « C’est pourquoi, il nous semble impossible d’expliquer la genèse et l’histoire des guerres sino-japonaise et russo-japonaise dans les schèmes de « la grande colonisation » (p,31)

       « La Mandchourie qui nous intéresse ici, peu connue au XIX siècle, est devenue vite célèbre au XXème  siècle comme lieu de réussite d’une industrialisation volontaire, peu fréquente en situation coloniale…. Mais quand la Mandchourie  entre dans l’histoire internationale, aux confins des XIX et XXème siècles, ce n’est pas la modernité économique qui en est le moteur, mais une modernité militaire qui se manifeste par les événements des deux grandes guerres sino-japonaise (1894-1895) et russo-japonaise (1904-1905). » (p,23,24)

        Les batailles livrées si loin, sont bien plus modernes, au point de vue technique que celles qui ont eu lieu, à la même époque à Cuba, aux Philippines (guerre hispano-américaine), au Transvaal, voire dans les Balkans. Forteresse russe assiégée pendant quatre mois (1904), Port Arthur devient aussi célèbre que l’avait été Sébastopol en Crimée. Mais ce sont les flottes de combat qui révèlent le mieux le niveau technologique des guerres. » (p,24)

        « Ainsi nous verrons que l’entrée de la Mandchourie (spécialement le Liaodang à l’extrémité duquel se trouve Port Arthur) dans l’histoire commence par des guerres qui ne sont pas du tout du type des guerres coloniales, mais qui préfigurent plutôt l’avenir immédiat de l’Europe. » (p,25)

        La Mandchourie était alors aux prises avec trois prédateurs, les trois empires de Chine, de Russie, et du Japon.

       « Ainsi, si l’on en juge d’après ses habitants, la Mandchourie en 1880-1890, la Mandchourie  n’est pas encore une terre chinoise »… Elle commence seulement à le devenir. La transformation en cours est due à une colonisation de peuplement rendue récemment possible…Seule la Chine put mener à bien ce type de colonisation. Seule, elle disposait du « trop plein » démographique indispensable, renforcé par une plus grande proximité. La Russie et le Japon auraient voulu parvenir à ce résultat ? Mais ils n’en eurent jamais les moyens. » (p,26,27)

        « Enjeux et stratégies de la constitution des empires face à la Mandchourie » (p,28)

         Face à des enjeux et stratégies variés et entremêlés, il n’est pas toujours facile d’y voir clair :

       «  Malgré d’incontestables interactions, il nous semble pertinent d’opérer deux distinctions. L’une tout d’abord d’ordre géographique, en séparant la Chine « proprement dite » et l’Asie du Nord-Est. L’Etat chinois est présent dans les deux cadres. Mais il est objet de colonisation de la part des pays occidentaux. Il est lui-même acteur de colonisation en Mandchourie et en Corée. L’autre distinction s’applique aux causes des guerres. Est-ce du fait de l’actuelle domination des paradigmes de l’économie de marché et des aspirations qu’elle suscite (goût du lucre, consumérisme, etc.) ? Il semblerait que, bien souvent, on ait du mal à percevoir, de nos jours, d’autres causalités que celles relevant du plan économique. Or les trois puissances ont des projets à long terme, voire résolument permanents qui sont surtout sécuritaires. » (p,29)

       Effectivement :

      « C’est pourquoi, il nous semble impossible d’expliquer la genèse et le déroulement des guerres sino-japonaise et russo-japonaise dans les schèmes de la « grande colonisation »

       L’auteur ne dit pas qui dit le contraire.

     « II – Coexistence ou incompatibilité des impérialismes  (1890-1901) » (p,32)

         L’auteur examine ensuite les problèmes de coexistence ou d’incompatibilité des impérialismes entre 1890 et 1901, et cet examen montre bien que l’impérialisme collectif a toujours su gérer ses intérêts, soit qu’il se soit tenu en dehors des conflits, soit qu’il en ait profité :

       « Globalement, le domaine reconnu à l’impérialisme collectif est volontairement tenu à l’écart des conflits, et de même, la région de Pékin, parce que la dynastie mandchoue y est le garant de la légitimité des traités. » (p,33)

       Une remarque tout à fait intéressante parce qu’elle donne la mesure du pouvoir de l’imaginaire impérial chinois, celle d’un Fils du Ciel complètement entre les mains de cet impérialisme international.

            La première guerre sino-japonaise est un exemple d’impérialisme collectif à la fin du siècle, parce ce qu’il juxtapose plusieurs interventions étrangères de nature tout à fait différente.

          Elle trouve sa conclusion dans le traité de Shimonoseki (17 avril 1895) avec l’intervention diplomatique de trois puissances (23 avril 1895) (p,37), la Russie, l’Allemagne, et la France.

            Le traité de paix imposé à la Chine contenait quatre catégories d’exigences :

    1) reconnaître l’«indépendance » de la Corée,

    2) payer une indemnité de guerre,

    3) faire bénéficier le Japon de la clause de la Nation la plus favorisée, de l’usage de plusieurs ports jusqu’ici non ouverts aux étrangers… Par ces dispositions, le Japon fait son entrée dans le système colonial collectif… ce qui conduit le Royaume Uni à adhérer à la paix de Shimonoseki.

   4) la remise par annexion de trois dépendances territoriales jusqu’alors chinoises : Taïwan, le petit archipel voisin des Pescadores et, en Mandchourie, la péninsule de Liandong dans sa totalité … Tous ces territoires mentionnés sont occupés par l’armée japonaise. » (p,37)

       « L’indépendance de la Corée » dura peu de temps. Le Japon se vit reconnaître l’annexion de trois territoires, Taïwan, encore revendiqué par la Chine, les Pescadores, îles à nouveau disputées de nos jours, avec une entrée officielle en Mandchourie.

    Et le démantèlement de la Chine continua :

    « Il est bien connu que de 1896 à 1899, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume Uni ont obtenu de la Chine, des transferts de droits régaliens en leur faveur. Un peu plus tard, l’Italie et le Japon se sont engagés dans cette voie. » (p,41)

      « L’épisode des Boxers (1901-1902) » (p,46)

            « L’épisode des Boxers est un moment bref mais décisif. Il confirme la Chine dans sa fonction d’ « eldorado commercial ». Il rend presqu’inévitable la guerre russo-japonaise, à cause de ses effets sur la Mandchourie… «  (p,46)

            L’intervention militaire avait curieusement autant l’objectif d’imposer la domination de l’étranger que de conforter l’Etat Chinois.

         « Le danger le plus redouté est l’effondrement de l’Etat chinois, clef de voûte du colonialisme commercial. Une Chine souveraine et faible est une formule satisfaisante pour tous : Royaume Uni, Allemagne, France, Etats-Unis et Japon. La fragilité du système demeure, mais qui voudrait le frapper d’un coup mortel ? » (p,46)

    « En 1900, lorsqu’éclate, contre la colonisation occidentale, l’insurrection des Boxers, des questions graves demeuraient alors sans réponse :

       – La Chine a-t-elle un avenir comme Etat ?

        – Jusqu’où l’expansion de la Russie ?

        – Quel est, en Extrême Orient, le vrai statut international de la Mandchourie ?

       Cette insurrection apporte en quelques mois les réponses. «  (p,46)

     Cette intervention ressemble fort aux interventions militaires que l’on classe habituellement dans la catégorie coloniale, à la grande différence près qu’elle fut multinationale.

        «  Le traité de paix (Protocole des Boxers, 7 septembre 1901) représente le triomphe du colonialisme financier et commercial. L’Etat chinois est à la fois confirmé et complètement dépendant des banques occidentales auxquelles il doit emprunter pour payer les indemnités dues aux puissances colonisatrices. Les garanties militaires jointes au traité sont collectives…(huit grandes puissances (Etats-Unis, Japon et six Etats européens )» (p,48)

     Et le démantèlement continua !

     « L’inaptitude des coalisés à mentionner ou à résoudre le problème de la présence militaire massive des Russes en Mandchourie est le trait – négatif- essentiel du Protocole des Boxers. C’est par son « côté russe » (non pas chinois) que l’épisode des Boxers bouleverse la question d’Extrême Orient. Sous trois aspects : 1) le rôle des armées de terre en plus de celui des flottes ; 2) l’entrée de la Mandchourie entière dans les conflits ; 3) l’opposition insoluble entre Russie et Japon. » (p,48)

     L’auteur décrit alors l’épisode de III  « La colonisation militaire russe (1896-1904) » (p,50), puis les problématiques de conquête et de sécurité du Japon.

       « IV Les dilemmes de la politique sécuritaire du Japon (1894-1905) » (p,53)

     « Parmi les trois empires qui aux confins des XIX° et XX° siècles constituent l’Asie du Nord d’Est – la Chine, la Russie, chacune pour une petite partie de leur immense territoires, le Japon, pour la totalité de son espace insulaire – seul ce dernier, le moins puissant, entreprend une guerre contre l’un, puis l’autre de ses grands voisins. Le pouvoir central japonais n’ignore pas les dangers de telles guerres (sino-japonaise en 1894-95russo-japonaise en 1904-1905). Mais il affronte ces risques précisément au nom de la sécurité. Ces guerres sont considérées comme liées à sa survie. Le problème ici sera celui de la manière dont le Japon s’est représenté l’environnement. » (p,54)

        « La sécurité par la guerre », « La Corée comme muraille »

     L’analyse montre bien l’importance qu’a eue la stratégie sécuritaire du Japon, mais les guerres du Japon ont couvert aussi d’autres stratégies de type colonial, qu’explique à la fois la nouvelle puissance de son empire et le cadre géographique et stratégique de l’archipel.

       « Le point de départ du raisonnement est un postulat : la valeur de défense de l’insularité japonaise est insuffisante au niveau de Tsushima, excluant une défense uniquement maritime. Deux solutions s’offrent : l’une, guerrière, par envoi d’une armée sur le continent, l’autre, pacifique, par neutralisation de la Corée sur le modèle idéalisé de la Suisse. » (p,55)

       Il est possible de noter que la Grande Bretagne a eu historiquement le même type de problème de sécurité sur ses côtes européennes, avec la Hollande et la Belgique.

       « V La guerre russo- japonaise (1901- 1904-1905) » (p,56)

      « … Traits originaux de l’affrontement russo – japonais :

        En plus de sa modernité évidente qui résulte, tant des effectifs engagés que de la puissance de feu produite, l’originalité de cette guerre ressort de trois aspects : la modération des alliances, le financement international, la précision des projets stratégiques. Tous les trois en font un conflit qui, bien que local, est à la fois fortement encadré et soigneusement préparé  du côté japonais. »

      Il est évident que le Japon poursuivait des objectifs multiples, de sécurité bien sûr, mais tout autant d’impérialisme économique, qu’il s’agisse de la Mandchourie ou de la Corée.

        Au terme des épisodes diplomatiques et militaires racontés par l’auteur, La place forte de Port Artur capitule le 1er janvier 1905, et les 27 et 28 mai 1905, « la flotte russe venue de Baltique est coulée ou contrainte à la reddition. Il n’y a plus ensuite de grandes opérations si ce n’est l’occupation complète de Sakhaline. » (p,65)

      Le désastre maritime russe de Tsushima eut des échos dans toute l’Asie du Sud Est, notamment dans l’Indochine française, dans les milieux nationalistes, car il s’agissait du premier signe éclatant du réveil de l’Asie.

      Un traité de paix est signé entre la Russie et le Japon, le 5 septembre 1905.

      « La situation militaire »

      « Aucune des deux puissances ne peut plus espérer rationnellement parvenir à une victoire complète. L’espace confère à la Russie la certitude de l’invulnérabilité. Cette particularité était connue des dirigeants japonais avant qu’ils n’entrent en guerre. Mais à la suite des escadres russes, le Japon bénéficie d’une invulnérabilité équivalente. La marine japonaise est devenue maîtresse des mers environnantes. Il ne demeure donc dans cette guerre d’autres perspectives que la conquête (ou pour les Russes, la reconquête) de territoires. La grande victoire du Japon est d’avoir obtenu l’invulnérabilité. A partir de Tsushima, une sorte de  réciprocité sécuritaire encadre les batailles à venir, qui toutes ne peuvent être que terrestres, et a priori localisées en Mandchourie. » (p,66)

     Invulnérabilité ? Voire !

     Toujours est-il que le Japon a empoché deux autres territoires, la Corée et la Mandchourie du Sud !

      Curieusement, ce sont les Etats Unis qui se sont entremis pour faciliter un accord de paix, « l’accord Katsura-Taft l’illustre bien. Il met en cause la Corée et les Philippines sous la forme d’un échange. » (p,67)

       Cette observation est tout à fait intéressante, car on oublie trop souvent que non seulement les Etats Unis étaient partie de cet impérialisme collectif décrit par l’auteur, mais que dans le sud-est asiatique, ils venaient de faire la conquête coloniale des Philippines.

         « Avec les Etats-Unis, la question pourrait être plus complexe. En fait, ce que Taft propose à Tokyo, c’est seulement une entente de non-intervention militaire réciproque en Corée japonaise aux Philippines où depuis la fin de la guerre hispano-américaine (décembre 1898, traité de Paris), se déroule une violente conquête coloniale. Entre l’armée américaine (portée à un effectif de cent vingt- six mille hommes) et le mouvement indépendantiste d’Emilio Aguinaldo, l’affrontement est extrême. Le contraste entre les chiffres des victimes des deux camps – quatre mille deux cents américains, deux cents trente mille Philippins, soit un rapport de 1 à 50 est caractéristique d’un conflit colonial. Pierre Chaunu explique les méthodes de combat américaines par leurs expérimentations antérieures sur le territoire même des Etats – Unis, contre les tribus indiennes et, entre autres, comme « techniques d’extermination de la frange pionnière. » (p,71)

           Une observation : la conquête du Tonkin qui a mobilisé des forces militaires comparables n’a pas eu pour résultat, et de loin, le même écart entre les chiffres des victimes.

         Et pendant ce temps-là, le Japon met en œuvre en Corée une politique coloniale de protectorat sur les trois royaumes de Corée, laquelle cache une prise en mains directe de ce pays.

        « Dans le sud de la Mandchourie conquis sur les Russes et où il continue de contrôler et d’administrer ainsi la population chinoise, le Japon est loin d’obtenir une consolidation politique aussi décisive qu’en Corée. » (p,72)

        Les interventions multiples des nombreuses puissances qui se sont lancées dans l’exploitation coloniale de la Chine se sont tellement entremêlées qu’il est difficile d’y voir clair, d’autant plus que la Mandchourie est devenue un immense chantier pour des investissements privés de toute nature et pour une nouvelle colonisation chinoise, sous contrôle japonais, un des signes les plus manifestes étant la construction de lignes de chemin de fer.

        Le Japon mit en œuvre une méthode de colonisation qui ressemblait à celle du Congo Belge, en confiant tous les pouvoirs à une compagnie financière privée dénommée de « Mantersu » qui unit capitalisme d’Etat et une ouverture sur le capital privé.

        « La pacification de l’Asie du Nord-Est est un fait régional acquis en 1907…. Dans le Pacifique, Japon et Etats-Unis sont face à face. Mais des obstacles matériels les empêchent de s’affronter… » (p,76)

      L’auteur conclut :

    « Sans la guerre civile en Chine à partir de 1911 et la crise balkanique de de 1914, rien ne pouvait interdire d’imaginer comme durable la paix et l’ordre établis en Extrême Orient continental. C’est donc dans ce cadre que la Mandchourie cessant de n’être qu’un espace commence alors à devenir pour la société et l’économie mondiale une  réalité tangible dans l’Histoire. » (p,78)

         Avec un grand H ou un petit h ? Est-ce que cela ne mériterait pas d’être démontré ? Alors que la Chine était de plus en plus en décomposition ?

          Pour résumer les points forts de cette chronique :

        Son mérite est d’ouvrir les yeux sur d’autres mondes impérialistes ou coloniaux que ceux auxquels on est trop souvent confronté en France, avec la place sans doute exagérée de l’Afrique.

      La Chine de la « Porte ouverte », une Chine considérée comme un nouvel eldorado économique et financier, mais une Chine en décomposition, dont les puissances prédatrices prennent soin de préserver une « face » impériale tout fictive.

    Un impérialisme collectif, international, en action, mélange de guerre, de coopération, de coexistence,  de cohabitation, mais tout autant de conquêtes territoriales de la part des trois empires.

      Une Chine décadente qui continue à tenter de protéger ses frontières glacis.

      Une Russie qui continue sa conquête de l’Est, comme les Etats-Unis l’ont fait pour leur Ouest, en éliminant les tribus ou nations indiennes.

       Avec l’ouverture d’une nouvelle ère, dite de « Meije », un Japon en pleine modernisation, et en pleine phase de puissance nouvelle, dont l’ambition est faite d’un mélange de stratégie de puissance régionale, de sécurité, et de conquête de nouveaux territoires.

        Les Etats Unis, nouvelle puissance du Pacifique, laquelle a obligé le Japon à ouvrir ses ports au milieu du siècle, laquelle s’associe aux autres puissances pour participer au nouveau partage des richesses.

         Cette analyse mériterait d’être confrontée, au cas par cas, et période par période, aux analyses qui ont été faites sur les autres impérialismes qui ont  développé leurs initiatives notamment en Afrique ou dans l’Océan Indien.

       Indiquons pour notre part, qu’à l’exception de l’Afrique centrale belge et sud-africaine, et à des époques comparables, les impérialismes français et anglais n’inscrivaient pas leur action avec l’ampleur des impérialismes de l’Asie du Nord-Est.

     La conquête de la Chine se fit au moyen de techniques de prédation qui ont peu changé au cours des ans,  obligation à la « Porte ouverte » au commerce par l’installation de concessions territoriales dans les ports, paiement d’indemnités souvent souscrites par emprunt auprès des prédateurs, et compte tenu des incidents de remboursement, contrôle des douanes.

        La souscription d’emprunts par les puissances colonisées a constitué une méthode de domination utilisée dans d’autres cas de figure, tels que l’Egypte, ou la Tunisie.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Au feu! Au feu! Au feu! Ou la déchéance de nationalité !

Un problème mal posé n’est jamais résolu, au lieu du proverbe « Un problème bien posé est déjà à moitié résolu »

Tout à fait le cas du débat actuel qui ravit les faux ou vrais intellectuels de tout bord, les politiques ou les journalistes en mal d’affection qui n’ont pas le courage de jouer cartes sur tables, quelle que soit leur couleur !

C’est-à-dire d’ouvrir complètement le dossier en donnant toutes les statistiques nécessaires, avec dans chaque cas de situation nationale, un  inventaire des droits et obligations respectives des citoyens français qui ont plusieurs nationalités.

Egalité ! Egalité ! Mais pour qui ?

Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, ou en journalisme

Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, postcoloniale, ou en journalisme

Adaptation libre, mais « savante », de la BD « Les psy » de Bedu-Cauvin, avec les docteurs Médard, Pinchart et Julie Clément

            Pour avoir lu beaucoup d’ouvrages ou de récits d’histoire coloniale ou postcoloniale, grande fut, trop souvent, ma surprise et ma perplexité, de  buter sur des mots qui relevaient, sans aucun doute possible, de la psychanalyse.

            De quelle maladie psychique pouvaient souffrir tous ces Français dont les «  psy » relevaient autant de de signes cliniques ? Qui étaient les malades ?

Le florilège savant des mots « psy », soi-disant symptômes de la maladie : les mots de la maladie

         La première fois, sans aucun doute, que j’ai rencontré ces mots psy fut, lorsque je m’attaquai à la lecture des ouvrages savants publiés par le collectif, non moins savant de chercheurs de l’équipe Blanchard and Co sur la culture coloniale ou impériale, à la suite d’un Colloque Images et Colonies, encore plus savant, tenu en janvier 1993, sur les images coloniales.

        Je me souviens de l’expression qu’une historienne bien connue de ce monde savant utilisait alors, à plusieurs reprises dans ses contributions, « l’inconscient collectif », aux côtés d’ailleurs d’une autre historienne spécialisée sur l’Afrique du Nord.

       De quoi s’agissait-il ? A quelle source faisaient-elles référence ? Comment mesurer cet inconscient ? Avec quels instruments historiques et scientifiques ?

       Madame Coquery-Vidrovitch faisait l’aveu qu’elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, en indiquant « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien ».

          Les chercheurs eux-mêmes de ce collectif faisaient appel à tout un ensemble d’expressions de type psy, au choix de quelques-uns d’entre eux.

            Dans « Culture coloniale : « … comment les Français sont devenus coloniaux sans le savoir … coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel…

          L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… Une culture au sens d’une imprégnation populaire… une culture invisible…dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux.

       Dans Culture Impériale, deux citations :

     « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale… Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’ a prise l’empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient des Français ».

            Dans La République coloniale, quelques-uns des mots psy choisis :

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale… de façon souterraine… Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial »

            Dans La Fracture coloniale :

            « les archétypes relatifs aux populations coloniales … les réminiscences restent palpables »

            Au Colloque de 1993, l’historien Meynier avait posé la question :

      «  Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière- plan lorsque l’on évoque les colonies :

   Imaginaire colonial et inconscient colonial

   Inconscient français et mythes colonisation : salvation et sécurisation »

   Plus de vingt ans plus tard, les docteurs psy n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse qui démontre la pertinence scientifique de leur discours psy.

        Le mémorialiste et historien Stora a, de son côté, lui-même contribué à renforcer l’audience de l’école des docteurs psy, notamment dans le petit livre « La guerre des mémoires ». (2007)

      Le journaliste Thierry Leclère commence à interroger M.Stora en faisant un constat : « La France est malade de son passé colonial », et M.Stora d’enchaîner sur « le deuil inachevé », le rôle d’une « Algérie centrale » », « une mémoire de vaincus », la « bataille mémorielle », « une grande blessure narcissique », « dans sa mémoire collective », « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale de leurs pères », « Mais c’est la guerre d’Algérie qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années », « cette mémoire blessée ».

            L’auteur note toutefois que « Vu d’Algérie » au sujet de Boudiaf : «  il est revenu d’un long exil ; les jeunes Algériens ne connaissaient pas son nom » .

            Et plus loin, « les mémoires bafouées », « ces saignements de mémoire », « des ruminations  secrètes »…

            Ne s’agirait-il pas de la maladie « narcissique » d’un enfant, pied noir d’Algérie, né à Constantine, qui fut rapatrié à l’âge de douze ans ?

          Les symptômes de la maladie ainsi décrite dataient de l’année 2007, mais un nouveau petit livre publié par l’intéressé a valu à son auteur un commentaire d’approbation, pour ne pas dire de bénédiction, de la part de M.Frappat, ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix.

         Cette critique était intitulée « Souvenirs longue portée » dans le journal La Croix du 31 décembre dernier (1).

         L’ancien journaliste et directeur de référence brode une critique qui fait appel aux mêmes signes cliniques de maladie postcoloniale que ceux de M.Stora.

         « Il y a un refoulé qui revient de loin », « l’effet retard du passé », « « Et sans le retour violent du refoulé comment expliquerait-t-on la haine que tant d’anciens peuples colonisés éprouvent à l’égard de tout ce qui peut rappeler le temps des colonies et de leur servitude ?…

     « Dernier exemple en date : la mémoire de la guerre d’Algérie… l’effet retard du passé. D’abord nous avons été interloqués d’apprendre que beaucoup de terroristes qui, depuis des mois, ont entrepris de saigner la France étaient des jeunes Français vivant parmi nous depuis leur naissance »…,

     « Ce lien est peut-être la persistance, dans l’âme française, d’une question  non résolue, d’un traumatisme non digéré qu’est la guerre d’Algérie »

        En oubliant sans doute la guerre civile des années 1990 qui a ensanglanté ce pays et qui a incité de nombreux Algériens à venir en France, et qui a succédé, plus de trente ans plus tard, à une autre guerre civile, qui ne disait pas son « nom » !

       Il convient de rappeler que M.Stora a évoqué aussi le camp des « Sudistes » qui existerait dans notre pays : après le rapprochement avec la mémoire de Vichy, notre mémorialiste national n’hésite pas à trouver une comparaison historique, non moins hardie, avec le Vieux Sud des Etats Unis, le Sud esclavagiste.

        L’ancien journaliste de référence note toutefois plus loin :

       « De l’autre côté de la mer, de l’autre côté des peuples, on connait mal les effets de la mémoire de la guerre d’Algérie sur les populations de ce pays »,  avec une phrase de conclusion effectivement explosive : « Les mémoires sont parfois bourrées d’explosifs. »

      Comment ne pas être étonné que l’honorable Monsieur Frappat mette les attentats de Daech sur le compte de la mémoire coloniale, ou plutôt algérienne ?

Le diagnostic de la maladie, par les Psy, docteurs en histoire ou en journalisme.  

     Ce diagnostic vaut largement celui des médecins de Molière !

     « Serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ? »  – « Sganarelle, dans Le médecin malgré lui  »

       Dans quel domaine sommes-nous ? Médecine ? Psychanalyse ? Journalisme ? Littérature ? Histoire ? Idéologie ?  Politique ? Repentance religieuse ?

       Quelles sont les preuves de la maladie psy ainsi décrite ?

       Avez-vous effectué des enquêtes statistiques sérieuses qui vous permettent d’accréditer votre diagnostic sur la maladie dont la France souffrirait ?

       A les écouter : « Je suis malade, complètement malade » pour reprendre un refrain populaire des années 1970, de Serge Lama, mais de quoi précisément suis-je malade ?

      De quelle maladie les Français souffrent-ils ? Quels Français ? Quels peuples anciennement colonisés ? Les docteurs Psy eux-mêmes ou les Français en général ?

     Une maladie tout à fait étrange qui n’a pas dissuadé beaucoup de maghrébins, dont une grande majorité d’Algériens, et d’Africains, de venir émigrer massivement dans une France qui s’est transmise clandestinement les poisons du colonialisme, pour autant qu’ils aient toujours et partout existé.

      Cette immigration régulière et irrégulière n’a pas été négligeable, même si les spécialistes ont de la peine à se mettre d’accord sur les vrais chiffres.

       Monsieur Stora cite ses propres chiffres : «  la France se découvre aujourd’hui avec cinq à six millions de musulmans »

      Des immigrés masochistes à ce point ?

      Ou plus vraisemblablement des docteurs Psy effectivement masochistes, toujours prêts à sacrifier à leurs exercices habituels d’autoflagellation nationale, d’une repentance de nature ambiguë, des adeptes d’une nouvelle congrégation de flagellants ?

      Je suis issu d’une famille de l’est de la France qui a connu trois invasions allemandes en moins d’un siècle, une invasion, dont les ambitions et la réalité ne soutenaient aucune comparaison avec la colonisation, j’espère que les docteurs Psy en conviendront. Je n’ai jamais entendu dans ma famille ce type de discours mémoriel, à l’égard de nos amis allemands, un discours que je classe donc dans la  catégorie de la toute nouvelle propagande « made in France », une nouvelle propagande tout à fait subversive.

          Je crois avoir démontré ailleurs que la propagande coloniale n’a jamais eu l’importance et l’efficacité faussement décrites dans les ouvrages du collectif Blanchard and Co.

          Cela fait des dizaines d’années que ma famille prône la réconciliation de la France et de l’Allemagne, sans rien demander.

      J’ai donc le droit de me poser la question du bien-fondé de ces discours psy de nature mémorielle, indépendamment du fait que jusqu’à présent personne n’a eu le courage de vérifier si des enquêtes statistiques sérieuses sur la ou les fameuses mémoires existaient et avec quel contenu ?

         Mon propre diagnostic repose plutôt sur l’ambition qu’ont ces docteurs psy de complaire à une partie par trop « apatride » de notre bel establishment, à un électorat que les politiques cherchent à séduire, ou à un public éditorial qui raffole de l’autoflagellation nationale, au prix de mettre en danger notre unité nationale sacrifiée à un cosmopolitisme propre à encourager toutes les anarchies, et la prospérité d’une « multinationale » française que personne n’a le courage de contrôler.

          N’existerait-il en effet pas d’autres explications sur les raisons des malaises sociaux dont la France souffrirait ? Une immigration mal contrôlée qui bouleverse les conditions de vie dans certains de nos territoires ? L’arrivée d’un Islam dont les Français ignoraient tout de son existence ?

          Quant à « notre ancien outre-mer », encore plus malins seraient les docteurs psy qui pourraient décrire les souffrances de leur mémoire coloniale, pour autant qu’ils connaissent mieux leur histoire coloniale que les Français !

       M.Stora citait le cas de Boudiaf pour l’Algérie, mais quand Chirac, dans la même veine de mémoire, est venu à Madagascar, en 2004,  pour y faire entre autres, repentance de la répression violente de  1947, les observateurs les plus objectifs ont pu noter que ce type de couplet avait fait un grand flop !

        Ma conclusion sera que les docteurs psy, en tout genre, et de tout acabit, parce qu’ils sont les véritables responsables du type de mémoire décrit mais jamais évalué, d’une mémoire d’autoflagellation, ont fait prendre un véritable risque national à notre pays, celui d’une autoréalisation, quelquefois « explosive » de cette mémoire trafiquée parmi certains jeunes de France.

      Pourquoi ne pas constater en effet, avec de la tristesse, en effet qu’un des représentants de notre bel establishment, l’honorable Monsieur Frappat a prêté sa voix à ce nouveau chœur de « repentants» ?

       Un establishment qui marie paradoxalement son goût de la grandeur passée, (voir Libye, Mali, Centrafrique, Syrie…), la France gendarme du monde ou centre du monde, au choix, et son penchant psy pour un passé encore inexplicable et inexpliqué pour les ignorants.

      Alors oui, pourquoi ne pas revenir au grand Molière, une valeur sûre, et terminer mon propos par une citation « médicinale » tirée de Monsieur de Pourceaugnac ?

     « Second médecin

     « A Dieu ne plaise, Monsieur, qu’il me tombe en pensée d’ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il  le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait »

Molière, Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, Scène VIII »

          Et pour mot de la fin du fin, les docteurs psy n’auraient pas pu s’emparer d’un  tel sujet, notamment dans le cas de l’Algérie, si les Accords d’Evian n’avaient pas acté que les crimes de guerre, donc commis dans les deux camps, seraient amnistiés ! En ouvrant tout grand le champ de toutes les hypothèses, même les plus scabreuses !

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

  1. Ci-après le texte du courrier que j’ai adressé au journal La Croix le 31 décembre 2015 :

      «  Bonsoir, il est sans doute dommage de commencer la nouvelle année, mais je voudrais dire à Monsieur Frappat tout le mal que je pense de sa chronique sur les souvenirs longs et sur ses références aux écrits Stora, et encore plus sur le rapprochement très douteux qu’il propose entre Daech et la guerre d’Algérie, pour ne parler que de ce conflit.

         Monsieur Frappat ferait bien de suggérer ou de financer lui-même une enquête de mémoire collective sérieuse sur le passé colonial et sur le passé algérien, dont s’est emparé son auteur de référence, car, jamais, sauf erreur, Stora n’ a accrédité sa thèse en fournissant la moindre preuve statistique de sa thèse mémorielle. Récemment la Fondation Jean Jaurès associée à un journal que Monsieur Frappat a dirigé un temps, a proposé une enquête sur ce type de sujet, mais une enquête très mal ficelée statistiquement, avec une batterie de questions très imparfaite.

         Je dirais volontiers à monsieur Frappat que ce sont plutôt, à l’inverse de ce qu’il croit et écrit, des gens comme Stora qui ont accrédité auprès de certains jeunes l’existence les souvenirs de longue portée dont il parle.

        Il s’agit d’un sujet que je crois connaître assez bien, celui d’une nouvelle propagande beaucoup plus insidieuse que la propagande coloniale, quand elle exista, la nouvelle propagande de l’autoflagellation historique et de la repentance : non, Monsieur Frappat, tous les petits Français qui ont servi la France en Algérie ne furent pas de petits ou grands salauds, des colonialistes de tout crin, pour ne parler que de ceux qui luttèrent, nombreux, pour que la paix revienne dans une Algérie nouvelle, celle de l’indépendance.      Quant au bouquin de Monsieur Jenni sur l’art de la guerre, je dirais qu’il sue par toutes les pores de ses lignes d’écriture talentueuse le même type de discours sirupeux. Bonne année pour une enquête mémorielle enfin sérieuse que pourrait lancer notre beau journal assomptionniste. »

Humeur Tique Egalité! Egalité! Egalité! Europe! Europe! Europe!

« Echos de la brousse de France »

            Ne vous y fiez pas trop, petits marquis et petites marquises de notre  intelligentsia, avant tout parisienne, il y a de plus en plus de citoyens simplets qui ne prennent pas vos vessies pour des lanternes !

            Egalité ! Egalité ! Egalité !

         Qu’est-ce à dire ? Ou le poker menteur !

          Dans notre beau pays, n’êtes-vous pas un peu surpris de voir, une certaine gauche surtout, mais face à une droite qui n’a pas le courage d’aller au fond des choses, dénoncer la grave violation d’égalité des droits que représenterait le projet actuel de déchéance de nationalité.

          Mais, Monsieur et Madame, mon voisin a deux nationalités, la Française et l’Algérienne, mon toubib a deux nationalités, la Française et l’Israélienne, ma collègue de bureau a deux nationalités, la Française et la Norvégienne…

        Ils ont deux passeports et bénéficient donc de droits qui ne les rendent pas égaux à nous autres simples citoyens d’un seul pays, la France.

        La rupture d’égalité est bien celle-là, non ?

        Que dire aussi des binationaux ou binationales qui exercent les pouvoirs de la République, ministres, députés ou sénateurs ? Comment font – ils pour arbitrer quelquefois entre leurs deux casquettes, entre les intérêts des deux pays dont ils sont ressortissants ?

        Une rupture d’égalité encore plus grave, vous ne trouvez pas ? Laquelle devrait conduire, à l’interdiction de jouir de deux nationalités, quand on siège à l’Assemblée ou au Sénat, ou quand on exerce des fonctions de nature régalienne.

       Puisqu’elle met en cause l’exercice du suffrage universel de la République Française et l’exercice de notre indépendance nationale !

Une Europe irresponsable, mais la faute à qui ? A l’autruche !

     A voir ce qui se passe, on trouve plus de responsables politiques, en France même et dans l’Union, pour détricoter les institutions européennes que pour renforcer la gouvernance des pays qui sont prêts à aller plus loin dans la solidarité et le partage des responsabilités, au cœur de la zone euro.

     Depuis plusieurs années, Cameron fait campagne pour détricoter les institutions de l’Union, et en face, qui a le courage de proposer aux Européens le contenu et le contour de celles qui garantiraient l’exercice d’une puissance mondiale qui n’existe pas encore en tant que telle ?

     Citez- moi quelques noms !

       Face aux vagues massives de migrants, réfugiés et non réfugiés, l’Union Européenne s’est montrée d’une incapacité dénoncée de toutes parts, et a montré en toute clarté les limites de ses ambitions.

      Les pays de l’Europe de l’Est continuent à faire beaucoup plus confiance au grand protecteur américain qu’à l’Union, et les autres, sans le dire ou l’avouer, font comme si ce n’était pas leur cas aussi.

      US GO Away ! Mais en même temps, l’Europe et l’Union n’existeraient plus si les Etats-Unis n’avaient pas eu le courage de venir la libérer une première fois en 1917, et une deuxième fois en 1944.

      Alors, chers amis d’Europe, courage fuyons ! Alors que la paix au Moyen Orient ne reviendra qu’à la condition que l’Union mette à la disposition des adversaires de  Daech, un corps expéditionnaire, sorte de préfiguration de l’armée européenne qu’il faut mettre sur pied.

     Que l’Allemagne le veuille ou non, en ouvrant ses frontières à des vagues de migrants mal contrôlées, ce pays est entré dans l’engrenage d’un engagement militaire de type européen.

     Même s’il est possible de se demander si Merkel n’a pas ouvert les portes de son pays, afin de le racheter de son passé nazi.

     Avez-vous entendu les politiques mettre sur la table un projet de nouvelle union européenne qui tienne la route, car composée des pays qui ont l’ambition de partager les destinées de la nouvelle puissance qu’elle pourrait être mais qu’elle n’est pas ?

     Non ! Mille fois non !

Mémoire collective et mémoire coloniale: ont-elles été mesurées? « La guerre des mémoires » par M.Stora

Mémoire collective et mémoire coloniale : ont- elles jamais été mesurées ? Quand ? Et par qui ?

Par Monsieur Stora ?

« La guerre des mémoires La France face à son passé colonial » par Benjamin Stora

Ce texte a été publié sur le blog Etudes coloniales

            « Pourquoi ne pas avouer que j’ai éprouvé un malaise intellectuel à la lecture de beaucoup des pages de ce livre, crayon en mains, alors que j’ai  aimé l’article du même auteur à la mémoire de Camus (Etudes coloniales du 30 septembre 2007). Albert Camus a été un de mes maîtres à penser,  à agir, et à réagir,  avant, pendant la guerre d’Algérie, et après. J’y ai servi la France et l’Algérie, en qualité d’officier SAS, en 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, entre Soummam et forêt d’Akfadou.

              Un historien sur le terrain mouvant des mémoires chaudes, pourquoi pas ? Mais est-ce bien son rôle ? Dès l’avant- propos, le journaliste cadre le sujet de l’interview de M.Stora : « La France est malade de son passé colonial », mais sur quel fondement scientifique, le journaliste se croit-il permis d’énoncer un tel jugement ?

            Il est vrai que tout au long de l’interview l’historien accrédite cette thèse et s’attache à démontrer l’exactitude de ce postulat : les personnes issues des anciennes colonies, première, deuxième, troisième génération (il faudrait les quantifier, et surtout les flux , les dates, et les origines) «  se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale » (p.12), « la guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), la « fracture coloniale », « c’est une réalité » (p.33), « l’objectif est d’intégrer, dans l’histoire nationale, ces mémoires bafouées » (p.81), « saisir comment s’élaborent en permanence les retrouvailles avec un passé national impérial » (p.90)

            Et l’auteur de ces propos, qui se veut « un passeur entre les deux rives », incontestablement celles de la Méditerranée, accrédite le sérieux des écrits d’un collectif de chercheurs qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, par le sérieux et la rigueur de leurs travaux historiques, à démontrer la justesse de la thèse qu’ils défendent, fusse avec le concours bienveillant de certains médias, quant à l’existence d’une culture coloniale, puis impériale, qui expliquerait aujourd’hui la fameuse fracture coloniale.

            Et le même auteur de reprendre le discours surprenant, de la part d’historiens de métier, sur la dimension psychanalytique du sujet : « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français » (p.31), pourquoi pas ? Mais à partir de quelles preuves ? « Refoulement de la question coloniale » (p.32). « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective, jusqu’à aujourd’hui, une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer » » (p.32). « Les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            « Pourquoi cette sensation diffuse d’une condition postcoloniale qui perdure dans une république où les populations issues des anciens empires n’arrivent pas à se faire entendre ? » (p.90).

            Comment ne pas souligner le manque de clarté des propos de l’auteur, lequel écrit page 11 que la population issue des anciennes colonies a doublé entre les années 1980 et 2007, et les propos qu’il tient parallèlement sur les « mémoires bafouées » : mais les colonies sont indépendantes depuis le début des années 60, et l’Algérie depuis 1962 !

            De quelles générations s’agit-il ? Des enfants d’immigrés du travail venus en France avant 1962 ? Ou pour l’Algérie, importante source d’immigration, des enfants de pieds noirs, de harkis, ou d’enfants de citoyens algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, notamment en raison de ses échecs économiques, puis de sa guerre, à nouveau civile ? Pour ne citer que l’exemple de l’Algérie qui est le postulat de la plupart de ces réflexions.

            L’auteur cite le cas de Boudiaf, un des principaux fondateurs du FLN, lequel revenu d’exil dans son pays en 1992, était inconnu des jeunes Algériens : « Les jeunes Algériens ne connaissaient même pas son nom » (p.60).

            Quant au propos tenu sur Madagascar, pays avec lequel j’entretiens des relations particulières, « Dans cette ancienne colonie française, les milliers de morts des massacres de 1947 restent dans toutes les mémoires »

            Je ne suis pas le seul  à dire que la repentance de Chirac, lors de son voyage de   2005,  est tombée à plat, parce que ce passé est méconnu des jeunes générations, un propos complètement faux.

            L’auteur de ces lignes est-il en mesure de justifier son propos ?

            Les Malgaches ne connaissent pas mieux leur passé colonial que les Français, car pour ces derniers, ce n’est pas l’enquête de Toulouse, faite en 2003, par le collectif de chercheurs évoqué plus haut, qui peut le démontrer. Cette enquête va clairement dans un tout autre sens, celui de la plus grande confusion qui règne actuellement sur tout ce qui touche le passé colonial, la mémoire, et l’histoire coloniale elle-même, et la réduction de cette histoire à celle de l’Algérie. Cette enquête révélait en effet l’importance capitale de la guerre d’Algérie dans la mémoire urbaine de Toulouse et de son agglomération.

            Et ce constat avait au moins le mérite de corroborer deux des observations de l’auteur, celle relative à « l’immigration maghrébine » qui « renvoie à l’histoire coloniale », et l’autre quant à l’importance de la guerre d’Algérie dans cette « guerre des mémoires » : « Mais, c’est la guerre d’Algérie, qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années. » (p.50)

            L’obsession de l’Algérie

            Et c’est sur ce point que le malaise est le plus grand, car comment ne pas voir, que pour des raisons par ailleurs très estimables, l’auteur de ces lignes a l’obsession de l’histoire de l’Algérie, et qu’il a tendance à analyser les phénomènes décrits avec le filtre de l’Algérie, son histoire familiale aussi, à Constantine, pour ne pas dire la loupe, avec toujours en arrière- plan, le Maghreb.

            Le tiers des pages de ce livre se rapporte à l’Algérie, et beaucoup plus encore dans l’orientation des réflexions qui y sont contenues. Les autres situations coloniales ne sont évoquées qu’incidemment, alors que l’histoire coloniale n’est pas seulement celle de l’Algérie, quelle que soit aujourd’hui l’importance capitale de ce dossier.

            Un mot sur la mémoire ou les mémoires de l’Algérie et de la guerre d’Algérie. Pour en avoir été un des acteurs de terrain, je puis témoigner qu’il est très difficile d’avoir une image cohérente et représentative de la guerre d’Algérie vécue par le contingent. Chaque soldat, chaque sous-officier, et chaque officier, a fait une guerre différente selon les périodes, les secteurs, les postes militaires occupés, et les commandements effectifs à leurs différents niveaux (sous quartiers, quartiers, secteurs, et régions).

          Si beaucoup d’anciens soldats du contingent ont écrit leurs souvenirs, peu par rapport à leur nombre, mon appartenance à ce milieu me conduit à penser que beaucoup d’entre eux se réfugient toujours dans le silence, mais pas obligatoirement pour la raison qu’ils auraient commis des saloperies, ou assisté à des saloperies. Un silence qui pourrait s’expliquer par un fossé immense d’incompréhension entre leur vécu, l’attitude des autorités d’hier ou d’aujourd’hui, et celle du peuple français

            M.Rotman a parlé de guerre sans nom. Je dirais plus volontiers, guerre de l’absenceabsence d’ennemi connu, absence du peuple dans cette guerre, sauf par le biais du contingent qui, à la fin de ce conflit, s’est trouvé tout naturellement en pleine communauté de pensée avec le cessez le feu du 19 mars 1962. Et c’est sans doute le sens profond de sa revendication mémorielle.

            Pour la grande majorité des appelés, l’Algérie n’était pas la France.

            Les appelés ne savent toujours pas, pour ceux qui sont encore vivants, quelle guerre on leur a fait faire : guerre de l’absence et du silence, et le remue-ménage qui agite en permanence, à ce sujet, certains milieux politiques ou intellectuels leur est étranger.

            Il convient de noter que pour un acteur de ce conflit, ou pour un chercheur marqué dans sa chair et dans son âme par celui-ci, c’est un immense défi à relever que de vouloir en faire l’histoire.

            Et sur au moins un des points évoqués dans le livre, je partage le constat qu’il fait sur l’effet des lois d’amnistie « personne ne se retrouvera devant un tribunal » (p.18), et personnellement je regrette qu’il en soit ainsi, parce qu’il s’agit là d’une des causes du silence du contingent, et de cette conscience d’une guerre de l’absence. A quoi servirait-il de dénoncer des exactions injustifiables si leurs responsables, c’est-à-dire les salauds inexcusables n’encourent  aucune poursuite judiciaire ? Cette amnistie n’a pas rendu service à la France que j’aime et à son histoire.

            Le métier d’historien

            Ma position de lecteur, amateur d’histoire, assez bon connaisseur de notre histoire coloniale, me donne au moins la liberté de dire et d’écrire ce que je pense des livres qui ont l’ambition de relater ce pan de notre histoire.

            Ce passage permanent de la mémoire à l’histoire  et inversement, est très troublant, sans que l’intelligence critique y trouve souvent son compte! Et beaucoup d’affirmations ne convainquent pas !

            Est-il possible d’affirmer, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale et sa composition : « C’est d’ailleurs une photographie assez fidèle de cette génération qui a fait la guerre d’Algérie ou qui a été confrontée à elle. »

            Une analyse existe-t-elle à ce sujet ? Et si oui, serait-elle représentative de l’opinion du peuple français à date déterminée ?

            Tout est dans la deuxième partie de la phrase et le participe passé « confrontée »qui permet de tout dire, sans en apporter la preuve.

            La mise en doute du résultat des recherches qui ont été effectuées sur l’enrichissement de la métropole par les colonies : mais de quelle période parle l’auteur et de quelle colonie ? (p.20)

            L’affirmation d’après laquelle la fin de l’apartheid aurait été le  « coup d’envoi » mémoriel mondial (p.41) : à partir de quelles analyses sérieuses ?

            L’assimilation de l’histoire coloniale à celle de Vichy, longtemps frappée du même oubli. (p.21,50, 96).  Non, les situations ne sont pas du tout les mêmes !

            Et ce flottement verbal et intellectuel entre mémoire et histoire, une mémoire partagée ou une histoire partagée ? (p.61,62, 63). Outre la question de savoir si une histoire peut être partagée.

             Et pour mettre fin à la guerre des mémoires, un appel à la reconnaissance et à la réparation (p.93), ou en d’autres termes, à la repentance, que l’historien récuse dans des termes peu clairs dans les pages précédentes (p.34), une récusation partielle répétée plus loin (p.95).

            Et d’affirmer qu’il est un historien engagé (p.88) et d’appeler en témoignage la tradition dans laquelle il inscrit ses travaux, celle des grands anciens que sont Michelet, Vidal-Naquet et Vernant. Pourquoi pas ? Mais il semble difficile de mettre sur le même plan périodes de recherche et histoires professionnelles et personnelles des personnes citées.

            Le lecteur aura donc compris, en tout cas je l’espère, pourquoi le petit livre en question pose en définitive autant de questions sur l’historien et sur l’histoire coloniale que sur les mémoires blessées ou bafouées qui auraient été transmises par je ne sais quelle génération spontanée aux populations immigrées, issues des anciennes colonies.

            Pourquoi refuser de tester la validité « scientifique », et en tout cas statistique, de ce type de théorie historique ?

            Nous formons le vœu qu’une enquête complète et sérieuse soit menée par la puissance publique sur ces questions de mémoire et d’histoire, afin d’examiner, cas par cas, l’existence ou l’absence de clichés, des fameux stéréotypes qui ont la faveur de certains chercheurs qui s’adonnent volontiers à Freud ou à Jung, la connaissance ou l’ignorance de l’histoire des colonies, et donc de mesurer le bien fondé, ou non, des thèses mémorielles et historiques auxquelles l’historien a fait largement écho.

            Alors, histoire ou mémoire ?

            La nouvelle ère des historiens entrepreneurs

             L’histoire est-elle entrée dans un nouvel âge, celui de « l’Historien entrepreneur » selon l’expression déconcertante de Mme Coquery-Vidrovitch (Etudes coloniales du 27/04/07), ou celui de l’histoire devenue « bien culturel » selon l’expression de l’auteur ? Mais en fin de compte, sommes-nous toujours dans l’histoire ?

            Et à ce propos, nous conclurons par deux citations de Marc Bloch, évoquant dans un cas Michelet et ses  hallucinatoires résurrections, et dans un autre cas,  le piège des sciences humaines :

            «  Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près, que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres. » (Fustel de Coulanges-1930)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés – le 11 novembre 2007          

Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Supercherie coloniale, chapitre 9

Comme annoncé dans ma chronique sur « Le fer à repasser colonial ou postcolonial », le lecteur trouvera ci-après le texte intégral du chapitre 9 que j’avais publié dans le livre « Supercherie coloniale »

Chapitre 9

Le ça colonial ! L’inconscient collectif !

Freud au cœur de l’histoire coloniale

Avec l’Algérie, l’Alpha et l’Omega de la même histoire coloniale !

            Il est tout à fait étrange de voir des historiens, normalement adeptes du doute, de la méthode scientifique de reconnaissance des faits, des dates, des preuves, s’adonner, ou s’abandonner aux délices, ou aux délires, de l’inconscient, le ça du célèbre docteur Freud.

            Car les chiens de l’inconscient ont été lâchés dans l’histoire coloniale !

            Nous sommes arrivés presque au terme de l’analyse et de la contestation du discours de ce collectif de chercheurs et nous espérons que le lecteur aura eu le courage d’en suivre les péripéties au fil des chapitres qui avaient l’ambition d’examiner, un par un, les grands supports d’une culture coloniale posée comme postulat, et d’apprécier le bien fondé de la démonstration historique qui leur était proposée. Au risque d’avoir très souvent éprouvé une grande perplexité devant le flot des mots, des approximations, et des sentences historiques

            Notre conclusion est que cette démonstration n’a pas été faite, et reste éventuellement à faire. Ce n’est pas en invoquant à tout bout de champ le refoulement, les stéréotypes, l’imaginaire et l’inconscient collectif, les imprégnations, les schèmes, les fantasmes, les traces et les réminiscences, et bien sûr l’impensé, que leur discours trouve un véritable fondement scientifique.

            L’inconscient collectif est incontestablement un concept à la mode, avec d’autant plus de succès que personne ne sait exactement ce que c’est !

            Il est vrai qu’au Colloque de janvier 1993, sur le thème Images et Colonies, l’historienne Coquery-Vidrovitch avait fait une communication intitulée Apogée et crise coloniales et fait remarquer que pour des raisons personnelles, elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, indiquant : « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien » (C/30).

Confidence d’une historienne confirmée confrontée par son passé à ce type de question.

            Nous proposons donc au lecteur de faire un voyage initiatique dans le labyrinthe du nouveau Minotaure colonialen quête d’un des dieux de l’Olympe ou de Delphes, d’un papa Lemba du culte Vaudou, ou encore d’une nouvelle pierre philosophale de l’histoire, qui va transformer l’inconscient collectif en histoire. Et pour ce faire, et pour doper sa quête de l’inconscient colonial, qu’il n’hésite donc pas à faire appel aux racines hallucinatoires de l’iboga gabonaise.

            Ou encore à s’immerger dans le grand secret des familles coloniales, théorie psychologique et psychanalytique à la mode, puisqu’au même colloque, un historien distingué n’a pas hésité à appeler la génétique à l’aide de sa démonstration.

            On voit déjà que certains historiens, chevronnés et réputés, avaient ouvert une belle boite de Pandore au profit de jeunes chercheurs, sans doute émoustillés par la nouveauté, comme par du champagne, et à l’affût de trésors éditoriaux.

            Le discours du collectif de chercheurs sur le ça colonial.

            L’ensemble des livres rédigés par le collectif de chercheurs fait constamment appel à l’inconscient.

            Dans le livre Culture coloniale, et dès l’introduction, les auteurs écrivent : « comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper. Non pas coloniaux au sens d’acteurs de la colonisation ou de fervents soutiens du colonialisme, mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel. »(CC/8)

            « L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant profondément dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… »(CC/13)

            « Une culture au sens d’une imprégnation populaire et large. …une culture invisible. » (CC/15,16)

            « La colonisation « outre-mer » n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française, puis par héritage, à la république. « (CC/25,26)

            Après la fameuse et grande exposition de 1931 :

             « La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale et de cette puissance retrouvée grâce à l’empire » (CC/36)

            Le lecteur aura pu se rendre compte, notamment dans le chapitre consacré aux expositions coloniales, de la réalité de cette imprégnation, partie rapidement en fumée.

            « Les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française en ce sens qu’elles renforcent, légitiment et alimentent le régime dans sa dynamique interne. »(CC/39)

            « Une culture coloniale encore rémanente plus de quarante après les indépendances dans la France du XXIème siècle. » (CC/91)

            « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice » et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. » (CC/143)

            « Dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux. »(CC/160)

            Le livre suivant, Culture impériale (1931-1961), développe le même type d’explication.

            « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale, le domaine colonial est effectivement une utopie parfaite. » (CI/26)

            Alors que nous avons vu qu’il en était très différemment dans le résultat des sondages d’opinion publique.

            « Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’a prise peu à peu l’Empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient français. » (CI/54)

            Sa force réelle (la propagande) réside alors dans la constitution véritable d’une culture impériale sans que les français en soient forcément pleinement conscients. C’est tout le succès de la propagande coloniale au cours de ces années qui parvient à banaliser le thème colonial. C’est bien le concept de colonisation « modérée » qui fut ancré par ce biais dans les esprits. (CI/57)

            Et pour couronner le tout des citations, et à propos des effets du scoutisme sur l’inconscient colonial des Français :

            « L’étude de ces deux médiations  singulières (qu’ont été l’école et l’action extrascolaire) permet, d’une part, de rendre compte de la complexité et de la profondeur de l’éducation à la chose coloniale à laquelle a été soumise la jeunesse durant l’entre-deux guerres ; d’autre part, d’approfondir la compréhension du jeu subtil qui s’instaure entre l’ordre de la transmission raisonnée des connaissances (dans l’institution scolaire), et celui de l’incorporation inconsciente des valeurs –(au sein des mouvements de jeunesse issus du scoutisme). »(CI/93,94)

            Cher lecteur, pour rien au monde, je n’aurais voulu vous priver de cette belle citation ! Car elle valait le détour littéraire ! Elle mériterait de figurer dans un livre des records de bêtise intellectuelle !

            Le livre La République coloniale s’inscrit dans la même démarche de pensée :

« Il existerait un impensé dans la République (RC/III). Notre rapport à l’Autre serait travaillé par le colonial (RC/21)

            « Nous avons donc choisi de revenir à l’héritage, de comprendre comment se construit la généalogie moderne de la république, et comment cette généalogie lie en profondeur lie l’héritage républicain à la dimension coloniale. » (RC/40)

            « Ces éléments nous conduisent à établir une généalogie républicaine de l’intrication national/colonial. »(RC/103)

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale (RC/108)…Lorsque l’on veut comprendre la profondeur de l’imprégnation sociale du colonial en France. » (RC/117)

            « Long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés durant la période coloniale. »(RC/144)

            « Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial. » (RC/150)

            « L’omniprésence souterraine de ce passé. »(RC/160)

            Alors un bon conseil : chers historiens ! Il vous faut aller consulter les psy !

            Le livre suivant, La Fracture coloniale, ne fait pas non plus dans le détail à ce sujet.

            Dans l’introduction, signée Bancel, Blanchard, Lemaire, les trois animateurs du collectif de chercheurs que nous incriminons, ils écrivent :

            « Une littérature récente a d’ailleurs montré que la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savant (ce que l’on nommera ici une culture coloniale), dans les discours et la culture politique, le droit ou les formes de gouvernance. Il est par ailleurs légitime d’excéder les chronologies politiques qui rythment notre appréhension de la période coloniale : il serait trop simple de croire que les effets de la colonisation ont pu être abolis en 1962, après la fin de la guerre d’Algérie marquant celle de l’Empire français. Dans tous les domaines que l’on vient d’évoquer – représentations de l’Autre, culture politique, relations intercommunautaires, relations internationales, politique d’immigration, imaginaire …- ces effets se font toujours sentir aujourd’hui. » (FC/13,14)

            Le problème est que les trois auteurs renvoient dans la note 15, évidemment à leurs livres, c’est-à-dire ceux qui ont fait l’objet de notre analyse critique.

            Comment appeler en bonne logique ce type de raisonnement, sinon un cercle vicieux. ?

            Plus loin, les historiens Bancel et Blanchard écrivent :

            « Incontestablement, la République a contribué à forger politiquement les archétypes relatifs aux populations coloniales, en légitimant sur la longue durée leur subordination – le Code de l’indigénat étant la plus évidente expression de cette domination légalisée sous cette forme à partir de 1881 –selon un principe originellement racial, jusqu’à inventer culturellement l’ « homme/non homme » et le « citoyen/non citoyen » qu’est l’indigène. (FC/41)

            Est-ce que ces deux historiens croient et peuvent apporter la preuve historique que les Français, mis à part quelques spécialistes et une minorité de Français expatriés, aient jamais connu l’existence  du fameux code ?

            Mais le pire est encore à venir, lorsqu’on lit que « la mesure des discriminations et des vexations qu’ils subissent se trouve dans leur corps, que les réminiscences restent palpables, et que le déni du droit et les discriminations qu’ils subissent comme la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps. » (FC/200)

            Une histoire donc en mal d’exorcisme ou de recette fétichiste capable de faire sortir du corps le mauvais esprit !

            Le même auteur, sociologue, n’hésite pas à écrire que les femmes indigènes ont eu à subir une double oppression qui ne fut jamais dénoncée, et que l’érotisation et la prédation sexuelle accompagnèrent toute l’histoire coloniale, en ce qui concerne les deux sexes pour faire bonne mesure. (FC/202) Est-ce que cet auteur a jamais fréquenté des récits d’explorateurs, pas uniquement colonialistes, ou des analyses des sociétés et des cultures africaines rencontrées ?

            Je renverrais volontiers l’auteur à la réflexion du début, celle de l’historienne Coquery-Vidrovitch quant à l’opportunité, dans le cas présent, d’une psychanalyse, et à une invitation à mieux connaître la condition de la femme dans certaines cultures maghrébines ou africaines.

            Mais le pire est encore à venir dans un propos d’un jeune de banlieue, rapporté par un autre sociologue :

« Quand j’étais dans les couilles de mon père, j’entendais déjà ces mots. « (FC/215) C’est-à-dire les mots de République, citoyen ou intégration.

            Comme quoi, la généalogie coloniale fonctionne effectivement !

Les sources historiques du ça colonial

            Et pour cela, il nous faut revenir au fameux Colloque de janvier 1993 dont le thème était Images et ColoniesCe colloque savant a ouvert la boite de Pandore du ça colonial, ainsi que celle des envolées éditoriales que nous connaissons.

            Le ton est donné dès l’introduction aux Actes de ce colloque (Blanchard et Chatelier) :

            « Ce qui frappe, après un période de refoulement du passé colonial, c’est le retour ces dernières années à l’exotisme. » (C/11)

            « Mais surtout, il faut maintenant exploiter les images, non comme simple illustration de la période coloniale, mais bien comme une représentation. Car l’image est, comme il a été montré au cours du colloque, un élément important de la diffusion de l’idéologie coloniale en France au XXème siècle. Elle fut l’allié puissant du colonialisme…Aujourd’hui encore elle est présente, comme par exemple dans le numéro spécial de mars 1993 « Faut-il avoir peur des Noirs ? » de la revue Max…

            Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images. » (C/12)

            « Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (C/14)

            « Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne se doutent pas de leur véracité. » (C/15)

            La synthèse de la partie Mythes, Réalités et Discours, reprend brièvement les évocations et invocations d’un inconscient auxquelles se sont livrés quelques uns des hommes et femmes de science participant à ce colloque.

            Tout d’abord celle déjà citée de l’historienne Coquery-Vidrovitch. Dans sa communication Apogée et crise coloniale, elle déclare :

            « C’est d’ailleurs pourquoi je ne présenterai pas d’images. Comment s’est constituée cette collection d’images, souvent très belles, qui n’en sont pas moins des stéréotypes qui ont marqué de leurs préjugés l’imaginaire français ? » (C/27)

            A propos de l’exposition de 1931 :

            « Il s’agit de la naissance volontaire et inconsciente mais définitive de stéréotypes coloniaux qui sont construits et systématisés. » (C/29)

            Et d’évoquer le rôle du Petit Lavisse et d’écrire : « Cette iconographie a eu la vie longue, et combien d’adultes d’aujourd’hui la portent-ils encore en eux. » (C/30)

            Est-ce qu’à part son cas personnel, l’historienne a apporté la moindre preuve de ce propos ? Non ! Alors que cette historienne s’est illustrée, tout au long de sa carrière, par des travaux historiques très sérieux, en apportant une contribution importante à l’historiographie coloniale française.

            « Auraient-elles disparu d’ailleurs, les images n’en demeurent pas moins dans les esprits qu’elles ont contribué à façonner. » (C/31)

            « Les images vont nous apprendre énormément sur l’idéologie coloniale française, mais peut être plus encore sur l’image que nous portons, consciemment ou inconsciemment, en nous. »

            L’historienne Rey-Goldzeiger, (Aux origines de la guerre d’Algérie-2002 – Le Royaume Arabe- Politique algérienne de Napoléon III-1977) écrivait :

            « A partir de 1918 l’image du Maghrébin et du pays se modifie et va définitivement amener les stéréotypes maghrébins dans le conscient et plus grave, dans l’inconscient collectif. Pourquoi et comment ? » (C/37)

            Et dans le passage l’Impact de l’image, l’historienne de noter que :

             « L’étude en est beaucoup plus difficile et demande une recherche méthodologique nouvelle. Car la perception ne suffit pas pour faire entrer l’image dans le champ du conscient et de l’inconscient de ceux à qui elle est destinée. »

            Et de philosopher sur le déroulement du temps à propos de l’intrusion de plus en plus prégnante de l’image dans le domaine idéologique :

            « Les événements vont vite dans le temps court cher à Braudel, la conscience est plus lente et se situe dans le temps moyen ; quant à l’inconscient, il suit le temps long. Entre ces trois temps, il y a décalages. »(C/38)

            Les temps longs de l’histoire relèvent-ils du domaine de l’inconscient ? Est-ce qu’il ne faut pas manifester une certaine inconscience pour énoncer ce type de propositions ? S’agit-il d’histoire, de littérature, de psychologie, de psychanalyse, ou encore de philosophie ?

            Et de rattacher ses réflexions à la guerre d’Algérie, et à la difficulté que la France a rencontrée pour aboutir à une paix négociée en raison d’un décalage : « Question de décalage de temps ! »(C/38)

            Ou tout simplement en raison du décalage qui a toujours existé entre les ambitions de la France officielle, celle des pouvoirs établis, obnubilés de grandeur, toujours la grandeur, et toujours l’aveuglement, et celles du peuple français.

            Et plus loin : « Aussi l’image se fait vie et va alimenter jusqu’à l’inconscient qui s’appuie sur une symbolique de virilité, de chasse, et d’érotisme. »(C/39)

            « En quelques années, la conscience française, ainsi préparée est capable de percevoir l’image de la colonisation française, miracle qui a créé le Maghreb et le Maghrébin, d’intégrer à sa conscience la notion de supériorité de la civilisation française qui fait le bonheur des autres, de faire passer dans l’inconscient toute la puissance des mythes, qui bloque les actions rationnelles pour donner l’avantage à la passion. » (C/40)

            J’avoue que je n’avais jamais trouvé, jusque là, une explication du drame algérien par le rôle de l’inconscient colonial. Et d’expérience concrète de la guerre d’Algérie, j’ai souvent rencontré des soldats du contingent qui répugnaient, en toute conscience, à faire la guerre que la France officielle, celle des pouvoirs constitués légitimes, leur faisait faire, et qui n’était ni la leur, ni en définitive celle du peuple français. A l’expérience de leur épreuve, l’Algérie française n’était qu’un mythe, le contraire de celui que diffusait la propagande, mais malheureusement, il y vivait plus d’un million de Français.

            Continuons l’inventaire avec la communication de l’historien Meynier.

            Le titre de sa contribution a le mérite de la clarté en affichant : Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre-deux-guerres

            L’historien établit un constat qui ne va pas dans le sens des analyses de notre collectif, comme nous l’avons déjà noté, mais il pose la question :

            « Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière-plan lorsque l’on évoque les colonies

            Imaginaire colonial et inconscient colonial

            Inconscient français et mythes coloniaux : salvation et sécurisation. » (C/45)

            L’auteur n’hésite pas à rapprocher le mythe de Jeanne d’Arc à celui de Lyautey, ce qui est plutôt très hardi.

            Et dans sa conclusion :

            « Le Centenaire de l’Algérie française et l’Exposition coloniale de Vincennes confortent les stéréotypes que le discours savant lui-même avalise et pérennise. Le drame est que ces images des colonies, répondant prioritairement à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

            Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale et impériale ramène d’abord au pré carré français et doit très peu au grand large. » (C/48)

            Alors cher lecteur, si on y trouve les concepts de stéréotypes, d’inconscient français et d’imaginaire, incursion scientifique plutôt surprenante de la part de l’historien, elle concerne beaucoup plus l’inconscient français, prioritairement hexagonal,  que l’inconscient colonial.

            Les conclusions de ce colloque étaient ambiguës, et ne pouvaient éviter de l’être, compte tenu de l’impasse faite sur les questions préalables de méthode, sur lesquelles nous reviendrons dans les conclusions.

            Il faut avancer dans la maîtrise de la méthodologie de lecture de l’image, qui est à la fois représentation figurative et forme de discours. D’une manière générale, peu d’historiens ont écrit sur les méthodes d’analyse et d’interprétation de l’image. Comme l’a montré Jean Devisse, il reste énormément à faire : ouvrir le chantier de la méthode mais également celui de la constitution d’un corpus. » (C/148)

            On peut effectivement se poser la question de la validité scientifique du corpus, car nous avons vu que son élaboration souffrait d’une grave carence d’évaluation quantitative  et qualitative, mais aussi de la capacité de la discipline historique à interpréter une image historique, sans faire appel au sémiologue.

            Ce qui n’empêcha pas les auteurs de la conclusion d’écrire :

            « La réflexion entamée  par ce colloque a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Elle doit donc se poursuivre par un débat international dont l’objectif n’est rien moins que, aussi bien dans l’Europe colonisatrice que dans ses anciennes colonies, la déconstruction d’un imaginaire que ces images, pendant des décennies, ont contribué à édifier. « (C/148)

            Il faut donc tout à la fois, ouvrir le chantier de la méthode, mais aussi chercher à déconstruire l’imaginaire édifié pendant des décennies !

            Tout cela est-il bien sérieux ?

            Le collectif de chercheurs dont nous avons dénoncé le discours s’est engouffré dans les voies obscures de l’inconscient collectif encensé par des historiens confirmés et aussi dans celles d’une célébrité médiatique provisoire.

            Il est tout de même difficile de fonder une interprétation de notre histoire coloniale, pour le passé et pour le présent de la France, sur le fameux ça, avec en arrière-plan l’obsession permanente de l’Algérie.

            Comment laisser croire aux Français qu’ils sont imbibés de culture coloniale, alors qu’elle leur a été étrangère, même au temps béni des colonies ?

                        L’analyse critique

            Je me demande s’il ne faut pas parler de constat plutôt que d’analyse, à partir du moment où l’objet de la connaissance historique se dérobe, pour se réfugier dans un inconscient jamais défini, et sans doute indéfinissable.

            Des historiens s’intéressent donc à l’imaginaire, pourquoi pas ?

            L’inconscient collectif du docteur Jung ? Pourquoi pas ? Alors que le docteur Jung avait déjà bien du mal à définir ce nouveau concept, structures héritées du cerveau, mais plus en termes de capacité à penser, à réagir, qu’en termes de transmission elle-même d’images, de stéréotypes, mais je ne veux pas m’avancer plus loin sur ce terrain des spécialistes qui ne sont d’ailleurs pas d’accord entre eux.

            Lorsque les historiens invoquent l’inconscient collectif, les stéréotypes, les archétypes, il conviendrait qu’ils définissent ces termes, leur contenu, leur champ d’application, et qu’ils nous expliquent par quel processus de pensée et de raisonnement ils sont arrivés à cette conclusion, ce qui n’est pas le cas.

             Il conviendrait de l’explorer et le définir avec un minimum de prudence scientifique, et avec une méthode éprouvée, qui ne parait pas avoir été trouvée.

.

            Les travaux effectués par l’historien Ageron sur les sondages de l’opinion publique montrent incontestablement la voie à ce sujet, et il ne suffit pas, pour énoncer un discours convaincant sur l’imaginaire colonial des Français d’adosser une réflexion historique sur une psyché personnelle, ou un inconscient individuel.

            Il est possible de nos jours, les outils de la connaissance existent, d’identifier et de dépeindre l’imaginaire moderne des Français. Encore faut-il s’en donner les moyens, et dépasser le stade artisanal de l’étude de Toulouse ! On serait peut-être surpris par les résultats d’une étude scientifique sérieuse.

            Quant à l’imaginaire du passé, celui postérieur à la première guerre mondiale de 1914-1918, ou à la deuxième guerre mondiale, qui peut avancer des hypothèses sérieuses ?

            Je fais partie d’une génération qui aurait été marquée par le Petit Lavisse, par la propagande coloniale de Vichy, puis par celle que le collectif de ces chercheurs qualifie d’impériale. J’ai eu beau creuser dans ma mémoire, je n’y rien trouvé de tout cela, mais j’avoue que je n’ai jamais été confessé sur un divan.

             Ma mémoire a été marquée par l’exode sur les routes, puis l’occupation allemande, et toute ma famille originaire de l’est a entretenu un imaginaire anti-allemand, avec la succession des guerres,  celle de 1870, la première guerre mondiale de 1914-1918, avec nos blessés et nos morts, puis la deuxième guerre mondiale, et dans la foulée, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, la menace de l’empire soviétique, à quelques marches de notre province. L’insurrection malgache de 1947 et la guerre d’Indochine appartenaient à une autre planète.

            Un imaginaire colonial réduit donc à sa plus simple expression, qui aurait explosé avec la guerre d’Algérie ? Mais est-ce qu’il est possible de réduire l’imaginaire colonial à l’Algérie ?

            Comment l’historien va-t-il procéder pour démêler tous ces imaginaires dans une chronologie déterminée, soupeser l’un et l’autre, souvent confondus, ou oubliés, tout en se gardant de tout regard anachronique, le plus grand danger de ce type d’exercice ?

            L’historien fera mieux que le psychanalyste de l’inconscient collectif ?

            Et pour que le lecteur comprenne bien notre propos, parce que ces chercheurs abritent leurs concepts sous l’ombrelle de la psychanalyse, il n’est pas superflu de rappeler quelques notions de la théorie freudienne sur le rêve et le fonctionnement de l’inconscient.

            L’inconscient, cette zone du cerveau toujours obscure- mais gît-elle vraiment dans le cerveau ?- serait à la racine de tous les phénomènes psychiques, l’inconscient des profondeurs psychiques, insondables, c’est-à-dire le ça, puis le moi avec son monde extérieur, et enfin le surmoi social. Le ça n’est jamais très loin de la libido, de la sexualité, une des clés centrales de la théorie de Freud, avec son refoulement, cause de toutes sortes de traumatisme psychique.

            Comme nous avons eu l’occasion de le constater, à la lecture de certains travaux, sur les cartes postales ou les affiches,  on n’est jamais loin de cette fameuse libido.

            Le ça est inaccessible à la conscience, et il n’est possible de le voir qu’à travers le rêve ou de symptômes, le rêve étant la voie royale d’accès à l’inconscient.

            On peut donc imaginer la difficulté que peut rencontrer un historien pour explorer l’inconscient collectif du peuple français, alors que le psychanalyste est déjà obligé de ruser avec la psyché individuelle pour apercevoir des lueurs du ça individuel, à travers les rêves.   Existerait-il des rêves coloniaux, des actes manqués, susceptibles d’être auscultés et interprétés ? Que le collectif de nos chercheurs aurait omis de nous décrire ?

            Le ça est le plus souvent une zone obscure et on ne risque pas grand-chose à mettre les historiens au défi de nous décrypter nos rêves coloniaux, s’il en existe ? A quelle catégorie de rêves faudra-t-il les rattacher ? Celles du chapeau, symbole de l’homme, ou de la castration ? Celles de l’escalier, ou de Bismarck ? Ou enfin celle du rêve absurde ?

            Ou de celles, toutes nouvelles, issues de leur créativité fantasmatique, de la fatma mauresque dévoilée ou du cannibale blanc enfin démasqué ?

            Alors, et compte tenu de tous les aléas rencontrés par l’interprétation psychanalytique, déjà considérables pour l’analyse individuelle, comment est-il possible d’avancer des explications historiques relevant de l’impensé, de l’inconscient, du refoulement ?

            Non, ce n’est tout simplement pas sérieux !

            Nous avons choisi pour titre La supercherie coloniale, mais Le rêve colonial aurait été aussi un bon titre. Il aurait fait l’affaire. Pourquoi ne pas proposer à ce collectif de chercheurs de se livrer à des exercices individuels et collectifs d’interprétation psychanalytique de leurs rêves coloniaux ?

            En ce qui nous concerne, nous renonçons à cette ambition impossible, puisqu’il  conviendrait aussi d’explorer l’inconscient de nos parents et de nos grands parents, morts.

            S’agit-il du racisme actuel des Français, réel ou supposé, de la domination coloniale française passée, ou tout simplement de la fameuse libido ? L’importance accordée aux cartes postales des mauresques nues, au thème de l’érotisme colonial, pourrait le laisser croire.

             Il n’est qu’à consulter les quelques pages que l’Illusion Coloniale consacre aux femmes pour s’en convaincre (IL/128 et suivantes), en concentrant l’attention sur la nudité, les Mauresques, mais en ignorant tout de la nudité noire, fréquente dans beaucoup de sociétés africaines des 19ème et 20ème siècles, en même temps que de sa condition habillée, et beaucoup plus mélangée entre le nu et l’habillé à Madagascar et en Indochine. Dans ces deux pays, les situations  étaient géographiquement inversées, nudité sur le côtes et vêtement sur les plateaux dans la grande île, et nudité dans les hautes terres et vêtement dans les plaines en Indochine.

            Pour illustrer le propos, on n’hésite d’ailleurs pas à joindre, de façon tout à fait anachronique, une affiche d’un film américain daté de 1953 !

            Inconscient collectif des Français aux différentes époques coloniales ou inconscient collectif des Français des années 2000 ? Inconscient des peuples anciennement colonisés ou inconscient des descendants des mêmes peuples dans leur pays ou en métropole ?

            Ou plus simplement inconscient caché de ces chercheurs ?

            Tout cela est on ne peut plus embrouillé, et à cet égard la fameuse enquête de Toulouse entretient la plus grande confusion, car ses auteurs ont déclaré eux-mêmes que l’Algérie en était ressortie comme un de ses thèmes obsessionnels. Alors que la guerre d’Algérie se situe dans la période de décolonisation.

            Depuis le Colloque de janvier 1993, au cours duquel le ça colonial a fait une très étrange apparition, les chercheurs n’ont pas beaucoup progressé, sinon pas du tout, dans l’élucidation du ça colonial, ou du ça de l’Algérie, ou du ça de la France.

            Alors faudra-t-il recourir au ministère du prêtre exorciste pour faire sortir le diable colonial de notre corps, ou aux services de sorciers fétichistes pour extraire les mauvais esprits du colonialisme de notre corps et de notre tête ?

            Le ça comme fétiche ?

            Je conclurais volontiers ce chapitre en rappelant que l’historien Ki-Zerbo reprochait au grand historien colonial que fut Henri Brunschwig d’être un fétichiste de l’écriture, par opposition à la tradition orale. Cette nouvelle école de chercheurs a abandonné les rives de l’écriture ou de la tradition orale, pour nous proposer celles du fétichisme de l’inconscient, le ça colonial.

            Avec l’excuse de s’être fait ouvrir la porte de l’inconscient collectif colonial au Colloque de 1993 par l’entremise d’historiens reconnus pour le sérieux de leurs travaux.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Chapitre tiré de mon livre « Supercherie coloniale » (2008)

Publications du premier semestre 2016

Projet de publication au cours du premier semestre 2016

Tout d’abord merci à mes lecteurs et lectrices de l’année 2015, soit 3 452 visites, avec pour celles les plus importantes, et identifiées, 587 sur le thème des empires coloniaux, et 404 sur le thème de l’Algérie
Bonne année 2016

         En premier lieu, et comme annoncé, le texte du chapitre 9, tiré de mon livre « Supercherie coloniale », dont l’intitulé est « Le ça colonial ! L’inconscient collectif » (page 229 à 244) introduit sous le titre « Le fer à repasser » colonial ? Pourquoi pas ?

            En deuxième lieu, le texte sur la mémoire collective que j’ai publié sur le blog Etudes coloniales, reproduit ici avec l’accord de son responsable.

            Dans les semaines ou mois qui suivent :

            La revue Cipango, Année 2011, 18 : « Le Japon et le fait colonial -1 » – analyse critique

            « Dans le secret des archives britanniques – L’histoire de France vue par les Anglais 1940-1981 »  ou la décolonisation vue par les Anglais : François Malye et Kathrin Hadley – analyse critique

            « Notre révolte » par Maurice Challe » (1968) – compte-rendu sommaire et questions

            Guerres de décolonisation en Malaisie (1948-1960) et en Algérie (1954-1962) avec le roman de Han Suy : « …Et la pluie pour ma soif… » (1956)

            « Leçons indiennes »  Sanjay Subrahmanyam  (2015) – Analyse des réflexions, quelquefois dérangeantes, d’un intellectuel d’origine indienne présenté  par Le Monde du 17 avril 2015 comme « le père de la formule « histoire connectée », qui définit une démarche devenue centrale dans la discipline ». 

            Lecture critique du livre « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale » de Sophie Dulucq (2009), un sujet tout à fait stimulant, mais très difficile à situer dans le contexte des situations coloniales de l’époque considérée. Beau sujet d’agrégation d’histoire !

         Enfin, un analyse brève du contenu tout à fait passionnant du livre d’Eugen Weber, intitulé « La fin des terroirs », que beaucoup de chercheurs feraient bien de lire pour tenter de comprendre dans quel contexte historique métropolitain les conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1914 se sont déroulées : indigènes de métropole et indigènes d’outre-mer ?

Jean Pierre Renaud