« La fin des terroirs » Eugen Weber
Deuxième Partie
Les agents du changement (p,237)
« Des routes, encore des routes et toujours des routes » (chapitre XII, p,239)
La France changea de visage à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, avec la route, le rail, et l’école, après 1880, avec la Troisième République.
« Quand Maupassant et d’autres pêcheurs du dimanche parisiens allaient en diligence de Courbevoie à Asnières, à 9 kilomètres, ce village était aussi éloigné en temps de déplacement, de la capitale, que Rouen l’est en train aujourd’hui, ou Nice en avion. » « (p,243)
« Les changements réels semblent n’être intervenus qu’après la loi de 1881, qui autorisait la construction des routes rurales « reconnues d’intérêt public »…. En 1929, 76% des routes locales de Vendée avaient été construites après 1881. » (p,249)
En ce qui concerne le rail, il y avait 19 746 kilomètres de lignes en 1879 et 64 898 en 1910.
« Avant que la culture ne change en profondeur, il fallait que les conditions matérielles se transforment et dans ce processus le rôle de la route et du rail fut fondamental » (p,252)
« On a dit des routes qu’elles avaient cimenté l’unité nationale. Si la chose est vraie (et je pense qu’elle l’est), le plan Freycinet fit plus pour atteindre ces résultats que les grandes routes de la monarchie et de l’Empire, qui ne cimentèrent guère (même si cela était en soi beaucoup) qu’une structure administrative. » (p,268)
« Changement et continuité » (chapitre XIII) (p,269)
« l’entrée de la France dans l’ère industrielle a généralement été située en fonction du nombre d’engins mus à la vapeur. En fait, le développement des routes et des chemins de fer serait un indicateur plus sûr, car ce furent eux (et particulièrement les routes et les lignes ferroviaires locales de la fin du XIXème siècle) qui créèrent un véritable marché national dans lequel les marchandises et les produits fabriqués par les machines pouvaient être achetés et vendus. Bien plus, ils jouèrent un rôle crucial en répandant partout cette prospérité relative qui soutenait ce marché… Il y avait plus de gens travaillant dans la production artisanale que dans l’industrie à grande échelle. C’était vrai dans les années 1860… » (p, 269)
En 1876 : « On était encore loin d’une situation moderne. … Un pays de patrons. .. de petits artisans indépendants… C’étaient ces hommes et leurs aides, ou compagnons, qui formaient le public intéressé par les débats politiques dans les villes et les cités ; et c’étaient des gens comme eux qui à la fois maintenaient l’autarcie du village et aidaient les villageois à sortir de cette autarcie. » (p,270)
« Deux institutions importantes avaient maintenant commencé à décliner : la forge et le moulin du village. Tout comme le lavoir était le centre social des femmes, la forge était un lieu de rencontre pour les hommes du village… Si la forge était le centre social du village, le moulin était le centre social des campagnes : une sorte de salon rustique et enfariné, comme le disait un Breton. » (p,274)
« La campagne dans la ville » (chapitre XIV, p,283)
« « Ce n’était point la campagne, il y avait des maisons ; ce n’était pas une ville ; les rues avaient des ornières comme les grandes routes et l’herbe y poussait ; ce n’était pas un village, les maisons étaient trop grandes. » La description que Victor Hugo fait du faubourg Saint Marcel, valable pour la monarchie de Juillet, pourrait aisément s’appliquer à maintes villes de campagne une génération plus tard – et même deux ! Ville et campagne s’interpénétraient dans de petits centres endormis comme Cerilly (Allier), Millau (Aveyron)), Brioude et Yssingeaux (Haute Loire), Florac (Lozère), Saint Flour (Cantal) de telles viles, qui jouaient le rôle de « petites capitales » pour une demi-douzaine de communes se réveillaient périodiquement quand la brève animation du marché hebdomadaire ou de la foire saisonnière rompait leur sommeil. Mais c’était grâce à ces villes que la culture nationale et les changements qu’elle introduisait étaient transmis aux campagnes environnantes. Ce sont, disait Adolphe Blanqui, des « laboratoires où l’esprit d’entreprise de la bourgeoisie prépare les expériences dont bénéficieront les gens des campagnes… de gros bourgs ou de grands villages…» (p,283)
« La présence d’une communauté d’étrangers dans de petites villes comme celles-là, sans rapport avec leur mode de vie normal, c’était quelque chose qui ressemblait fort à une situation coloniale. » (p,284)
« Les paysans et la politique » (chapitre XV, p, 293)
Une observation de départ : il ne faut pas oublier que jusqu’à la fin du siècle, la paysannerie représentait plus de 80% de la population française.
« La politique, dans cette France rurale, en restait à un stade archaïque – local et personnel- et cela dura jusqu’aux années 1880 au moins. Dans ces zones, l’évolution vers la modernité, c’est-à-dire vers la conscience des problèmes sur un plan national et international, semble commencer après les années 1870. Cela vient de l’intégration de ces zones à la France, et renvoie à ce processus que nous avons déjà examiné : les manières et les valeurs des villes pénétrant les campagnes, la colonisation des campagnes par les villes. » (p,294)
J’ai naturellement souligné le mot colonisation à l’intention des chercheurs en histoire postcoloniale.
L’Etat dans ses multiples expressions, justice, fisc, ou police, fut longtemps considéré comme un oppresseur, et l’auteur fait une observation importante sur l’opinion publique de l’époque, une référence jamais mesurée ou identifiée pour beaucoup d’historiens :
« L’opinion publique « reste celle des villes et de la bourgeoisie ». Le public semble s’identifier à ces quelques électeurs qui lisent les journaux, la population à cette mince portion sociale « intelligente et lettrée ». Et finalement en 1898, le commissaire de police du Perthus distinguera non sans justesse la « population politique » de la « population générale » qui reste indifférente à la politique… » « (p,296).
Et l’auteur de remettre certaines pendules historiques à l’heure !
« Les historiens marxistes, en particulier, ont cherché à montrer que des tensions politiques de type moderne affectaient la paysannerie, et que ses luttes contre les propriétaires terriens et les autorités impliquaient une vision politique, une sorte de protestation correspondant au schéma de la lutte des classes. Marx était à cet égard plus averti. Pour lui, les paysans français n’étaient pas une classe, parce que l’«identité des intérêts » n’avait fait naître chez eux « ni communauté, ni lien national, ni organisation politique ». Etant arrivé à cette conclusion en 1850 avec le Dix Huit Brumaire de Louis Bonaparte, Marx ne voyait aucune raison de changer son jugement : il n’ajouta aucune note de bas de page à la seconde édition en 1869, pas plus que Engels pour la troisième en 1885… Tous deux en concluaient que la paysannerie, incapable de se représenter ou de fonctionner comme une classe, était « un agrégat de grandeurs homologues, comme des pommes de terre dans un sac forment un sac de pommes de terre. » (p,297)
Comment ne pas souligner cette formule choc ?
« Pendant la décennie de 1870, la crainte d’une restauration de l’Ancien Régime et de ses servitudes hanta les esprits de nombreux paysans. » (p,303)
Le grand nombre de rapports officiels rassemblés par le Second Empire et la Troisième République montre que la politique continuait à être locale, et que la politique locale continuait à être personnelle. « Il n’y a pas à proprement parler de partis politiques, disait le sous-préfet de Mirecourt (Vosges) en 1869, il n’y a que des partis locaux. » Tout comme la paysannerie de la Sarthe décrite par Paul Bois, les paysans de toutes les régions où j’ai enquêté, des Vosges à la Bretagne, restaient indifférents à la politique nationale, et ne s’intéressaient qu’aux problèmes et aux personnalités locaux. »
A la fin du siècle : « La politique, c’était l’affrontement de deux hommes… » (p,313)
« Maurice Agulhon a soutenu que cette adaptation des thèmes étrangers était importante pendant la période de transition, quand les populations rurales, encore peu touchées par le monde extérieur, pouvaient être entrainées par des slogans idéologiques correspondant à des haines ou à des aspirations locales, et quand l’interaction de ces thèmes avec la tradition locale s’intégrait dans le processus d’acculturation. C’est vrai. Mais il est bon de rappeler que ce qu’Agulhon dit de la société villageoise avant 1848 est resté valable plus de 50 ans après dans une grande partie de la France, dans des régions où le processus d’acculturation restait incomplet, et c’est ce type de tour de passe- passe qui fut à l’œuvre pendant au moins cent ans. » (p,314)
« Comment le nouveau langage de la politique était-il assimilé ? ou, pour le dire autrement, comment les masses politiques commencèrent-elles à agir comme si la politique n’était pas l’intérêt et l’apanage d’une petite minorité ?
Nous pouvons affirmer sans crainte qu’elles n’apprirent ce langage en lisant. « Les paysans ne lisent pas la littérature électorale », rapportait le sous-préfet de Rochechouart (Haute Vienne) en 1857. De fait, ils ne lisaient pas grand-chose en général. L’opinion dans les collectivités traditionnelles, venait d’un consensus global, non de points de vue développés de manière privée. Fondée sur des relations personnelles, l’opinion était modelée par la parole, non par l’écrit. Qu’il s’agisse des années 1850, où les publications politiques furent librement distribuées dans les campagnes, ou des quarante années qui précédèrent 1914, la propagande resta principalement verbale… » (p,321)
« Le langage politique des villes ne pouvait susciter une réaction positive que s’il était interprété et traduit en termes plus familiers.
Le rôle des interprètes était donc crucial, ainsi que leur nombre, leur variété, et leur capacité à pénétrer dans les couches profondes de la société rurale. » (p,322)
« L’ignorance rendait plus facile pour les politiciens et les « leaders » locaux de confondre et de manipuler les électeurs…
Le secret du scrutin ne fut pas particulièrement bien préservé jusqu’en 1914, époque à laquelle on introduisit les isoloirs et les enveloppes pour déposer les bulletins. » (p,327)
A partir de 1877 et de la Troisième République, la mairie, le véritable instrument de l’acculturation politique des Français :
« Et la politique, depuis 1877 en tout cas, avait fait son apparition au village où le maire, en outre, n’était plus nommé d’en haut, mais élu par le conseil municipal, conseil dont les membres étaient eux-mêmes élus par tous les hommes âgés de plus de vingt et un ans. Pour Daniel Halévy, cette révolution des mairies, qui affectait la structure même de la société, constitua un événement plus important que les révolutions de 1830 et 1848, qui ne concernaient que l’Etat…. « C’est introduire la politique au village » exultait Gambetta. » (p,328)
« La migration : une industrie de pauvres » (chapitre XVI, p,335)
Avec le développement des moyens de communication, le travail d’alphabétisation des écoles, le début d’une certaine industrialisation conjuguée avec l’urbanisation, les migrations changèrent la physionomie du pays.
« Dans le pays pris dans sa totalité, le pourcentage de la population née dans un département et vivant dans un autre, de 11,3% en 1861 et de 15% en 1881, passa à 19,6% en 1901. » (p,349)
« Un autre type de migration : le service militaire » (chapitre XVII, page351)
Il fallut attendre 1889, pour que le service militaire change de physionomie : « Jusqu’en 1889, l’armée restait un épouvantail et les soldats étaient craints et tenus en suspicion jusque dans leurs propres communautés » (p,356)
« En 1889, enfin, le service fut réduit à trois ans, la dispense de 1 500 francs fut abolie, et tous ceux qui avaient été exemptés auparavant (essentiellement les étudiants, les enseignants, les prêtres, les séminaristes et les fils ainés des familles nombreuses ou de celles dont le père étaient morts) durent servir un an sous les drapeaux. Cette mesure fut populaire. Ce fut le moment crucial à partir duquel tous les Français physiquement aptes commencèrent à faire leur service militaire ?. En 1905, la durée du service fut fixée à deux ans pour tous…. Mais la migration institutionnalisée et le brassage impliqué par le service militaire avaient commencé dans les années 1890. » (p,353)
« En résumé, il n’y avait pas assez de sens de l’identité nationale pour atténuer cette hostilité à l’armée » (p,357)
Le service militaire fut effectivement un instrument d’acculturation du pays, mais la diversité des langues restait un problème :
« Ceci suggère que l’armée doit avoir été la dernière institution officielle à maintenir la pratique du bilinguisme : les officiers s’adressaient aux troupes en français et les sous-officiers servaient d’interprètes le cas échéant. » (p,359)
L’auteur cite le cas de Lyautey, alors commandant, lorsqu’il prit la tête d’un escadron de cavalerie à Saint Germain en 1887, qui découvrait les conditions de vie très médiocres qui étaient celles de la troupe, et auxquelles il s’efforça de porter remède.
« Une sérieuse entreprise de civilisation : l’école et la scolarisation » (Chapitre XVIII, page 365))
« L’école, et particulièrement l’école du village, gratuite et obligatoire, s’est vue attribuer le processus d’acculturation final qui a transformé les Français en Français – qui finalement les a civilisés, comme aimaient le dire de nombreux éducateurs du XIX° siècle… Ce qui a rendu les lois de la République si efficaces, ce n’était pas simplement le fait qu’elles obligeaient tous les enfants à fréquenter l’école et leur accordaient le droit de le faire gratuitement. Ce furent les circonstances historiques qui rendirent les instituteurs et les écoles plus accessibles ; qui fournirent des routes grâce auxquelles les enfants pouvaient aller à l’école ; et que par-dessus tout, firent de l’école quelque chose de significatif et de profitable, une fois que sa fréquentation eut acquis un sens grâce au changement des valeurs et des perceptions.
Mon but est de montrer dans ce chapitre le développement de la scolarisation dans ce contexte particulier, de montrer comment elle s’accorde avec les changements indiqués plus haut, et en quoi son succès fait partie d’un processus global. » (p, 366)
« En 1876, près de 800 000 enfants sur un total de 4 500 000 d’âge scolaire, ne fréquentaient pas l’école. La plupart de ces enfants appartenaient à des communes rurales ; et bon nombre d’enfants officiellement enregistrés ne fréquentaient guère les classes. Il y avait là un problème persistant.
Le grand changement suivant eut lieu dans les années 1880. Il se serait produit auparavant, si le ministre de l’Instruction, Victor Duruy, avait pu développer les plans élaborés en 1867. Mais ce ne fut pas le cas, et la plupart de ses initiatives restèrent à l’état de projets. D’où l’importance des réformes introduites par Jules Ferry. En 1881, toutes les écoles primaires publiques devinrent entièrement gratuites. En 1882, la fréquentation de l’école publique ou privée fut rendue obligatoire. » (p372)
« L’une des raisons de la lenteur des progrès dans la lutte contre l’an alphabétisation – étrangement ignorée par les meilleures études sur le problème de l’éducation en France- était le fait que de nombreux adultes (et par conséquent leurs enfants) ne parlaient pas français…
Le problème majeur rencontré par les écoles publiques des 8 381 communes non francophones – et dans une bonne mesure par les 29 129 où le français était soi-disant d’usage général – était le moyen d’enseigner le français à des enfants qui ne l’avaient jamais (ou à peine) entendu. » (p,374)
« C’est seulement dans les années 1880, et plus probablement au tournant du siècle, que les efforts des années 1860 et 1870 donnèrent leurs fruits : produire une majorité d’adultes pour lesquels la langue nationale était familière.
Dans les villages, toute personne essayant de parler français n’aurait pas échappé aux moqueries de ses voisins », expliquait un éducateur de la Loire en 1864. « Elle aurait été tournée en ridicule » Ce type de pression – ainsi que certains autres- doit être pris en considération. La présence, dans une famille ou dans un groupe, de gens ne parlant pas français contribuait à maintenir l’usage de la langue locale. Jacques Duclos était né en 1896. Ses parents connaissaient le français mais ne l’utilisaient pas à la maison, peut-être parce que la grand-mère ne le comprenait pas. Le petit garçon n’apprit le français qu’à l’école.
Ainsi la transition devait-elle être nécessairement lente… »(p,375)
« Le recteur Baudouin, de Rennes, dans son grand rapport de 1880 parlait de la nécessité de « franciser » la péninsule – particulièrement les trois départements de la Basse Bretagne- grâce à l’extension des écoles, qui seule pouvait « vraiment unir la péninsule au reste de la France et compléter l’annexion historique toujours prête à se dissoudre » (p,376)
Avec en parallèle, la scolarisation des filles :
« Il découle de tout cela que les lois scolaires de 1880 eurent un énorme impact sur l’alphabétisation et la scolarisation des filles – deux domaines où elles étaient restées jusque-là très en retard. Quand les résultats de cette politique se firent sentir dans les années 1890, le rôle culturel des femmes dans la famille changea brusquement et, avec lui, les attitudes vis-à-vis de la scolarisation et de l’usage du français. » (p,378)
L’instituteur était devenu un personnage important, souvent plus que le curé ou le maire qui ne parlait pas toujours le français. Il n’en reste pas moins que l’état de la scolarisation souffrait encore de beaucoup d’imperfection selon la position géographique des villages, leur raccordement à un réseau de communication, et la pression qu’exerçaient les nécessités de l’activité agricole dans une France très majoritairement rurale.
De plus, « L’école fut considérée comme inutile très longtemps, car ce qu’elle enseignait, avait fort peu à voir avec la vie locale et ses besoins. L’instituteur enseignait le système métrique alors que les toises, les cordes et les pouces étaient encore d’usage courant ; il comptait en francs, alors que les gens parlaient encore de louis et d’écus. Le français était de peu d’usage quand tout le monde parlait patois et que les annonces officielles étaient faites par un crieur public dans le parler local. » (p391)
Les lois militaires furent également un facteur de francisation.
« Nous en arrivons ici à la plus grande fonction de l’école moderne : non pas tant enseigner des savoir-faire utiles qu’un nouveau patriotisme dépassant les limites naturellement reconnues par les enseignés. Les révolutionnaires de 1789 avaient remplacé de vieux termes comme maître d’école, régent, recteur, etc., par le mot instituteur, parce que l’enseignant était censé instituer la nation. » (p,398)
« Il n’y avait pas de meilleurs instruments d’endoctrinement et de conditionnement patriotique que l’histoire et la géographie françaises, et tout spécialement l’histoire qui, « correctement enseignée (est le seul moyen de maintenir le patriotisme dans les générations que nous éduquons. « (p,399)
« Tout comme la langue maternelle n’était pas la langue de leurs mères, la patrie était quelque chose de plus (de fait, quelque chose d’autre) que le lieu où leurs pères vivaient. Il fallut un vaste programme d’endoctrinement pour persuader les gens que la patrie s’étendait au-delà de ses limites perceptibles et formait cette réalité immense et intangible appelée « France. » (p,400)
L’auteur cite alors le rôle d’un livre scolaire dont le succès contribua beaucoup à la francisation du pays :
« En 1884, le Tour de France de Bruno, publié en 1877, avait été réimprimé 108 fois, et vers 1900, les ventes dépassaient huit millions d’exemplaires. Chaque enfant connaissait, lisait et relisait l’histoire des deux garçons alsaciens qui quittaient leur foyer après le décès de leur père pour répondre au vœu qu’il avait exprimé : qu’ils puissent être des Français. » (p,401)
L’ensemble des extraits de textes que nous venons de citer brossent le portrait d’une France très différente de celle que l’on trouve couramment racontée dans nos livres, laquelle fait toujours la part trop belle au monde des villes, pour ne pas dire trop souvent au monde parisien.
« Dieu est-il français ? » (Chapitre XIXème, page,407)
« Vers le milieu des années 1870, 35 387 703 personnes, sur les 36 millions d’habitants de la France étaient considérés comme catholiques par les recensements officiels ;… Quelle que fut la signification globale de ce fait, cela voulait dire que l’Eglise était partie intégrante de la vie. » (p407)
L’auteur cite maints exemples de l’emprise de l’Eglise sur la société de l’époque, une emprise qui n’était pas toujours d’une grande clarté évangélique, avec ce qu’il fallait de crédulité populaire, mais dont l’influence cédait progressivement du terrain.
Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés