Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?
Plus d’un demi-siècle plus tard !
Avec les « raisins verts » ?
Quatre chroniques sur la guerre d’Algérie et les accords d’Evian
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Troisième épisode
Histoire ou mémoires ?
Benjamin Stora
Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Stora ?
Ses talents d’historien engagé ? Ses positions d’intellectuel à la mode, ou sa condition d’enfant d’Algérie rapatrié en 1962 ?
Ou tout simplement son goût des médias, une sorte d’omniprésence dans beaucoup de médias ?
Les « raisins verts » des intellectuels issus de la matrice algérienne ? En concurrence avec les fils Joxe et Jeanneney ?
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Entre guerre et paix ?
« Benjamin Stora, la paix des mémoires »
Un gros titre noir dans La Croix des 12 et 13 novembre 2016, avec deux pages de portrait et d’interview (pages 10 et 11) et une grande photo de l’historien engagé.
A la page 10, une grande photo de l’historien engagé qui occupe presque la moitié de la page, – figure de prêtre, d’apôtre, pour quelle religion dans un journal chrétien ? – une grande photo d’un Stora ouvrant tout grand les bras, avec en sous-titre :
« L’historien Benjamin Stora a toujours cherché à briser les enfermements, à connaître les autres »
« La paix des mémoires » au lieu de « la guerre des mémoires » ? Monsieur Stora s’inscrirait donc aujourd’hui dans un autre registre de la mémoire, la paix des mémoires au lieu de la guerre des mémoires du petit livre qu’il publia en 2007. (voir ma critique sur ce blog)
L’historien raconte dans cette chronique : « J’avais 42 ans quand je suis passé pour la première fois sur un plateau de télévision » (page 11, La Croix)
Reconnaissons que depuis cette date, l’intéressé s’est bien rattrapé dans de très nombreux studios, colloques, ou tribunes, au point que de mauvais esprits pourraient se demander quand ce « bosseur » trouve le temps de « bosser ».
Le journal note d’ailleurs : « De nombreux téléspectateurs identifient Benjamin Stora à ses épais sourcils et à sa mine austère qui confortent le sérieux d’émissions comme « La grande librairie » ou « Bibliothèque Médicis ».
J’ai souligné le sérieux de ce commentaire louangeur.
Les deux pages fournissent maintes informations sur le curriculum vitae de l’intéressé, mais sans rien dire de son passé trotskiste – le vrai « fil rouge ? » – et de ses autres engagements politiques, qui éclaireraient sans doute son parcours, alors qu’il parle paradoxalement de sa « solitude politique » (p,11)
Le plus surprenant à mes yeux, et pour moi qui fut un grand lecteur et admirateur de Camus au cours de mes études, et encore après, fut d’apprendre que l’intéressé n’avait vraiment découvert Camus qu’en 1994, alors qu’il avait déjà 44 ans.
Etait-ce un titre suffisant pour justifier une coprésidence, avec Monsieur Onfray, d’une exposition consacrée à Camus, à Aix en Provence, dont le projet fut d’ailleurs abandonné ?
Benjamin Stora en captage d’héritage intellectuel, philosophique, et moral de Camus ?
Illustration de cette découverte-conversion :
Dans le journal Le Monde du 20 août 2014 « L’Eté en séries » (page18)
16 avril 1994Benjamin Stora quitte Sartre pour Camus
« LE MONDE » ET MOI
L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie coloniale et ancien militant trotskiste, s’est longtemps senti plus d’affinités avec la pensée de Jean-Paul Sartre qu’avec celle de Camus. Jusqu’à ce qu’il tombe, le 16 avril 1994, sur un article du « Monde » (1) saluant le roman inédit de Camus, « Le Premier Homme » :
… Cette lecture a totalement bouleversé l’image que j’avais de Camus et de la littérature… Et soudain, c’est de Camus dont je me sentais proche… Camus répétait-on était un auteur colonial. Le Premier Homme que je n’aurais pas découvert si vite sans cet article, a confirmé mes intuitions : travailler sur la mémoire, celle des personnes, des individus, est une tâche essentielle. Y compris pour les historiens. » Propos recueillis par Catherine Simon (1)
(1) Article de Florence Noiville intitulé « L’enfance inguérissable d’Albert Camus »
Depuis de très nombreuses années, Monsieur Stora inscrit son travail historique dans le champ médiatique, et je ne suis pas sûr que ce type de registre, tel qu’il en use, soit de nature à donner une autorité suffisante à un discours mémoriel ou historique, au choix, pour plusieurs raisons :
Guerre des mémoires ou paix des mémoires ?
L’historien a semé le trouble en lançant dans les médias et dans l’opinion publique l’expression « guerre des mémoires », une expression mémorielle qu’il n’a jamais eu le courage de faire mesurer.
Tout un courant intellectuel et médiatique se gorge de discours pseudo-historiques ou pseudo-mémoriels sur la guerre d’Algérie, sur l’histoire coloniale, le « déni » des Français à leur endroit, en tentant de nous persuader que l’histoire coloniale a constitué une pièce importante de notre histoire, alors que cela n’a pas été le cas, hors l’Algérie : beaucoup de Français n’en ont appris, ou connu l’existence, en plus de l’expérience, qu’à l’occasion de l’envoi des soldats du contingent.
Un discours mémoriel qui, non seulement laisse accroire que la mémoire de la guerre d’Algérie se confond avec celle de la décolonisation en général, mais aussi, que l’histoire de l’Algérie coïnciderait avec celle de la colonisation française dans son ensemble, alors que c’est le seul territoire qui a fait l’objet d’une longue tentative de colonisation humaine, en définitive modeste par rapport à certaines expériences et réussites anglaises.
Je suis loin d’être convaincu que les Français originaires d’Algérie, pas plus que les intellectuels issus de la « matrice « algérienne, soient les mieux placés pour nous raconter notre histoire, et nous convaincre que l’Algérie constitue l’alpha et l’oméga de notre « histoire du Sud ».
Mesure des mémoires ? Je ne suis pas sûr que les Français issus de la deuxième ou troisième génération d’immigrés venus d’Algérie connaissent mieux leur histoire, et ce n’est sans doute pas avec le discours idéologique du FLN, toujours au pouvoir, qu’ils y réussiront.
Hors Algérie, le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, et ce sont les nouveaux flux d’immigration algérienne qui lui ont fait prendre conscience de ce pan de notre histoire, avec une autre sorte de colonisation, notamment l’algérienne en France.
Le chroniqueur de La Croix écrivait : « Face au grand public rassemblé au théâtre de La Criée dans le cadre des Rencontres d’Averroès – un rendez- vous annuel de débats et d’échanges qui se déroule depuis 1994 dans la Cité phocéenne -, il cherchera une nouvelle fois à jeter des ponts entre des histoires qui furent conflictuelles. A rapprocher les mémoires… » (p,11)
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