V – Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?
IV L’enjeu impérial 1940-1944 (p, 184 à 218)
34 pages et 60 images
Avant-propos
Il est Inutile de rappeler qu’à partir de l’année 1940, la France était entrée dans un autre monde historique, celui d’une France occupée, sous le joug de la propagande d’une dictature allemande.
Le concept d’Empire, de même que le qualificatif d’ «impérial » utilisé par les deux historiens Blanchard et Bancel ont un caractère ambigu.
Il convient de rappeler aussi que les deux mêmes historiens, chevilles ouvrières de la collecte, du choix, et de l’interprétation des images coloniales sont les auteurs ou co-auteurs, hors présentation ou conclusion, de 28% des pages, et de 25% des images de ce livre.
Pascal Blanchard Gilles Boëtsch – « La Révolution Impériale Apothéose coloniale et idéologie raciale » (p,186 à 214 – 34 pages et 60 images)
Le lecteur a sans doute été surpris de lire sous la plume d’un historien le mot « apothéose », synonyme de déification, ou de triomphe, alors que la France était sous la botte allemande.
Indiquons par ailleurs que la thèse de l’auteur a porté en grande partie sur cette période et sur l’extrême droite française, en privilégiant le cadre géographique et historique de la France du sud-est.
Il est dommage que l’historien qui avait alors commencé à défricher le domaine de la presse, le seul vecteur où il était relativement facile de dénombrer les effets de la propagande coloniale, n’ait pas orienté les recherches ultérieures de son collectif sur ce domaine d’évaluation capital.
Pour avoir consulté sa thèse et analysé le texte actuel, il est évident que le collectif de chercheurs devait aller plus loin dans cette direction, c’est-à-dire procéder à un travail approfondi d’évaluation des tirages comparatifs des journaux, des pages consacrées aux thèmes coloniaux, en termes de surface ou de colonnes, avec leur chronologie.
« L’Empire à la croisée des destins » (p187)
« C’est bien à un véritable contrôle de l’image, directement organisé par l’Etat, que nous assistons sous Vichy… Très vite l’actualité coloniale s’est imposée dans l’imaginaire des français d’alors… (p,188)
Et plus loin : « …Avant de porter un jugement sur la réalité d’une politique coloniale cohérente de Vichy, il faut se souvenir que l’Empire et ses 60 millions d’habitants ne sont restés sous l’autorité de l’Etat français que trente mois.. » (p,189)
Ah bon ? Et sans compter les bouleversements crées par la défaite et l’exode de 1940 ?
Les supports de la propagande d’Empire (p,189)
Apologie impériale dans la presse et sur les ondes radiophoniques
… « Entre 1940 et 1944, la presse va largement promouvoir le discours sur l’Empire du nouveau régime, avec de nombreuses rubriques coloniales, régulières ou épisodiques, plus nombreuses qu’avant-guerre (voir l’encart sur « La presse et l’Empire ) » (p, 191)
… « La propagande de Vichy est beaucoup plus volontariste que celle mise en place sous la République de l’entre-deux guerres. Nous assistons à un véritable matraquage en France comme dans l’Empire… » (p, 193)
« Matraquage » le mot est-il approprié historiquement ?
« L’idée coloniale sur les écrans français » (p,194)
… « L’ensemble de cette production entre 1940 et 1944 est sans grand éclat, du moins sur le thème colonial, et le discours officiel est peu présent… »(p,194)
« Entre 1940 et 1944 » ? Dans la continuité historique ?
L’auteur continue son inventaire des vecteurs de propagande, mais sans que l’on soit plus éclairé sur leur importance et leurs effets.
… « Les apothéoses impériales
De la Semaine à la Quinzaine (p,201)
… Le petit train de l’Empire … Le train exposition colonial fut une manifestation de propagande de grande ampleur organisée par le Secrétariat d’Etat aux Colonies, dans le cadre de la Semaine de la France d’Outre-Mer en 1941, puis de la Quinzaine impériale en 1944. En 1942, il circule de début mai à à fin juillet, s’attachant à toucher en priorité les jeunes (50% de son public). Visité par plus de 122 000 personnes, il dégage près de 350 000 francs de recettes (voir les listes déposées aux Archives Ansom n° 513) » (p, 203)
L’auteur continue de préciser : « Ce périple va durer jusqu’au 27 juin 1944, après trente étapes et 113 000 visiteurs… » (p, 204)
Commentaire : comment ne pas rappeler que la France avait été totalement occupée le 11 novembre 1942, après le débarquement allié d’Alger, que la Bataille de Midway dans le Pacifique avait donné l’avantage aux Etats Unis en juin 1942, que l’armée allemande avait été battue à Stalingrad en février 1943, et qu’un débarquement allié avait eu lieu le 6 juin 1944 ?
Dans quel type de « bain » historique sommes-nous plongés ?
L’auteur souligne ensuite les caractéristiques racistes de la propagande de Vichy, mais que faut-il en tirer, une fois de plus, dans notre débat ?
« Les lendemains de la Révolution impériale
« Pendant ces quatre années dramatiques, l’Empire fut certainement pour les Français un exutoire, un espoir pour l’avenir et une consolation. Puis après cette période de propagande incessante, de lutte pour la plus grande gloire de l’Empire…on retrouve fin 1944, la reprise par la République, d’un discours propagandiste sans réelle rupture quant à la forme avec les années précédentes : l’idée coloniale atteint alors son paroxysme en métropole. Gavés de la loyauté de nos « indigènes »…mais très vite, les Français de métropole retrouvaient leurs sentiments et leur indifférence pour cette Union française qui leur semble bien loin de leurs préoccupations du moment… » (p,210)
Commentaire : j’ai souligné quelques-uns des mots et expressions qui fleurent bon à la fois l’exagération et la fiction, pour ne pas oser le mot de faux historique. Pourquoi ne pas proposer cet échantillon de texte à de jeunes historiens et historiennes pour un exercice de commentaire historique critique ?
Pascal Blanchard – « La Presse et l’Empire » (p 215, page unique et zéro image) : Intérêt = ? – Ex = non – Prop. = non
Un exercice de démonstration méthodologique qui aurait pu être intéressant, en dépit de son absence de signification historique, si l’auteur avait procédé à l’évaluation statistique des effets supposés qu’il décrit.
Il semble difficile d’admettre que des chercheurs s’évertuent à décrire des effets de propagande littéraire, alors que la presse manque à l’appel comme source d’évaluation précisément des effets de la propagande coloniale.
Eric Deroo – « Les troupes coloniales » (pages 216 à 218 – 6 images)
Intérêt = oui – Ex=non – Prop.= ? pour l’Union Française ?
Conclusion : pourquoi ne pas souligner que, comme par hasard, la propagande coloniale décrite au cours des deux périodes de guerre 14-18 et 40-44, à la condition sine qua non qu’elle eut l’efficacité décrite, le fut beaucoup plus que celle des trois autres périodes (1880-1919 – 1919-1939 – 1945-1962) ?
Sommes-nous encore dans l’objet historique traité ?
Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés