Culture Coloniale ou Supercherie Coloniale (3)

 Pourquoi critiquer sur le fond, et sur la méthode, le discours de ce collectif de chercheurs ?

            Ce n’est pas leur choix des supports d’une culture coloniale ou impériale supposée, que nous contestons, mais leur analyse fondamentale.

            Il n’est pas possible, sur le plan de l’honnêteté intellectuelle, de tirer des conclusions à partir du moment où l’on se refuse à tenter de mesurer le poids de chaque support, par exemple, le tirage des journaux aux différentes époques, la place qu’ils réservaient aux colonies, l’écho que les journaux parisiens ou provinciaux donnaient à tel fait colonial. Or rien de cela n’a été fait par ce collectif, et la thèse Blanchard n’apporte d’informations à ce sujet , que tout à fait relatives, avec un choix restrictif des titres,  pour une période de temps limitée et un champ géographique également limité.

            Absence d’analyse quantitative (colonnes, superficie, année par année…) et qualitative : est-ce que les journaux disaient du bien ou du mal des colonies, ou étaient-ils simplement indifférents, comme l’ont déclaré un certain nombre de spécialistes.

            Donc analyse, sans doute après échantillonnage statistique, garanti, du poids du support d’information et de culture, analyse du poids relatif de l’article ou des articles, de l’image ou des images consacrés à la chose coloniale, et analyse qualitative des contenus positifs, négatifs ou neutres.

            Peut-être aurait-il été nécessaire de mesurer les effets positifs, négatifs, ou neutres, d’un événement colonial sur l’opinion publique, en choisissant ceux qui ont pu l’agiter et ceux qui auraient du l’agiter, par exemple la guerre du Rif au Maroc, dans les années 1925-1926, ou la révolte de Yen Bay, en 1930, en Indochine, si tel a été le cas.

            Nous avons donné plusieurs exemples concrets de ce type de méthode statistique de lecture et d’interprétation dans le chapitre Presse, dont celui du journal Ouest Eclair, dans les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale.

            Le lecteur aura pu prendre la mesure de ces insuffisances et imprécisions dans presque tous les cas de figure, et notamment dans le domaine des livres scolaires, domaine dans lequel les travaux connus contredisent le discours mémoriel. D’autant plus que les pages consacrées aux colonies figuraient en fin de livre, c’est-à-dire à la fin du programme scolaire: qui peut assurer qu’elles ont été effectivement lues ou commentées par les enseignants, juste avant les grandes vacances?

            Mais les mêmes insuffisances et approximations existent pour les cartes postales, les affiches, le cinéma, ou la propagande elle-même.

            Chiffres changeants, incertains, dont il conviendrait de démontrer la consistance et l’origine, alors que les contributions elles-mêmes du Colloque ou du livre Images et Colonies portent sur des séries généralement réduites ou flottantes, ce qui n’empêche pas nos chercheurs d’en tirer des conclusions mirobolantes.

             Le colloque a examiné environ six cents images (C/141), mais l’introduction du livre Images et Colonies fait état d’un recensement du groupe de recherche de l’Achac qui porterait sur plus d’un million d’images qui auraient été analysées au sein de son séminaire, et présentées au cours d’un colloque international organisé par l’Achac à la Bibliothèque nationale en janvier 1993,  suivi de la publication des actes. (IC/8) Il s’agit du même colloque et le chiffre du million parait surprenant, compte tenu des propos qui ont été précisément tenus à ce colloque.

            L’analyse que nous avons effectuée sur les différents supports a démontré qu’il manquait une évaluation quantitative et qualitative des supports d’information et de culture et de la place qu’ils accordaient à la chose coloniale, ainsi que de leurs effets sur l’opinion, pour pouvoir prétendre énoncer telle ou telle conclusion sur leur rôle respectif dans la formation d’une culture coloniale, posée comme postulat.

            La démonstration historique reste donc à faire pour savoir si la presse a été ou non coloniale, si l’école, les cartes postales, le cinéma, les affiches, les expositions, ont joué le rôle que lui prête ce collectif de chercheurs. Textes ou images, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes, et il est difficile d’admettre que l’interprétation des images, en tant que telles, et dans leur champ spécifique des signes, soit laissée à la seule initiative des historiens.

            L’effet de loupe-          Le discours de la méthode du Colloque de 1993 mettait en garde ses participants sur les dangers de l’effet de loupe, et nous avons vu, avec l’exemple du grain de riz de l’Indochine présenté comme le symbole d’une propagande coloniale tonitruante, à quelles conclusions erronées pouvait conduire ce type de déformation visuelle, mais d’abord intellectuelle.

            Encore conviendrait-il de remarquer que le mot propagande pour le bon socialiste qu’était Marius Moutet n’avait pas du tout le même sens que pour les fascistes, les communistes ou les nazis. Et d’ajouter qu’elle n’avait rien à voir avec celle de Tchakhotine et de son Viol des Foules.

            Effet de loupe sur l’objet même de l’étude à partir du moment où jamais n’est mis en comparaison l’imaginaire colonial, pour autant qu’il ait existé et qu’il existe encore, avec d’autres imaginaires puissants qui ont pu exister dans les différentes étapes de la chronologie historique : la saignée de la première guerre mondiale, la crise des années 30, la montée de la menace nazie et fasciste, la lutte fratricide franco-française pendant l’occupation allemande, puis le rêve américain et la guerre froide.

            Même effet de loupe pour le Petit Lavisse, les zoos  humains, les indigènes nues, Mauresques de préférence, Banania, ou Tintin au Congo ! Bled, Pépé le Moko, ou l’Atlantide ? Oublierait-on que Banania fut avant tout une publicité pour le petit déjeuner des enfants.

            Effet de loupe qui occupe plusieurs étages, les sous-sols de l’inconscient qui disputent la place des étages supérieurs, où se situent des imaginaires dominants ou dominés, en conflit, imaginaires qu’il conviendrait de définir et de délimiter aux différentes époques historiques. Le collectif de chercheurs n’a proposé à ce sujet aucune méthodologie, et naturellement aucun résultat.

            Donc, un puissant effet de loupe, ce qui veut dire sophisme du raisonnement historique, puisque l’effet de loupe procède d’un raisonnement sophistique.

            Nous avons vu en effet, au fil des chapitres, que nos chercheurs n’hésitaient pas à généraliser une observation, un fait, une image, sans se préoccuper de la question de leur représentativité dans un corpus déterminé. Selon le bon exemple du Français qui débarque sur les quais de la Tamise, voit une anglaise rousse, et en conclut que toutes les anglaises sont rousses.

            Car il nous faut revenir à présent sur les Actes du Colloque et sur le livre Images et Colonies pour apprécier leur discours par rapport au découpage chronologique de ces deux sources.

            Le Colloque n’avait pas, d’après les actes, d’ambition chronologique et historique, et n’avait pas encadré sa réflexion dans un calendrier historique précis. Il s’agissait plus de la part de ses participants d’un premier défrichage intellectuel du sujet, que d’un travail d’approfondissement de travaux déjà largement engagés.

            Il est d’ailleurs important de noter que l’objet du colloque était le suivant : Quelles représentations de l’Afrique ont aujourd’hui, les Français et les Européens ?

 Il  ne s’agissait donc pas d’un travail historique collectif proprement dit.

            Le livre Images et Colonies proposait lui un ensemble de contributions très variées, souvent de bonne qualité, qui s’inscrivaient dans une chronologie acceptable, 1880-1913, 1914-1918, 1919-1939, 1940-1944, 1945-1962. La prise en compte séparée des deux périodes de guerre était tout à fait justifiée, car on ne peut pas mettre sur le même plan la situation de l’opinion publique, en temps de paix et en temps de guerre. C’est à peu de choses près, le découpage chronologique qu’avait proposé M.Gervereau au Colloque de 1993. (C/56)

            A chacune des périodes examinées, la facture de ces contributions était quelquefois historique, quelquefois artistique, ou simplement intellectuelle, et leurs auteurs n’avaient pas toujours l’ambition ou l’intention d’en faire un aliment pour une guerre des mémoires à venir.

            Alors que l’objet même du Colloque de 1993, l’évaluation des représentations que les Français et les Européens d’aujourd’hui ont de l’Afrique, le Colloque n’a pas suggéré de procéder à un sondage en vraie grandeur, à l’initiative  de la puissance publique, qui aurait pu mettre au clair cette question, question à laquelle le sondage de Toulouse n’a pas apporté de réponse.

            Les Actes de ce Colloque n’ont malheureusement pas débouché, en tout cas, à notre connaissance sur la mise au point de méthodes d’évaluation historique des textes et images de notre histoire coloniale moderne.

            Et, comme nous l’avons souligné plus haut, faute de preuves, des historiens distingués ont ouvert à cette occasion la porte du ça colonialde l’inconscient collectif, indéfini et indéfinissable, qui appelle à des interventions historiques ou mémorielles, liées à la psychanalyse, et qui sait à la sorcellerie.

Humeur Tique: Lagardère au Bois de Boulogne, Coupe du Monde et prestige des marabouts

Humeur Tique: un Maire de Paris socialiste et Lagardère, ensemble au Bois de Boulogne, Coupe du Monde et marabouts

    Un Maire de Paris socialiste et Lagardère au Bois de Boulogne (Le Monde Magazine du 26 juin 2010): les intérêts d’une caste

 Sept hectares du Bois de Boulogne concédés en 2006 au groupe Lagardère au profit d’une petite clientèle de la bourgeoisie huppée, ça n’est pas rien!. Une concession, d’autant plus curieuse qu’elle a été accordée par une municipalité socialiste, alors qu’elle avait l’occasion de redonner ces hectares aux Parisiens.  C’est à l’occasion d’un conflit interne, que le magazine nous documente sur le fonctionnement concret du « pré carré ».

   Deux observations:  – la première relative au rôle de ce club dans ces lieux prestigieux,  des lieux d’un consensus politique et mondain, droite et gauche,  ensemble, sportives.

   – la deuxième concernant l’histoire du Bois de Boulogne: il est inacceptable que la donation faite à la Ville de Paris par le régime de Napoléon III reste confisquée par une caste de citoyens parisiens fortunés. 

  Coupe du Monde et Marabouts

 L’équipe de France n’avait sûrement pas choisi les bons marabouts, mais qu’en est-il de la bonne et vieille Afrique? Seul le Ghana aurait su entretenir les bons marabouts? En tout cas, bonne chance au Ghana, avec ou sans marabouts!

A la mémoire de Jean-Joseph Rabearivelo, grand poète malgache!

Jean-Joseph Rabearivelo s’est suicidé le 22 juin 1937, de tristesse et de désespoir. Il avait célébré sa future mort, et son retour vers sa terre natale, dans ces vers:

    Avec l’idée – oh! sans trembler – qu’un jour ma chair

   et mon front

   et mes os pourriront

   en ton sein, au mlilieu

   des restes innombrables

   et méconnaissables

   de mes aïeux

 Ce suicide signait à sa façon l’échec d’une colonisation française pleine de contradictions, aveugle, et bien incapable d’ouvrir les portes de la République Française à tous ses enfants de l’outre mer. Le grand poète n’en pouvait plus d’être déchiré entre deux mondes, celui de ses ancêtres et celui du colonisateur

Humeur Tique: Préfet du Loiret, Bis Repetita; Libé des 19 et 20/06/10, Le Mag des mêmes jours « L’Iran, les arts et la manière », 108 275 étrangers naturalisés-Le Monde du 18/06/10

Bis Repetita du Préfet du Loiret ou Vice Repetita de Libé ?

            Pourquoi jouer aux « trop belles âmes » et ne pas admettre qu’un certain nombre d’étrangers connaissent admirablement notre façon de fonctionner et la façon de détourner nos procédures ?

            Est-ce qu’un grand journal est obligé d’enfourcher à chaque fois la cause d’étrangers en difficulté vraie ou supposée, en oubliant le bien commun de notre pays, y compris des étrangers qui sont déjà chez nous à titre régulier ?

« L’Iran, les arts et la manière », le Fig Mag des 19 et 20 juin 2010

            Chronique intéressante sur le plan des arts, mais est-ce que Libé ne craint pas que la signature de cet article ne soit utilisée à de basses fins de propagande par les bassidjis du régime iranien, compte tenu du curriculum de son auteur ?

            La signature d’un Occident diabolique ?

108 275 étrangers naturalisés en 2009, le Monde du 18 juin 2010

            Les lecteurs qui nous font la faveur de nous consulter ont eu la possibilité de s’interroger sur la fiabilité des chiffres successifs d’étrangers présents en France, chiffres publiés par notre journal bien – aimé. Un chiffre de plus, afin de mieux comprendre pourquoi l’immigration chahute, « sociologiquement », certains quartiers de nos villes. 

  Mais il doit s’agir uniquement des naturalisations par décret!

La « Culture Coloniale » du Larousse Mensuel Illustré (1907-1913)


            Dans leur livre  « Culture coloniale- La France conquise par son Empire »,
 les deux historiens Blanchard et Lemaire distinguent « trois moments dans cette lente pénétration de la culture coloniale dans la société française, le temps de l’imprégnation ( de la défaite de Sedan à la pacification du Maroc), le temps de la fixation (de la Grande Guerre à la guerre du Rif) et le temps de l’apogée (de l’Exposition des Arts décoratifs à l’Exposition coloniale internationale de 1931… nous avons choisi de multiplier les approches pour mieux cerner ses modes d’expression. Cette transversalité de la démarche permet de comprendre la complexité d’un phénomène pourtant extrêmement simple : comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper. Non pas coloniaux au sens d’acteurs de la colonisation ou de fervents soutiens du colonialisme, mais au sens identitaire, culturel et charnel» (page 7 et 8)

            Vous avez bien lu : « charnel » !

            Et pour mieux nous guider, un détour par le Petit Robert !

            Imprégnation : 1° : Fécondation – 2° : Influence exercée par une première fécondation – 3° : Pénétration d’une substance dans une autre.

            Fixation : 1° : Action de fixer – 2° : Le fait de se fixer (personnes) – 3° Pyschan. « Attachement intense de la libido à une personne, à un objet, ou à un stade de développement… (Lagache)

            L’histoire coloniale a effectivement fait un grand pas, un pas de géant dans l’inconscient collectif, cher à cette nouvelle école de chercheurs.

            Un petit exercice de méthode donc, aux fins de tenter de mesurer, à partir d’un des vecteurs de cette culture coloniale supposée, ou fictive, comme nous le verrons, existant au cours du premier « temps de l’imprégnation ».

        Test d’évaluation de la « culture coloniale » de l’élite : le Larousse Mensuel Illustré des années 1907-1913

        Comment est-il possible d’affirmer que la France a eu une culture coloniale pendant la période coloniale, alors que l’histoire coloniale fait preuve d’une carence notoire dans l’analyse des sujets coloniaux traités par la presse nationale et provinciale ?

            A la lecture de certains ouvrages spécialisés d’histoire coloniale, l’ai été frappé par le discours que leurs auteurs tenaient sur la presse française au cours de la période coloniale allant de 1890 à 1960, une presse supposée coloniale, nationale ou provinciale, alors que la presse n’a jamais fait, à mon avis et jusqu’à présent, l’objet d’un travail d’analyse statistique sérieux, afin de déterminer la place accordée aux questions coloniales dans cette presse, en lignes, colonnes ou pages, et parallèlement en termes de contenus, favorables ou défavorables.

            Rares ont été les mémoires partiels, tous intéressants, déposés sur ce sujet, en tout cas, ceux que j’ai pu consulter.

            Le célèbre livre de Girardet intitulé « L’idée coloniale en France» (1871-1962), paru en 1972 est très succinct  sur la presse, pour ne pas dire muet, alors qu’il parait difficile de traiter un tel sujet, sans effectuer une analyse statistique solide sur la presse. Rien dans le chapitre IV intitulé « La conquête de l’opinion »!

            A croire qu’il n’existait, alors, pas encore d’outils d’évaluation statistique !

            Même constat, en ce qui concerne le petit collectif de chercheurs historiens ou sociologues, au choix, animé par les deux historiens cités plus haut, d’après lesquels, entre 1880 et 1960, la propagande coloniale aurait « tissé une toile », « inondé », et réussi à « parfaitement intérioriser la légitimité de l’ordre colonial », alors que ce collectif n’a pas apporté la démonstration de l’influence de la presse.

            J’ai consacré un chapitre du livre « Supercherie coloniale » (1) à la presse et démontré que rien, dans l’état actuel des recherches, n’accréditait un tel discours, dont le héraut principal, a effectué une thèse intitulée « Nationalisme et colonialisme » tout à fait limitée sur la presse, tant sur le plan chronologique (1930-1945), que thématique.

            Un exercice de mesure du colonial

            A titre d’exemple, je propose donc aux lecteurs de me suivre dans la consultation des Larousse mensuels illustrés pour la période 1907-1913, afin de mesurer la place que ces ouvrages destinés à une élite française consacraient à l’information coloniale.

            Au total, pour la période considérée, cette publication contenait sur plus de 1700 pages un ensemble très varié et très riche d’articles, de gravures, de croquis, de cartes et de schémas

            Notons tout d’abord que la table alphabétique des matières ne comporte aucune rubrique « colonies ».

            En ce qui concerne la période 1907-1910, la place de l’information consacrée aux colonies est très limitée, pour ne pas dire anodine : en 1907, une colonne, ou à peu près, pour le roi Toffa du Dahomey, en 1908, pour un personnage du Tonkin, Déo-van-tri, et pour la maladie du sommeil. En 1909, silence complet sur les colonies !

            En 1910, 2 pages sont consacrées à la pacification de la Mauritanie, mais surtout à l’action du général Gouraud dans l’Adrar. Une demi-colonne pour évoquer la définition de l’indigénat.

            Résultat  pour 1907-1910: l’information coloniale frise avec le zéro sur les 800 pages du volume !

            Qu’en est-il des années 1911-1913, sur les 914 pages du volume ?

            En 1911, 14 pages au total sur le Tchad, l’Ouaddaï, le Maroc, l’AOF et Dakar.

            En 1912, 8 pages sur Zinder, le Maroc, et l’Indochine.

            En 1913, 7 pages sur le Maroc, avec la guerre du Rif.

            Résultat : l’information coloniale frise également avec le zéro, 0,03% des pages.

            Alors, ni toile tissée, ni inondation, ni intériorisation de la légitimité de l’ordre colonial !

            Les textes les plus longs concernent :

            – en 1911, le bilan très technique de la construction du port de Dakar et des lignes de chemin de fer de la nouvelle AOF (4 pages1/2 avec 6 cartes) avec leur coût, 200 millions de francs de l’époque, soit de l’ordre de 640 millions d’euros.

            – en 1912 et 1913, les opérations militaires au Maroc (de l’ordre de 16 pages), la guerre du Rif, avec Lyautey, et l’Espagne sur le versant nord.

            – en 1912, une information technique sur les nouvelles lignes de chemin de fer en Indochine, notamment vers le Yunnan.

            Et pour terminer, le même dictionnaire consacrait 4 pages de son deuxième volume, en janvier 1913, à la guerre italo-turque de Tripolitaine.

            Au lecteur donc de juger de la pertinence de la thèse dénoncée et aux chercheurs en histoire d’aller plus loin dans le dépouillement statistique des sources d’une culture coloniale supposée ou fantôme, car il faut bien sûr aller plus loin et de façon sérieuse.

            Fécondation ? Voire ! Et en tout cas éviter à tout prix une fixation sur la deuxième période d’un découpage de période historique « suspect ».

            Jean Pierre Renaud – (1) Supercherie Coloniale – Mémoires d’Hommes – 2008

Scientificité des thèses d’histoire coloniale? Est-ce le cas?

Que penser des thèses d’histoire coloniale ?

Secret de confession universitaire ou tabou colonial ?

Pertinence scientifique et transparence publique des thèses en général et d’histoire coloniale en particulier ?

Sont-elles scientifiquement pertinentes, alors que leurs jurys cachent leur avis et le résultat de leurs votes ?

Au sujet des thèses Blanchard, Bancel, et Lemaire… et sans doute d’autres thèses !

             Au cours des dernières années, mes recherches d’histoire coloniale (d’amateur) m’ont conduit à aller à la source, c’est-à-dire à prendre connaissance de plusieurs thèses d’histoire coloniale qui donnaient, je le pensais, un fondement scientifique aux interventions verbales ou aux ouvrages écrits par leurs auteurs.

            J’ai donc consulté les trois thèses des trois historiens (Blanchard, Bancel et Lemaire) qui soutenaient la thèse soi-disant  historique d’après laquelle la France aurait été dotée, lors de la période coloniale, d’une culture coloniale, puis impériale.

            J’étais, en effet, plutôt surpris par la teneur des discours que ces derniers tenaient sur ce pan largement ignoré de notre histoire nationale.

            Accréditation scientifique ?

            La consultation et la lecture de ces thèses me donnèrent la conviction qu’elles ne suffisaient pas toujours, totalement ou partiellement, à donner une accréditation scientifique à leurs travaux, dans le domaine de la presse, des sondages, des images coloniales quasiment absentes et sans aucune référence sémiologique dans les thèses en question, et d’une façon générale en ce qui concerne la méthodologie statistique, économique ou financière mise en œuvre.

            Constat surprenant, alors que le terme de « scientifique » est souvent mentionné dans les arrêtés qui ont défini la procédure d’attribution du titre de docteur par les jurys : intervention d’un conseil scientifique, intérêt scientifique des travaux, aptitude des travaux à se situer dans leur contexte scientifique…

            Il me semblait donc  logique d’aller plus loin dans mes recherches, c’est-à-dire  accéder aux rapports du jury visés par les arrêtés ministériels de 1992 et 2006, rapports susceptibles d’éclairer l’intérêt scientifique des travaux. J’ai donc demandé au Recteur de Paris d’avoir communication des rapports du jury, communication qui m’a été refusée, alors que la soutenance était supposée être publique.

            Mais comment parler de soutenance publique, s’il n’est conservé aucune trace du débat, du vote (unanimité ou non) du jury, et s’il n’est pas possible de prendre connaissance des rapports des membres du jury, et donc de se faire une opinion sur la valeur scientifique que le jury a attribué à une thèse, ainsi que des mentions éventuellement décernées.

            Je m’interroge donc sur la qualité d’une procédure

            – qui ne conserverait aucune trace d’une soutenance publique, sauf à considérer que celle-ci n’a qu’un caractère formel.

            – qui exclurait toute justification de l’attribution d’un titre universitaire, appuyé seulement sur la notoriété de membres du jury, alors même que ce titre est susceptible d’accréditer l’intérêt scientifique de publications ultérieures, ou de toute médiatisation de ces travaux.

            Conclusion : les universités et leurs jurys seraient bien inspirés de lever ce secret, sauf à jeter une suspicion légitime et inutile sur le sérieux scientifique des doctorats qui sont délivrés, sauf également, et cette restriction est capitale, si mon expérience n’était aucunement représentative de la situation actuelle des thèses et des jurys.

            La transparence publique devrait être la règle.

            Pourquoi en serait-il différemment dans ce domaine de décisions, alors que la plupart des décisions publiques sont aujourd’hui soumises à des obligations démocratiques utiles de transparence publique.

            Il parait en effet difficile d’admettre que, sous le prétexte de préserver le secret de la vie privée, le secret des délibérations sûrement, mais pas le reste, il soit possible de sceller tout le processus supposé « scientifique » du même sceau du secret.

            A l’Université, en serions-nous encore, à l’âge du confessionnal et de l’autorité d’une nouvelle l’Eglise? Les jurys auraient donc quelque chose à cacher ? Un nouveau tabou ?

            Et en post scriptum, une thèse à l’EHESS :

             J’ai eu l’occasion d’analyser, en 2009, une thèse consacrée à l’histoire coloniale, au développement et aux inégalités dans l’ancienne Afrique Occidentale Française, au titre de l’EHESS, et sous la direction de Denis Cogneau (professeur associé à Paris School of Economics) et Thomas Piketty (professeur à l’Ecole d’Economie de Paris), avec le concours de deux rapporteurs, Jean-Marie Baland, professeur à l’Université de Namur, et Esther Duflo, professeur au Massachusetts Institute of Technology, plus deux autres membres éminents, Pierre Jacquet, Chef économiste à l’Agence Française de Développement, et enfin Gilles Postel-Vinay, Directeur de recherche à l’INRA, Directeur d’études à l’EHESS.

            La thésarde a fait un très gros travail d’analyse, mais sur des bases statistiques fragiles et en faisant un très large appel à un appareil de corrélation mathématique et statistique savant, mais audacieux, en projetant des raisonnements qui enjambent la période d’explosion démographique de la deuxième moitié du siècle, et quelquefois le siècle.

            Il serait intéressant d’avoir accès aux rapports des membres du jury, au contenu des délibérations, et au vote du même jury, et pas uniquement à l’article de Mme Duflo, dans Libé du 2/12/2008, intitulé « Le fardeau de l’homme blanc ? », dont le contenu était favorable aux conclusions de cette thèse.

            Et j’ai tout lieu donc de penser que, pour assurer son crédit scientifique,  la toute jeune Ecole d’Economie de Paris a eu à cœur d’innover en matière de transparence publique, et donc d’accréditation scientifique des travaux qu’elle dirige.

            Jean Pierre Renaud, docteur en sciences économiques, et ancien haut fonctionnaire

Football, Coupe du Monde 2010, et histoire de l’Afrique

Football, Coupe du Monde 2010, et histoire de l’Afrique

   Une réflexion éclairante de Monsieur Moussa Konaté dans son livre « L’Afrique noire est-elle maudite? », sur le poids de la culture africaine:

 « Les Noirs africains vivent dans une forêt d’interdits embrassant tous les domaines de la vie, dont l’origine remonte  à des mythes prétendant encadrer de façon absolue et immuable la vie entière de l’individu. Or, quiconque souhaite s’affranchir d’une telle tutelle, s’émanciper, saisira la moindre occasion qui lui sera donnée. La danse et les activités sportives comptant parmi les rares espaces à ne souffrir d’aucune interdiction, qu’y a-t-il d’étonnnant à ce que les Noirs africains s’y adonnent à coeur joie. (page 165,166) »

    Nous verrons ce qu’il en est aux résultats de la Coupe du Monde 2010, qui se joue en Afrique du Sud

Humeur Tique: en vrac politique, Boutin, Hirsch, les USA dans le « 9-3 »

    Boutin: de Ribery à Boutin, pourquoi pas? Toujours le fric, le fric, et aussi l’avidité, peut-être la servilité, alors que Mme Boutin est paraît-il leader d’un parti intitulé « chrétien démocrate »: mais où est le christianisme dans tout cela?

   Déjà, son directeur de cabinet, également chrétien démocrate, alors qu’elle était ministre du logement, s’était accroché à son job, alors qu’il bénéficiait d’un très beau logement de fraternité politique, à prix d’ami. Dur, dur, de se résoudre à ne plus toucher au pot de miel!

   Hirsch: Bravo Monsieur Hirsch pour l’oeuvre du RSA, dont les résultats sont encourageants! Bravo d’autant plus sincère que je n’ai jamais nourri une admiration sans borne pour les produits de l’ENA, mais sans doute fallait-il un ENA pour donner de la crédibilité au projet. Car, il n’y a rien de pire pour un chômeur que de perdre le sens et l’habitude du travail.

  Tous mes encouragements pour la mise en place d’un véritable service civique, capable de donner à un certain nombre de jeunes, le sens du service, du collectif, de l’appartenance à la communauté nationale, ce que contribuait à réaliser de plus en plus mal le service national..

  Les USA dans le 9-3 : le Monde des -,7 juin 2010 – Washington à la conquête du « 9-3 »

 « Qui connaît le mieux les banlieues françaises? Sans doute l’ambassade des Etats Unis, qui y tisse un solide réseau, à la recherche des futures élites »

    Les Américains meilleurs que nous pour aborder positivement le dossier de nos quartiers sensibles, pourquoi pas? Mais les connaisseurs du même dossier savent que ce n’est pas trop difficile, compte tenu de l’aveuglement persistant de nos élites politiques. Ceci dit, il est toutefois possible de se demander si l’article en question ne fait pas trop reluire la lucidité politique de Washington. 

L’Afrique et ses élites prédatrices: interview M.Thioub, Le Monde du 1er juin 2010, Philippe Bernard

L’Afrique et ses élites prédatrices

Alors que l’on célèbre l’anniversaire des indépendances africaines, ce continent n’en finit pas de solder ses comptes avec le colonialisme et les traites négrières relayées par une exploitation et une inégalité endémique 

L’Afrique et ses élites prédatrices

Interview de l’historien Ibrahima Thioub, actuellement résident à l’Institut d’études avancées à Nantes

Le Monde du 1er juin 2010 (Le grand débat Décryptages, page 19), par M.Philippe Bernard

        Une interview au contenu intéressant, car M.Thioub n’inscrit pas son propos dans une réflexion simpliste sur les relations ancien colonisateur – colonisé, et sur la nature de la traite négrière, mais ce texte soulève beaucoup de questions.

            Traite transatlantique et traite domestique

            Dans l’article qu’il a publié dans le livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du Président Sarkozy » (voir l’analyse du blog (3/03/2010), l’historien proposait une analyse objective des traites négrières, animée du souci de ne pas occulter les traites domestiques, une impasse que font un certain nombre de chercheurs.

            Il relevait : «  Sur les 884 titres que compte le « recensement des travaux universitaires soutenus dans les universités francophones d’Afrique noire », on ne trouve que six références portant sur l’esclavage domestique. «  (p.207)

            Il est possible de disserter à longueur de temps sur la responsabilité des Blancs dans les traites négrières, mais les bons connaisseurs de l’histoire de l’Afrique de l’ouest savent en effet que la plupart des sociétés africaines de l’ouest, des années 1880-1890, avaient presque toutes les caractéristiques de sociétés esclavagistes, asservies par des pouvoirs de type à la fois féodal, et « prédateur ».

            Elites prédatrices ou cultures africaines prédatrices ?

            La question est donc posée du rôle et de la responsabilité des élites féodales d’alors, à la fois dans la préservation de cet état social et dans la transmission d’une culture prédatrice aux élites modernes ?

            Des obstacles redoutables

            Question utile mais dérangeante, qui incite à aller plus loin dans les recherches, car leur « malfaisance » a sans doute été facilitée par l’existence d’obstacles redoutables, tels que l’insécurité générale qui régnait avant la colonisation, une géographie physique, humaine, et économique, qui tournait le dos à la mer, un immense éparpillement de villages et de dialectes, des communautés à castes, formées à l’obéissance familiale, sociale, et religieuse, enfermées sur elles mêmes, très imbibées de religieux, avant tout paysannes, sur des terres de démesure, selon l’expression d’un géographe…

            Le collectif et le religieux

            M.Konaté, dans un livre récent, « L’Afrique noire est-elle maudite ? » reconnaît le poids du pacte originel, des traditions religieuses et culturelles de l’Afrique profonde, et toujours actuelle, plus qu’ambiguë, selon le titre de Balandier « Afrique ambiguë », l’importance des anciens et des ancêtres, de la lignée, de la  naissance, du collectif, la famille ou la communauté.

            Les Européens ne soupçonnent généralement pas le non-dit et le non-écrit de cette Afrique profonde, alors que les anciennes colonies françaises sont devenues indépendantes dans les années 60.

            La présence à chaque pas du religieux ! Il suffit de lire les textes du grand lettré qu’était Hampâté Bâ (sur la première moitié du vingtième siècle), ou ceux plus récents, de Kourouma, pour en prendre conscience.

            Elites traditionnelles prédatrices, et pourtant qui laissaient fonctionner, dans maintes ethnies, une forme indubitable de démocratie éclairée.

            Le « sabre et le goupillon » de Samory

            Personne ne conteste, je crois, le fait que la colonisation ait fait exploser les cadres sociaux et religieux traditionnels, et sans doute laissé libre cours à ces élites prédatrices, mais comment expliquer que de grands chefs d’Empire, tels Ahmadou à Ségou, ou Samory à Bissandougou, se soient livrés, bien avant l’arrivée des Français sur le Niger, à des entreprises prédatrices, le premier contre les royaumes Bambaras, le second contre les royaumes Malinké ?

            Comment un historien africain peut-il expliquer qu’un grand chef de guerre et d’Empire comme Samory, très intelligent, issu d’une famille de colporteurs dioulas, ait choisi de fonder un nouvel empire par les armes et le « goupillon » de l’Islam, et non par le commerce, bien avant que les Français ne viennent à son contact ?

            Et sur le plan culturel, est-ce que la tradition africaine de respect, pour ne pas dire d’obéissance ou de soumission, à la famille, au clan, au village, aux anciens, aux ancêtres, au « chef »,  n’est pas une des clés des problèmes de l’Afrique moderne.

            Est-ce que la modernité individualiste, qui marche, bonne ou mauvaise est compatible avec la préservation de ces puissantes solidarités collectives ?

            Dans le livre déjà cité, M.Konaté ouvre des pistes fructueuses d’évolution, liées d’une façon ou d’une autre à une tentative d’équilibre entre libertés individuelles et traditions.

            Des élites françaises également prédatrices

            Mais pour rassurer M.Thioub, et m’attrister de mon côté, il n’y a pas que les élites africaines qui sont prédatrices, c’est aussi un gros problème pour les élites françaises actuelles, de plus en plus gangrenées par le fric, toujours plus de fric.

            Un « marqueur chromatique » de l’histoire ?

            Je partage en gros l’analyse de M.Thioub sur la situation de l’Afrique de l’ouest, l’existence d’élites prédatrices, le rôle très ambigu des Ong « 4×4 », et de certains clans de la Françafrique, dont on surestime, à mon avis, la puissance et l’intérêt économique, mais je suis beaucoup plus réservé sur la thèse historique du « marqueur chromatique », sur l’analyse du « piège chromatique ».

            Est-ce que ce concept a une valeur opératoire sur le plan historique ? Une valeur susceptible d’être démontrée, et effectivement démontrée ? A mon avis, pas plus que les quelques concepts flous que certains historiens manipulent, sans avancer aucune démonstration scientifique, tels que la mémoire collective, les stéréotypes, ou l’inconscient collectif cher au cœur de Mme Coquery-Vidrovitch.

            Un droit à l’immigration ? Curieuse proposition d’historien ! 

            M.Thioub, chiche !

            Quant au propos de l’historien sur l’état d’esprit de la France et des Français à l’égard des anciennes colonies :

            « Regardez à Paris les rues qui portent le nom de colonisateurs ! Les Français les ignorent, mais pas nous. L’image de l’Afrique coloniale n’a jamais été déconstruite en France. Elle sert les intérêts des tenants de la Françafrique. »

            Deux observations, premièrement, je suis un de ceux qui pensent que les colonies, mis à part le cas de l’Algérie, et encore, n’ont jamais été un sujet de préoccupation et d’intérêt majeur, y compris économique, pour les Français.

            Ils découvriraient, presque aujourd’hui, l’histoire coloniale grâce à l’immigration.

            Deuxièmement, je dis à M.Thioub, chiche ! Dites nous sur quelle base scientifique, une enquête d’opinion par exemple, vous pouvez confirmer ce que vous dites au sujet des rues « coloniales »  par le « pas nous »

            Il est exact que Faidherbe, Archinard, Combes qu’admirait d’ailleurs Samory, ont des rues à Paris, mais ni Brière de l’Isle, ni Borgnis-Desbordes, qui furent des acteurs importants de la première phase de conquête du Sénégal et du Soudan.

            Mais pour en terminer provisoirement avec ce débat, la vraie question de fond que posent les relations entre colonisateur et colonisé est celle des effets d’une modernité, bonne ou mauvaise, c’est-à-dire toujours un certain cours de l’histoire, qui de toute façon, aurait fait exploser les cadres traditionnels des sociétés africaines, et mis en jeu leur capacité à réagir et à s’adapter.

            Et il me semble que le livre déjà cité de M.Konaté apporte déjà un certain nombre de réponses intéressantes sur le sujet.

            Jean Pierre Renaud