« Culture et impérialisme » d’Edward Said: lecture critique 1

« Culture et impérialisme »

Edward W.Said

Ou

«  Comment peut-on être un impérialiste ? »

« Sans le savoir ? »

Lecture critique

1

                        Incontestablement un livre d’analyse et de de réflexion riche et fécond,  encyclopédique aussi, sur les relations qu’ont entretenues la culture et l’impérialisme occidental moderne, mais d’abord sur le rôle majeur que la culture aurait eu dans les origines de l’impérialisme, son fonctionnement lui-même, son épanouissement, et sa longévité.

            Il s’agit de l’impérialisme occidental, et notamment celui des XIXème et XXème siècles, l’anglais et le français, et  accessoirement, l’américain.

            Le livre est difficile à résumer, mais nous tenterons de comprendre, à travers la lecture de l’ouvrage, pourquoi un lecteur français pourrait être, ou avoir été, à travers sa culture, un impérialiste sans le savoir, à la condition sine qua non, naturellement, qu’il ait eu une « culture ».

            Indiquons tout de suite au lecteur que cet exercice de lecture d’une œuvre luxuriante est redoutable pour un esprit qui n’a pas été nourri au lait de la discipline des lettres comparées.

            Notre seule ambition est celle d’une lecture critique, que je qualifierais volontiers de parallèle, plus versée dans l’étude et la réflexion sur l’impérialisme colonial que sur toutes les œuvres littéraires de la culture qui ont pu nourrir et entretenir les mythes coloniaux.

            Notre analyse portera successivement, pour chacun des chapitres, sur la thèse elle-même de M.Edward W. Said, telle qu’elle ressort de sa lecture,  les questions que cette thèse pose,  très nombreuses, notamment en ce qui concerne la France, et enfin sur la relecture de quelques – unes des œuvres que le professeur de littérature propose pour fonder la démonstration qu’il propose, ou sur la découverte de Jane Austen, et d’une de ses œuvres, Mansfield Park, qu’il appelle en témoignage de sa démonstration.

            Avec l’objectif de tenter de répondre à la question de fond : s’agit-il  d’une interprétation ou d’une démonstration ?

            Notre méthode de lecture critique tend à rester, le plus près possible de la pensée de l’auteur, en collant au texte lui-même, une méthode qui nous conduit donc le plus souvent à proposer, par agrégation, un ensemble successif d’extraits, c’est-à-dire une sorte de résumé.

            Il est évident que cette méthode a un avantage, celui du respect de la pensée de l’auteur, mais qu’elle présente en même temps l’inconvénient de proposer une lecture plus aride.

.           464 pages de texte au total, et après une introduction d’une trentaine de pages, les quatre chapitres ci-après :

Chapitre 1 – Territoires superposés, histoires enchevêtrées (page 37 à 110)

Chapitre 2 – Pensée unique (page 110 à 273)

Chapitre 3 – Résistance et opposition (page 277 à 391)

Chapitre 4 – Avenir affranchi de la domination (page 395 à 464)

            Cette lecture critique sera assez longue, étant donné que nous avons choisi de proposer beaucoup de citations du texte même de l’auteur, nécessaires à la bonne compréhension de cette thèse.

            Et la publication de ces notes de lecture s’effectuera par chapitre.

&

Avertissement : les caractères gras sont de ma responsabilité.

Chapitre 1

« Territoires superposés et histoires enchevêtrées »

I – Lecture (p,35 à 111)

            Le premier chapitre pose le principe du primat de la culture dans les origines, le fonctionnement, et le rayonnement de l’impérialisme, le concept d’impérialisme, étant aux yeux de l’auteur, plus large que celui de colonialisme. (p,44)

            L’auteur relève tout d’abord les limites contestables de certaines analyses sur le rôle de l’empire dans la culture :

« Ces habitudes semblent dictées par l’idée vague mais puissante de l’ « autonomie » des œuvres littéraires, alors que la littérature elle-même (je vais tenter de le montrer tout au long du livre) multiplie les allusions  qui la font apparaître comme partie prenante, à sa façon, de l’expansion de l’Europe outre-mer, et créée ainsi ce que Raymond Williams appelle des « structures de sentiment » qui soutiennent, enrichissent et consolident la pratique de l’empire. » (p,50)

L’auteur met ensuite en avant, pour la démonstration de ce type de « structure » le livre de Conrad « Au cœur des ténèbres » : « Cette mentalité impériale me semble merveilleusement saisie dans la forme narrative riche et complexe d’un grand texte de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres,  court roman rédigé entre 1898 et 1899. » (p,61)

Marlow, le narrateur, et aussi aventurier, va au cœur de l’Afrique, sur le fleuve Congo, à la recherche d’un autre héros, Kurtz,  pour y piloter un des premiers vapeurs belges du fleuve. Il y fait la découverte des horreurs de l’impérialisme, mais aussi de la forêt tropicale :

« Récit lui-même directement lié à la force rédemptrice comme au gâchis et à l’horreur de la mission de l’Europe dans le monde noir. » (p,61)

Et en vue de remédier à l’ignorance des « structures d’attitudes et de références » qui plombent la culture, M.Edward W. Said propose dans la partie V de ce chapitre premier d’« Intégrer l’impérialisme aux études littéraires modernes » (p,87)

« Nous poserons d’abord qu’historiquement des disciplines comme la littérature comparée, les lettres anglaises, la théorie culturelle, l’anthropologie sont filles de l’empire. Nous dirons même qu’elles ont contribué aux méthodes dont a usé l’occident pour maintenir son ascendant sur les indigènes, notamment si nous sommes sensibles à l’analyse géographique à l’œuvre dans la Question méridionale de Gramsci. » (p,96)

« D’où la question clef –  très gramscienne : comment les cultures nationales britannique, française et américaine ont-elles maintenu leur hégémonie sur  les périphéries ? » (p,97)

Et l’auteur de souligner à nouveau l’importance d’un concept, son rôle clé, celui de  la « structure d’attitudes et de référence », une structure qui aurait irrigué la culture des trois puissances impérialistes, britannique, française et américaine.

« Cette méthode amène à lire les chefs d’œuvre de l’Occident comme  une sorte d’accompagnement polyphonique des progrès de sa domination. Elle donne un autre sens, une autre « valence », à des auteurs comme Joseph Conrad et Rudyard Kipling : on a toujours vu en eux de grands originaux, jamais des écrivains dont les thèmes, ouvertement impérialistes, ont une longue vie antérieure souterraine et implicite dans l’œuvre de prédécesseurs comme Jane Austen et Chateaubriand.

Deuxièmement, le travail théorique doit commencer à formuler la relation entre l’empire et la culture… Nous n’en sommes, sur le plan théorique, qu’à tenter d’inventorier l’interpellation de la culture par l’empire…

Troisièmement, il nous faut garder à l’esprit les prérogatives du présent : il sert de boussole et de paradigme pour étudier le passé… l’impérialisme est à la fois si vaste et si détaillé, en sa qualité d’expérience où les dimensions culturelles sont cruciales, que nous sommes bien obligés de parler de territoires superposés, d’histoires enchevêtrées, communes aux hommes et aux femmes, aux Blancs et aux Non-Blancs, aux habitants des métropoles et à ceux des périphéries, au passé, au présent et à l’avenir. On ne peut apercevoir ces territoires et ces histoires que globalement : du point de vue de l’ensemble de l’histoire humaine conçues dans l’esprit des Lumières. » (p,110)

A la page 107, l’auteur appelle en garantie de sa thèse un des romans de Jane Austen, Mansfield Park :

Après avoir rappelé que les historiens de la culture ont omis un élément commun aux œuvres de fiction, les textes historiques et discours philosophiques de l’époque, les références géographiques, l’autorité de l’observateur européen, la hiérarchisation des espaces, avec un système de contrôle territorial et d’exploitation économique outre-mer, corrélé à l’univers socioculturel qui l’accompagne d’exploitation, l’auteur écrit :

« Sans eux, la stabilité et la prospérité au pays natal  (l’expression anglaise at home, est extrêmement forte) serait impossible. On en trouvera donc l’exemple parfait dans Mansfield Park de Jane Austen : la plantation esclavagiste de Thomas Bertram à Antigua est mystérieusement nécessaire à la beauté majestueuse de ce lieu décrit en termes esthétiques et moraux – et cela bien avant le partage de l’Afrique et l’ouverture officielle de l’« âge de l’empire ».

Et de citer Stuart Mill, le grand économiste, qui ne voyait que commodité dans les îles :

« Il faut, dit-il, ne voir dans ces colonies qu’une commodité. »

« Ce que confirme Jane Austen qui, dans Mansfield Parkévacue les horribles épreuves de la vie aux Caraïbes en une demi-douzaine d’allusions incidentes à Antigua. Il en va de même chez les autres auteurs « canoniques » français et britanniques. »

II- Questions

Le premier chapitre soulève une question de fond, à savoir si oui ou non, la culture occidentale, dans toutes ses formes, et en tout cas, celle des XIX° et XX° siècles, pour ne pas parler du siècle présent, a été intrinsèquement liée à l’impérialisme, à la fois dans son fondement et dans son expression, l’Occident se résumant avant tout aux deux puissances coloniales que furent la Grande Bretagne et la France.

L’auteur pose les éléments d’une théorie qu’il va tenter de démontrer tout au long de son livre en décortiquant une série d’œuvres littéraires anglaises ou françaises, dont certaines connurent leur heure de gloire, au moment où elles ont été publiées, ou longtemps après.

L’auteur cite le livre « Au cœur des ténèbres », à la fois une excellente illustration de la thèse qu’il défend,  et de la limite aussi de ce type de discours. Car  Conrad fut autant un grand aventurier qu’un grand romancier, et son séjour sur le fleuve Congo se résuma à l’expédition éclair de quelques mois qui fut la sienne.

Car d’autres lecteurs ont lu cette œuvre avec un regard différent de celui du professeur, à titre d’exemple, celui d’un universitaire américain de Stanford University, Albert J.Guerard, dans son introduction au livre publié par The New America Library, en 1950.

Cette introduction insistait surtout sur le tragique des héros de Conrad, plus que sur le décor tropical du Congo, et des tragédies qui pouvaient s’y dérouler, en citant les propres mots de Conrad :

« The mind of a man is capable of everything – because everything is in it, all the past as well as all the future. »

Albert J.Guerard écrivait:  “Conrad believes, with the greatest moralists, that we must know evil – out own capacities for evil – before we can capable of good.”

“And Heart of Darkness is the most intense expression of the mature pessimism.”

Et nous verrons qu’il est effectivement possible d’avoir deux positions de lecture, l’une tournée vers un ou plusieurs héros qui exaltent, en bien ou en mal, leur ego, sur une scène exotique, pleine de couleurs, ou la deuxième tournée vers la scène exotique avec son humanité ignorée ou niée.

Narcissisme, contemplation de son moi par l’auteur, ou ethnocentrisme, celui que l’auteur, et beaucoup d’autres reprochent aux sciences « savantes » européennes et blanches ?

Ou encore ethnocentrisme inverse ?

Ceci dit, à relire ce roman, on retrouve effectivement quelques vérités historiques depuis longtemps connues, notamment avec le rapport d’enquête de Brazza, et d’autres enquêtes postérieures.

Cette analyse va donc tenter de prouver qu’il existe dans la culture occidentale une « structure d’attitudes et de références », ou une structure de sentiments » qui imprègne toute la culture occidentale.

Etant précisé que cette structure d’attitudes et références, de supériorité raciale, de domination des indigènes, aurait donné son souffle à toutes les créations de la culture occidentale, « une sorte d’accompagnement polyphonique des progrès de sa domination ».

Il s’agit donc d’une vaste ambition sur un vaste sujet, et qui appelle donc une démonstration rigoureuse, même si l’auteur prend soin, à la fin de ce chapitre, de souligner les limites de cette ambition.

Est-ce qu’au cours des âges, telle ou telle puissance, à la fois sûre de sa force et de sa mission, grecque, romaine, mongole, arabe ou chinoise, n’a pas exalté de la même façon les éléments de sa puissance, l’impérialisme étant de tous les temps et de tous les continents ? Et donc leur culture n’a pu manquer d’entretenir des relations ambigües avec leur politique impériale.

Ne  convient-il pas se demander par ailleurs si, en ce qui concerne l’Occident en tout cas, les technologies dont il a disposé, n’expliquent pas mieux l’impérialisme qu’une culture parée de ses plus beaux atours ? Nous reviendrons sur cet élément d’explication capital.

Il s’agit donc d’une théorie à la fois littéraire et politique, mais comment la valider dans son contenu, sa méthode, ses effets, et pour dire vrai, dans les faits ?

Et si le concept de structure est susceptible d’ouvrir l’appétit intellectuel d’un chercheur plutôt familier du concept, le concept d’analyse choisi est ambitieux, car il exige d’apporter la démonstration que culture et impérialisme constituaient bien un ensemble d’éléments cohérents, d’unités organisées dans le but de promouvoir cette doctrine, qui les imprégnait.

Sans aller jusqu’à une transposition en chiffres de la définition du grand économiste François Perroux, « un ensemble de proportions et de relations qui caractérisent une unité économique », on voit bien que l’exercice risque d’être rude.

Est-ce que l’auteur arrive à décrire les éléments d’un ensemble, d’une organisation solidaire, d’un système, ou se contente-t-il de décrire une manière, une disposition au sens que lui donne la stratégie ?

Nous reviendrons sur le sujet, car sa compréhension détermine assez largement l’adhésion qu’il est possible de donner ou non à la thèse de l’auteur, et la lecture des chapitres suivants nous dira donc si ce discours littéraire et politique séduisant est susceptible d’emporter notre conviction dans ce duel des lettres contre les chiffres ?

Autre remarque relative au risque permanent de télescopage chronologique que prend une telle analyse, à partir du moment, comme c’est le cas à la page 108, où celle-ci appelle en garantie de démonstration théorique et pratique des auteurs comme Césaire, Fanon, ou Memmi, qui se sont illustrés par leur combat anticolonialiste après la deuxième guerre mondiale. L’avenir des impérialismes anglais et français était d’ores et déjà scellé, et quasiment, dès les origines, dans le cas français, alors que l’impérialisme américain dominait le monde.

Et que tout à fait curieusement, les Etats Unis d’Amérique prônaient la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, alors qu’ils maintenaient dans leur pays la ségrégation entre noirs et blancs.

Historicité du discours à laquelle l’auteur affirmait être attaché ?

Et pour la fin, quelques premiers  mots sur l’analyse que l’auteur fait de Mansfield Park :

L’auteur soulève, dès la page 107, la question de la représentativité et de la pertinence de cette œuvre pour valoir démonstration du théorème : « le parfait exemple » de la relation culture et impérialisme, en même temps que seulement « une demi-douzaine d’allusions incidentes à Antigua », c’est-à-dire aux réalités de l’impérialisme de son époque ?

Il y a là de quoi hésiter et nous verrons, dans les questions relatives au chapitre 2, lequel consacre de nombreuses pages à la même œuvre, qu’il est difficile d’adhérer à la démonstration.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Humeur Tique : JC Trichet, ministre de l’Economie et des Finances, un professionnel remplace un amateur !

  Le scoop que les citoyens sérieux attendent : la nomination de M.Trichet comme ministre de l’Economie et des Finances de la France.

            Il va être disponible dans quelques semaines et le pays a besoin d’un vrai professionnel pour redresser nos finances publiques.

Election présidentielle 2012: une chance pour le centre grâce à la congruence

L’élection présidentielle 2012

Une chance historique pour le Centre !

A situation politique de congruence, des solutions politiques congruentes !

Expliquons-nous, car le concept de congruence n’est pas le monopole des mathématiciens !

            Le concept de congruence peut être défini de façon simple, à savoir une solution qui convient exactement à une situation donnée.

            Le philosophe sinologue Julien a longuement commenté ce concept dans la philosophie chinoise, notamment dans le livre « Un sage est sans idées ».

            Je cite :

« Non pas un milieu qui serait à équidistance des opposés, car ce serait encore une position particulière, et comme telle aussi limitée que les autres, mais comme on l‘a vu, un milieu qui permette de correspondre également à l’un ou l’autre de ces opposés (et c’est dans cette égale possibilité qu’est le juste milieu). »…

« Le milieu véritable, celui de la sagesse, est le milieu variable qui, en pouvant osciller de l’un à l’autre opposé, ne cesse de coïncider avec le cas rencontré (selon que la « balance » penche de l’un ou l’autre côté) : juste milieu de la congruence qui, comme tel, n’est jamais arrêté, stabilisé, défini (pas plus que le réel n’est arrêté), et qui, d’une certaine façon, est toujours inédit : il ne peut être la vérité. »… (p112,113)

«Ce qui fait la « voie », aux yeux de la sagesse, est son caractère viable ; »  …(p,115)

Elle est la voie par où « ça va », par où c’est « possible » – par où c’est viable. »…(p,119)

Le centrisme est congruence :

Il est évident que beaucoup de centristes militants sont en congruence avec une telle analyse conceptuelle et stratégique, mais le plus souvent, sans le savoir.

Toute la difficulté d’un mouvement centriste consiste à convaincre les électeurs, plus familiers des discours tranchés de gauche ou de droite, et souvent en quête de bons affrontements, que leur combat est celui de la voie de la sagesse par où c’est possible.

D’où les qualificatifs fréquents de « marais », de « ni-ni », de « girouettes » dont on affuble fréquemment un mouvement centriste, très souvent du reste, et à juste titre, car nombreux sont les hommes ou les femmes politiques  qui n’ont épousé que l’étiquette du centrisme.

C’est l’une des conséquences du processus simplificateur de l’élection présidentielle instituée par la Cinquième République, un centrisme plastron d’un autre grand parti politique.

Comment en effet mobiliser un électeur sur la durée, en lui expliquant qu’en fonction de telle ou telle situation de la France, il convient d’apporter telle ou telle solution, qui peut être de gauche ou de droite, c’est selon ?

Une situation politique française de congruence :

La mondialisation et l’élargissement trop rapide de l’Europe bousculent les frontières idéologiques, économiques et culturelles. La tout puissance des médias et la mondialisation de l’information et de la culture font que les opinions publiques perdent leurs repères traditionnels et provoquent des réactions d’incompréhension et de peur.

La France est une sorte de bateau qui affronte la haute mer, alors qu’elle ne s’est pas dotée des outils et de la méthode nécessaires pour le faire dans de bonnes conditions.

La France est un pays flottant, dans une Europe flottante et dans un monde flottant, mais cela n’a rien à voir avec la tradition japonaise du monde flottant.

Gauche, droite, que penser de ce clivage ? Alors qu’on voit bien que leur signification n’a pas le même sens en Europe, et que la crise actuelle impose d’ouvrir des voies nouvelles de consensus, de congruence, pour ne pas dire d’union nationale, sur les grands sujets du moment et de l’avenir.

La France est en crise, et dans la situation actuelle, avec les enjeux et les problèmes liés à la sécurité, aux déficits et à la dette, à la compétitivité de ses forces productives, au retour des quartiers sensibles dans la République, à la refondation des institutions européennes de la zone euro et des 27, à la régulation mondiale, à la poussée démographique des pays du sud… il n’est d’autre solution politique sérieuse que congruente.

Les caractères gras sont de ma responsabilité.

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique : le budget 2012 des Pompes Funèbres ? Et un nouveau gazage de Borloo ?

      Le budget 2012 de la France

Sur France 2, au journal du soir du 28 septembre, le ministre de l’économie et des finances de France présente brièvement le budget 2012 de la France : tout en noir, revêtu d’un costume noir, cravate noire sur chemise blanche, dans une tenue digne des Pompes Funèbres.

            La situation du pays est-elle aussi grave que cela ?

            Et un nouveau gazage de Borloo !

Après avoir fait le plein com. d’une candidature tant espérée des Français, le candidat vient de renoncer.

            Tant de bruit plein com. pour ça !

Humeur Tique : un Président de gauche déjà élu ? Avec les primaires socialistes et la conquête du Sénat ? Pas si sûr !

 Les primaires socialistes  :  certains Français auront l’impression d’avoir déjà voté et choisi leur candidat. Pourquoi donc aller voter une deuxième fois, puisque les six candidats ont déjà dit ce qu’ils allaient faire ?

            Ces primaires sont un défi redoutable pour une application saine de notre démocratie électorale : elles créent en effet  une grande ambigüité sur la signification politique d’un scrutin électoral prévu par notre constitution, entre une élection officieuse et une élection officielle, celle prévue par la constitution.

            La conquête du Sénat par la gauche ? Bravo pour cette alternance démocratique et belle victoire politique sans aucun doute, mais tout autant un formidable piège tactique !

            La droite va pouvoir tester ses idées et son projet présidentiel à travers les scrutins du Sénat, sur le millefeuilles des communes, communautés de communes, syndicats… sur la dette, l’école, la sécurité, l’immigration, l’Europe, le monde, etc…

            Projet contre projet !

            La cohésion politique du nouveau Sénat risque donc d’être mise à rude épreuve ! Et les électeurs de se demander à nouveau pourquoi ils doivent aller voter !

            Situation tactique, sans doute rêvée, pour une droite actuellement déboussolée !           

            Mais in fine, vous ne trouvez pas que les médias en font un peu trop, beaucoup trop pour cette élection présidentielle ?

On va nous bassiner pendant encore de longs mois.. Trop, c’est trop ! Chaque citoyen aura la conviction d’avoir déjà voté un nombre incalculable de fois, sauf s’il a su zapper !

Choc des cultures, des civilsations, des religions? 1868: l’incident de Sakai entre la France et le Japon

Choc des cultures, des civilisations, des religions ?

Avec la multitude de questions que pose aujourd’hui le multiculturalisme dans le cadre national français ! 

Un exemple historique, pour la réflexion.

1868 : l’incident de Sakai entre la France et le Japon

            Le professeur Samuel P. Huttington s’est taillé un beau succès de librairie et de réflexion en publiant, en 1996, le livre « Le choc des civilisations », un livre qui a nourri beaucoup de polémiques.

            Ce livre avait le mérite de mettre le doigt sur un des problèmes majeurs, sinon le problème majeur qui a bien souvent caractérisé les relations entre civilisations, cultures, et donc pays différents, et à certaines époques, étrangement différents.

C’est dans ce contexte qu’il a paru intéressant de revenir sur un épisode historique tout à fait caractéristique du fossé, pour ne pas dire du gouffre, qui séparait la civilisation traditionnelle du Japon et celle qui se considérait alors, comme évoluée, moderne selon les canons de l’époque.

C’était en 1868 ! Autre temps, autre monde, en êtes-vous sûr ?

A l’occasion de son voyage en Extrême Orient, et au Japon, dans les années 1920, le célèbre journaliste reporter Albert Londres traça un portrait du Japon qui conservait encore beaucoup des traits du récit de l’écrivain Ogai Mori.

Et pourquoi ne pas souligner à ce sujet que la rencontre entre les premiers blancs et beaucoup de communautés africaines situées loin des côtes provoqua très souvent un choc comparable, le blanc exhibant une couleur d’extraterrestre ?

Et  à titre d’autres exemples, récents :

Les Echos du 30/05/11, page 13 : une interview du président et cofondateur d’Infosys, M. Narayana Murthy :

« L’inde est tantôt présentée comme une grande puissance du nouveau millénaire, tantôt comme un pays toujours sous-développé. L’impression est donc plutôt confuse. Comment voyez-vous la position réelle de l’Inde ?

« Pour moi, ce n’est pas confus. Je vois l’Inde avec une croissance forte. Mais je peux vivre en harmonie avec une Inde pleine de pauvreté, d’illettrisme, de problèmes de santé, de malnutrition. Nous vivons en harmonie avec cela parce que la culture hindoue dit fondamentalement que ce que nous sommes dans cette vie est le résultat de ce que nous avons fait dans une vie précédente. Donc, si je fais des choses bien dans cette vie, mon sort sera meilleur dans la prochaine. Le résultat est que les pauvres ne haïssent pas les riches et les riches ne haïssent pas les pauvres. L’Inde est l’un de ces très rares pays où, quand vous allez dans les endroits les plus déshérités, les gens vous sourient, vous n’avez rien à craindre. C’est parce que nous acceptons le principe de réincarnation »

Dans notre monde à nous :

Le Monde du 12/08/11, page 3 : un entretien avec Mme Rahmeth Radjack, psychiatre transculturelle. Elle-même fille de migrants, elle aide les adolescents en tenant compte de leur histoire familiale.

Au cours d’un voyage à Karikal, ancien comptoir français des Indes, et pays de ses parents, c’est le choc :

« Chez moi en France, c’était un petit peu l’Inde, à travers la cuisine que nous mangions, ou certains habits. Mais là-bas, c’était complètement différent ! Mes cousines n’avaient pas du tout le même état d’esprit ; les mêmes objectifs de vie, les mêmes préoccupations… Je me suis soudain rendu compte du décalage qu’avaient vécu mes parents, en sens inverse, lorsqu’ils sont venus en France. »

Le Monde du 16 septembre, dans Débats Décryptages, page 21, avec un article de M.Jean-Louis Amselle, anthropologue, intitulé

« La société française piégée par la guerre des identités

Echec du multiculturalisme »

Le contenu de cet article éclaire le sujet d’une lumière que je considérerais volontiers comme plutôt  nouvelle dans le milieu de ces chercheurs spécialisés, dits « postcoloniaux ».

Dans les semaines qui viennent, nous reviendrons sur cette tribune qui soulève beaucoup de questions, notamment relatives à la mesure et à l’évaluation des phénomènes décrits, et des concepts proposés.

Signalons enfin que, sur ce même blog,  le 16 mai 2010, nous avons proposé une lecture résumée du livre « Diversité contre égalité », du professeur Walter Benn Michaels », un texte qui pose bien le problème de l’arbitrage, politiquement calculé ou non, entre égalité et diversité, ou culture.

Et, le 3 octobre 2010, nous avons fait écho aux travaux du sociologue, quant au poids qu’avait la culture dans la scolarisation des enfants d’origine immigrée, à Mantes la Jolie, et aux Mureaux.

Le contexte historique de l’affaire « Sakai »

En plein dix-neuvième siècle, le Japon était refermé sur lui-même comme un huitre, et vivait dans le secret et la tradition puissante d’une culture originale et exigeante, au sein de laquelle l’honneur tenait une place « capitale », et c’est tout à fait le cas de le dire, comme nous allons le voir.

Dans son introduction intitulée « La guerre dans l’histoire de l’humanité », John Keegan décrit rapidement l’histoire de ce Japon féodal des samouraïs, aussi brillants lettrés que guerriers, avec une  lutte permanente entre les grands féodaux qui se disputaient le premier rôle, lutte qui s’acheva au début du XVIIème siècle grâce à l’emploi de la poudre qui mit fin aux combats rituels.

Etrangement, le shogoun, féodal reconnu comme le plus puissant, interdit alors les armes à feu, situation qui demeura inchangée jusqu’au milieu du XIXème siècle.

« Puis en 1854, l’arrivée dans la baie de Tokyo des « bateaux noirs » du commodore Perry réintroduisit la poudre au Japon. » (page 69)

Keegan en tire la conclusion que l’abandon de la poudre et le retour à la tradition, le sabre, apporte la démonstration que Clausewitz se trompait :

« Elle démontre aussi que la guerre peut-être, parmi bien d’autres choses, la perpétuation d’une culture par ses propres moyens. »

Le livre « Carnage et Culture » de Victor Davis Hanson illustre parfaitement cette conclusion, mais là n’est pas notre propos.

Ce ne fut donc qu’en 1854, que le Japon accepta d’ouvrir quelques-uns de ses ports au commerce international, sous la pression et après l’intervention armée de la marine américaine.

Il convient de rappeler qu’à la même époque les marines occidentales étaient très actives en mer de Chine, notamment celle de Grande Bretagne, et que dans les années 1856-1860, eut lieu en Chine, la deuxième guerre de l’opium.

Le traité du 29 juillet 1858 confirma cette ouverture au commerce international et ouvrit la voie à la nouvelle ère du Japon, communément appelée de la « Meiji », l’empereur Mutsuhito succédant au dernier shogoun de la lignée des Tokugava.

1868 : l’incident de Sakai entre la France et le Japon

Afin d’illustrer ce que fut alors le choc des cultures et des civilisations entre la France et le Japon, nous avons choisi de raconter brièvement ce que fut l’incident de Sakai à partir de la source précieuse qu’est le texte littéraire qu’a rédigé le talentueux Ôgai Mori intitulé « L’incident de Sakai ».

La lecture de ce texte provoque un choc, en raison notamment de la description minutieuse et cruelle de la cérémonie de la réparation diplomatique avec le seppuku successif des vingt guerriers japonais offerts en sacrifice pour cette réparation.

Nous n’avons donc retenu que le premier de ces seppuku, laissant au lecteur curieux le soin de se reporter, pour l’ensemble de la nouvelle, au texte remarquable d’Ôgai Mori.

Les circonstances de l’incident

« Au premier mois de l’an un de Meiji, année du Dragon de la Terre aînée (1868), les troupes de Yoshinobu Togugawa ayant été vaincues à Fushimi puis Toba, et n’ayant pu défendre même le château d’Ôsaka, refluèrent en direction d’Edo par la voie maritime : sur ce, les fonctionnaires d’Osaka, de Hyögo et de Sakai, abandonnant leur poste, se réfugièrent dans la clandestinité, et pendant quelque temps ces villes tombèrent dans un état anarchique. Par ordre de l’Empereur leur contrôle fut alors remis à la charge de trois seigneurs : à celui de Satsuma échut Ösaka, à celui de Nagato, ce fut Hyögo, et celui de Tosa eut Sakai…L’ordre fut bientôt rétabli dans la ville, et les portes des théâtres qui avaient été temporairement fermées furent rouvertes.

Le quinzième jour de ce deuxième mois, les notables de la ville se présentèrent à la Préfecture militaire : ils avaient entendu dire que des soldats français partis d’Ösaka devaient venir à Sakai. Seize bâtiments de guerre étrangers du mouillage de Yokohama étaient venus jeter l’ancre au large du mont Tempô en Setsu, et parmi eux se trouvaient, en compagnie d’anglais et d’américains, des vaisseaux français. Sugi convoqua les chefs des Sixième et Huitième Corps et leur ordonna de se mettre en position au pont de Yamato. Si les soldats français étaient appelés à passer avec une autorisation officielle, il y aurait dû y avoir une notification préalable du secrétaire au Bureau des étrangers, Muneki Date Yyo-no-kami ; or il n’y avait rien de semblable. En admettant même que cette notification eut été retardée, il fallait qu’ils fussent munis d’un laissez-passer pour voyager à l’intérieur des terres. Si les Français n’en avaient pas, il ne pouvait être question de leur permettre le passage. Se faisant suivre de soldats des deux Corps, Surgi et et Ikoma s’assurèrent du contrôle du pont de Yamato où ils attendirent. Les soldats français se présentèrent. On fit demander à l’interprète qui les accompagnait s’ils avaient un laissez-passer ; ils n’avaient rien de tel. Comme les Français étaient peu nombreux, un détachement de Tosa leur barra le chemin, et ils s’en retournèrent en direction d’Ösaka. 

Au soir du même jour, des citadins accoururent au campement des Corps d’infanterie revenus du pont de Yamato et rapportèrent que des marins français avaient débarqué au port. Un bâtiment de guerre français était venu à une lieue environ au large du port et avait envoyé des marins à terre dans une vingtaine de canots. Alors que les deux chefs des Corps d’infanterie faisaient procéder aux préparatifs d’intervention, l’ordre de départ leur arriva de la Préfecture. Il fut aussitôt suivi, et on constata que les marins ne se livraient à aucune violence particulière. Cependant, ils entraient effrontément dans les sanctuaires et les temples ; ils pénétraient à leur fantaisie dans les maisons des citadins ; ils arrêtaient des femmes pour les importuner. Les habitants de Sakai, qui n’était pas un port ouvert, n’était pas habitués aux étrangers et nombreux étaient ceux qui ne sachant plus où se réfugier dans leur stupéfaction et leur crainte, se retranchaient dans leur demeure après avoir verrouillé la porte. Les deux chefs de corps voulurent persuader les marins de retourner à leurs bâtiments, mais il n’y avait pas d’interprète. On eut beau leur faire signe de rentrer par gestes, aucun ne voulut obéir. Lors, les chefs de corps donnèrent l’ordre d’entraîner les marins de force jusqu’au casernement. Les soldats voulurent se saisir des marins à leur portée et les ligoter. Ces derniers s’enfuirent en direction du port. L’un d’eux s’empara d’un fanion du corps posé contre la porte d’une maison et disparut à toutes jambes.

Les deux chefs de corps les poursuivirent à la tête de leurs troupes, mais sans parvenir à rattraper les Français aux longues jambes et rompus à la course. Déjà les marins allaient embarquer sur leurs canots. Or en ce temps il y avait parmi les fantassins de Tosa des sapeurs : chaque patrouille de garde en ville en emmenait régulièrement quatre ou cinq. Il leur appartenait également de porter le fanion de leur corps, et l’un de leurs chefs, qui avait pour nom Umekichi Porte Drapeau, était présent. Il était si expert à la course que lorsqu’il partait en service à Edo lors d’un incendie, il n’arrivait jamais à plus de six pieds derrière un cavalier au pas rapide. Cet Umekichi dépassa les fantassins et parvint à la hauteur du marin qui avait ravi le fanion du Corps. Le croc qu’il portait déchira l’air et s’abattit dans le crâne du marin. Celui-ci poussa un hurlement et s’écroula à la renverse. Umekichi lui reprit le fanion.

Ce que voyant, les marins qui attendaient dans les canots se mirent soudain à tirer tous ensemble avec leurs pistolets.

Les deux chefs de corps prirent instantanément la décision d’ordonner le tir. Les fantassins impatientés alignèrent leurs soixante-dix et quelques fusils et les déchargèrent en direction des barques où s’étaient entassés les marins. Six de ces derniers s’écroulèrent ici ou là. D’autres blessés tombèrent à l’eau. Ceux qui étaient demeurés indemnes se jetèrent en hâte à la mer et, frappant les vagues du talon, une main sur les planches de bordage, manœuvrèrent leurs barques, tantôt plongeant pour éviter les balles et tantôt émergeant pour recracher l’eau salée. Les canots s’éloignèrent petit à petit. Il y eut en tout treize morts, dont un sous-officier, parmi les marins français… »

Comptes rendus, enquêtes d’une hiérarchie très bureaucratique, et le compromis :

« Au dix-huitième jour, par l’intermédiaire de Tarôbei Nagao, on ordonna que fussent suspendus de leurs fonctions les deux chefs de corps, et les soldats sous leur commandement se virent interdire le franchissement des portes de la Représentation… 

… Ensuite arriva, en qualité de mandataire du Seigneur Retiré de Tosa, le Gouverneur Toyoshige Yamamouchi, l’Intendant général Kanae Fukao accompagné de l’Inspecteur général Gorômon Kominami. C’est que le ministre de France Léon Roches, à bord du vaisseau militaire Vénus ancré à Ôsaka, avait entamé des pourparlers de dédommagement avec le secrétaire du Bureau des étrangers. Les exigences du ministre français furent aussitôt acceptées par le conseil de la Cour impériale. En premier lieu, le seigneur de Tosa devait se rendre en personne sur la Vénus afin de présenter des excuses. Deuxièmement, il convenait que les deux officiers ayant commandé les troupes de Tosa à Sakai et vingt soldats de la compagnie qui avait tué des Français fussent exécutés sur les lieux du massacre, et cela dans les trois jours suivant l’arrivée à Kyôto des documents du compromis. Enfin, comme compensation financière destinée aux familles des Français tués, le seigneur de Tosa devait payer la somme de cent cinquante mille dollars…

Le vingt-deuxième jour,

Fukao déclara :

« Notre Seigneur Retiré en personne devait vous parler, mais il est présentement indisposé, et c’est moi qui vais le faire en ses lieu et place. A la suite de cet incident de Sakai, les Français font de dures représentations à la Cour impériale, et en conséquence il a plu à sa Majesté d’ordonner que l’on présente vingt des prévenus en tant que criminels de droit commun. C’est une très grande douleur pour notre Seigneur Retiré qui veut bien cependant vous recommander d’offrir vos vies avec une calme dignité. »

Sur ces derniers mots, Fukao se releva et disparut dans la maison.

Ensuite Kominami transmit les ordres de Toyonori, sire de Tosa :

« Quant aux vingt hommes que nous devons remettre à l’exécuteur, nous ne savons qui désigner ni qui exempter. Allez tous au sanctuaire d’Inari pour y prier les dieux, et décider qui vivra et qui mourra en tirant des billets au sort. Ceux qui trouveront un billet blanc seront exemptés, et ceux qui auront un billet indiquant qu’ils devront se soumettre à la décision de notre maître seront condamnés à mort. Allez maintenant devant les dieux ! »…

Les seize hommes du groupe des condamnés, ainsi que les deux chefs de corps Minoura et Nishimura, et les deux chefs de compagnie Ikenoue et Ôishi, furent placés en détention à la résidence principale de la Représentation…

A la nuit, les défavorisés du tirage au sort rédigèrent leur testament destiné à leurs parents, frères et sœurs ou anciennes connaissances ; ils y enroulèrent leur chignon de soldat qu’ils avaient coupé et remirent le tout aux policiers militaires.

Les officiers des cinq compagnies qui gardaient la résidence vinrent alors adresser leurs adieux aux condamnés en faisant apporter du saké et des mets d’accompagnement. Les chefs de compagnie du corps et les seize soldats jouirent de cette faveur en groupes séparés. Les hommes de troupe, ivres s’endormirent.

Cependant Hachinosuke Doi du Huitième Corps s’était abstenu de trop boire, et lorsqu’il vit ses compagnons commencer à ronfler, il rugit au plus fort de sa voix :

« Holà, vous autres ! Nous avons demain une journée des plus importantes. De quelle façon avez-vous l’intention de mourir ? Voulez-vous vous laisser simplement décapiter ? »… (il convainquit Sugimoto du Sixième Corps)

Les deux hommes éveillèrent leurs compagnons en les appelant, et en secouant aux épaules ceux qui ne voulaient pas se lever. Tout le monde, une fois les yeux ouverts, écouta l’avis des deux soldats, et il ne se trouva personne pour refuser son assentiment. Qu’importait de mourir ? Ils s’y étaient résignés du jour où ils avaient quitté leur province pour entrer dans l’armée. Mais il ne pouvait être question de périr dans la honte. C’est ainsi que l’assemblée toute entière décida d’obtenir à tout prix l’autorisation de se livrer au suicide honorable du seppuku. »

Et des négociations difficiles furent alors engagées avec leur hiérarchie qui aboutirent à une décision favorable de l’Empereur :

« A la suite de l’incident qui a lieu à Sakai, Sa Majesté l’Empereur désire changer d’attitude dans ses relations avec les pays étrangers, et en conséquence elle a pris, selon le droit public, la mesure suivante : ordre- vous est donné de vous tuer demain de votre sabre à Sakai. Que chacun d’entre vous, conscient d’agir pour notre Empire, reçoive cette sentence en toute gratitude. D’autre part, divers hauts fonctionnaires et représentants officiels des pays étrangers seront présents sur les lieux ; veillez donc à faire montre de l’esprit de courage et de probité qui est celui des guerriers de notre Empire. »…

« S’il en est ainsi, nous désirons qu’ils consentent, chose bien naturelle, à ce que nous soyons dorénavant traités sur le même rang que les guerriers : c’est en quelque sorte notre dernière volonté. » ( le seppuku était un privilège réservé aux guerriers (samurai) »…

« A la suite d’une délibération exceptionnelle, ordre est donné de vous traiter tous selon le statut de guerriers. En conséquence, on vous attribue à chacun un assortiment de soie. »

Et Ôgai Mori de décrire en détail le processus de la cérémonie du seppuku :

« Il faisait beau le vingt-troisième jour… Lorsque les vingt hommes passèrent sous le portail de la résidence en faisant sonner les hautes planchettes de leurs socques, on fit mettre à leur disposition vingt palanquins préparés par les maisons Hosokawa et Asano…. Arrivaient alors les vingt palanquins, chacun d’eux, accompagné de six soldats armés de fusils avec la baïonnette engagée…

Un moment après le départ de Nagabori, Kametarô Yamakawa alla saluer un par un les passagers des palanquins, puis il revint à la hauteur de celui de Minoura et dit :

« Vous êtes certainement mal à l’aise dans ces étroits palanquins. De plus, le chemin est long, et avec les stores maintenus baissés, vous devez vous sentir oppressés. Voulez-vous que l’on relève les stores ? »

« Je suis confus de votre bienveillance, mais si cela ne présente pas d’inconvénient, je vous en prie. »

Et les stores de tous les palanquins furent ainsi relevés.

Quelque temps plus tard, Yamakawa repassa près de chaque palanquin pour proposer :

« J’ai fait préparer du thé et des gâteaux que je voudrais offrir à ceux qui en désirent. »

Le traitement accordé aux vingt hommes par les deux clans était d’une grande prévenance en toutes choses….

Le temple bouddhique Myôkokuji avait été désigné pour abriter la cérémonie du seppuku. Sur le portail était déployé l’étendard impérial du chrysanthème…

Les vingt hommes, se parlant joyeusement comme s’ils vivaient une journée normale, attendaient l’heure.

Certains officiers des deux maisons avaient préparé pour ce moment des pinceaux, du papier et de l’encre qu’ils apportèrent devant Minoura assis en tête des vingt hommes, en le priant de rédiger quelques mots en souvenir……

« Rejetons la funeste influence étrangère et payons la dette due à la patrie pour ses bienfaits.

Cette décision résolument prise, peut-on se soucier de ce que disent les hommes ?

Qu’il suffise de respecter cet idéal, afin que l’on en parle encore dans mille années, et la mort d’un homme ne saurait entrer en compte. »

L’expulsion des Barbares étrangers était encore au cœur des préoccupations de cet homme. »

Et comme l’heure de la cérémonie était encore lointaine, on proposa aux vingt hommes de visiter le temple.

« Tous remirent aux moines la totalité de l’argent qu’ils possédaient, et parmi eux certains ajoutèrent une précision à leur offre : ce n’est pas que je veuille quémander le salut de mon âmes dans l’autre monde…

Les moines recueillirent l’argent et descendirent du pavillon de la grande cloche. Les condamnés, quittant également le pavillon, furent ensuite mine d’entrer dans l’enceinte cernée de tentures, en se proposant de jeter un regard sur le lieu qui allait abriter leur suicide… Quittant les lieux ainsi aménagés pour leur mort, les condamnés se rendirent tous ensemble au Hôguin, leur cimetière, pour y voir leurs tombes qui étaient déjà creusées sur deux rangées. Devant ces tombes on avait déjà disposé de grandes jarres d’une hauteur de plus de six pieds, et chacune d’elles portait un nom collé sur sa surface. Lisant les inscriptions au passage, Yokota dit à Doi :

« Toi et moi, nous avons mangé et dormi côte à côte pendant notre vie, et voici que nos jarres funéraires sont l’une à côte de l’autre. Il semble que même après notre mort nous pourrons converser en voisin … 

La cérémonie du seppuku fut enfin fixée pour l’heure du Cheval (11-13 h). Dans l’enclos entouré de tentures s’installèrent d’abord les assistants des condamnés… tous avaient relevé leurs manches de leur tunique en les attachant en croix avec la dragonne de leur sabre, et ils attendaient en arrière de l’endroit où allait se dérouler le seppuku.

A l’extérieur de l’enclos ceint de tentures étaient disposés vingt autres palanquins qui serviraient à transporter les cadavres au Hôjuin ; ceux-ci devaient être transférés dans les jarres funéraires avant l’ensevelissement….

A ce moment, le ciel se couvrit brusquement et une forte averse se mit à tomber… La cérémonie fut provisoirement … et les préparatifs auxquels on se livra de nouveau furent achevés à l’heure du Singe (15 h – 17 h)

Le préposé aux appels cria le nom de Minoura Inokochi. A l’intérieur comme à l’extérieur du temple un profond silence se fit soudain. Minoura, portant ce jour une veste d’habit en drap noir et un large pantalon de cérémonie resserré aux chevilles, prit place à l’endroit de sa mort. Son assistant Baba alla se tenir debout à trois pieds derrière lui. Après avoir adressé un salut au Surintendant et aux autres observateurs, Minoura attira près de lui le petit plateau de bois blanc à quatre pieds qu’un préposé lui avançait et de sa main droite prit le sabre court qui y était posé. Alors s’éleva une voix de tonnerre qui retentit dans tout l’enclos :

« Vous autres les Français, écoutez ! Ce n’est pas pour des gens comme vous que je vais mourir, mais pour notre Empire. Regardez bien comment périt de son propre sabre un homme du Japon ! »

Minoura écarta ses vêtements, agrippa son sabre en dirigeant la pointe vers lui et l’enfonça dans le côté gauche de son ventre, qu’il trancha sur trois pouces vers le bas, puis, tournant la lame vers la droite, la força de trois pouces encore vers le haut. L’entaille ayant été profonde, la blessure s’ouvrit largement. Minoura rejeta son sabre, introduisit sa main dans la plaie béante et, tout en retirant ses entrailles à la poignée, fixa sur les Français un regard dur.

Baba dégaina son grand sabre et l’abattit sur la nuque de Minoura, mais le coup était trop faible.

« Baba que t’arrives-t-il ? Fais ton œuvre plus posément ! » cria Minoura.

Le deuxième coup de Baba sectionna les vertèbres cervicales avec un bruit sec. Minoura s’écria encore d’une voix retentissante :

« Cela ne suffit point encore, tranche mieux ! »

Ce dernier cri, plus fort que les précédents, résonna sur trois cents mètres à la ronde.

Le ministre français qui avait suivi les gestes de Minoura depuis le début, avait senti une stupéfaction épouvantée prendre peu à peu possession de lui. Et, au moment où il tenait plus que difficilement en place, cet énorme cri inattendu frappant ses oreilles le fit se lever de son siège sans plus savoir comment se comporter.

Baba décolla enfin la tête de Minoura à la troisième volée. »

« Nushimura, dont le nom fut appelé ensuite, était un homme d’une grande douceur…Le suivant fut Ikegami, assisté par Kitagawa…

Après lui, Sugimoto, Shôgase, Yamamoto, Morimoto, Kitadait, Inada et Yanase s’ouvrirent le ventre… Le douzième était Hashizume qui prit place au moment où le crépuscule commençait à tomber ; on allumait les lampes dans le pavillon central.

Le ministre français, se levant et se rasseyant sans cesse, s’était jusqu’alors comporté d’une façon trahissant un malaise insupportable. Son malaise atteignit peu à peu les soldats français qui, fusil au pied, assistaient au spectacle. Leur attitude se relâcha entièrement, et ils en vinrent à échanger des murmures soulignés par des gestes de la main. Au moment où Hashizume prenait place, le ministre français lança quelques mots, et aussitôt les soldats, entourant leur maître, quittèrent l’enclos sans même présenter leur salut ni au Prince ni aux fonctionnaires présents. Puis, dès qu’ils eurent traversé la cour du temple et franchi le portail, soldats et ministre prirent le pas de course et se hâtèrent vers le port.

Sur la natte où il devait mourir, Hashizume écartait ses vêtements de son ventre et se préparait à plonger le sabre lorsqu’un fonctionnaire accourut à lui en s’écriant : « Un moment ! » Surpris, Hashizume arrêta le mouvement de sa main ; le fonctionnaire lui relata le départ du ministre français et lui notifia qu’il convenait en l’occurrence de différer son suicide jusqu’à nouvel avis. Hashizume s’en retourna auprès des huit survivants et les informa de ce qui s’était passé.

Les neuf hommes étaient dominés par le sentiment qu’ils préféraient mourir sans plus attendre, puisque c’était leur lot… »

Les intendants des sept seigneuries concernées avaient pris contact avec les Français.

« Nous sommes allés sur le vaisseau français et avons demandé pourquoi ces gens ont quitté les lieux ce soir. C’est alors que le ministre français nous a répondu ce qui suit : « Nous admirons certes le mépris de leur vie et l’esprit de sacrifice au bien public dont les soldats de Tosa ont fait preuve, mais nous ne pouvons vraiment plus supporter ce spectacle à ce point éprouvant, et nous nous en remettons au gouvernement quant à la merci qui peut être accordée aux survivants. »…

Au deuxième jour du troisième mois, la nouvelle parvint que la peine de mort était remise et que les neuf hommes seraient rendus à leur province natale…

La seigneurie de Tosa édifia au temple Hôjuin onze pierres tombales pour ceux qui étaient morts au temple Myôkokuji.

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Mori Ôgai (1862-1922), l’auteur, de son vrai nom Rintarô Mori, écrivain célèbre de l’ère Meiji, et médecin. Il voyagea en Europe, en Allemagne, et traduisit des grands auteurs européens tels que Daudet ou Calderon. Lire « L’oie sauvage », un échantillon de ses œuvres littéraires.

1914, Originally published in Japan – Extraits de la traduction de Jean Cholley

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PS : et pour les amateurs de mangas, l’incident de Sakai a fait l’objet d’une manga aux Editions Delcourt, une manga qu’on lit à la japonaise.

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Rappelons enfin qu’à l’époque moderne, le grand auteur Mishima s’est fait seppuku, et que Viviane Moore, connue pour ses livres d’aventures dans les anciens mondes normands ou celtes, a publié un roman intitulé « Tokyo intramuros » dont une des héroïnes japonaises, mystérieuses et habitée du même sens de l’honneur qui fut une des grandes traditions du Japon, se fait également seppuku à la fin du roman.

Et très récemment, la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima a fait apparaître à nouveau des qualités d’unité et de dignité de la nation japonaise dont peu d’autres nations sont capables de faire preuve.

Alors, cher lecteur, la culture ne pose-t-elle pas beaucoup de questions lorsqu’elle est confrontée à d’autres cultures ?

Les caractères gras sont de notre responsabilité

Jean Pierre Renaud

WikiLeaks et le journal Le Monde: une relation ambiguë! Ou qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée?

WikiLeaks et le journal le Monde : une relation ambiguë !

Ou qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?

            Nous avons abordé ce sujet à deux reprises déjà sur ce blog, le 5 décembre 2010, et le 13 septembre dernier.

            Le 5 décembre, nous nous interrogions sur la validité des justifications que ce journal donnait pour publier des messages diplomatiques, confidentiels ou secrets, diffusés  dans le circuit internet par WikiLeaks.

Le 13 septembre dernier, et à la suite d’un article du même journal, des 4 et 5 septembre, intitulé « WikiLeaks : les informateurs mis en danger par de nouvelles publications »

Tiens donc !

Nous posions la question : qui a le droit de violer les sources et les contenus d’information publique ou privée ?

Le 14 septembre (page 12), le même journal évoquait à nouveau l’affaire Bettencourt dans un long article, et dans le paragraphe ci-après, il  écrivait :

« Dans des rôles différents, les deux femmes se sont trouvées au cœur de l’enquête préliminaire menée par le procureur de Nanterre Philippe Courroye – un proche du chef de l’Etat -, dès la révélation, en juin 2010, part le site Média-part, des enregistrements clandestins opérés au domicile des Bettencourt. Le Monde a pu avoir accès à cette procédure dont on comprend que le procureur ait tenu à la garder secrète – l’enquête préliminaire, placée sous le seul contrôle du parquet, soumis hiérarchiquement à l’exécutif, n’est accessible à aucun avocat. »

Nous avons souligné en gras la phrase intéressante : qui donc a pu, et qui s’est arrogé le droit de violer, dans le cas d’espèce, le secret des sources et des contenus ?  (par la voie (ou voix du Saint Esprit?)

Dans le numéro du 2 septembre dernier, le Monde faisait son titre de première page

« Comment les services secrets ont espionné « Le Monde »

Une enquête judiciaire montre que le contre-espionnage s’est procuré des informations confidentielles d’un journaliste pour identifier ses sources dans l’affaire Bettencourt »

A bien comprendre les positions de notre grand journal national de référence, un journaliste aurait le droit, à des fins d’information, de violer sources et contenus, en fonction des convenances de vulnérabilité (WikiLeaks), aurait le droit d’accéder à une enquête préliminaire (Bettencourt), théoriquement secrète, alors que la puissance publique se verrait interdire le droit de protéger ses actions ?

            Ne pensez-vous pas que nous sommes décidément dans un débat d’un droit et d’une déontologie à géométrie très variable, c’est-à-dire de pure opportunité ?

            Sauf pour la justice à se prononcer sur la question de fond posée par l’application de la loi du 5 janvier 2010, dans son article 1 :

            « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public »

            Mais dans certaines limites fixées par le même article :

            « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie »

            Alors, et dans les cas visés, impératif prépondérant d’intérêt public ou non ?

            Ou encore, extension d’un droit qui parait reconnu par tous les partenaires de la justice, y compris par certains magistrats, celui de violer le « supposé »  secret de l’instruction ?

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Les Mots ou les Expressions du jour politique, pacte et relation inappropriée

Humeur Tique : de bons sujets de dissertation pour des élèves de classes sciences po. !

Les Mots ou les Expressions du jour politique

Un mot : le « pacte »

Une expression : une « relation inappropriée »

A commenter sur tous les plans : linguistique, anthropologique, sociologique, psychologique, et bien sûr politique…

Procès Chirac: le Parquet requiert la relaxe : Pauvre Parquet de Paris, et peut-être pauvre Justice!

            Au titre d’une trop longue fréquentation des institutions parisiennes, notamment pendant la période de la Chiraquie, il n’y a pas lieu d’être véritablement surpris par la position du Parquet de Paris, dont le responsable a été, le plus souvent, et quoiqu’on en dise, aux ordres, soit de la majorité actuelle, soit de l’opposition.

            Ce qui est le plus frappant dans l’évolution de la pratique et le fonctionnement du Parquet de Paris, c’est une sorte de « décalque » d’une autre administration hiérarchiquement très « disciplinée », la Préfectorale.

Mais je serais tenté de dire que, très souvent, un procureur est encore plus discipliné qu’un Préfet : il rend compte à tous les échelons, il écoute, il précède les instructions, et perd assez souvent les finalités de la mission que lui a confiée la République.

Et pour revenir au fond du procès lui-même, il y avait bien un « système » à la mairie de Paris, à l’époque Chirac, et les quelques cas épinglés, une « misère » financière par rapport à l’osmose qui était réalisée entre RPR et Mairie de Paris, auraient quand même mérité de recevoir une meilleure réponse du droit de la part du Parquet de Paris.

En France, et à Paris, d’abord, tout serait donc possible, et sans sanction judiciaire ? Alors, oui, il faut changer le système de la magistrature dite « debout » !

Alors « debout » ou « garde-à-vous » ?

Jean Pierre Renaud

Deux films italiens à voir : « Un tigre parmi les singes » et « Habemus papam »

Pour des raisons complètement différentes, et qui n’ont rien à voir avec mon amour ancien pour l’Italie !

            « Un tigre parmi les singes », un titre dont il est difficile de saisir le sens, sans aller jusqu’au bout de l’intrigue. L’acteur principal, une bête de cinéma, une gueule, avec une tache sur le front qui lui a valu son surnom de « Gorbaciof », modeste comptable d’une prison napolitaine, complètement accro au jeu, et donc voleur par définition. Il tombe amoureux de la fille d’un de ses compagnons de jeu, chinois et restaurateur, et par amour, il décide d’aider son père à rembourser ses dettes de jeu, avec l’espoir de pouvoir s’envoler un jour avec sa nouvelle conquête.

 Un duo étonnant entre ces deux êtres, un côté « belle et bête », avec des images superbes de la jeune femme, de leurs jeux platoniques, leurs figures de danse, les regards partagés, car rassurez-vous, pas de « tagada, tagada,… » dans ce film, à la différence de beaucoup d’autres films à la mode !

Dommage toutefois qu’on voie notre héros, jour après jour, toujours avec la même dégaine étonnante, la même coupe de cheveux également étonnante, mais avec le même costume et surtout la même chemise !

« Habemus papam » une première raison d’aller voir ce film, la découverte pour certains de la pompe pontificale, du Vatican, de ses cardinaux tout de pourpre cardinalice vêtus, réunis en conclave « démocratique » pour élire un nouveau pape.

Une deuxième raison, celle qui fait qu’un homme ou une femme puisse s’interroger, avant d’accepter une lourde et écrasante responsabilité, sur leur capacité à y faire face. Alors, me direz-vous, le cas n’a pas l’air d’être très fréquent, et c’est vrai !

Une troisième raison, celle qui a consisté, pour son réalisateur et comédien, à y mêler sérieux papal et comédie, « déshabillage » du Sacré Collège, ce monde fermé des cardinaux, intrusion de la psychanalyse dans le traitement mental de ce pape élu, qui refuse son élection, dans une lutte entre son âme ou son inconscient ?

Un seul regret, quelques longueurs, celles du temps consacré à la psychanalyse et aux jeux de volley-ball dans lesquels le psychanalyste a réussi  à entrainer les cardinaux pour les faire patienter, le temps que le nouveau pape accepte éventuellement son élection.

Et au surplus, pas de « tagada, tagada,… » » non plus ! Au Vatican ? Vade retro, Satana ! …

A chacun, au moins deux bobines de cinéma, pour reprendre l’étalon de mesure d’une critique connue de cinéma sur France 2.

Jean Pierre Renaud