« La Piastre et le Fusil » – 4

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« La Piastre et le Fusil »

    Chapitre VI

    LA GESTION (p,277)

    L’auteur consacre ce chapitre à l’analyse des problèmes que pose la gestion  de campagnes militaires, d’opérations militaires en respectant les règles de gestion budgétaire classique, des problèmes le plus souvent insolubles.

    « En Indochine, titrait Le Monde au lendemain de la signature des accords de Genève, « La France n’a su faire ni la guerre ni la paix ». Cruel jugement : le Parlement aurait-il par exemple été, a  priori, hostile à toute mesure exceptionnelle ? «  En tout cas, observe Jacques Fauvet, signataire de l’article, on ne lui a jamais demandé nettement, pour en finir avec l’adversaire, ni un effort financier, sous forme d’impôt ou d’emprunt, ni un effort militaire, comme l’envoi du contingent. La victoire était-elle donc réputée inaccessible ? Mais, constate-t-il également, « les gouvernements successifs n’ont jamais non plus placé le pays et le Parlement en face de ce que pourrait coûter la paix ».

      Entre les dépenses militaires et les ressources disponibles, la gestion du conflit indochinois par la France, si l’on en juge par ses résultats, apparait en effet calamiteuse. Dans une guerre qui ne voulait pas dire son nom, la lenteur de l’élaboration des budgets militaires ne le cédait qu’à celle de leur exécution. A travers la maquis touffu de l’organigramme décisionnel, les flux financiers liés aux opérations étaient suivis – en techniciens – par des techniciens, pendant que les militaires, comme sur une autre planète, vaquaient à leur propre besogne. De la piastre ou du fusil, ben malin celui qui pouvait dire alors ce qui comptait le plus.

      Faut-il émettre l’hypothèse que si la guerre avait été bien gérée par la France, et avec des moyens adéquats, elle aurait pu être gagnée ? Rien n’autorise à le dire : par contre, ses responsables auraient peut-être eu les moyens de discerner plus tôt ce qui, de la guerre ou de la paix, devait l’emporter – ce qu’il était, tout simplement possible de faire. »

  1. «  UN NON-ETAT DE GUERRE

     « A la différence de ce qui se passera plus tard pour la guerre d’Algérie, en dépit des efforts du parti communiste pour développer en France même, autour de 1950, sa campagne contre la « sale guerre », l’état  de guerre est pratiquement toujours resté localisé à l’Indochine. Le Viet Minh, tant au niveau de la mobilisation des hommes que de la gestion des budgets, était bien sûr lui-même pleinement dans le conflit. Les Français ont pour leur part contraint l’Etat associé de Bao Dai à « rentrer » également dans la guerre, ce que ce dernier n’a fait ni facilement ni de gaieté de cœur. Mais ils en sont restés là, laissant se développer sur les 10 000 kilomètres séparant le théâtre d’opérations de la métropole une forte contradiction : là-bas, la montée progressive des combats donnait au conflit toutes les  apparences d’une guerre ; ici, le gouvernement, sans jamais vraiment y entrer lui-même, gérait la question de manière de plus en plus financière, et de plus en plus internationale.

  1. L’absence de priorité indochinoise en France

    « La guerre d’Indochine a été conduite par la France avec des procédures de temps de paix, et ce dès le début, alors que la situation de continuité avec la seconde guerre mondiale et l’ampleur des opérations de reconquête aurait pu justifier l’inverse… »  (p,278)

     « La guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires, disait en substance Clemenceau, avant de conduire la France à la victoire en 1918 : en Indochine, manifestement, elle n’apparait pas assez sérieuse pour leur être retirée. Car ce non-état de guerre, qui sans doute ne leur convient pas semble avoir encouragé les militaires à vivre en vase clos, à l’écart d’un pouvoir civil qui ne leur facilitait pas la tâche et, pendant longtemps, ne sut même pas leur fournir de directive claire.. Un certain brouillard entoure d’ailleurs, on le sait, le prix de l’armée française, discrètement dénoncé en haut lieu dès 1948… » (p,281)

  1. Du « Plan de campagne » au budget militaire

    « Pour comprendre sur quelle bases s’effectue le financement des opérations en Indochine, il convient d’examiner les procédures qui aboutissent à l’établissement et au vote des budgets militaires : celles-ci tournent pour l’essentiel autour du plan de campagne et d’approvisionnement, qui fournit l’état des prévisions de dépenses pour l’année suivante et fait concrètement le lien entre le théâtre et le gouvernement. La navette apparait presque permanente entre les deux…Il fallait donc en moyenne un an pour que les prévisions, devenues lois, puissent se transformer en dépenses opérationnelles ; en tout état de cause, les besoins devaient être exprimés, six mois avant l’année auxquels ils s’appliquaient… » (p,286)

    II L’ORGANIGRAMME DU CONFLIT (p,287)

     « Quiconque s’interroge sur la question de savoir qui conduisait la guerre d’Indochine, du côté français, trouve d’abord une réponse simple : le gouvernement  de Paris et son représentant surplace, le haut-commissaire, dont dépendait le commandement en chef. Dans la pratique, les choses sont infiniment complexes : à Paris, l’absence de véritable état de guerre conduisait à une parcellisation des compétences et donnait à l’organigramme du conflit l’apparence d’un maquis touffu. La valse des hommes aux postes de responsabilité – pas tous cependant – ne simplifiait pas le problème. Le pouvoir d’influence des dirigeants de l’économie et de la finance ajoutaient à la complexité…

  1. A Paris ou à Saigon ?

    L’existence d’un groupe de pression colonial, agissant en particulier sur place, constitue une hypothèse attractive pour expliquer certaines dérives de la guerre d’Indochine, pour comprendre, sinon la guerre elle-même, du moins sa prolongation. L’hypothèse devient franchement séduisante si l’on y mêle tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, profitent de la guerre. « Pour que la guerre s’arrête, il faut d’abord qu’elle cesse d’être une source de profits abusifs », suggère une note début 1954. Malheureusement, les sources dépouillées ne permettent  de se faire qu’une  idée très approximative de cette question. En attendant d’aller plus loin, il demeure toujours possible de localiser les principales décisions. Et d’abord de répondre à cette question : sont-elles arrêtés – ou largement préparées en Indochine, ou bien à Paris, au niveau gouvernemental ?

    En principe, sauf au tout début du conflit, les principales décisions concernant la guerre d’Indochine sont prises à Paris, mais Saigon peut « faire de la résistance » et jouer un rôle non négligeable… l’époque à laquelle l’Indochine parait avoir pesé le plus lourd, dans la gestion de la guerre et les décisions –ou l’absence de décisions – la concernant, correspond au passage de Léon Pignon à la tête du haut-commissariat en 1949 et 1950, un moment par ailleurs crucial… La situation de 1949 a été campée par Lucien Bodard : « Les administrateurs qui entourent Pignon sont des revenants, observe-t-il. Ces hommes avaient été des colonialistes intégraux que les »gaullistes » avaient chassés en 1945. Trois ans après, il ses retrouvent au pouvoir en Indochine. »

   Fort de cet entourage à qui l’histoire semblait donner raison – ses membres n’avaient-ils pas toujours dit qu’on ne pourrait s’entendre avec Ho Chi Minh ? – le haut-commissaire Pignon entretient à l’occasion une sorte de guérilla administrative avec le gouvernement…

    Certes, en 1952,1953, après le décès du général de Lattre, qui avait lui-même succédé à Pignon, une unité physique s’est rétablie entre Paris et Saigon en la personne du ministre Jean Letourneau, devenu également haut-commissaire. Mais cette situation, qui ne fut pas durable, semble n’avoir comme effet que de déplacer les tensions. » (p,289)

  1. L’imbroglio gouvernemental (p,290)

    Tout au long de la guerre, comme le  décrit l’auteur, jamais le gouvernement  ne fut capable de mettre sur pied une administration interministérielle à la fois compétente et responsable, avec des processus de décision efficaces.

  1. Réseaux d’influence et décideurs (p,297)

      « Au plus haut niveau, c’est-à-dire à celui où se font les choix et les arbitrages financiers, personne ne parait en mesure d’endosser pleinement la responsabilité de la guerre, tant l’absence de continuité semble avoir été la règle – mis à part à l’Elysée, d’où l’influence de Vincent Auriol, président de la République et de l’Union française de 1947 à 1953, fut loin d’être négligeable. Le problème n’est pas nouveau mais mérite d’être souligné : la France a usé vingt gouvernements successifs entre 1945 et 1954 – en neuf ans, soit plus de deux par an…. Saigon n’a pas connu moins de huit généraux commandants en chef successifs entre 1945 et 1954, sans compter deux intérims assurés par Salan, et sept hauts commissaires, intérimaires non compris – à peine plus d’un par an… L’absence de continuité est également illustrée par la qualité changeante des hauts commissaires en question : un amiral (d’Argenlieu), deux généraux (de Lattre et Ely), un parlementaire (Bollaert), un haut fonctionnaire (Pignon), un ministre (Letourneau), un ambassadeur (Dejean)…(p,298)

     L’auteur évoque alors le contexte international de l’époque, les choix difficiles à effectuer entre défense du continent européen et liquidation d’une position coloniale, devenue un des éléments de la guerre engagée en Asie avec le communisme soviétique et chinois, et plus loin la question des flux financiers entre Paris et Saigon, l’épineuse question du trafic des piastres.

     D. Le « trafic des piastres »

     «  Où se situe le trafic des piastres, dans le système des transactions ou dans les abus de ce système ? Le ministère des Finances, après que l’affaire des généraux ait placé la question devant l’opinion, s’est rapidement fait une doctrine. Deux jours après la publication du premier rapport Mariani et se fondant manifestement sur lui, Guillaume Guindey, indique à son ministre ce qu’il faut penser : « Il convient de s’élever contre l’idée trop répandue que tout transfert de l’Indochine vers la France constitue un trafic. Les relations commerciales entre l’Indochine et la France, la présence en Indochine de fonctionnaires et de militaires français, les nombreuses exploitations que possèdent en Indochine des sociétés françaises, ne peuvent que provoquer une masse importante de transferts parfaitement légitimes entre les deux pays. » Il n’y a trafic, précise le directeur des Finances extérieures, que « Le « trafic des piastres » lorsque qu’il y a marché noir : « L’existence de tels trafics est indéniable. Cette fraude est spectaculaire, mais elle n’est pas aussi généralisée qu’on le prétend parfois. » (p,317)

     Quelle évaluation ?

     « Combien ? Le rapport Mondon, qui établit le bilan du trafic au nom de la commission d’enquête, semble jeter l’éponge : indépendamment en effet de la contrebande financière, les procédés illicites entourant les importations sont entourées de mystère. «  des renseignements très précis sont impossibles à fournir, car il faudrait dépouiller tous les dossiers et effectuer tous les contrôles en accord avec la douane, afin de vérifier si la valeur des marchandises importées correspondait bien aux autorisations de transferts. Ce travail demanderait certainement de nombreux mois et de nombreux fonctionnaires ». Que dire quarante après ! Mais il faut bien fournir un ordre de grandeur à en croire les experts financiers de l’époque, « il résulte que le trafic peut être évalué en environ 10 à 15 % du total des transferts par année », conclut le rapport Mondon. Cela représente sur l’ensemble de la période, si l’on admet un total de de transferts de l’ordre de 1 300 milliards de francs, un trafic situé dans une fourchette allant de 130 à 200 milliards de francs – environ une année de versement du Trésor à l’Indochine dans les dernières années de la guerre. » (p,321)

  1. La surévaluation de la piastre (p,328)

     « Le problème de la surévaluation de la parité de la piastre indochinoise a constitué, pour reprendre cette expression commode, une sorte de « serpent de mer » de la guerre d’Indochine. Fixée en décembre 1945 à 17 francs, en discontinuité avec le taux de 10 francs précédemment admis, mais en concordance avec le reste de l’Empire, c’est-à-dire essentiellement avec le franc d’Afrique, cette parité était conçue comme provisoire…

     L’auteur examine ensuite les arguments qui plaidaient, soit pour la dévaluation, soit pour le maintien de sa parité :

     « A tout considérer, notamment à la lumière de la dévaluation de 1953 et de ses effets, il apparait que le maintien d’une piastre aussi nettement surévaluée relevait pour la France d’une pratique essentiellement impériale. « la surévaluation de la piastre était à l’origine de tous les trafics et de la prospérité artificielle des Etats associés », note André Valls quinze jours après la dévaluation. Elle dirigeait l’essentiel de leurs échanges en direction de la France. Elle permettait aussi à celle-ci de garder le contrôle des finances des Etats associés : « La garantie que leur donnait la France, note encore le conseiller financier, d’une part en rattachant par un parité fixe la piastre au France, d’autre part en attribuant à la piastre une parité avantageuse, devait avoir pour contrepartie à son profit un droit de surveillance à la fois sur la gestion des finances nationales et sur l’évolution de la masse monétaire locale. » Au fond, elle était ainsi la contrepartie du système complexe imposé aux Etats dans le cadre de l’Institut d’émission. On comprend dès lors mieux les hésitations à décider une dévaluation à première vue pourtant logique : plus la France et  l’Indochine s’installaient dans la guerre et plus la piastre en devenait l’élément central, incontournable. En ce sens, la dévaluation du 11 mai 1953 apparait bien synonyme de dégagement français . » (p,333)

    Dans le Troisième Partie « Les conséquences du conflit », l’auteur tente de répondre avec la même rigueur à la question Chapitre VII « Une opération « blanche » pour la France ? » (p,345 à 397), et analyse enfin les conséquences de cette guerre dans le chapitre VIII « L’éclatement de l’Indochine » (p, 397 à 447)

       Nous proposons d’aller directement à la « Conclusion » (p,447 à 455)

    Le volume comprend une documentation riche avec les Sources, une Bibliographie, une Chronologie, les Gouvernements français et principaux ministères, les principaux représentants de la France en Indochine, Valeurs et change des monnaies (p,455 à 527), et enfin une série d’Annexes politiques.

Conclusion (p, 447)

    « Ayant constaté que le « projet d’étudier scientifiquement la guerre avant de la juger soulève de sourdes résistances », Gaston Bouthoul ne s’en étonnait pas : « la guerre n’est-elle pas le domaine des terreurs sacrées, comme la foudre et le tonnerre, interdits aux physiciens sacrilèges ? N’oublions pas, ajoutait-il, que jadis on admettait la torture, non la dissection ». Pour notre part, nous n’avons guère rencontré de résistances dans cette recherche, sinon celle des sources, souvent opaques et plus encore inaptes à livrer autre chose que des bribes de vérité – les sources écrites car les sources orales, elles, nous sont apparues en effet réticentes. Sinon aussi celles des représentations, très liées cette fois au caractère sacré de l’objet ; en abordant aujourd’hui la guerre d’Indochine, il est impossible de faire abstraction des idées bien tranchées qui s’y rapportent. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas souhaitable, car ces idées, ces représentations, en font d’une certaine manière partie.

     Que cherchions-nous, en étudiant le coût de la guerre d’Indochine ? D’abord à tenter de mieux comprendre, sans doute, ce conflit qui mina la IVème République, inaugura la fin de l’empire français et déstructura durablement l’Indochine elle-même. Les finances publiques sont en effet « un poste d’observation stratégique pour l’historien » : le constat  de leur importance progressive à l’arrière-plan des combats, l’inventaire des dépenses, des ressources, la reconnaissance de l’organigramme compliqué de la guerre et de sa gestion débouchaient sur une sorte de phénoménologie du conflit ».

    Qu’apprend-on en particulier sur l’origine même de la guerre d’Indochine ? Il ressort des sources qu’il n’y a pas de causes spécifiquement économiques au conflit. L’idée est plutôt, au lendemain de la seconde guerre mondiale, de reprendre un territoire considéré comme français et dont on a perdu le contrôle depuis plusieurs mois. Par contre, les facteurs économiques créent un environnement favorable à la guerre, car ce territoire fixe une masse important d’investissement. Ainsi pour le caoutchouc : ce n’est pas pour lui que la France   dépêché son corps expéditionnaire en Indochine ; il n’en resta pas moins que le rétablissement des fournitures indochinoises était indispensable à la relance de l’industrie française dans ce secteur.

     Ce souci des intérêts français accompagna la conduite de la guerre pratiquement jusqu’à la fin…L’éclairage économique et financier n’est pas non plus inutile à l’examen du déroulement proprement dit du conflit. L’impression générale est bien sûr que la guerre a été progressivement rattrapée par son coût…Nourrie d’une sorte d’orgueil de grande nation, la France n’envisage à aucun moment de renoncer vraiment, alors qu’elle sait vite ne jamais pouvoir vaincre… Paris avait besoin également de l’aide de Washington, et les Etats Unis accordaient celles-ci d’autant plus facilement que son attribution s’accompagnait d’un désengagement de la France… Que cherchions-nous d’autre en étudiant le coût de la guerre d’Indochine ? Certainement une sorte de prix, un ou plusieurs chiffres incontestables permettant de mesurer la perte ou le profit de l’opération. En elle-même, cette évolution du coût est un exercice difficile mais réalisable, en particulier pour la France : en termes financiers, nous avons mesuré ce coût entre 1945 et 1954, à environ 10 % des dépenses de l’Etat, soit l’équivalent d’une année de budget. » (p,447,448,449,450)

     « Quel bilan retenir de cette tragique décolonisation – un mot qui n’est alors guère prononcé, comme s’il se cachait derrière le spectaculaire du conflit Est-Ouest ? Sur place le bilan apparait assez consternant, notamment sur le plan géopolitique. Le Vietnam sort plus divisé que jamais du conflit. Autant qu’une solution à la guerre, répétons-le, la division du pays au 17° parallèle est un produit de la guerre, le produit d’une guerre devenue civile, comme l’ont voulu certains dirigeants français désireux de reprendre pied. Par son incapacité à s’entendre avec le Viet Minh dans les premières années de la guerre, la France a également réussi à ramener la Chine au Vietnam, après avoir tant bataillé – diplomatiquement –pour qu’elle se retire en 1946. Il ne s’agit certes pas de la même chine, mais il s’agit tout de même de la Chine. Toute la péninsule indochinoise émerge ainsi du conflit meurtrie, divisée, « balkanisée » …

     La France vaincue s’en tire un peu mieux. Elle s’était, il est vrai, financièrement désengagée dès 1953 avec la dévaluation de la piastre, un an avant Dien Bien Phu. La gestion financière du conflit, ou plutôt son coût, lui permettait une sortie de guerre sans dommage majeur, sinon en terme d’image – ce qui fait aussi partie de la gestion de la chose. Elle avait en effet déjà « vendu » sa guerre aux Etats Unis, ou en avait fait du moins une juteuse opération génératrice de précieuses devises. Comme le rappelait on le sait Mendès France au lendemain de Genève, « nous avons trouvé dans la guerre d’Indochine l’équivalent des ressources que, normalement, les exportations devaient nous procurer. » (p,453)

     Sur la même page, l’opinion de François Mitterrand, l’homme politique influent de la Quatrième et Cinquième République dont l’héritage ne fut pas vraiment brillant pour les deux guerres de décolonisation d’Indochine et d’Algérie ! Comme si, les responsables politiques étaient tous frappés d’amnésie !

      « Sur le plan diplomatique, et en termes de puissance, le résultat est moins net. Le risque était connu, ainsi que l’avait formulé François Mitterrand un mois avant Dien Bien Phu, résumant toute la guerre : »Après avoir pendant trois années, recherché une en Asie une conquête de type colonial, après avoir, pendant deux années, de 1949 à 1951, recherché une sorte d’astuce, comme une sorte de truc, l’appui de soldats vietnamiens, sous forme d’indépendance promise, après avoir, devant l’inefficacité de ces deux solutions, recherché le financement et l’ide matérielle des Américains, nous en sommes arrivés à ne plus pouvoir disposer de notre entière liberté d’action par rapport aux peuples autochtones, pas plus que nous avons de liberté diplomatique réelle à l’égard des Alliés, et cela se conçoit parfaitement : dans un contrat, il y a des concessions réciproques ». François Mitterrand prônait alors un resserrement de la politique française sur « un objectif méditerranéen. » (p,453)

    Source : «  12. Intervention de François Mitterrand le 9 avril 1954 au Centre d’études de politique étrangère, rue de Varennes, Archives nationales, Papiers Mayer, 363 AP 31 »

Commentaire : la guerre d’Algérie n’était pas commencée le 9 avril 1954, mais Mitterrand avait  assumé de multiples responsabilités au sein des groupes politiques charnières qui faisaient ou défaisaient les gouvernements de la 4ème République, et la guerre d’Indochine laissait un héritage malsain pour la décolonisation de l’Algérie : entre 1945 et 1954, il avait été cinq fois ministre.

     Ma conclusion : il s’agit d’un travail remarquable d’historien, car, à mes yeux, l’histoire coloniale et postcoloniale française souffre d’une carence d’histoire quantitative sur les plans économiques et financiers, et cet ouvrage en propose une exception.

      Seule critique, mais de poids, relative à l’absence d’un bilan humain en pertes humaines aussi bien du côté du corps expéditionnaire que les gouvernements considérèrent trop souvent comme de la « chair à canon » que de l’armée Vietminh, ainsi que toutes les victimes de cette sale guerre.

Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

La Parole de la France ? L’Honneur du Soldat – Les Héritages- Guerres d’Indochine et d’Algérie- Prologue avec Malraux, Delafosse et Guillain – 3

La Parole de la France ?

L’Honneur du Soldat

Les Héritages

Guerre d’Indochine (1945-1954)

Guerre d’Algérie (1954- 1962)

II

En Prologue

Nous proposons un éclairage du sujet avec les témoignages lucides d’André Malraux, Maurice Delafosse et Robert Guillain

3

 1946 – Les constats de Robert Guillain sur la guerre d’Indochine : en 1946 et 1954

1946 « La sale guerre » sans solution

 Dans son livre « Orient Extrême » (Le Seuil – Arléa – 1986), Robert Guillain, l’un des grands journalistes du XXème siècle et l’un des meilleurs spécialistes de l’Extrême Orient a consacré deux de ses chapitres à la guerre d’Indochine :

7. Indochine : L’explosion (1946) – (page 131)

                  11. A Dien Bien Phu (1954) – (page 219)

       Je propose à la lecture quelques analyses et de reportages qui nous permettent d’avoir une bonne vision de ce conflit.

       Dans l’une de ses analyses, l’auteur stigmatise « la France officielle », celle qui gouvernait, laquelle manifestait une grande incompétence dans la compréhension et la gestion de cette grave crise de décolonisation.

      Tout au long de mes propres recherches historiques, j’ai fait le même constat d’ignorance des mondes coloniaux par l’establishment parisien, tant pendant la période des conquêtes coloniales de la Troisième République que pendant celle de la colonisation.

      Pourquoi ne pas avancer que de nos jours, nos dirigeants politiques semblent affligés de la même ignorance du passé colonial de la France ?

       Dans quelques-unes de mes chroniques, j’ai proposé mon propre diagnostic et constat, d’après laquelle, non seulement, nos gouvernants n’y connaissaient pas grand-chose dans les affaires coloniales – ils laissaient faire les experts ou les responsables de terrain -, mais que la population française ne fut jamais animée ni d’une grande passion, ni d’un grand zèle colonial, à la grande différence des britanniques.

      « L’explosion (1946)

     « Dans l’insurrection d’Hanoi. La mission Marius Moutet. L’erreur de de Gaulle en Indochine. Six avions pour faire la guerre. Alerte au Pont des Rapides. Parachutage sur Namdinh. Bombardement à la planche. Un inconnu nommé Diem. »

     « Mes vacances duraient encore quand dans la dernière semaine de novembre (1946), je reçus un coup de fil de Maurice Nègre, directeur général de l’Agence France Presse. « Vous savez ce qui se passe en Indochine : c’est peut-être la guerre. Le gouvernement vient de décider d’envoyer là-bas une mission dirigée par Marius Moutet, le ministre de la France d’outre-mer. Il y aura une place dans l’avion pour un envoyé spécial de l’A.F.P. Je voudrais que ce soit vous. »…

      Au téléphone je protestai « Je connais le Japon, mais rien du tout à l’Indochine. Entre les deux, il  doit y avoir cinq milles kilomètres ! Réponse de Maurice Nègre : « Ça ne fait rien, vous êtes l’Asiatique de la maison ! « Je ne pouvais pas refuser.

     Effectivement, en « Asiatique » que j’étais tout de même, j’avais suivi ce qui se passait là-bas, et c’était un peu à mes yeux une suite du drame japonais. Le Japon, j’allais le retrouver en Indochine, ou du moins j’y verrais les effets de la bombe de retardement qu’il avait plantée là avant sa défaite, quand il avait prêché la révolte des colonisés, le renvoi des Blancs et l’Asie aux Asiatiques…

     … l’armée japonaise, dès avant la capitulation du mois d’août 1945, avait balayé l’administration française de l’amiral Decoux, et donné le champ libre aux violences du Vietminh. La France avait découvert l‘existence du problème indochinois, du nommé Ho Chi Minh, et le nom même du « Vietnam ». L’année 1946 avait été celle de l’espoir. Ho Chi Minh était venu à Paris et de difficiles négociations s’étaient ouvertes à Fontainebleau pour un accord d’apaisement, tandis que là-bas le général Leclerc commandait les troupes françaises qui revenaient à Saigon et à Hanoi…

      « Pire encore, trois jours avant que Moutet quittât Paris, éclatait à son tour, le soulèvement de Hanoi…Nous pensions arriver dans une ville en effervescence, nous trouvions une ville en guerre, en proie à la plus vicieuse des guerres. « La sale guerre », cette appellation qui allait coller à la guerre d’Indochine jusqu’au bout pendant huit ans, date de ces premiers jours, où je l’ai entendue. Hanoi venait de connaitre entre l’explosion du soulèvement, le 19 décembre, et la Noël, une semaine de sang et de feu… Nos forces ne tenaient de la ville qu’un ilot central cerné par les révoltés ; tout le reste était au Vietminh. Au premier matin, comme Marius Moutet visitait l’hôpital Yersin, j’entendais claquer des balles aux alentours. Simple démonstration peut-être, car on ne signala ni mort ni blessé, mais cela mettait tout de suite dans l’ambiance ce messager de la paix qui avait une colombe dans sa valise pour Ho Chi-Minh. L’oncle Ho n’allait plus jamais le rencontrer, il avait pris le maquis avec la moitié de la population, partie sur ordre du Vietminh…

       Tout de même, grâce à la rapidité de notre réaction, et à une certaine pagaille chez les révoltés, cela avait été finalement une Saint-Barthélemy ratée, où le nombre des civils massacrés fut « seulement » de 300, celui des disparus de 500 environ, dans une population française de 3 000 en chiffres ronds, dont environ 2 200 métis eurasiens…

       C’était la guerre, voilà tout ce que Marius Moutet, brave homme et honnête ministre, très « Troisième République », déchiré par ces constatations tragiques. Arrêter cette guerre ? Boutbien était pour, Messmer contre : c’eût été retirer nos troupes, donc capituler devant l’adversaire. Etait-ce possible ? Paris en déciderait. Mais pour Moutet, il ne restait plus qu’à se renvoler, mission accomplie, mission ratée, et à méditer sur le passé et les occasions perdues.

      Aurait-on pu l’éviter, la guerre d’Indochine ? Personnellement, je crois que oui. Mais en 1946, à Fontainebleau ou Hanoi, c’était déjà trop tard…. Oui, nous aurions pu éviter la guerre, à mon avis, si de Gaulle avait voulu comprendre les possibilités qui s’offrait à lui dans le courant de l’année 1945. Lui qui plus tard allait se montrer clairvoyant, ou au moins réaliste, en acceptant la décolonisation inévitable, il avait désastreusement raté la décolonisation de l’Indochine. (p,133,134,135)…

      Leclerc, esprit moderne et audacieux, ne mit pas long temps, en arrivant, à comprendre où il était. Dans ses rapports, il préconisait bientôt, admirable clairvoyance, l’instauration d’un Vietnam indépendant, qui aurait pris place comme Etat libre dans l’Union française. De Gaulle n’en fit rien, il fit la grave erreur de confier l’Indochine à l’amiral Thierry d’Argenlieu, patriote de la vieille école, homme de bonne foi et de foi, mais égaré par le rêve d’une restauration française dans les trois parties du Vietnam, Cochinchine, Annam et Tonkin. Dans ces conditions, toute négociation possible, à Fontainebleau ou à Hanoi était vouée à l’échec… » (p135)

Commentaire : il est tout à fait exact de noter qu’en choisissant un amiral,  qui plus est, un moine déchaussé, le général effectuait un retour vers le passé colonial de l’Indochine, en redonnant le pouvoir à la Marine qui avait choisi d’imposer, en 1854, un « fait accompli » en Cochinchine, en y réintroduisant la religion chrétienne.

       Dans au moins un de mes livres sur les conquêtes coloniales de la Troisième République, j’ai eu l’occasion de développer le rôle de la Marine dans leur processus, comme acteur ou comme expert.

      Il convient toutefois de noter aussi que le premier choix du Général s’était porté vers l’héritier impérial d’Annam, mort dans un accident d’avion avant son retour en Indochine.

      « Maintenant, nous nous trouvions pris au piège d’une guerre pour laquelle nous n’étions absolument pas préparés et que nous faisons dans les conditions les plus mauvaises possibles. « Nous faisons une guerre de pauvres ! » C’est un cri d’alarme, que j’entendais partout. Dès le départ, nous n’avions pas les moyens de faire cette guerre, encore moins de la gagner. Nos effectifs étaient dérisoires nos munitions et notre matériel insuffisants. En retranchant les états-majors et les services, nous disposions d’à peine 10 000 hommes au Tonkin…

      Un officier : « Notre infanterie coloniale combat sans jamais être relevée et sans espoir de l’être… Nous manquons de blindés. Quant à l’aviation, autant dire que nous n’en avions pas »

      L’aviation française en ce début de la guerre d’Indochine ? Chose à peine croyable, nous avions à Hanoi six avions de guerre, en tout et pour tout : six petits Spitfire, chasseurs monoplaces… » (page 136)

      « Sur les diverses opérations, desserrement du siège d’Hanoi, Pont des Rapides, expéditions de Namdinh, j’envoyai à Paris des télégrammes courts ou longs, que suivit une série d’articles envoyés par la poste de Saigon où j’étais redescendu. Les télégrammes passaient par le censeur militaire, et aucun ne fut retenu. J’imaginais déjà ma signature dans les journaux parisiens, au bas des papiers de « l’envoyé spécial de l’A.F.P. » Je devais apprendre plus tard que presque rien de ce que j’envoyais n’était diffusé. Mes informations, pour la plupart, n’atteignaient que les clients étrangers de l’Agence. La raison ? Prudence de l’Agence et consignes du gouvernement. Mais surtout, la France et plus encore la France officielle ne voulait pas regarder en face cette guerre importune, cette guerre stupide et lointaine. Elle « ne voulait pas le savoir », comme on dit. Après la guerre de Hitler, moins l’opinion en savait mieux cela valait, pour le moment.

     Et c’est ainsi qu’après un mois d’Indochine, l’A.F.P me fit rebondir vers l’Inde, pardon, vers les Indes, comme on disait encore à cette époque. Aux Indes se préparaient visiblement des événements importants, et mes « papiers » éventuels auraient peut-être un mérite aux yeux des Français : celui de montrer que la puissante Angleterre avait des ennuis, elle aussi, avec ses colonies en Asie. » page142)

    Commentaire :

     La situation décrite ne fut pas celle de l’Algérie, mais elle s’en rapprochait sur le plan militaire à ses débuts, alors qu’on ne peut pas dire qu’elle faisait partie, comme en Indochine,  d’un domaine caché de l’information.

    Le problème posé était celui de la connaissance qu’avaient les Français de leur domaine colonial et de son intérêt pour le pays.

      Robert Gulllain utilise l’expression « la France officielle » et cette expression est très parente de celle que j’ai beaucoup utilisée dans mes analyses, c’est-à-dire « la France coloniale », c’est-à-dire l’officielle, celle d’une petite élite parisienne et coloniale, alors que les Français se sont toujours désintéressés, sauf exceptions, des colonies.

      L’une de mes conclusions était celle que c’est à l’occasion de la guerre d’Algérie, avec l’engagement du contingent décidé par le gouvernement socialiste de Guy Mollet que le pays a commencé à s’intéresser aux destinées du domaine colonial.

     En Indochine, les gouvernements de la Quatrième République manifestèrent la plus grande incurie en ignorant ou en refusant de comprendre les enjeux de ce conflit, dans toutes ses dimensions stratégiques, internationales et nationales, le poids de l’histoire du Vietnam, notre capacité militaire à faire face à ce nouveau type de guerre révolutionnaire, à la fois sur le plan des forces et sur celui des idéologies.

      Le Corps expéditionnaire et notre commandement militaire n’était pas du tout préparé à ce nouveau type de guerre subversive et révolutionnaire qu’avait mis en œuvre Mao Tsé Tung en Chine : nos officiers étaient formés à la guerre classique, comme l’était encore le modèle du général de Gaulle.

      Sans que l’opinion publique en ait conscience, la France a alors sacrifié des milliers d’officiers, de sous-officiers et de soldats, sans parler des innombrables victimes civiles dans les deux camps, faute de pouvoir opposer aux revendications nationalistes une réponse politique et historique pertinente.

       Conséquence pour la guerre d’Algérie, une armée décidée cette fois à relever un nouveau défi colonial, et elle en avait les moyens, capable de proposer une doctrine contre-insurrectionnelle efficace, à deux conditions qui ne furent pas remplies : l’adhésion d’une population européenne toujours rétive à l’évolution démocratique d’une part, et d’autre part une proposition pertinente, sur le plan idéologique, face au nationalisme, d’une Algérie indépendante.

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

La Parole de la France ? L’Honneur du Soldat – Les Héritages- Guerres d’Indochine et d’Algérie- Prologue avec Malraux, Delafosse et Guillain

La Parole de la France ?

L’Honneur du Soldat

Les Héritages

Guerre d’Indochine (1945-1954)

Guerre d’Algérie (1954- 1962)

II

En Prologue

Nous proposons un éclairage du sujet avec les témoignages lucides d’André Malraux, Maurice Delafosse et Robert Guillain

1

« Antémémoires »

André Malraux

Folio

&

1945-1965 (p,121)

« Je venais quelquefois à Paris, car nombre de questions étaient encore du ressort du ministère de la Guerre. Je retrouvai Corniglion, devenu général et compagnon de la Libération. Il allait prendre bientôt le commandement de l’aviation contre le bastion de Royan, l’un des derniers points d’appui allemands en France. En attendant, il écrivait un bouquin humoristique avec le docteur Lichvitz, que j’avais connu à la 1ère DFL, et qui était devenu médecin du général de Gaulle. Il en lisait des chapitres, avec une intarissable bonne humeur à Gaston Palewski (à la suite de quelque conflit à Londres, cet ambassadeur était parti en Abyssinie conquérir Gondar, avant de devenir directeur du cabinet du général), au capitaine Guy, à quelques autres. C’est ainsi que je fis connaissance du fameux « entourage ».

      Quelques jours après le Congrès du MLN, nous parlâmes d’élections : on parle toujours d’élections. Je n’éprouvais nul désir de devenir député. Mais j’avais un dada : transformer l’enseignement par l’emploi généralisé des moyens audiovisuels. Seuls le cinéma et la radio étaient alors en cause ; on pressentait la télévision. Il s’agissait de diffuser les cours de maîtres choisis pour leurs qualités pédagogiques, pour apprendre à lire comme pour découvrir l’histoire de la France. L’instituteur n’avait plus pour fonction d’enseigner mais d’aider les enfants à apprendre.

      En somme, dit Palewski, voius voulez faire enregistrer le cours d’Alain, et le diffuser dans tous les lycées ?

        Et remplacer le cours sur la Garonne par un film sur la Garonne.

       Mais c’est excellent ! Seulement, je crains que vous ne    connaissiez pas encore le ministère de l’Éducation nationale.

       Nous avions parlé aussi de l’Indochine. J’avais dit, écrit, proclamé depuis 1933, que les empires coloniaux, ne survivraient pas à une guerre européenne. Je ne croyais pas à Bao Dai, moins encore aux colons. Je connaissais la servilité qui, en Cochinchine, comme ailleurs, agglutine les intermédiaires autour des colonisateurs. Mais, bien avant l’arrivée de l’armée japonaise, j’avais vu naître les organisations paramilitaires des montagnes d’Annam.

      Alors, me dit-on, que proposez-vous ?

       Si vous cherchez comment nous conserverons l’Indochine, je ne propose rien, car nous ne la conserverons pas. Tout ce que nous pouvons sauver, c’est une sorte d’empire culturel, un domaine de valeurs. Mais il faudrait vomir une « présence économique » dont le principal journal de Saigon ose porter en manchette quotidienne : « Défense des intérêts français en Indochine ». Et faire nous-mêmes la révolution qui est inévitable et légitime : d’abord abolir les créances usuraires, presque toutes chinoises, sous lesquelles crève la paysannerie d’un peuple paysan. Puis partager la terre, puis aider les révolutionnaires annamites, qui ont sans doute bien besoin de l’être. Ni les militaires, ni les missionnaires, ni les enseignants ne sont liés aux colons. Il ne resterait pas beaucoup de Français, mais il resterait peut être la France…

     J’ai horreur du colonialisme à piastres. J’ai horreur de nos petits bourgeois d’Indochine qui disent ; « Ici, on perd sa mentalité d’esclave ! »  comme s’ils étaient les survivants d’Austerlitz, ou même de Lang Son. Il est vrai que l’Asie a besoin de spécialistes européens ; il n’est pas vrai qu’elle doive les avoir pour maîtres. Il suffit qu’elle les paye. Je doute que les empires survivent longtemps à la victoire des deux puissances qui se proclament anti-impérialistes.

       Je ne suis pas devenu Premier Ministre de Sa Majesté pour liquider l’Empire britannique, dit Corniglion, citant Churchill.

       Mais il n’est plus Premier Ministre. Et vous connaissez la position du Labour sur l’Inde.

      Tout de même dit Palewski, vous ne pouvez pas exécuter un tel renversement avec notre administration ?

      Il y  a encore en France de quoi faire une administration libérale. Je vais plus loin. Pour faire de l’Indochine un pays ami, il faudrait aider Ho chi Minh. Ce qui serait difficile, mais pas plus que ne l’a été, pour l’Angleterre, d’aider Nehru.

      Nous sommes beaucoup moins pessimistes que vous…

    Ce qui nous mena à la propagande. L’Information était entre les mains de Jacques Soustelle, qui souhaitait changer de ministère.

    A peu de choses près, dis-je, les moyens d’information dont vous disposez n’ont pas changé depuis Napoléon. Je pense qu’il en existe un beaucoup plus précis et efficace : les sondages d’opinion…. Les procédés de Gallup n’étaient alors connus, en France, que des spécialistes. Je les exposai rapidement. » (p,124)

&

 Il est possible de disserter à longueur de pages et de temps, et les choses sont déjà bien engagées beaucoup plus sur le terrain idéologique ou politique que sur le plan historique, sur le bilan et les héritages des colonisations française et anglaise de la fin du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième siècle, mais la décolonisation n’a pas été un long fleuve tranquille.

      Quelques éléments dominent à mes yeux ce sujet polémique : la volonté de puissance de plus en plus anachronique d’un pays, la France, qui n’avait plus les moyens de faire face à l’évolution du monde après la Deuxième Guerre Mondiale, une France qui n’avait jamais eue vraiment la fibre coloniale, une France qui était privée d’un gouvernement à la fois compétent, lucide et stable (une volatilité de six mois en moyenne, comme sous la Troisième République), une France que la Guerre Froide conduisait à choisir le continent européen.

       Résultat : une guerre d’Indochine menée à veau l’eau (1945-1954), une répression rétrograde de l’insurrection malgache en 1947, une guerre d’Algérie militairement bien menée – l’Indochine était passée par là – et politiquement bâclée, pour ne pas évoquer le cas des autres territoires coloniaux dont les enjeux étaient moindres.

      Un observateur averti ne peut manquer de remarquer qu’au fur et à mesure des années et des présidences de la Cinquième République, une sorte de prurit cérébral d’ancienne puissance et de gloire continue à produire ses effets, au Zaïre, au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en Libye, ou de nos jours au Sahel.

      Malraux avait raison de privilégier dans les facteurs d’évolution impériale plus le rôle culturel de notre pays que son rôle politique ou militaire.

2

1922 : le regard lucide et dérangeant de l’africaniste Maurice Delafosse :

       Delafosse avait été administrateur colonial en Côte d’Ivoire pendant plusieurs années, dans une Côte d’Ivoire qui venait de voir le jour comme première forme d’un Etat colonial, rappelons-le, et avait fait le choix de l’étude des sociétés africaines, de leurs langues, de leurs mœurs et de leurs cultures.

      Il était en quelque sorte devenu un expert des politiques indigènes qu’il était possible de mettre en œuvre en Afrique noire.

      En 1922, il publiait un livre intitulé « Broussard », et son diagnostic était le suivant.

     Il posait ce diagnostic précoce, à l’aube de la deuxième phase de la colonisation, c’est-à-dire les années 1920-1940, en partant du principe que les hommes, blancs ou noirs, étaient les mêmes, en Europe ou en Afrique, mais cela ne l’empêchait pas de proposer une politique indigène qui ne fut jamais celle de la France.

       Il écrivait au sujet de l’instruction : « Considérant simplement le bien ou le mal que peut retirer l’indigène africain d’une instruction à la française, je crois sincèrement que la lui donner constituerait le cadeau le plus pernicieux que nous pourrions lui faire : cela reviendrait à offrir à notre meilleur ami un beau fruit vénéneux « (p,111)

        Plus loin, il fustigeait les humanistes :

     « Les humanistes entrent en scène. Pour ces singuliers rêveurs, l’idéal de l’homme est de ressembler à un Parisien du XXème  siècle et le but à poursuivre est de faire goûter à tous les habitants de l’univers, le plus tôt possible, les joies de cet idéal » (p,114)

     La bombe d’Indochine

      «  Nous parlions d’un événement qui avait mis en émoi l’Indochine ; un Annamite quelque peu détraqué  avait lancé une bombe sur un groupe d’Européens assis à la porte d’un établissement public.

    Ce n’est pas dans votre Afrique, dis- je à mon ami Broussard, que de paisibles consommateurs prenant le frais et l’apéritif à la terrasse d’un café, auraient à redouter l’explosion d’une bombe intempestive.

     Assurément non, me répondit-il, ou du moins l’instant n’est pas encore venu d’appréhender de tels faits divers ; mais ce n’est qu’une question de temps. » (p,112)

     Et plus loin encore :

     « Félicitez- vous en pour eux aussi, pendant qu’il est temps encore. Mais s’ils ne sont pas mûrs actuellement pour se servir d’engins explosifs, soyez sûr qu’un jour ou l’autre, si nous continuons à nous laisser influencer par les humanitaristes et les ignorants, les nègres nous flanqueront à la porte de l’Afrique et nous ne l’aurons pas volé. » (p,118)

La Parole de la France ? -1- Suite, un cas historique représentatif des absurdités coloniales : Hélie de Saint Marc

La Parole de la France ?

1 – Suite

Un cas historique représentatif des absurdités coloniales :

Hélie de Saint Marc

« Mémoires »

« Les champs de braise »

(Perrin-1995)

            Le témoignage d’un officier qui fut un des acteurs de la guerre de Libération de la France (1939-1945), Résistant, Déporté au camp de concentration de Buchenwald, officier pendant la guerre d’Indochine, avant celle d’Algérie.

       Un des grands témoins de la parole trahie et des reniements de la France !

Au péril de sa vie et au prix de sa condamnation à la prison !

&

            En 1940 : « J’avais dix-huit ans », « je voulais être officier » (p,59)

 Il entre dans la Résistance : « Avant mon arrestation en juillet 1943, j’ai rencontré peu de résistants véritables… A l’époque, la Résistance état infime… (p,64)

            A Buchenwald : « 4 – L’humiliation…. Matricule M 20543… Le Dieu de nos pères était absent de la planète Buchenwald… »(p,87)

            Après Saint Cyr, Saint Marc s’engage dans la Légion :

            « Pourtant, c’est seulement à la Légion que j’ai trouvé l’équilibre. Dans ma mémoire si chargée d’événements et d’émotions de toutes sortes, les légionnaires que j’ai commandés pendant quinze ans occupent une place écrasante. La Légion fut la grande affaire de ma vie… » (p,92)

            Ses Légionnaires : « Ils ont souvent été engagés dans des batailles pourries, parce que des autorités préféraient envoyer à la mort des étrangers plutôt que des Français… » (p,95)

            « 6 – L’aventure  « La lumière du Tonkin… La lumière du Tonkin remplaçait en moi la nuit de Buchenwald… (p,100)

            « La lumière du Tonkin… sur la RC4… un bout du Vietnam… rien n’avait bougé depuis Gallieni… nuit de veille… comme un alcool fort… Talung, le piège de mon existence… embuscades et combats de jungle… une question de confiance et de trahisons… un Moloch sans tête et sans âme… résistances vietnamiennes… le cycle de la vengeance… l’évacuation des lieux où le bonheur et la honte se sont succédé…Le piège de Cao Bang… » (p,99)

            Langson, le long de la frontière chinoise : « Les autorités françaises naviguaient à vue » (p,101)

        « La guérilla était omniprésente dans la région. »

      « Le drame communiste »… J’étais arrivé à Talung (1) comme le représentant d’une puissance coloniale aux prises avec un mouvement d’indépendance. En quelques mois j’étais devenu un soldat aidant le gouvernement vietnamien de Bao Dai à lutter contre le Vietminh communiste.  Notre étiquette et le sens du combat avaient changé. Mais l’ennemi restait le même. Il était difficile de faire comprendre cette évolution aux populations qui vivaient autour de nous. Elles étaient plus sensibles à un climat et à des personnes qu’à des considérations politiques. J’imaginais avec effroi les conséquences prévisibles en cas de victoire de la guérilla. Les villages qui s’étaient ralliés à nous seraient massacrés. (p,115,116)

       Dans la presse, je sentais le désintérêt de la métropole, comme on disait alors, pour ce combat au bout du monde. Pourtant le communisme était la grande interrogation de l’immédiat après-guerre. La Chine était sur le point de basculer. Le rideau de fer et le mur de Berlin séparaient peu à peu l’Europe en deux mondes antagonistes. Qui allait l’emporter ? La partie était rude. J’essayais de comprendre les combattants qui nous faisaient face. J’interrogeais ceux qui avaient de la famille vietminh. Quand nous faisions des prisonniers, je les questionnais sur leurs motivations. Mais j’étais le plus souvent déçu. Les hommes étaient de qualité. Ils vivaient de manière courageuse, dans les grottes, avec un petit sac de riz, courant les pistes pour monter des embuscades. Ils étaient de la trempe de ceux qui donnent leur vie pour plus grand qu’eux. Mais je ne  retrouvais pas l’idéal conscient qui animait les communistes que j’avais connus dans les camps. Leur courage me semblait  sec. J’entendais une mécanique sommaire, un discours tout fait, un propagande récitée avec application.

       Vu de près le totalitarisme est immonde. Il décervelle les hommes aussi sûrement qu’une drogue. Dans la  Haute-Région, nous n’étions pas en contact avec ces hommes habiles et cultivé »s qui dirigeaient le mouvement et qui savaient impressionner leurs interlocuteurs occidentaux. Nous combattions des hommes pris par la machine communiste. Ce qui explique sans doute le décalage de perception entre les journalistes et nous. Le drame du Vietnam demeure d’avoir connu à la tête des premiers mouvements d’indépendance des communistes formés à l’école de l’Internationale pure et dure. Les archives de Moscou, que l’on découvre aujourd’hui avec un effarement tardif, montrent l’étendue du contrôle soviétique sur ses alliés internationaux. Quand le dessous des cartes de la tragédie vietnamienne sera à son tour dévoilé, il est à craindre que beaucoup d’hommes qui se sont laissé prendre à la mythologie romantique des combattants aux pieds nus ne découvrent avec stupeur qu’ils ont cru à un théâtre d’ombres. L’horreur de notre siècle tient à  ces espérances perpétuellement bafouées…Tant de souffrances inouïes pour un naufrage sans appel… «  (p,117)

      « Je sentais que la fin approchait. Dans mes jumelles, j’avais vu le poste frontière du côté chinois tomber aux mains des partisans de Mao. Il ne s’agissait plus d’une guérilla isolée. Une armée appuyée par tout un continent se préparait. Talung était à la charnière entre deux époques de guerre. Sur la RC4, dans notre dos, les combats redoublaient. Les convois français subissaient des attaques d’une rare violence…

        Il était évident que quelque chose de grave allait se produire. Je me sentais de plus en plus attaché à ce carré de jungle où j’avais pris racine avec la rapidité de ceux qui pensent que  la mort va les surprendre le lendemain…. Je réfléchissais à ces hommes et à ces femmes que j’avais engagés à ma suite, au nom de mon pays et d’une partie des leurs… » (p,120,121)

        « La fuite

       Un jour de février 1950, j’ai vu arriver un convoi à moitié vide accompagné d’une escorte. Le colonel Charton, qui dirigeait en second Cao Bang, descendit du premier véhicule. J’ai cru à une inspection. C’était une opération de repli. La victoire communiste en Chine avait transformé la donne. Il fallait rapatrier toutes les forces éparpillées en Haute-Région sur Cao Bang qui allait être assiégée par le Vietminh. Il fallait faire vite…

         Les partisans rassemblèrent leurs familles pour monter dans les camions. Je suis resté quelques minutes avec les légionnaires pour assurer l’arrière-garde en cas d’attaque vietminh, et puis nous avions embarqué. C’est là que j’ai vu ceux que je n’avais pas voulu voir, auxquels je n’avais pas voulu penser. Les habitants des villages environnants, prévenus par la rumeur, accoururent pour partir avec nous. Ils avaient accepté notre protection. Certains avaient servi de relais. Ils savaient que sans nous, la mort était promise. Nous ne pouvions pas les embarquer, faute de place et les ordres étaient formels : seuls les partisans pouvaient nous accompagner. Les images de cet instant-là  sont restées gravées dans ma mémoire comme si elles avaient été découpées au fer, comme un remord qui ne s’atténuera jamais. Des hommes et des femmes qui m’avaient fait confiance, que j’avais entrainés à notre suite et que les légionnaires repoussaient sur le sol… Certains criaient, suppliaient. D’autres nous regardaient, simplement, et leur incompréhension rendait notre trahison plus effroyable encore. Le silence est tombé sur le camion qui fonçait à travers les calcaires… Dans toute la région, des opérations semblables avaient été effectuées. Au nord de Cao Bang : Tra Linh, Nguyen Binh, Ben Cao. A l’est de Thât Khé : Poma, Binhi. A Saigon, j’imaginais le point presse triomphal : « notre dispositif de frontière a été resserré. Tout s’est bien passé »… La période plus  exaltante de ma vie s’est alors terminée dans un désastre total. Nos efforts avaient débouché sur la trahison, l’abandon, la parole bafouée…  

        « Le guerre telle que nous la pratiquions au Vietnam entrainait une certaine osmose entre les troupes et la population. Il ne s’agissait pas d’un conflit de positions entre deux ennemis bien définis, mais d’un affrontement politique et géopolitique où les intérêts de toutes sortes et les stratégies contradictoires s’imbriquaient inextricablement, entre la Chine et le Vietnam, l’Occident et le communisme, la France et son ancienne colonie indochinoise, les Viets et les minorités ethniques. Autant de dimensions qui nécessitaient de prendre sur le terrain des engagements allant au-delà du simple métier de soldat. Pendant des années, les cauchemars de Talung allaient rejoindre ceux de la déportation. J’avais le sentiment d’être un parjure. Ce mot vaut-il encore quelque chose à une époque où la notion d’honneur est passée à l’arrière-plan ? Disons qu’il ne s’agissait pas d’un serment chevaleresque. Tout simplement de centaines d’hommes et de femmes, dont parfois les moindres traits du visage sont inscrits dans ma mémoire, et à qui, au nom de mon pays et en mon nom, j’avais demandé un engagement au péril de leur vie. Nous les avons abandonnés en deux heures. Nous avons pris la fuite comme des malfrats. Ils ont été assassinés à cause de nous.

       Depuis 1949, ce canton perdu dans la Haute-Région vit toujours en moi, comme un pan autonome de ma mémoire, le bloc d’un iceberg détaché du courant….

        Par les associations de boat-people, j’ai reconstitué l’histoire de Talung. Après les terribles massacres qui ont suivi notre départ, les Thos ont été mis à contribution sur le plan militaire par le Vietminh, formant l’essentiel de la célèbre division 308…» (p,124,125)

Commentaire : un bref commentaire, car ce passage illustre bien le type de guerre révolutionnaire pour laquelle l’armée française n’était pas du tout préparée. Le Vietminh mettait en œuvre le type de guerre qui avait donné à Mao Tsé Tung les clés de la Chine, c’est-à-dire le contrôle de la population.

     Certains officiers, au cas par cas,  en retirèrent rapidement la leçon, mais c’est sur le théâtre d’opérations algérien que l’armée française mit en œuvre une nouvelle stratégie de guerre contre-insurrectionnelle qui connut un incontestable succès, mais qui conduisit à la suite que l’on connait, le refus d’une partie des officiers d’obéir à un commandement qui trahissait la parole donnée, comme en Indochine.

  1. Chez les Thos, ethnie de la Haute-Région

      « Le siège de Cao-Bang (p,126)

       « … Avant la fin de ce premier séjour en Indochine, il me restait encore à vivre quelques semaines de combat. La pression Vietminh s’accentuait de jour en jour…

      A partir de Cao bang, nous avons régulièrement effectué des missions de reconnaissance et de renseignement. Nous ramenions des prisonniers. Tous les indices concordaient : des moyens considérables se mettaient en place. Or, plus le commandement renforçait la défense de la ville, plus l’évacuation devenait une opération lourde et difficile. Le piège se mettait en place. Mon premier séjour touchait à sa fin… «  (p,127)

Le lecteur pourra prendre ailleurs connaissance de la tragédie de Cao-Bang qui constitua un des tournants majeurs de cette guerre.

&

      Le capitaine de Saint Marc effectua un deuxième séjour en Indochine entre 1950 et 1953 dans un Bataillon Etranger Parachutiste, un BEP, nouvelle forme d’une guerre aéroportée.

       La guerre d’Indochine avait basculé dans une autre dimension  avec l’arrivée de la Chine communiste sur les frontières d’Indochine, une des dimensions internationales de la nouvelle guerre entre l’Est et l’Ouest, l’aide des Etats-Unis, et la tentative du général de Lattre de faire prendre un nouveau tournant stratégique et tactique à cette guerre.

&

       « L’expérience de la guerre (p,136)

      «  Les combats que j’ai connus de 1950 à 1953 furent d’une âpreté et d’une violence  que je n’ai plus retrouvées dans ma carrière militaire…

      « L’annuaire des troupes du 2ème BEP entre 1950 et 1954, ressemble à un monument aux morts. On y dénombre, selon les compagnies de 30 à 60 pour cent de disparus.(p,133)

     La guerre est un mal absolu. Il n’y a pas de guerre joyeuse ou de guerre triste, de belle guerre ou de sale guerre. La guerre c’est le sang, la souffrance, les visages brûlés, les yeux agrandis par la fièvre, la pluie, la boue, les excréments, les ordures, les rats qui courent sur les corps, les blessures monstrueuses, les hommes et les femmes transformés en charogne. La guerre humilie, déshonore, dégrade. C’est l’horreur du monde rassemblée dans un paroxysme de crasse, de sang, de larmes, de sueur et d’urine.

      « Sur la route d’Hoa Binh (p,141)

    « En novembre 1951, de Lattre décide de couper les forces du Vietminh en deux sur la Rivière Noire, à la hauteur d’Hoa Binh…

    Nous avions trente ans et nous vivions dans l’ignorance du lendemain. Nous savions bien sûr que notre drapeau n’était pas aussi pur qu’il aurait pu l’être et que la France se désintéressait chaque jour davantage de la cause indochinoise. Mais nous étions tombés amoureux de cette terre et de ce peuple…La fin de mon séjour au 2ème BEP fut marquée par la bataille de Nassan… La mort du général de Lattre avait fait retomber l’espoir d’une victoire militaire… » (p,14&,148,153)

Jean Pierre Renaud – Tous Droits Réservés

La Tech ou l’efficacité pour seule valeur

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Une nouvelle révolution technologique, économique, culturelle, politique et sociale est en cours avec des effets bien incertains !

« Un pouvoir implacable et doux »

« La tech ou l’efficacité pour seule valeur »

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Premier trimestre 2020 – annonce de publication- Guerres d’Indochine et d’Algérie : les héritages guerres d’Indochine

Premier trimestre 2020

Annonce de publication

Je me propose de publier au cours du premier trimestre 2020 une série d’analyses et de morceaux choisis sous le titre et selon le plan ci-après :

La Parole de la France ?

Guerres d’Indochine (1945-1954) et d’Algérie (1954-1962)

Les héritages

&

  1. Introduction et prologue avec le témoignage d’Hélie de Saint Marc
  2. Témoignages d’André Malraux, ancien ministre du Général de Gaulle, Maurice Delafosse, ancien administrateur colonial et africaniste, Robert Guillain, grand reporter en Extrême Orient
  3. Résumé historique de la Guerre d’Indochine
  4. Les grandes séquences historiques de la Guerre d’Indochine avec le général Gras et l’historien Hugues Tertrais
  5. Situation de l’Indochine en 1945 :
  • Vue de l’étranger avec Henri Kissinger, Graham Green et Nguyen Khac Vièn
  • Vue de France, avec Pierre Brocheux
  1.  La guerre ? Classique, révolutionnaire, subversive, populaire ?

       « Morts pour la France » ?

&

Au cours du premier semestre, quelques pages seront consacrées aux acteurs de ces deux guerres, notamment du côté français.

La  liste est longue, des officiers français qui, à la fin de la guerre d’Indochine, exercèrent des commandements à tous les niveaux, pendant la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962.

Avant  d’aborder ce sujet, citons quelques noms connus, Massu, Salan, Crépin, Cogny, Trinquier, Allard, Gilles, Vanuxem, Gambiez, Bigeard, Ducourneau, ou Beaufre…

Jean Pierre Renaud

Une réforme du régime des retraites déroutante : Pourquoi ?

Je ne reviendrai pas sur la méthode de concertation retenue, longue à souhait et qui trouve le moyen de déboucher sur un projet on ne peut plus touffu quelques semaines avant les fêtes de fin d’année.

            Cette réforme  soulève de nombreuses questions de nature très complexe, politique, sociale, économique et financière dans ses propositions et dans sa mise en œuvre.

         Une réforme déjà qualifiée d’«historique » ! Comme celle des années 1980-1982, avec l’héritage de la retraite à 60 ans, dont nous payons encore les effets, ou comme les nationalisations coûteuses du même Président, ou aussi celle des 35 heures de Mme Aubry ?

        Il s’agirait d’une réforme de justice sociale d’un caractère « universel » capable de régler au fond le dossier du financement des retraites, la suppression des privilèges des régimes spéciaux, la prise en compte de publics jusqu’à présent négligés, jeunes, femmes, enseignants ou agriculteurs… l’assurance d’un minimum de retraite donnée à tous les citoyens et citoyennes de 1.000 euros ? Rien n’est moins sûr.

        Le gouvernement met en ligne de mire un déficit à couvrir des régimes de retraites à l’horizon 2025, de l’ordre de 15 ou 20 milliards, mais en oubliant que pour calmer la crise des gilets jaunes, il a mis dans la poche des Français une dette supplémentaire de 15 à 20 milliards, et qu’en même temps, la suppression démagogique de la taxe d’habitation, dont le produit annuel est de l’ordre de 20 milliards n’a pas non plus été compensée par des économies sur les charges publiques de l’Etat.

       Cette réforme est-elle le produit électoral d’une technocratie politique capable de la concocter en s’appuyant, comme savaient le faire les meilleurs services de prévision de Bercy, sur des projections de l’évolution de notre système socio-économique entre quantités sérieusement évaluées ? Rien n’est moins sûr.

       Il ne s’agit en effet plus du célèbre couple d’analyse classique entre le capital et le travail des époques passées qui a fait le régal des théoriciens et praticiens des grandes écoles d’économistes , libéraux, protectionnistes ou marxistes, ou de la répartition de valeurs entre des facteurs encore classiques du produit intérieur brut et du revenu national.

        La valeur « capital » des nouvelles technologies de l’économie mondiale  échappe aux anciennes règles du jeu économique et financier, avec ses combinaisons d’immédiateté planétaires et son immatérialité, alors qu’elles produisent déjà beaucoup d’effets sur la valeur travail, et sur la répartition entre la valeur capital et la valeur travail, avec la domination explosive des fameux GAFA, et leurs capacités exponentielles à « capturer »  les bénéfices des échanges mondiaux.

       Amarrer un nouveau système de retraite sur la valeur travail parait être une sorte de subterfuge, étant donné qu’avec l’évolution actuelle, le contenu du travail subira une révolution sous toutes ses formes, avec notamment des effets sur les jeunes générations.

      La France, comme les autres pays, sera condamnée à financer le déficit des régimes de retraite : la question de fond est celle de la solidarité nationale.

      Pour y arriver, il est possible d’emprunter plusieurs chemins. Point n’est besoin pour ce faire de se lancer dans un grand chantier de réforme tous azimuts, mais il convient de poser effectivement les bases de la nouvelle « architecture » de solidarité qui est nécessaire, avec la suppression programmée des privilèges existants et un âge de retraite qui tienne compte globalement de l’évolution démographique et de la durée moyenne de vie, ainsi que des aléas qui pèsent sur les salariés de certaines branches professionnelles, en conservant toujours à l’esprit qu’une grande révolution de la « valeur » travail est à l’ «œuvre » .

  La France n’est pas la Suède, dont les caractéristiques géographiques, démographiques, culturelles, sont assez loin des françaises, outre le fait que nous sommes dans une République et non dans une Monarchie.

              Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

« Guerre » Climatique ! Vous avez bien entendu ?

« Guerre » Climatique !

Vous avez bien entendu ?

   Nous sommes en « guerre », hier et aujourd’hui encore au Sahel, et ces jours derniers avec MM Hulot et de Rugy, contre le réchauffement climatique.

       Est-ce que ces messieurs savent bien ce qu’est une « guerre » ?

      Ont-ils une stratégie, avec des objectifs à atteindre, un programme pluriannuel avec une hiérarchie d’objectifs, des moyens financiers à leur consacrer et un commandant en chef nommément désigné, même s’il ne s’agit pas de Notre Dame …?

      Jusqu’à présent, personne n’en a vu la couleur, en dépit du virage climatique annoncé par le Premier Ministre et des déclarations tonitruantes de Monsieur Jadot.

       Paroles, toujours paroles, mais qui s’envolent au vent !

Comme avant !

Jean Pierre Renaud

2019 : la droite en France ?

    Coup de théâtre ou coup personnel comme la Chiraquie en a eu une longue habitude, celle des trahisons entre « amis » ?

            Les électeurs de droite ne se sont pas volatilisés comme par enchantement, – avec quel Merlin l’Enchanteur ? – comme feignent de le croire certains observateurs : ils manquent de repères pour distinguer entre une droite macroniste et mondialiste, une droite républicaine nationale et européenne, et une droite nationaliste.

            La défection de Pécresse, coup d’éclat ou coup d’épée dans l’eau sonne étrangement, à la veille du soixante-quinzième anniversaire du débarquement allié sur nos côtes, pour des gens qui prétendent porter l’héritage gaulliste.

            N’ont pas complètement tort ceux qui interprètent cette défection, comme  l’illustration, une de plus, de la fracture entre la France des territoires et la France parisienne ou francilienne !

            Jean Pierre Renaud

Elections européennes 2019 et la « méthode » Macron ?

   En 1997, j’ai publié un livre qui décrivait la façon dont Chirac, Maire de Paris avait organisé son « système » de pouvoir, et sa « méthode » pour conquérir la Présidence de la République, ce qu’il a réussi à faire.

            Mon analyse était tirée de ma longue, trop longue pratique des affaires parisiennes à la Préfecture de Paris. Le mot de « méthode » a semble-t-il fait florès.

            Je reviens donc brièvement sur le même sujet pour caractériser la « méthode » du pouvoir du Président actuel avec son catalogue d’annonces tirées d’un « Grand Débat », qui a « détourné » les Français de la « voie » et de la « voix » des institutions de notre démocratie représentative républicaine.

            Au rythme actuel de la débauche d’annonces « non soldées », la France court tout simplement le risque de voir ce scrutin européen capital pour nous tous, et avant tout pour notre jeunesse, réduit à un « Pour » ou « Contre » Macron.

       Jean Pierre Renaud