La politique africaine de la France
Les questions qu’on ne pose pas !
Depuis la chute de l’URSS en 1989, le monde a changé, mais la politique africaine n’a pas vraiment changé !
Les Présidents de la République qui se sont succédé ont conservé les réflexes du Pré Carré !
La leçon, moins on s’en mêle, mieux cela vaut !
Les échecs successifs des Présidents Hollande et Macron au Sahel, le Mali, et récemment, en cascade, le Burkina Fasso, le Niger, et le Gabon !
Quelques années auparavant, avec le même aveuglement, Sarkozy était intervenu en Lybie, intervention dont les conséquences désastreuses sont encore la déstabilisation de la Lybie et du Sahel.
La sagesse de Messmer ! Si on l’avait écouté…
( sauf dans le cas des Harkis abandonnés aux mains du FLN à la fin de la guerre d’Algérie en 1962 ! )
Son livre « Les blancs s’en vont » (1998) est truffé d’exemples et de bons conseils sur les relations que la France pouvait entretenir avec les anciennes colonies d’Afrique noire devenues indépendantes en 1962.
Mon vieil ami, Michel Auchère, qui fit une carrière diplomatique en Asie et en Afrique noire m’avait offert ce livre en 1999. Nous étions sortis de la même école que Messmer, l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer, une école au service de l’Afrique.
« Gendarme blanc en Afrique noire » (page 251)
« … Pendant trente – cinq ans, avec une remarquable continuité depuis de Gaulle, jusqu’à Chirac…. La France a maintenu des forces armées en Afrique, avec le consentement des gouvernements africains concernés.
Est-ce utile ?
Est-ce que sera longtemps encore possible
Le maintien de la stabilité politique, intérieure et extérieure, des Etats africains est la raison reconnue de notre présence militaire ; ceux qui en dénoncent le conservatisme ferment les yeux sur le plus grave danger qui menace l’Afrique, l’anarchie. La Somalie, le Libéria, le Sierra Leone ont été ou sont encore livrés à des bandes bien armées qui ne savent que piller et massacrer… »
Le grand Zaïre, naturellement riche, a été au bord de la décomposition ; de plus en plus, l’autorité est corrompue, affaiblie, contestée.
Cette crise n’est pas l’effet du hasard mais de l’histoire. Pendant des siècles, l’Afrique n’a connu que deux pouvoirs : toujours la tribu (sédentaire ou nomade) et parfois l’empire. Le gouvernement des campements et des villages était organisé à partir de liens familiaux, dans une langue et une culture communes. Les empires noirs – Ghana, Mali, Sonrhaï, Mossi, Haoussa, pour se limiter à l’Afrique de l’Ouest – établissaient sur les peuples vaincus, après la conquête et son cortège de ruines et de malheurs des sortes de protectorats aux pouvoirs mal définis et aux limites géographiques incertaines qui se défaisaient plus ou moins sous un choc extérieur ou par des révoltes intérieures. Si les empires coloniaux français, anglais, belge, portugais ont pu s’établir facilement dans toute l’Afrique noire, à la fin du XIX° siècle, ce n’est pas seulement comme l’ont souligné les historiens, parce qu’ils ont trouvé devant eux le vide politique, c’est parce que l’empire est une forme traditionnelle de pouvoir tolérée par les sociétés négro-africaines.
Les Etats-nations créés par l’indépendance à l’image de ce qui existe en France et en Europe sont étrangers à la culture politique africaine. Il ne faut donc pas s’étonner si des dérapages ont lieu, malgré l’aide et la coopération des anciens colonisateurs…
Par leur action ou par leur présence, les militaires français stabilisent le pouvoir en place, au risque d’être mêlé à des guerres civiles, comme ce fut le cas au Tchad, au Rwanda et en Centrafrique. L’opinion publique française acceptera-t-elle longtemps une situation aussi absurde ? Et comment l’éviter ?
La première règle est de ne jamais soutenir par nos armes un pouvoir illégitime issu de complots ou de coups de force militaires, même justifiés par l’impuissance, la corruption, la partialité des prédécesseurs…
La seconde règle est d’alléger autant que possible le nombre et les effectifs des bases et garnisons françaises en Afrique…
Désormais, les interventions réclament des moyens que les bases françaises en Afrique ne peuvent pas fournir ; le pourraient-elles que nous ne sommes pas assurés d’en disposer librement…
Dans ces affaires dangereuses et compliquées, nous devons garder les mains libres le plus possible. L’existence de bases et de garnisons sur le sol africain est en contradiction avec cette règle de prudence et de bon sens.
Humanitaires et militaires (page 256)
… Depuis que les catastrophes politiques – guerres civiles, guerres tribales, déliquescence des armées qui éclatent et se transforment en bandes de pillards, corruption généralisée des administrations – ont ravagé des pays africains comme la Somalie, le Libéria, le Rwanda, le Burundi, le Zaïre, le Congo-Brazzaville et en menacent d’autres, la situation des organisations humanitaires a changé. .. » (p,257)
« … J’ai déjà dit qu’elle en était à mon avis, la cause profonde : incompatibilité entre action humanitaire et action militaire. Mais il faut aller plus loin et se demander pourquoi les responsables qui connaissent et ressentent cette contradiction n’en tiennent aucun compte dans leurs décisions. Pourquoi les gouvernements engagent-ils des forces armées, alors qu’ils n’ont aucun projet politique sérieux pour sortir de la crise dans laquelle on les sollicite d’intervenir …
Dans cette débâcle, les gouvernements sont les principaux responsables mais les humanitaires ont leur part de responsabilité. Il faut le dire, même si cela choque. L’action humanitaire est bénéfique à court terme, mais elle peut avoir à moyen terme des conséquences défavorables : ceux qu’on voulait aider et les organisations elles-mêmes sont alors les victimes.
Dans la Somalie ruinée par la sécheresse persistante, en pleine anarchie, livrée aux bandes rivales, quand les ONG veulent distribuer vivres et médicaments, elles ne peuvent le faire qu’avec l’accord des chefs de bande qui se font payer…
Au Rwanda, une situation différente entraina un peu plus tard des conséquences encore plus catastrophiques… Les agences des Nations Unies et les organisations humanitaires fournissaient nourriture, couvertures, aide médicale distribuées par l’intermédiaire des criminels qui encadraient les réfugiés et leur interdisait de rentrer chez eux… (p,259)
Mais ils ne sont pas, non plus seuls coupables. Les organisations humanitaires n’ont ni la vocation ni les moyens d’assurer la sécurité de grands rassemblements humains. C’est la fonction et le devoir des Etats. Encore faut-il qu’il y ait un Etat. Les problèmes des pays africains sont d’abord politiques et économiques. Les actions humanitaires ni les interventions militaires extérieures ne suffiront pas à les résoudre….
Pourquoi les humanitaires qui savaient et ont vérifié la nécessité d’agir indépendamment des gouvernements et surtout de leurs forces armées, persévèrent dans l’erreur d’analyse et la dramatisation des crises ?
D’abord, par ce qu’ils croient, en toute bonne foi, qu’ils sont indispensables à l’Afrique, qui a pourtant survécu sans eux pendant des siècles…
Il y a une autre raison : l’Afrique est nécessaire aux humanitaires. Elle les attire comme un aimant : « On a remplacé la demande par l’offre. Hier on répondait aux crises, aujourd’hui on va devant elles », constate Bony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières. Si, par miracle, l’Afrique du sud du Sahara sortait en quelques années du sous-développement, plusieurs agences des Nations Unies seraient en chômage et les organisations humanitaires non gouvernementales devraient plier bagage. Or, le premier objectif de toute administration même caritative est de persévérer dans l’être.
Vers une relève du gendarme blanc
La France a une politique africaine. On peut la critiquer mais dans tous les cas, il faut que nos interventions militaires soient cohérentes avec notre politique… Une intervention militaire n’est justifiée que s’il existe un intérêt français, moral, ou matériel, à défendre, tel que sauvetage de vies françaises, maintien de l’équilibre dans un pays ami, aide à un allié contre une agression extérieure…
Par les Africains eux-mêmes
La bonne connaissance, par les Africains de leur terrain et de leurs « frères » ou « cousins » et leur refus – a priori légitime – d’une intervention des Blancs conduisent à une solution de bon sens : c’est aux Africains qu’il revient de décider et d’exécuter les interventions militaires en Afrique…
Si ces interventions se multipliaient, l’Afrique entrerait dans une ère nouvelle de guerres tribales. Raison de plus pour que nous Français respections la règle d’or de n’intervenir directement qu’en cas d’absolue nécessité. » (p,269)
Messmer concluait son livre par un chapitre intitulé « Néocolonialisme et abandon » (p,271)
Faut-il recoloniser l’Afrique ?
Politique africaine des Etats Unis (p,276)
Politique africaine de la France : coopérer, comment et pourquoi ? (p, 281)
A l’aube du XXIème siècle (p,287)
En fin d’ouvrage (p,295), Messmer écrivait :
« Isolée du reste du monde par un immense désert, deux grands océans, l’Afrique noire est restée impénétrable jusqu’au XXème siècle. C’est alors que le choc de la culture occidentale a frappé des sociétés traditionnelles fragiles, brisant leur isolement. Les structures économiques et sociales, politiques et linguistiques ont volé en éclat, mais les Africains ont conservé leur élan vital incomparable, leur infinie capacité de souffrance, leur solidarité familiale et tribale forte et leur sentiment national faible, leurs religions traditionnelles en déclin apparent mais imprégnant le christianisme et l’islam des nouveaux convertis. Le syncrétisme est une forme du génie africain. Pourquoi ne s’appliquerait-il pas à la politique ? Les dieux de l’Afrique ne sont pas morts. Pour survivre, ils se cachent sous d’étranges déguisements. » (p,295)
Questions :
Fallait-il rester au Mali et y laisser un fort contingent militaire, une fois contenu le danger djihadiste au-delà de Bamako ? Rien n’est moins sûr !
Les interventions physiques et verbales du Président Macron au Mali, au Burkina-Fasso, au Gabon ou au Niger ne sont effectivement pas les bienvenues en Afrique noire, compte tenu d’une propagande facile à développer contre la France dans une Afrique qui ignore presque tout de l’histoire coloniale, une ignorance largement partagée par beaucoup de faux « sachants » postcoloniaux.
Les déclarations télévisées du Président actuel, de soutien à l’ancien Président du Niger déchu par une junte militaire au Niger seraient à classer dans la catégorie des interventions inopportunes et hors du temps.
Jean Pierre Renaud Tous droits réservés