Respect Mag N°31 Octobre Novembre Décembre-100% Noirs de France: Notes de lecture

Respect Mag N°31

Octobre Novembre Décembre 2011

100% Noirs de France

Notes de lecture

Le texte qui nous est propre est en caractères italiques

            Un numéro de magazine riche, intéressant, et utile par les ouvertures d’information très diversifiée qu’il propose sur le « groupe » politique, social, économique et culturel des Noirs de France.

            Compte tenu de la grande variété des thèmes de réflexion proposés, il est difficile d’en donner un compte rendu fidèle.

            Nous nous attacherons à commenter les points qui nous paraissent les plus importants : la présence effective des noirs en France, la connaissance ou non que nous avons de la question noire, le problème sensible des statistiques, la créativité noire en France, l’avenir de l’outre-mer, et la mémoire.

            Nous examinerons enfin d’autres questions « impertinentes » qui auraient, également, pu être abordées.

            1 – La présence effective des noirs en France :

M.Dolum (page 7) note à juste titre : »Alors, oui, le monde noir existe bel et bien en France. »,  et le magazine n’esquive pas la question difficile des racines.

Dans le dialogue entre M.Kelman et M.Sar, le premier est partisan d’une rupture assumée avec le continent africain, alors que le deuxième revendique une filiation non moins assumée.

Et le magazine note, en ce qui concerne la « Diaspora africaine (page 43)

« Des relations réinventées

Porté par les premières générations d’immigrés, le mythe du retour est dépassé. On invente désormais sa relation avec le continent au gré des questionnements et des urgences. »

M.Cissoko déclare « Nous sommes sans cesse renvoyés à une culture que nous ne connaissons pas. »

M.Protche déclare : « Les Afro-français sont à la fois mieux installés ici et plus proches de là-bas. »

Et M.Diawara de répondre à un moment donné : « Je ne suis ni Français, ni Malien, mais les deux. »

Ces différentes interventions situent parfaitement la complexité du problème, et à ce sujet, il aurait été possible d’esquisser peut-être la   « fracture coloniale clandestine », qui divise sans doute cette « communauté » entre noirs originaires des îles Caraïbes et noirs venus récemment d’Afrique.

Une catégorie de fracture qui n’a pas été analysée par les auteurs du livre « La Fracture coloniale », dont les thèses qui concernent la France, prêtent à discussion, en tout cas sur la base d’une analyse fondée sur une évaluation statistique sérieuse  des mémoires qui existent ou non à ce sujet.

2 – La connaissance de la question noire : suffisante ou insuffisante ?

L’historien Pap Ndiaye la trouve insuffisante (page 24) :

« Cette présence en France n’est pas suffisamment étudiée parce que les Noirs sont trop souvent considérés comme extérieurs à la société française d’hier et d’aujourd’hui. Aux Etats Unis, les « black studies » se sont développés dans le sillage du mouvement pour les droits civiques. La plus grande visibilité des Noirs de France, depuis quelques années a enfin amorcé quelques conséquences universitaires. »

Et le même constat est proposé plus loin sous la rubrique «  Universités France-USA :

« A la recherche de la question noire

L’étude de la minorité noire est monnaie courante aux Etats Unis, via les fameuses Black Studies. En France, on peine encore à assumer cet enseignement. Des approches très différentes, révélatrices d’une histoire singulière. »

 « Le déni français », tel qu’il est décrit, existe-t-il ?

La référence qu’un certain nombre de chercheurs trouvent dans les Black Studies américaines est-elle effectivement pertinente ?

Les fameuses « Black Studies » comme modèle, et toujours l’exemple américain qui serait curieusement devenu un modèle de société « multiculturelle » pour les Français ?

Alors que l’armée américaine était jusqu’en 1948, une armée de discrimination, et que la discrimination n’a disparu, l’officielle, que dans les années 1960, comme par hasard juste après la fin de la guerre d’Algérie.

Une Amérique de la discrimination raciale, comme modèle ?

Est-il possible, sérieusement, de mettre la France et les Etats Unis sur le même plan ?

D’autant moins qu’il n’est nul besoin d’avoir de solides connaissances historiques à ce sujet, pour savoir que la nation américaine n’a été le fruit, ni  d’une longue histoire comme la nôtre, ni d’une nation marquée par la traite transatlantique !

Les initiatives de la Fondation Thuram dont le magazine rend compte (page 34), ont pour but de « traquer le racisme » dès le plus jeune âge : 

« L’homme de couleur »

« Une aberration

Une fondation, des livres, des interventions en milieu scolaire… l’ancien footballeur est toujours sur le terrain pour traquer le racisme ; droit au but : l’éducation »

L’article consacré à « La palette des petits » : à Mantes la Jolie, « Respect Mag s’invite pour évoquer le thème de la couleur avec des écoliers de toutes origines, instructif ! », une initiative tout à fait intéressante.

Dans la même perspective, l’historien Durpaire formule quelques propositions pour rénover l’enseignement de la question noire.

Il est incontestablement possible de faire beaucoup mieux dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, mais comment ne pas relier cette « carence » supposée au phénomène récent de l’immigration africaine des dernières années, et au fait que les Français, contrairement à ce que nous racontent certains chercheurs, ne se sont jamais, sauf pendant de courtes périodes, passionnés pour l’Afrique coloniale.

3 – Le problème très sensible des statistiques

Pourquoi ce refus des chiffres ?

Alors que les pages consacrées au thème « Société » montrent bien que, d’ores et déjà, les portes du présent et de l’avenir sont ouvertes aux membres de cette « communauté ».

La première question de fond à régler est celle du comptage des membres vrais ou supposés de la « communauté » noire : ce numéro de Respect Mag la pose à plusieurs reprises et à juste titre, sans se cacher derrière son petit doigt.

Comment dénoncer les discriminations qui existeraient dans de nombreux domaines, notamment le politique, sans pouvoir avancer l’importance numérique d’une communauté qui s’estime discriminée ?

Tant que les représentants de la dite communauté n’auront pas le courage d’afficher, si je puis dire, la couleur, leur discours aura évidemment peu de crédit.

Dans les premières pages du magazine, la journaliste Audrey Pulvar (page 8), raconte son itinéraire de vie, sous le titre « L’exemple doit venir d’en haut », et répond à toute une série de questions, dont :

Mesurer la présence des minorités pour avoir une lecture fiable de notre réalité et pouvoir agir, vous y êtes favorable ?

Je ne suis pas contre l’idée de compter les gens. Quand je suis arrivée à France 3, c’était la première fois qu’une noire présentait un journal sur une chaine hertzienne… »

Dans la rubrique « Emploi », le magazine rapporte :

            « Discriminations ethniques

Corriger sans compter ? »

M.Kamel Hamza déclare «  Il faut cesser d’être hypocrite, tout le monde compte. », et M.Legrand, sous le titre « Mesurer pour mieux comprendre », responsable de la diversité chez l’Oréal, explique comment dans son entreprise on procède pour faire avancer la cause de la diversité.

Et plus loin, dans les sujets de société, le thème revient à la charge :

En ce qui concerne le monde politique, les personnes interviewées constatent à l’unanimité que la « communauté » noire y est insuffisamment représentée.

M.Haidari y déclare : « Il a fallu la loi sur la parité pour prendre en compte les femmes car il n’y aurait pas eu de transition par les mentalités… de la même manière, il faudra agir sur les quotas pour insérer les Noirs en politique » (page 63)

Mais dans la page 64 qui suit, M. Yangé apporte sa réponse :

« Impossible d’évaluer le nombre d’entrepreneurs, d’emplois créés, le poids d’un chiffre d’affaires. Ce qui explique en partie pourquoi cette communauté a tant de difficultés à peser dans la société : on ne sait pas ce qu’elle représente. »

Et dans le même article, tout de même quelques chiffres :

« Une étude du Cran-TNS Sofres de 2007 estime la population afro-caribéenne en France à 1,9 million de personnes ». Un chiffre inférieur à la réalité », selon Didier Mandin du cabinet Aka-a (spécialisé en études d’ethno-marketing) : il ne prendrait en compte que les adultes et exclurait la troisième génération descendante de migrants. On se rapprocherait alors plutôt de 2,5 à 3 millions. »

A noter que sur le blog du 27/11/2011), dans une chronique intitulée « Rigueur historique ou non ? »,  j’ai fait état de la différence d’appréciation assez sensible qui séparait les chiffres de la communauté noire au XVIII° siècle avancés par les deux historiens Blanchard et Ndiaye, 25.000 pour le premier contre de 4 à 5.000 pour le second.

4 – La créativité noire en France le magazine nous propose un vaste panorama de l’activité des noirs de France dans beaucoup de domaines, notamment dans la musique et l’économie, avec la carence déjà signalée dans le monde politique, mais qui demande à être confirmée par la statistique, et dans le cinéma.

5 – Présent et avenir de l’outre-mer :

Le lecteur reste un peu sur sa faim.

« A la question,

« Un changement que vous souhaiteriez… Mme Pulvar répond :

Un changement institutionnel. Je suis pour une plus grande autonomie des départements d’outre- mer. .. Moi, je suis pour l’indépendance de la Martinique ; cela n’arrivera probablement pas de mon vivant, mais je pense que c’est un horizon accessible et souhaitable. »

C’est-à-dire concrètement pour le court et moyen terme?

Dans la rubrique consacrée aux « Enjeux », Mme Taubira déclare :

« Il faut comprendre que les Outre-mer sont un ensemble de lieux, pas des appendices de la France. »

Très bien, mais que propose comme solution institutionnelle Mme Taubira, et qu’a-t-elle proposé jusqu’à présent ?

« Première piste : replacer les Outre-mer dans un contexte économique, social, politique, qui soit tourné vers leurs voisins… Autre idée : présenter aux Présidentielles de 2012 un candidat commun à tous les Outre-mer. »

Un prochain numéro de Respect Mag nous en dira sans doute plus sur les propositions de l’intéressée pour replacer « les Outre-mer dans un contexte… qui soit tourné vers leurs voisins… », car c’est effectivement une partie du problème !

Mmes Pulvar et Taubira abordent à juste titre le sujet des institutions du monde caraïbe, mais j’aimerais savoir pourquoi, tout au long des années, les élites politiques locales, Césaire y compris, n’ont pas opté pour l’autonomie, sinon pour l’indépendance ?

Qu’a proposé et que propose de précis et de concret à ce sujet, Mme Taubira pour la Guyane ? Il serait donc très intéressant de le rappeler à vos lecteurs

– La mémoire

L’historien « entrepreneur » Blanchard, selon le nom de baptême que lui a conféré l’historienne Coquery-Vidrovitch, répond à un ensemble de questions posées sous le titre « Sortir des mythologies et de la méconnaissance », vaste sujet pour un chercheur plus spécialisé dans l’image coloniale, telle que montrée en France, que dans leur évaluation statistique, chronologique, c’est à dire historique. Dans le livre « Supercherie coloniale », nous avons démontré les limites de son exercice.

L’historien Durpaire note à juste titre qu’il ne convient pas de « réduire le noir à l’esclavage », notamment dans les manuels scolairesalors que tout un courant de chercheurs la choisit comme cause historique ou mémorielle numéro un, en faisant le plus souvent l’impasse sur l’esclavage domestique Mme Vergès déclare de son côté : « Il faut décolorer le droit », c’est-à-dire, sur le plan littéraire ou juridique ?

Et à cet égard, les historiens de la « périphérie » ont trop tendance à vouloir ignorer cet esclavage domestique (voir la proportion très faible des travaux universitaires de l’Université de Dakar sur le sujet), de même qu’ils feignent, souvent et aussi,  d’ignorer, sur un tout autre plan, les structures de castes qui existaient dans beaucoup de ces sociétés, lesquelles en conservent encore des séquelles bien vivaces  de nos jours.

Comment ne pas observer que de nos jours, l’esclavage domestique a laissé au moins autant de traces, sinon plus, sur les bords du Niger ou de la Betsiboaka que la traite des esclaves, transatlantique ou arabe?

Et en ce qui concerne l’histoire de la Réunion à laquelle Mme Vergès fait référence, il serait intéressant que dans un numéro ultérieur de Respect Mag, elle nous dise ce qu’elle pense de l’impérialisme de type secondaire qu’a été celui de son île, au cours des derniers siècles, un impérialisme de type secondaire qui a nourri d’abord une traite des esclaves malgaches et a conduit ensuite à la conquête de Madagascar. De nos jours, les destinées de Madagascar sont encore beaucoup trop influencées par le groupe de pression réunionnais.

7 –  Notre questionnement « supplétif » :

Comment ne pas examiner aussi les questions posées par le magazine à la lumière des courants d’immigration africaine des trente dernières années, un mouvement quasi-continu qui a profondément transformé le visage du pays ?

Immigration choisie ou pas, il n’est pas besoin d’accuser à tout moment les Français de ne pas jouer le jeu de l’immigration officielle ou clandestine, et de classer automatiquement les Français qui manifestent une hésitation légitime à ce sujet dans la catégorie des adeptes du Front National.

Certains citoyens de France estiment, à tort ou à raison, et à mon avis, en partie à raison, que notre pays a été trop « humanitaire », pour ne pas dire laxiste et irresponsable, compte tenu des problèmes d’intégration souvent redoutables qui n’ont pas été résolus, et vos lecteurs le savent parfaitement bien.

Beaucoup des thèmes analysés par Respect Mag mériteraient de l’être à la lumière de ces transformations profondes de la société française.

Mesdames et messieurs, pourquoi ne pas vous poser aussi la question du pourquoi des regards, des attitudes, du déni que vous prêtez à toute une partie du monde blanc ?

Est-ce qu’il vous arrive de vous interroger sur les difficultés qu’ont un certain nombre de Français à bien interpréter certains aspects de vos cultures d’origine, auxquelles vous êtes attachés, notamment en matière de parentèle ?

Une parentèle subtile, étendue, souvent collatérale, complexe que beaucoup de Français ne connaissent pas, et dont ils ne comprennent pas toujours les puissants enjeux de solidarité qu’elle représente.

Et votre très grande habileté, pour ne pas dire une forme de « génie », bien supérieure à celle de la plupart des Français dits de souche, pour utiliser toutes les astuces de nos législations nationales, et bien sûr, sociales.

Dans son livre « L’Afrique Noire est-elle maudite », Monsieur Konaté, que vous ne classez pas, je l’espère, parmi les traîtres au pays, a bien décrit un certain nombre de traits de la culture africaine qui font problème, une solidarité familiale ou clientéliste excessive, un modèle familial et social archaïque, la survivance des castes….

Les métropolitains ne comprennent pas toujours les éléments de l’univers culturel et religieux de leurs immigrés africains ou maghrébins, et à cet égard, pourquoi ne pas reconnaître que beaucoup de Français s’interrogent sur la capacité de l’Islam de France à entrer dans le cadre de nos lois laïques ?

Un effort de compréhension est donc d’autant plus nécessaire que beaucoup de nos communes n’ont compté aucun noir jusqu’à l’époque moderne

Le journal la Croix a publié le 14 décembre dernier une analyse intitulée « Comment mieux accueillir les prêtres étrangers », mais dans beaucoup de paroisses de nos campagnes, on n’avait jamais vu, il y a encore vingt ou trente    ans, un prêtre noir dire la messe du dimanche dans l’église du village. Il faut en avoir conscience avant d’avoir des jugements rapides.

Quelques témoignages intéressants de religieux qui, a priori, seraient sans doute à classer dans la catégorie des humanitaires, dans ce même numéro :

Trois sœurs sénégalaises à Lisieux (page 3) : « Pendant un an, nous avons observé notre environnement. Nous avons trouvé notre place progressivement…. Ce qui a frappé sœur Thérèse-Marie « les eucharisties ne sont pas aussi joyeuses qu’en Afrique … les gens ont tendance à garder pour eux ce qu’ils vivent. Ils ne l’extériorisent pas. »

Un prêtre malgache à Paris : « Mon arrivée ne fut pas très facile, j’ai été confronté à une nouvelle culture et à de nouveaux codes, par exemple, manger autre chose que du riz, qui constitue la nourriture de base chez moi. »

N’en rajoutons pas, car il est facile d’imaginer les problèmes d’adaptation d’immigrés venus grâce à leur famille, ne sachant ni lire, ni écrire, et ne parlant pas notre langue.

Enfin, et pour conclure, je dirais volontiers trois choses :

La première : il n’est pas sûr que le coup de projecteur que veut donner la fondation Thuram sur les zoos, les exhibitions, serve beaucoup la cause de sa fondation.

N’ayant pas vu cette exposition, je suis sûr que ses organisateurs ont eu l’honnêteté intellectuelle et historique de faire état des nombreux travaux de l’Association « Images et Mémoires » qui ont porté sur une autre forme d’exhibition, moins médiatique sans doute, c’est-à-dire moins provocatrice, et en tout cas, moins caricaturale, celle des « Villages Noirs » dont l’histoire de synthèse est racontée dans le livre « Villages Noirs » (Editions Khartala-2001). Le chapitre 3 du livre « Supercherie coloniale» (Mémoires d’hommes) propose par ailleurs une lecture moins anachronique de cette mode des zoos que celle de l’équipe animée par le « conseiller » historique de Thuram.

Sans évoquer un certain état de l’Afrique noire au moment des conquêtes coloniales, terre de castes, d’esclavage, et de guerres intestines, les premiers contacts entre noirs et blancs ont été placés sous le signe de l’étrangeté, le premier blanc rencontré étant perçu comme un être fantomatique, issu d’un autre monde, sinon maléfique.

Sur le blog du 17 mars 2011, j’ai rappelé l’expérience d’«exhibé » qu’avait faite l’africaniste Delafosse en Côte d’Ivoire, en 1907, dans le village de Siemen, dans la région de Man, racontée dans le livre « Broussard ou les états d’âme d’un colonial » (1923)

Une expérience vraiment différente de celles qui sont mises en vedette par l’ancien footballeur international ?

Pour mémoire, la Côte d’Ivoire a été créée de toutes pièces par un décret de la France coloniale du 10 mars 1893.

Pour revenir à l’actualité, certains journalistes de télévision à succès ne projettent-ils pas le téléspectateur dans un décor moderne de « zoo », par exemple, chez les Nenetz  du grand Nord ou les Himbas de Namibie ?

Croyez-vous, sérieusement, et par ailleurs, que sur un autre plan, cher à des historiens « entrepreneurs », ces exhibitions aient influencé « l’inconscient collectif » des Français, pour user d’une des explications favorites d’une historienne connue ? Par je ne sais quel processus caché ou secret, jamais décrit ou évalué, s’il existait, de cet « inconscient collectif » ?

Qui a-t-il eu la chance d’en vérifier la preuve ?

Je serais tenté de répondre, à ce sujet, par le texte de l’interview de Sonia Rolland (page 55) : « Soyez fières de votre négritude », car il me semble que beaucoup trop de noirs et de noires font précisément un complexe de négritude.

La deuxième : les pages consacrées aux initiatives créatrices des Noirs de France, dans notre pays, et sur le plan international, montrent que rien n’est impossible, à la condition de le vouloir.

J’attends d’un prochain ou des prochains numéros de Respect Mag qu’il mette en valeur toutes ces initiatives, s’il ne le fait déjà.

La troisième : je serais tenté de dire que ce numéro récapitule plus les réclamations, les revendications, les récriminations que les solutions, c’est-à-dire l’avenir que les personnes qui ont été interviewées dessinent pour eux, leurs familles, et en définitive pour la France.

Et c’est peut-être la tonalité générale de ce type de discours qui cause le plus de préjudice à la défense de la cause des membres de la « communauté » noire de France !

Pourquoi ne pas oser dire que les Noirs en général, et ceux de France aussi, ont trop tendance à adopter à la fois une revendication de reconnaissance, et une « posture » de victime, de réparation, et d’assistance, qu’ils manquent de confiance en eux-mêmes, et qu’ils ne sont pas tous prêts à proclamer comme Obama « Yes, you can ! », même s’ils ont souvent tendance à s’en réclamer !

Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: Une France multiculturelle? Une islamisation en douceur, toute en insinuation?

Humeur Tique: Une France multiculturelle ?

Une islamisation en douceur, toute en insinuation ? Vous n’y croyez pas ? Un cas isolé ?

A Asnières, de source A1, comme on disait dans le renseignement militaire ! C’est-à-dire la source d’information la meilleure !

            En confidence exceptionnelle :

Dans la ville d’Asnières, très proche de Paris, une femme de ménage d’origine marocaine, de religion musulmane, bien intégrée dans la société française. Elle accomplit sa tâche ménagère depuis plus de dix ans dans le même foyer.

            Elle fait confidence des pressions qu’elle reçoit, de plus en plus, de la part de son entourage pour qu’elle porte le voile et qu’elle fasse son ramadan.

            Par ailleurs, elle ne cache pas qu’elle connait des femmes qui, dans les apparences légales, sont indépendantes, alors qu’elles partagent un mari polygame.

Sans commentaire !

« La société piégée par la guerre des identités. Echec du multiculturalisme »- Amselle – Le Monde du 16/10/11

« La société française piégée par la guerre des identités

Echec du multiculturalisme »

Jean Louis Amselle

Le Monde du 16 septembre 2011, page 21

&

Réflexions sur cet article

            Un article très difficile à résumer, dont le contenu fait référence à des concepts  qui soulèvent  de grandes difficultés de définition, et autant de controverses.

            Quel est le sujet traité ? A-t-il été défini ? Quel est le discours Amselle sur le sujet ainsi défini ? Et enfin, quelle est la démonstration scientifique de ce discours ?

            Des mots qui claquent au vent, comme des drapeaux !

            Des grands mots qui dérangent, tout d’abord ! Un langage politique ou un langage scientifique ? Un mélange des genres donc ?

            Pourquoi, en effet, et  aussitôt, ces grands mots de « piège », de « guerre des identités », après la guerre des mémoires « coloniales » dont aucune institution n’a eu le courage, jusqu’à présent, de mesurer dans l’opinion publique française, si elle existait vraiment ?

Alors que l’historien qui a lancé, semble-t-il, cette expression dans les médias, et compte tenu des relations étroites qu’il entretient avec certains d’entre eux, aurait pu obtenir de leur part une véritable enquête statistique, sérieuse, qui nous aurait donné la possibilité de mesurer enfin cette fameuse mémoire coloniale (avec ou sans l’Algérie) qui expliquerait tellement de dysfonctionnements dans la société française.

Qui a véritablement intérêt à entretenir cette conspiration du silence ?

Des sondages d’opinion, il en pleut chaque jour, et il est bien dommage que ce type de sujet n’intéresse personne ! Serait-ce parce qu’il donne la possibilité de discourir sans démontrer ?

Il en est par ailleurs de même de l’interdit quasi religieux qui pèse sur les statistiques dites ethniques. Comment est-il possible de faire le procès de la discrimination en refusant de mesurer ce qu’il en est exactement par rapport à telle ou telle catégorie sociale, si l’on n’en a pas la mesure démographique ?

Dans leur préface au petit livre intitulé « Au cœur de l’ethnie » que Messieurs Anselme et M’bokolo ont cosigné, en se déclarant opposés à l’introduction de critères ethniques dans les recensements, ils écrivaient :

« Par un étrange retournement de situation, l’expansion coloniale qui s’est faite au nom de la « mission civilisatrice » de la France, mais qui a en fait largement reposé sur la gestion de la différence culturelle, ferait actuellement retour sur sa terre d’origine pour mettre en place un mode d’administration des « populations » fort éloignées du modèle théorique dressant le citoyen face à l’Etat. »

L’historien Pap Ndiaye a préconisé d’instaurer une visibilité qui serait en même temps invisible, et il conviendrait donc de nous expliquer comment un tel mystère est susceptible d’être résolu (voir blog du 16/5/11).

            Revenons donc au sujet de l’article :

            L’auteur ouvre son texte en écrivant :

« Le multiculturalisme, en tant qu’il est fondé sur la reconnaissance des identités singulières de race et de culture, a échoué en France et en Europe. Non pas, comme le prétendent Angela Merkel, David Cameron et Nicolas Sarkozy, parce qu’il n’est pas parvenu à  intégrer les « immigrés » Mais en raison de la fragmentation du corps social opérée partout où ce principe est appliqué ou promu par des organisations  politiques. »

Une des raisons principales de cet échec, sinon la seule, serait à rechercher chez les porte-parole des communautés intéressées :

«  De sorte qu’il n’est pas illégitime de mettre en doute l’existence, en France, des communautés « noires », « juive », « musulmane », ou « maghrébine », autrement que dans les discours de porte-parole parfois nommés ou encore autoproclamés qui s’expriment « au nom » de ces communautés en prenant en quelque sorte leurs « membres » en otages. »

Il aurait été évidemment intéressant que l’auteur propose sa définition du multiculturalisme en France, dont le contenu a peu de points communs avec celui auquel il est fait référence en permanence, l’anglais ou l’américain, dont les origines historiques n’ont rien à voir avec un soi-disant multiculturalisme français qui pourrait leur ressembler, mais en quoi ? Juridiquement, historiquement, socialement, culturellement ?

L’auteur met en cause dans cet échec, – mais y-a-t-il eu échec ? – , le rôle des porte- parole de certaines des communautés qui vivraient dans notre pays.

Pourquoi pas ? Mais jouent-ils le rôle important que leur prête l’auteur, je n’en suis pas sûr, et j’écrirais volontiers qu’il s’agit beaucoup plus d’une conviction, d’un discours que d’une démonstration, car en beaucoup de lieux, les rapports entre membres des communautés d’origine étrangère ne fonctionnent pas de la façon implicite, supposée.

Ce que l’auteur dénomme l’échec du multiculturalisme, indéfini, ressort plutôt sur certains territoires de la métropole d’un déséquilibre culturel et social entre populations d’origines différentes : comment ne pas penser, par exemple, que dans les communes où les citoyens français d’origine étrangère sont majoritaires, les ajustements ne soient pas toujours faciles ? L’immigration a été trop rapide !

L’auteur met également en cause la responsabilité des organisations  politiques qui se sont attachées à prôner la diversité plus que l’égalité, et il est exact que la gauche y a trouvé un champ politique plus ouvert, car il est plus facile de prôner la diversité que l’égalité.

Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, le professeur Walter Benn Michaels a dit d’excellentes choses sur le sujet, dans son petit livre « La diversité contre l’égalité ».

Trois réflexions  encore à propos de ce constat :

La première converge avec le constat, à savoir le fait que les porte- parole annexent pour eux-mêmes et leurs affidés des revendications ou des interventions qui ne sont pas partagées ou même comprises des membres des communautés qu’ils disent représenter, mais il ne s’agit là que d’une opinion, d’un « discours »..

La deuxième sent évidemment le souffre, étant donné qu’il s’agirait de reconnaître une disposition naturelle des membres de certaines de ces communautés à la « palabre », à la parole, au verbe, que beaucoup de français de « souche », encore une incongruité, n’ont jamais connu sur leur terre natale. L’auteur sait mieux que quiconque que la « parole » façonnait la plupart des sociétés africaines : elles furent, en effet, et très longtemps, tout autant des sociétés de la solidarité que du verbe, même celles touchées par une première imprégnation de l’«écrit », c’est-à-dire du Coran.

Et la troisième relative à ce qui ressemble fort à une sorte de propagande, insidieuse, beaucoup plus efficace que n’a jamais été la propagande coloniale, faite de dénonciation de crimes coloniaux, de repentance, de mauvaise conscience, d’histoires reconstruites, idéologiques, nourries d’un humanitarisme qui est venu, fort opportunément,  succéder au marxisme, de l’assimilation revendiquée de l’esclavage à la « Shoa », et donc de droits imprescriptibles à réparation.

Les porte-parole en question n’ont donc fait qu’exploiter le discours de ces « récadères » (1) modernes d’une nouvelle parole officielle de certains chercheurs, dont l’ambition est de reconstruire l’histoire des pays anciennement colonisés, d’« d’ouvrir de nouvelles voies » à l’histoire des anciennes colonies françaises, en surfant sur les nouveaux courants de l’immigration.

Comment ne pas reconnaître que ce processus politique et idéologique est enclenché sur le terrain de la réparation ?  Il vise à faire reconnaitre la légitimité d’une assistance généralisée, en même temps qu’une dépendance, aujourd’hui et souvent assumée, par des pays qui ont obtenu leur indépendance, depuis plus de cinquante ans ?

M.Anselme propose son diagnostic, mais il est légitime de se demander (discours contre discours) si dans un domaine comme celui-là, la théorie n’est pas trop éloignée du terrain social. Le multiculturalisme n’a pas attendu l’empire colonial et les indépendances pour nourrir la culture française, et de nos jours, de nouvelles formes de multiculturalisme  rythment la vie de tous les jours de nombreuses communes, à la condition qu’il ne soit pas complètement déséquilibré, mis en cause par une immigration par trop « invasive ». Les Français, d’origine africaine, et de bonne  foi, sont les premiers à reconnaître qu’un très fort esprit de solidarité de famille ou de clan caractérise encore les flux d’immigration africaine.

Il conviendrait donc, avant toute chose, de poser la bonne définition, scientifique autant que possible,  du sujet dont on débat. Le multiculturalisme a toujours existé en France, et il n’est pas mort, mais encore faut-il qu’on ne cherche pas à intoxiquer les Français par une nouvelle propagande « coloniale » !

Est-ce que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la laïcité n’a pas posé la base d’un multiculturalisme religieux solide dans un pays qui avait connu dans son histoire de multiples conflits religieux ?

Un multiculturalisme institutionnel, à la fois religieux et culturel ?

Est-ce qu’on a fait mieux, depuis, pour la paix civile et le bien commun de la France ?

Enfin, le propos de l’anthropologue s’articule sur un constat implicite, celui des dangers de la reproduction coloniale, en France, de la discrimination qui existait dans les colonies, sauf à faire observer que, compte tenu des moyens que la France consacrait à son outre-mer, et du chantier gigantesque que représentait la mise en œuvre de l’universalisme prôné par l’auteur, et tout autant par ses lointains prédécesseurs coloniaux de la société des Lumières,  il n’était guère d’autre solution que de ne pas toucher aux croyances locales, aux coutumes, et au statut des personnes. 

Par ailleurs, n’était-ce pas pure folie, ou rêve, que de vouloir mettre dans le même moule républicain et assimilationniste toutes sortes de peuples et de cultures d’Afrique ou d’Asie ?

Comment ne pas rappeler que la Côte d’Ivoire, bien connue de l’anthropologue, créée ex nihilo par la France, à la fin du 19ème siècle, comptait de l’ordre de cinquante peuples ou ethnies, et autant de langues et coutumes ?

Historiquement, la France coloniale n’avait guère d’autre choix que de faire de « la gestion de la différence culturelle ».

Si je partage tout à fait la conclusion de l’auteur, mon cheminement intellectuel et historique n’est donc pas tout à fait le même !

En bref, discours ou démonstration ?

Jean Pierre Renaud

(1)    Dans le royaume d’Abomey, le récadère était le porte- parole du roi, et le bâton qu’il portait était le signe qu’il avait bien été investi par ce chef..

« Printemps Arabes » et « La surpopulation » de Gaston Bouthoul

« Printemps Arabes » en 2011

 « Afrique, la bombe démographique » Les Echos du 10/06/11 (page 17)

&

« LA SURPOPULATION »

Gaston Bouthoul

(1964)

Lecture critique

            Un sociologue qui fut à la mode, à son époque, et qui acquît sa notoriété de chercheur, en créant la nouvelle discipline de la polémologie, présentée comme l’étude sociologique de la guerre, et dans le cas présent de la relation guerre-population.

            Ce livre, un brin provocateur, avec quelquefois de la verdeur dans les analyses et le propos, a le mérite de mettre l’accent sur les points sensibles de l’histoire de la vie de la planète, des points sensibles qui pour beaucoup d’entre eux, n’ont pas beaucoup changé.

            Comment ne pas relier le contenu de cet ouvrage à celui intitulé « Le colonialisme en question » de Frederick Cooper, qui a fait l’objet de notre analyse sur ce blog ?

            F.Cooper a évoqué le concept de « fissures » pour expliquer en partie de déclin du colonialisme anglais et français au XX°siècle, et nous avons tenté d’étoffer sa réflexion sur le concept en question, mais G.Bouthoul avait déjà identifié en 1964, une grande fissure dans le système, une vraie fissure, celle de la démographie.

            A ses yeux, la décolonisation était motivée par « un sauve qui peut » (page 81)  des colonialistes face à la démographie galopante des colonies.

            Qu’est-il donc possible de retenir des analyses de G.Bouthoul ?

            Le livre mettait l’accent sur l’étroite corrélation qui a existé au cours des âges entre les migrations humaines et les guerres, et il appelait donc l’attention sur les risques que faisait courir à l’humanité la surpopulation, en partie dans la ligne des analyses de Malthus.

            Il écrivait :

 « Aujourd’hui l’équilibre entre l’espèce humaine et l’univers est doublement rompu. Nous vivons désormais dans un monde délimité, inventorié, pesé, compté, et divisé : en un mot, dans un monde fini.

            A ce moment même, voici que l’humanité est saisie par une mutation démographique multipliant son potentiel d’expansion qui tend à devenir infini. Expansion accélérée dans un monde rétréci. Pire, expansion qui se produit dans un monde qui se contracte littéralement sous nos pieds comme une peau de chagrin. » (page 35)

            L’auteur relevait que si les pays occidentaux avaient eu la possibilité, c’est-à-dire le temps, d’accroître leurs ressources avant leur expansion démographique,  ce n’était pas du tout le cas des pays arriérés – de nos jours on dirait plus volontiers émergents – qui connaissaient une explosion démographique, sans pouvoir mettre en face l’accroissement des ressources économiques  nécessaires à leur vie et survie.

            Bouthoul mettait en lumière l’ensemble des facteurs qui pouvaient expliquer à la fois l’explosion démographique enregistrée dans beaucoup de pays, parallèlement au retard de leur développement économique, notamment les facteurs culturels et religieux.

            Il soulignait par ailleurs l’intérêt des initiatives qu’il baptisait du nom d’ « autocolonisation », les marches vers le progrès qu’avaient engagées des pays comme la Chine ou le Japon, capables d’adapter leur marche en avant aux contextes religieux et culturels de leurs sociétés.

            Et pour revenir pendant quelques instants sur quelques-uns de ses propos et jugements agressifs sur des sujets sensibles, l’auteur écrivait en 1964, c’est-à-dire peu de temps après l’indépendance de l’Algérie:

«  Faisons le bilan polémologique de la douloureuse guerre d’Algérie. Quel fut son aboutissement ? En faisant abstraction de tous les épisodes, la statistique répond : le résultat de ce conflit fut le départ de un million de chrétiens environ. Relaxation démographique, hélas proportionnellement égale à celle de la Guerre Civile espagnole (deux millions supprimés sur 27 millions d’habitants). » (page 82)

Et pour expliquer en partie le « sauve qui peut » de la décolonisation, ou comment il était possible, pour la France, sur ses ressources, et non pour ses colonies, sur leurs propres ressources, de faire face à leur explosion démographique en faisant droit à l’égalité de traitement entre citoyens, le sociologue écrivait :

« Voici comment les choses se passaient dans le secteur des petits fonctionnaires africains bénéficiant d’allocations familiales analogues à celles de la Métropole. Avec la prime au mariage et à la première naissance de l’épouse vierge, plus la rente supplémentaire correspondant à l’allocation de premier enfant, le fonctionnaire candidat-patriarche achetait une nouvelle vierge. Celle-ci lui assurait une nouvelle prime au mariage et à la première naissance, plus une multiplication d’allocations familiales….Exemple record : un petit fonctionnaire noir de Porto Novo qui avec ses 103 enfants touchait des allocations supérieures aux appointements du gouverneur général. » (page 83)

De nos jours, des observateurs bien informés pourraient citer le cas comparable de quelques maris polygames, heureusement très peu nombreux,  vivant dans la région parisienne.

Le message du sociologue n’était pas spécialement optimiste puisqu’il écrivait :

« Arrêtez le pullulement ou préparez- vous à la guerre. » (page 234)

Les sociologues qui ont poursuivi leurs recherches dans la ligne des travaux de Bouthoul, s’il y en a, devraient  être en mesure, peut-être, de nous dire si le mouvement d’expansion démographique de l’Afrique qui s’est poursuivi entre 1964 et 2010 a pu accréditer les sombres prévisions de Bouthoul.

Rappelons que les pays d’Afrique occidentale ont vu leur population multipliée, en cinquante ans,  par 3, 4, ou même plus de 7, dans le cas du Niger.

Relevons toutefois que le même sociologue notait que les deux innovations morales qui peuvent être de nature à infléchir le cours de l’histoire étaient, d’une part la Déclaration américaine des Droits, reprise ensuite par la Révolution française, et la libération de la femme.

« Depuis le Décalogue, la plus grande invention éthique a été la Déclaration des Droits américaine, reprise ensuite par la Révolution Française sous le nom de Déclaration des Droits de l’Homme… La seconde grande innovation morale des temps modernes a été la libération de la femme. Elle constitue le seul véritable fait nouveau dans nos conceptions sociales, politiques et morales. » (page 180)

Et plus loin :

« Le féminisme est la seule véritable nouveauté en politique. Il n’est possible que dans la modération des naissances » (page 236)

La thèse défendue par Bouthoul soulève beaucoup de questions, et dans le cas de la France, celle de la gestion des flux migratoires réguliers ou irréguliers suscités par l’explosion démographique des pays « émergents ».

Mais comment ne pas évoquer les crises récentes de la Tunisie et de l’Egypte, causées en grande partie par la proportion très importante des jeunes dans ces pays ? Plus de la moitié de la population égyptienne a moins de trente-ans ! Comment le pouvoir peut-il répondre à leurs aspirations, notamment en termes d’emploi ?

Et comment ne pas faire référence à l’une ou l’autre des analyses actuelles sur l’évolution démographique de l’Afrique ?

Dans les Echos du 11 juin 2011, la chronique d’Eric Le Boucher  dont nous avons reproduit le titre fait référence à des prévisions qui n’ont rien d’encourageant pour l’Afrique :

« La tectonique démographique dessine une Europe vieillissante et en partie déclinante, séparée par la mer Méditerranée d’une Afrique devenue une bombe démographique devenue bombe démographique : 416 millions d’habitants en 1975, 1 milliard aujourd’hui, 2,2 milliards en 2050. »

L’auteur prend comme exemple une ancienne colonie qui n’était pas française, sans doute par un heureux « effet du hasard », celle de la Tanzanie, en posant la question :

« Comment gérer une Tanzanie de 45 millions d’habitants aujourd’hui, à 138 millions dans quarante ans ? »

Il ne suffira sans doute pas de se contenter de dire : « Il n’y a de richesse que d’hommes » dans un contexte actuel de gouvernance qui fait courir ces pays à la catastrophe humanitaire, qui, ici, ou là, a d’ailleurs déjà commencé

Alors à qui reviendra-t-il la responsabilité de gérer les « excédents » de population, les flux migratoires des  pays  qui n’offrent pas à leurs citoyens des possibilités normales d’emploi ?

Jean Pierre Renaud

Bi-nationalité des Français, la fin d’un nouveau tabou: Libé du 7/06/11 et le Monde des 12/13/06/11

Bi-nationalité des Français, la fin d’un nouveau tabou ?

Libé du 7/06/11 et le Monde des 12/13/06/11

Quels enjeux et doubles jeux à moyen ou long terme ? Et pour la terre entière ?

La population française représente 1% de la population mondiale !

Opinions d’un footballeur sur son « terrain de jeu », M.Platini, et d’une politologue sur son « terrain de jeu scientifique »

Qu’en penser ?

            Sur le blog du 9 mai 2011, « Humeur Tique » a publié un petit texte à propos de la controverse engagée sur l’origine des footballeurs, texte intitulé :

            « Un débat mal engagé mais utile »

            Cet article concluait sur une des questions de fond posées: quid de la bi-nationalité en cas de conflit sur le pourtour méditerranéen ? 

            Deux interlocuteurs très différents par leur origines, l’un, footballeur célèbre, Platini, Président de l’UFEA, et l’autre universitaire, politologue, sont intervenus sur le sujet, le premier dans une longue interview de Libé du 7 juin 2011– Sports (page 22), la deuxième, Mme Labat, dans une longue interview du Monde des 12 et 13 juin 2011, à la page 17 « Débats Décryptages »

On ne pouvait pas trouver meilleurs interlocuteurs pour éclairer le sujet et poser les questions de fond du sujet, l’un très bon connaisseur du monde du football, à l’origine du débat, et l’autre, politologue, donc analyste de ce type de question, universitaire spécialiste, avec la distance qu’impose théoriquement l’exercice de cette discipline.

Que dit M.Platini ?

Son interview se situe dans le contexte des problèmes financiers et éthiques du football européen en général, et notamment des dérives financières des clubs européens, mais elle aborde par ailleurs  le problème du fonctionnement des équipes nationales, délaissées au profit des équipes des clubs les plus riches, et enfin celui des joueurs binationaux.

A la question du journal : Qu’avez-vous pensé de l’affaire des quotas, qui vient de secouer le foot français ?

« Que beaucoup de gens avaient raison. Je ne cautionne bien sûr pas les propos excessifs qui ont été tenus. Je pense que le débat sur les binationaux est un beau débat qui devait avoir lieu. La Fifa a changé les règles (en permettant, pour complaire aux pays africains, à des joueurs de pouvoir choisir quand ils veulent la sélection nationale du pays dont sont originaires leurs parents ou grands-parents, ndlr) contre l’avis de l’Europe. Moi, j’étais contre. A partir de ce moment-là, on peut se poser la question : que fait-on de Clairefontaine ? Je comprends que des joueurs non retenus en équipe de France choisissent la sélection nationale de leur pays d’origine ; mais je comprends qu’à Clairefontaine on s’interroge si une partie des joueurs qui y viennent choisissent une autre sélection que la France. Je n’ai pas la réponse, mais je pense que ce débat sur les bi-nationaux doit continuer tant que les règles de la Fifa n’auront pas changé. »

Le propos de l’ancien footballeur célèbre a le mérite de la clarté, et je vous avouerai que j’ai été un peu surpris de le voir accueilli dans un journal qui, généralement, est plus disponible pour d’autres discours.

Que dit, de son côté, Mme.Labat, politologue de métier et d’écriture ?

Le titre de son interview a le grand mérite de la clarté :

« Bi-nationalité : notre futur », avec une première question sur son titre : choix de l’auteur ou choix du journal ?

La politologue inscrit son analyse, mais d’abord son discours, dans un constat historique qui, pour le moins, prête à discussion :

On admettrait la bi-nationalité d’Eva Joly,

« Mais l’admettrait-on d’un Franco-Algérien ? Le doute est permis, car c’est bien la bi-nationalité d’anciens ressortissants de l’empire qui alimente un imaginaire dont on peut douter qu’il soit lui-même décolonisé. »

Soit ! Mais aucune école historique sérieuse n’a jusqu’à présent démontré que l’imaginaire de la France ait été colonisé, au temps du fameux empire colonial, pas plus d’ailleurs qu’aucune enquête statistique sérieuse et récente n’a d’ailleurs également démontré que le Français d’aujourd’hui souffrirait encore d’un imaginaire colonial, transmis sans doute par l’inconscient collectif français, ainsi que l’a prétendu une historienne postcoloniale assez connue. !

Est-ce que les chercheurs qui défendent ce type de thèse auraient peur des résultats de ce type d’enquête ? Sinon, pourquoi ne la font-ils pas ?

Pourquoi le CNRS et la CADIS, avec le soutien du grand journal qu’est le Monde, ne lancent-ils pas une enquête approfondie sur le sujet ?

Chaque jour voit en effet fleurir je ne sais combien de sondages et d’enquêtes de toute nature et de tout acabit !

Citons encore ses réflexions sur le même sujet qui n’ont à mes yeux pas un meilleur fondement scientifique :

« Seule l’ intégration de l’épisode colonial dans les représentations collectives françaises fragilisées par la mondialisation permettrait de repenser la question de l’altérité, et, par- là, celle de la construction nationale dans le cadre d’une République qui serait à même de reconnaître une forme de « diversité » de la société française susceptible de faire échapper les populations issues de l’empire à un statut d’éternelle infériorité »

Mais alors un nouvel imaginaire colonial serait à construire ou à reconstruire, puisqu’il faut une « intégration » ?

Et plus loin encore, mais là le commentaire montre le bout de l’oreille, celui de l’Algérie, toujours, et toujours l’Algérie !

« Ainsi chaque événement lié à notre passé algérien est-il irrémédiablement décliné sur un mode passionnel. Le consensus n’est toujours pas fait autour des tabous de la décolonisation et de la perte de l’Algérie française.

Autant d’occasions manquées qui auraient pu permettre de prendre publiquement acte au sein de la population française de millions de Français issus des ex-colonies et d’achever par cette unique voix le deuil de l’empire ainsi que la réconciliation des Français, d’où qu’ils viennent, autour de valeurs communes fondatrices d’une identité nouvelle et enrichie. »

On voit bien ici que Mme Labat, au même titre que beaucoup d’autres chercheurs, est obsédée par la question algérienne, mais l’histoire de l’Algérie n’est pas l’alpha et l’oméga de l’histoire coloniale, et une fois de plus, je mets au défi l’intéressée de nous produire une enquête sociologique sérieuse qui nous convainque de la justesse de son propos quant au deuil de l’empire.

Il y a là un immense malentendu entre ces chercheurs et la plupart des Français qui n’ont jamais eu besoin de faire leur deuil de l’Empire, mis à part ceux originaires de l’ancienne Algérie dite Française, et une petite minorité d’autres Français venus d’autres colonies.

Cette interview a le mérite de poser un certain nombre de questions de fond, mais au travers d’une analyse qui parait beaucoup s’éloigner des exigences d’une analyse scientifique solide, une opinion donc, plus qu’une analyse scientifique de la situation, sa problématique, ses caractéristiques, une mesure rigoureuse du phénomène et de son évolution.

Conclusion d’une scientifique ou opinion d’une militante ?

Très nombreux sont les intellectuels, romanciers ou philosophes qui ont milité pour telle ou telle cause nationale ou internationale, et c’était leur droit de citoyen, mais il semble plus difficile d’accepter un tel mélange des genres de la part de chercheurs qui prétendent inscrire leurs travaux dans l’exigence scientifique.

Opinion qu’elle a d’ailleurs donnée dans une interview au Quotidien d’Oran, le  2 juin 2011, en évoquant son livre consacré aux bi-nationaux franco-algériens :

« C’est la raison pour laquelle je conçois mon livre comme un ouvrage certes universitaire, mais aussi militant. Nous sommes nombreux  à être les parents d’enfants binationaux. Ils représentent une richesse… »

Comment écrire « l’imaginaire français n’a pas achevé de se décoloniser », sans apporter aucune preuve statistique de ce type de propos ?

Comment peut-on tenir ce type de discours, alors même que l’on est bien incapable de fournir aucun chiffre des bi-nationaux en question, sous prétexte qu’il est interdit en France de faire de la statistique ethnique ?

Dans son interview au Quotidien d’Oran l’intéressée déclare :

 « Par extrapolation, il se dit que les bi-nationaux représenteraient quelque quatre millions d’individus, statistique communément admise par les autorités françaises. »

Et sur ce total, combien de bi-nationaux franco-algériens ?

Déni du passé colonial ? C’est encore à démontrer, sauf en ce qui concerne l’Algérie, un dossier et une mémoire effectivement sensibles, mais il parait illusoire de croire que la bi-nationalité franco-algérienne apportera la solution, l’apaisement, bien au contraire, parce qu’il existe, comme la politologue le sait, d’autres groupes de pression influents qui cultivent effectivement leur mémoire, et qui ne sont sans doute pas prêts, comme beaucoup d’autres Français, à reconnaître que la France c’est l’Algérie.

Il est possible de comprendre, et d’apprécier la démarche personnelle de la politologue qui, en sa qualité de mère tente de faire le lien entre deux pays, les deux nationalités, mais il est non moins évident que la double nationalité constitue aussi un avantage pour ses bénéficiaires, et la politologue sait combien elle a été, après la deuxième guerre civile des années 1990,  et est encore  aujourd’hui recherchée, en Algérie.

Pourquoi la République Française s’interdirait de réexaminer les problèmes jusqu’alors inconnus, soulevés éventuellement par une bi-nationalité nouvelle, importante, liée sans doute aux séquelles de la décolonisation, il y a plus de cinquante ans, mais tout autant aux effets de la mondialisation des flux démographiques ?

Le dossier de la bi-nationalité est un dossier sérieux qui doit être ouvert dans toutes ses dimensions géographiques et humaines, qu’il s’agisse des anciens territoires français qui méritent effectivement un examen particulier, ou d’autres pays de la planète, temporelles avec la prise en compte du long terme, stratégiques, en tenant compte de l’instabilité du monde méditerranéen, et des risques de répercussion sur notre vie nationale, enfin de la dimension réciprocité.

J’ai entendu M. Bayrou se déclarer favorable à la bi-nationalité, pourquoi  pas ? Mais a-t-il bien pris en compte l’ensemble de ces données ?

Il serait intéressant de connaître son avis sur la situation d’un bi-national malheureusement célèbre, le soldat franco-israélien Shalit.

Tels sont les enjeux d’un vrai débat, qu’on aurait tort de simplifier, même sur la plan « scientifique » !

Pour clore provisoirement ce rapide examen, j’aimerais citer un de mes auteurs de jeunesse préférés, Albert Camus, qui prononça dans sa conférence de presse de Stockholm du 12 décembre 1957, la fameuse phrase contestée :

« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois en la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »

Quelle sera la position des parents et des enfants bi-nationaux en cas de crise ou de conflit ?

Alors point trop d’angélisme, il ne faut !

Jean Pierre Renaud

« La condition noire » de Pap Ndiaye, lecture critique, visible ou invisible, la faute des autres?

« La condition noire »

Le livre de M.Pap Ndiaye

&

Lecture critique

Visible ou invisible ?

La faute des autres ?

            Les lecteurs de ce blog ont pu prendre connaissance de mon analyse critique des propos de M.Ndiaye, historien,  à l’occasion de sa longue interview, par M.Joignot dans le Monde Magazine du 5 février 2011 (voir blog du 6 mars 2011)    )

            Afin de mieux interpréter  le discours de l’historien, je me suis donc imposé la lecture de son livre intitulé  « La condition noire », dont le contenu est au demeurant intéressant, et utile au citoyen qui a l’ambition de mieux comprendre l’état d’esprit des membres des minorités « visibles » ou « invisibles ». Cette distinction pose déjà problème : comment résoudre cette contradiction, ou ce « paradoxe minoritaire » selon l’expression utilisée par l’auteur, c’est-à-dire une proposition à la fois vraie et fausse, ou contraire à l’opinion commune ?

            On voudrait en effet qu’elles aient une visibilité politique, en même temps qu’une invisibilité sociale, non discriminée, telle que d’ailleurs décrite dans ce livre.

            L’ouvrage s’attache à traiter successivement les thèmes ci-après : le fait d’être noir, les gens de couleur, l’histoire de ces minorités, les tirailleurs et les sauvageons, penser les discriminations raciales.

            Tout est intéressant dans ce livre, étant donné qu’il nous livre une analyse, un regard, un témoignage sur « la condition » qui serait celle des noirs en France, et il pose donc des questions, car il est tout autant un plaidoyer.

            A noter en ce qui me concerne, une hésitation certaine à utiliser des références américaines, comme le fait l’auteur, alors que la ségrégation y existait encore récemment, et que les flux migratoires massifs venus d’Afrique sont également récents !

            Pourquoi vouloir ignorer que dans nos provinces la plupart des citoyens n’avaient, il y a environ trente ans, quasiment aucun contact avec des Noirs ?

            Une première interrogation relative aux chiffres cités : l’historien rencontre un obstacle inévitable, celui de la statistique des minorités visibles, étant donné l’interdiction qui est faite, en France, de procéder à des recensements qui tiendraient compte de critères d’origine ethnique.

            Il cite un sondage TNS- Sofres/Cran effectué en 2007  (et non une statistique) qui évaluerait ce type de population à 3,86 % de la population française, soit de l’ordre du 1,87 million d’habitants (page 58), une évaluation intéressante, car elle situe d’entrée de jeu les limites des enjeux proposés à la fois par la question des discriminations et par celle de la représentation politique des minorités visibles.

            L’historien donne un certain nombre de chiffres intéressants, mais qui ne dépassent pas, sauf erreur, l’année 1981, alors que chacun sait que les flux de migration ont surtout marqué les années 1990-2009.

            Ce livre évoque d’ailleurs longuement le thème des  « grandes migrations », mais sans chiffres, alors que, sur ce terrain, il existe une assez grande abondance de statistiques des flux migratoires.

C’est bien dommage, étant donné que la bonne compréhension des problèmes d’immigration, d’intégration, d’acculturation à la française, largement traités dans cet ouvrage, sont nés généralement à la suite de ces grandes migrations, trop concentrées sur le plan géographique.

Donnons acte toutefois à l’auteur du constat qu’il fait quant à la nécessité d’obtenir des statistiques liées à l’origine de la population si l’on veut évaluer sérieusement la discrimination par rapport à son poids démographique.

L’auteur reconnait en effet «  l’utilité de la mesure statistique des discriminations » (page 278).

Comment en effet opérer une telle mesure, établir une véritable comparaison, sans mesurer cette discrimination par rapport à la population concernée ?

Visibilité ou invisibilité des Noirs ?

Sauf erreur, le livre n’a pas démontré que les 4% arrondis, et cités plus haut, de population française noire ne trouvaient pas la place qui leur revenait dans nos institutions ou dans la société.

Comment d’ailleurs concilier cette contradiction à vouloir obtenir une visibilité politique en même temps qu’une invisibilité sociale ?

L’auteur parle de « paradoxe minoritaire »

L’auteur écrit : « voulant être invisibles du point de vue de notre vie sociale… Mais nous voulons être visibles du point de vue de nos identités culturelles noires, de nos apports précieux à la société et à la culture française. » (page 361)

L’auteur écrit : «  L’invisibilité noire commença avec la décolonisation » (page 331), et je ne partage pas du tout cette appréciation, pourquoi ?

Est-il possible de dire qu’historiquement les Noirs étaient visibles du temps des colonies, alors que l’histoire que nous raconte l’auteur montre qu’effectivement ils étaient peu nombreux avant les grandes migrations dont il fait état ?

Faudrait-il alors faire référence à un soi-disant imaginaire colonial qui aurait imprégné la mentalité des Français et les aurait mis en familiarité avec les noirs ?

Cela aurait à mon avis peu de sens !

Il est évident que le facteur qui fonde la relation actuelle entre blancs et noirs en France est l’immigration régulière ou non d’une minorité noire importante, avec pour conséquence, l’élaboration de nouveaux rapports sociaux inconnus de beaucoup de Français.

En résumé, si l’analyse est souvent intéressante et utile, il semble qu’elle pêche par trois biais :

–       Une mise en perspective historique insuffisante par rapport aux flux migratoires de la fin du XX° siècle et du début du XXI° siècle,

–       La croyance d’après laquelle discriminations, stéréotypes, et éventuellement racisme, ne seraient que le fait des blancs, alors que ces phénomènes existent partout dans le monde : ni discrimination, ni racisme dans les vallées du Sénégal ou du Niger ? Naturellement tout racisme est à proscrire, mais malheureusement, il n’est pas le privilège des blancs, Français ou pas !

–       Un discours qui manque d’élan positif, car c’est toujours la faute des blancs, la faute des autres !

Et je serais tenté de dire, pourquoi au lieu de toujours se plaindre, les Noirs n’auraient pas autant de raisons que les blancs d’être fiers de leur couleur ? Et d’assumer toutes leurs responsabilités de citoyens en France, quand ils le sont !

Pourquoi ne pas les inviter à reprendre l’expression célèbre d’Obama « Yes, you can ! », au lieu de dire toujours « c’est la faute des autres », c’est-à-dire des blancs ?

Jean Pierre Renaud

Immigration, vérités, et cartes sur table: réflexions

Immigration, vérités, et cartes sur table !

Réflexions d’un citoyen sur l’immigration en France

            Le dossier de l’immigration est un dossier français politiquement sensible, mais il est très difficile, pour un citoyen curieux du sujet, désireux d’en comprendre les éléments fournis par la presse écrite, d’interpréter les statistiques produites, tant elles sont changeantes, diverses, pour ne pas dire contradictoires.

A dire vrai, et après deux années de lecture de ce type d’informations, mon opinion est encore incertaine sur les chiffres et leur interprétation.

Le Monde –

En ce qui concerne les chiffres, Le Monde du 4 décembre 2010, notait dans sa page « Décryptages Focus » la stabilité des chiffres de l’immigration entre 1986 et 2006 : « Si l’immigration s’est stabilisée, son visage en revanche s’est tranformé… », soit entre 7,4% et 8% d’étrangers en France.

Mais le même journal, dans sa page Contre-enquête du 12 avril 2011, propose une représentation graphique intitulée « Immigration en France : pas de baisse depuis 2001 », et on lit effectivement que le flux d’entrée à caractère permanent est passé de 137 903, en 2001, à 199 467, en 2004, le maximum, et 181 316, en 2009.

Comment ne pas noter par ailleurs que le titre des graphiques est manipulateur ? « Pas de baisse », alors qu’il y a augmentation ?

Sur ces flux, le nombre d’immigrés entrés par la voie d’une migration familiale représente sur l’ensemble des années de l’ordre de 800 000 immigrés, lesquels ont naturellement vocation à entrer dans la communauté française

Et sur ces tableaux, les chiffres de migration des travailleurs ne constituent pas un vrai sujet, compte tenu de leur faible pourcentage, et montrent que les déclarations récentes, et du ministre de l’Intérieur, et de la présidente du Medef, à ce sujet, n’ont pas de réel fondement.

Alors qui croire et à quoi croire ?

Incompétence des journalistes, manipulation des chiffres, complexité technique du sujet, laquelle est incontestablement la plus forte en ce qui concerne l’évaluation des immigrés sans papiers, ou de ceux venus avec des faux papiers ?

 Les Echos-

Un autre journal, Les Echos vient de présenter, le 26 avril, son analyse du sujet, et le contenu de cette analyse découpée en quatre thèmes soulève également quelques questions :

La proportion d’immigrés augmente-t-elle sur le territoire français ? Le journal fait référence au chiffre des années 1920, mais est-il bien sérieux de la part d’un journal économique et financier de partir d’une telle référence, dénuée de tout crédit, ne serait-ce qu’en raison de sa date et des millions de morts de la guerre 1914-1918 ?

Dans le même paragraphe, l’auteur écrit «  Par ailleurs, 100 000 individus quittent chaque année l’Hexagone… Autour de 100 000 personnes par an, en moyenne, restent donc à accueillir. Un chiffre bien modeste comparé aux autres pays développés. »

100 000 personnes seulement ? Vraiment ? Par quel processus, et sur le fondement de quelles statistiques ? Le quotidien aurait pu à la fois l’expliquer et le justifier, car c’est un aspect ignoré de ce dossier.

Les immigrés pèsent-ils sur les comptes sociaux ?  Le journal propose une analyse dont les résultats sont d’ailleurs nuancés, fondée sur l’hypothèse, sauf erreur,  que la population d’origine immigrée et intégrée dans la communauté française ne vieillira pas dans notre pays. Difficile à croire tout de même !

Une diminution de l’immigration suffirait-elle à faire baisser le chômage ? Conclusion évidemment négative, et bien connue des spécialistes, le facteur majeur du débat n’étant pas l’immigration officielle, mais clandestine, celle dont personne ne connait le chiffre exact, 300 000 ? 400 000 ? Un flux de travailleurs sans papiers qui alimente le recrutement de beaucoup d’entreprises, grandes ou petites dans certains secteurs économiques.

L’immigration peut-elle pallier le vieillissement de la population ? Conclusion négative du journal, mais qu’il serait bienvenu de relier à la conclusion précédente sur les comptes sociaux.

Dans le même numéro, un des éditorialistes du journal écrit sous le titre « Penser l’immigration » : … Dans l’enquête que nous publions aujourd’hui, trois contrevérités sont démontrées. »

Est-ce bien sûr ?

Impossible donc pour un citoyen curieux de saisir les véritables données de ce dossier et d’en interpréter les éléments !

Dans cette sorte de désordre des chiffres et des interprétations, quelques informations paraissent établies aujourd’hui, ou en tout cas communiquées :

La concentration anormale des flux migratoires sur certains territoires, ceux que Luc Bronner a fort bien décrit dans son livre « La loi des ghettos ».

Le Haut Conseil de l’Intégration vient du reste de le souligner.

L’importance des flux liés à l’immigration familiale, et les questions légitimes qu’il est possible de se poser, afin de comprendre le fonctionnement dont l’image de pelote de laine multiforme rendrait assez bien compte :

 1- Quant à l’interprétation du concept de parenté dans la culture africaine et dans notre propre culture, à l’évidence, très extensible dans la première. A titre d’exemple, dans certaines régions de l’Afrique de l’ouest, un oncle est encore réputé « père » de son neveu ! Comment voulez-vous qu’un employé municipal ou préfectoral comprenne ce type de relation ?

Cette immigration familiale, qui peut être chez nous source de problème, atteste de la solidarité puissante et toujours vivante de beaucoup de communautés africaines, une solidarité qui est incontestablement positive sur le plan humain.

2- Quant aux facilités d’intégration de personnes issues de certaines cultures africaines d’émigration, pour ne pas évoquer le redoutable problème de l’alphabétisation et acculturation  de beaucoup d’entre elles.

Le sociologue Lagrange a publié les résultats d’une enquête sérieuse qui montre les difficultés réelles que peuvent rencontrer certains jeunes issus de cette immigration dans leur processus d’acculturation à la française ?

Un grand intellectuel africain, Moussa Konaté, dans son livre « L’Afrique noire est-elle maudite » propose à cet égard un certain nombre de clés de compréhension de la culture africaine.

Vrais et faux papiers 

Quant au contrôle de l’authenticité de papiers soi-disant officiels présentés par nos immigrés, dans son livre « Madame Bâ », l’académicien Orsenna, bon connaisseur de l’Afrique, et ancien collaborateur de M. Mitterrand, propose à ses lecteurs quelques ouvertures de réflexion à ce sujet (voir pages 386 à 388).

Mais me direz-vous, ce n’est qu’un roman !

Les mariages mixtes

L’importance des mariages mixtes, de l’ordre de 50 000 par an (Les Echos numéro 20913), sur un total de 250 000 en France : dans quelle rubrique sont- ils comptés ? Et l’interprétation d’un certain nombre de ces unions pose aussi des questions.

En conclusion, le débat avance effectivement, et aussi, une meilleure connaissance du sujet, mais la presse serait bien avisée de proposer à ses lecteurs une vue complète, précise et rigoureuse des flux d’immigration, des problèmes qu’elle soulève effectivement, même si une des conclusions d’une étude récente sur les résultats, est en partie positive sur l’intégration à la française.

Dans ce domaine aujourd’hui sensible de l’immigration, il faut jouer carte sur tables, sauf à continuer à empoisonner le débat politique, économique, et social, et la France n’a vraiment pas besoin de cela.

Jean Pierre Renaud

La France et ses sans-papiers: remise à plat ou révolution?

Sans-papiers, remise à plat ou révolution ?

La France et ses sans-papiers, que faire ? Changer de stratégie ?

Il est peut-être temps de cesser de faire de l’esbroufe politique sur le sujet !

            Qui sait combien la France « abrite » de sans-papiers, 300 à 400.000 personnes ? Mais qui sait non plus, à part les initiés, les préfets, les magistrats, les députés, et les policiers, que la reconduite à la frontière est une belle tartufferie française, étant donné que, dans 70% à 80% des cas, ces « reconduites » ne sont pas mises à exécution ?

            Le Monde le rappelle dans un article du 23 mars 2011, mais qui en évalue véritablement l’importance financière et politique ?

Le journal écrit : « Or, sur les 40 000 à 60 000 APRF (arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière) notifiés chaque année, 70 à 80 % ne sont déjà pas exécutés. »

Comment ne pas être surpris par une telle « approximation » ?

            Le ministre de l’Intérieur a l’habitude de donner des statistiques à ce sujet, mais elles sont fausses, et en plus, elles n’ont aucun effet réel sur l’effectif des sans-papiers.

Nouvelle complication, une directive européenne met en demeure les Etats de laisser de 7 à 30 jours pour que le sans-papier quitte « volontairement » le territoire. Faute d’avoir mis en œuvre cette directive, la France voit donc aujourd’hui les arrêtés préfectoraux déférés devant les tribunaux administratifs qui les annulent, donc plus d’expulsion !

C’est donc la loi du roi Ubu, on annule des arrêtés qui, déjà, et de toute façon, ne servent à rien, puisque l’immense majorité des sans-papiers « reconduits » demeurent sur notre territoire, avec toute la chaine des conséquences que les spécialistes connaissent bien, trafic de main d’œuvre, travail au noir ou avec de faux-papiers, hébergements clandestins, soins hospitaliers, naissance d’enfants, et donc impossibilité nouvelle d’expulsion, pour ne pas citer l’espérance de régularisation de leur séjour, etc…

Traduisons donc en bon français la situation actuelle : un sans-papier peut séjourner facilement en France, sans avoir la crainte d’être expulsé, d’autant plus facilement qu’il peut compter :

 1 – sur la solidarité d’une famille ou d’une communauté d’origine déjà présente sur notre territoire.

2 – sur le réseau de soutien de la collectivité française d’accueil (santé, allocations, etc…) et « humanitaire » d’une partie des citoyens français.

Et dans les deux cas, et quel que soit le bon motif, perte de vue du bien commun de la communauté française, car le bien commun est aussi un arbitrage entre bonne action et sacrifice au motif de l’intérêt général !

A ce problème humain et politique difficile, une seule solution serait efficace, celle qui consisterait pour les familles et les communautés qui servent de support au flux inexorable des sans-papiers à renoncer à leur solidarité, et donner donc la préférence à l’intérêt bien compris de la communauté française dont ils font partie.

Une solution tout à fait improbable, compte tenu des liens de solidarité de toute nature qui, de par leur culture d’origine, soudent les ressortissants d’une même communauté, en France ou en Afrique.

Pourquoi ne pas remettre les choses complètement à plat, et donc changer de stratégie ?

Il conviendrait :

1-     tout d’abord d’avoir une bonne évaluation du devenir des sans-papiers sur la longue durée : que sont devenus les sans-papiers arrivés en France, il y a dix ou vingt ans ? Toujours en France, et toujours clandestins ?

2-    de procéder à une évaluation sérieuse du coût des opérations policières, judiciaires, et administratives qui ont l’ambition « fictive » d’expulser les sans-papiers de notre territoire, en clair en chiffrer le budget complet.

3-    de reporter une partie de ce budget sur la poursuite des trafics de main d’œuvre et de faux papiers.

4-    d’affecter les  crédits rendus disponibles sur ce budget dans un compte budgétaire servant à alimenter les budgets de développement des pays d’émigration clandestine, afin de les inciter à participer à cet effort de régulation  démographique, et peut-être de paix civile.

Ce ne sont là que quelques réflexions citoyennes, car il semble évident, en tout cas, que la stratégie actuelle d’expulsion des étrangers sans-papiers n’est pas la bonne ! Et que les ministres de l’Intérieur cessent de se targuer de résultats bidon ou d’annoncer des objectifs annuels chiffrés, avant de faire procéder à une évaluation complète et sérieuse de ce phénomène social et politique majeur !

Jean Pierre Renaud

Délinquance et immigration: Les ronds-points des Ponts et Chaussées

Le « rond-point » d’un chercheur à l’Ecole des Ponts et Chaussées

Immigration et délinquance : le verdict des statistiques (R.Rancière- Libé du 5/10/10)

Est-ce si sûr ?

            Je propose aux lecteurs de me suivre sur une des réalisations les plus prisées des ingénieurs des ponts, les ronds-points.

Nous en créerons, pour une fois, un exemplaire unique, de nature intellectuelle, car cela coûtera moins cher au contribuable.

            J’aborde donc le rond-point, première route à droite ? Existe-il des statistiques françaises qui permettent d’établir une corrélation entre délinquance et immigration ?

            Non !

Je continue donc mon chemin, et faute de mieux, j’emprunte successivement, la deuxième, et la troisième route à droite, la route des Etats Unis, puis celle de Grande Bretagne

Sur ces deux routes, on me rassure: rien, dans les études statistiques américaine et anglaise, ne permet d’établir une corrélation entre immigration et délinquance.

            Je continue à tourner sur le rond-point, c’est un réflexe chez moi. Nos brillants ingénieurs des ponts devaient y penser, car les gens qui tournent en rond ont tendance à encombrer les ronds-points. Je m’interroge, donc, et tout de même, sur la validité de l’hypothèse statistique retenue par le chercheur des ponts : les bases démographiques et statistiques sont- elles effectivement comparables ?

J’en suis pas sûr du tout, et je continue donc à tourner, car ce n’est pas toujours facile, comme vous le savez, de trouver son chemin sur nos beaux ronds-points nationaux, et que vois-je : un panneau que je n’avais pas vu : « Délinquance : déni ou délit de culture ? » ( Libé du 27/09/10)

Mais alors, un sociologue vient de produire des statistiques françaises sur le sujet ! Sont-elles fausses ? Notre chercheur des ponts les conteste-t-il ?

Jean Pierre Renaud

Délinquance, immigration et culture: les avis de MM.Fassin (Libé du 27/09 et le Monde du 30/09/10

Mélange des genres entre science et politique ?

Sujet : délinquance, immigration et culture

En réponse critique de l’ouvrage « Déni des cultures » – H.Lagrange

Corrélation entre le contenu des contributions et les travaux de leurs signataires ?

Textes E.Fassin (Libé du 27/09/10) : « La famille noire est toujours un problème pour ce culturalisme » – D.Fassin et E.Fassin (Le Monde du 30/09/10) : « Misère du culturalisme. Cessons d’imputer les problèmes aux étrangers »

            Au demeurant, des contributions claires et bien écrites, qui abordent un sujet très classique pour les spécialistes, la relation, sinon la corrélation existant entre misère sociale et délinquance, avec le « piment » supplémentaire du racisme, et tout autant pour leurs auteurs, celui de la « culture ».

            Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle sorte de terrorisme intellectuel et idéologique que d’interdire à d’autres chercheurs, pas nécessairement incompétents et partiaux, d’avancer des thèses qui déplaisent à une partie de la communauté intellectuelle, quelquefois dominante, et donc de déranger effectivement des tabous ?

            Je serais donc un électeur de droite, conservateur, parce que j’adhérerais en partie à la démonstration contestée, sans obligatoirement me référer à l’expérience américaine, alors que la ségrégation « officielle » y est encore très fraîche, et que le questionnement de M.Lagrange porte sur des phénomènes d’immigration jusques là inconnus dans notre pays ?

            Les deux contributions en question accusent tout simplement l’auteur de partager des idées de la droite conservatrice, alors que la problématique des « ghettos »  concentre évidemment un ensemble de facteurs que, ni la gauche, ni la droite, n’ont eu le courage de traiter depuis trente ans.

            Alors, il faudrait ignorer le facteur culturel dans les villes qui contiennent une proportion importante de français d’origine immigrée ?

Sous le prétexte que : « Or la longue histoire de la question sociale nous enseigne que le culturalisme de la misère qui prétend rendre compte des différences et des inégalités par l’origine ne fait jamais autre chose que trahir la misère du culturalisme » (Le Monde-page 23)

            Je serais donc un « lépéniste » qui s’ignore, au même titre que je serais un « colonialiste » sans le savoir, parce que je souffrirais de « la persistance d’une figure de l’indigène logée » dans mon corps. (Le livre « Fracture coloniale, page 200).

Parce que je partagerais les inquiétudes de citoyens français qui habitent encore des « ghettos », dont ils ont vu les dérives sociales et culturelles de toute sorte se développer au cours des quinze ou vingt dernières années ? Il faut interroger ces citoyens français, qu’ils soient de souche, comme on dit, ou d’origine immigrée.

            Est-ce que M.Konaté aurait pris sa carte à l’UMP pour avoir osé décrire dans son livre récent « L’Afrique est-elle maudite »,  une situation sociale et culturelle qui donne du crédit aux observations du sociologue ?

            Et enfin pourquoi la  « médecine » sociale s’interdirait-elle d’effectuer des recherches sérieuses, et démontrées statistiquement, sur ce que certains pourraient dénommer une immigration de type « invasif » à laquelle beaucoup de  communautés humaines sont confrontées, en Europe, en Asie, ou en Afrique, et proposer des outils de solution ?

Jean Pierre Renaud