Empires coloniaux France Grande Bretagne: réactions de lecteurs ou lectrices Angleterre: réaction

Empires coloniaux France Grande Bretagne: les comparaisons historiques sur mon blog;

Qu’en pensent lecteurs ou lectrices,assez nombreux qui les ont consultées? Je n’en sais rien, car je n’ai enregistré aucune réaction positive ou négative.

J’avais fait le même constat en ce qui concerne mes chroniques consultées plus de deux mille fois sur les « sociétés coloniales »

De la part d’un chercheur « franc-tireur »

Le livre « Les empires coloniaux » – Lecture critique 3 « L’Etat colonial »

Le livre « Les empires coloniaux »

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique 3, suite

Chapitre 5 « L’Etat colonial » Sylvie Thénault

           Un chapitre qui suscite évidemment la curiosité d’un lecteur qui a eu une formation de droit public, qui a servi l’Etat, et qui enfin, a eu l’occasion professionnelle et privée de se faire une petite idée de l’Etat colonial et de son fonctionnement concret.

         Notons tout d’abord qu’il s’agit d’une synthèse fouillée, mais à partir d’une historiographie abondante exploitée peut-être avec un brin d’ethnocentrisme qui ne dit pas son nom.

        Les premières lignes de la réflexion formulent dès le départ une question légitime, car c’est bien là le cœur du sujet :

       « L’Etat colonial existe-t-il ? Pour provocante qu’elle soit la question est posée dans l’historiographie, et la réponse est parfois négative. Toute définition formaliste de l’Etat, relative à l’organisation des institutions, conduit ainsi à nier l’existence d’Etat aux colonies…. »

      Quelle définition donner à cet Etat dont les formes ont été effectivement et historiquement tellement variées selon la nationalité du colonisateur, la situation coloniale ou le moment colonial, sous des formes juridiques et institutionnelles de toute nature et en mouvement permanent ?

        Ceci dit, j’ai envie de dire dès le départ que l’Etat, en tant que forme d’institution politique de type unitaire, qu’il s’agisse de l’empire britannique ou de l’empire français, est peut-être le seul héritage de longue durée, avec la langue, qui ait survécu après la décolonisation.

       Quelles peuvent être les caractéristiques pertinentes d’une analyse comparative et critique ?

        « Une projection métropolitaine vers l’outre-mer » (p,228) ?

        A la condition qu’ait existé une volonté de projection politique de la forme d’Etat qui existait en métropole, comme ce fut en partie le cas en Afrique noire française après la seconde guerre mondiale, et qu’elle fut concrètement possible sur le plan financier ! 

      Projection d’une bureaucratie plutôt que d’un Etat, en tout cas un Etat bureaucratique dans le cas de la France ? Il n’est qu’à lire les opinions qu’émettaient à ce sujet Gallieni et Lyautey.

       Au cours de la première moitié du vingtième siècle, quoi de commun entre les émirats du nord de la Nigéria, du Sokoto et de Kano,  qui permirent à Lugard de défendre l’idée de « l’indirect rule » ou les chefferies des villages d’une forme d’Etat colonial d’une Côte d’Ivoire qui ne connut d’existence qu’en 1893 ?

       Quoi de commun entre ce type d’Etat éparpillé, sorte de poussière d’Etat de la forêt, avec l’Etat colonial unitaire de la Côte d’Ivoire qui lui a succédé, et enfin son héritier, l’Etat indépendant des années 1960 ?

     A la fin du dix-neuvième siècle, les Emirats du Sokoto et de Kano n’avaient pas d’équivalent dans le bassin du Niger, qu’il s’agisse de ceux des Almamy Ahmadou ou  Samory.

       Au « moment colonial » des conquêtes, en Indochine, Lyautey défendit  l’idée de la préservation de la monarchie de l’Annam, alors qu’à Madagascar, le gouverneur général Gallieni, dont il admirait l’action, mit par terre une monarchie merina, bien moins structurée que celle d’Annam, qui commençait à placer la grande île sur une trajectoire de modernité.

        Au résultat, en Indochine comme à Madagascar, la France mit en place des administrations bureaucratiques directes, mais qui auraient été inefficaces sans l’appui de truchements indigènes très divers, ne serait-ce que le recours le plus souvent indispensable à des interprètes.

         On savait grosso modo à quoi correspondait un régime monarchique d’Europe, mais outre-mer, que savait-on des formes d’organisations en place, de leur fonctionnement, de leur inspiration souvent religieuse, sinon magique, à la base ?

        Etat moderne ou non ? Dans son livre sur « La domination occidentale en Asie », M.Panikkar relevait qu’elle lui avait légué « l’idée de l’Etat moderne » (page 428)

     « L’Etat colonial au concret (p,231-chapitre 5)

     2-1 Un Etat sous-administré » : l’analyse souligne bien le rôle des peuples coloniaux :        « C’est dans ces conditions que le sujets coloniaux furent massivement impliqués dans l’Etat colonial »

      Pourquoi ne pas dire que, sans les sujets coloniaux, il n’y aurait pas eu d’Etat, et donc que sa    nature leur était très largement due ?

     2-2 « et coercitif » effectivement, mais avec de telles variantes qu’il parait difficile de se contenter de cette seule notation, moins encore en y ajoutant l’existence d’un « réseau coercitif », à quel moment et où ?

      Pensez-vous qu’entre 1918 et  1960 les administrateurs effectuaient leurs tournées en utilisant la chicote ?

     La réflexion sur l’ethnographie coloniale laisse  rêveur :

     «  C’est dans ces conditions que les administrateurs coloniaux participèrent largement à l’élaboration d’une ethnographie propre à servir la domination, en étudiant les langues, la religion, les pratiques culturelles ou encore l’organisation sociale de leurs administrés : ces connaissances étaient considérées comme nécessaires à leur gouvernement quotidien et, en particulier, au recrutement d’intermédiaires servant de relais à l’autorité coloniale. »  (p,239)

      Questions à l’auteure : à son avis, combien d’administrateurs dont les affectations changeaient souvent, parlaient un dialecte local ? Alors qu’ils étaient le plus souvent entre les « mains » de leurs interprètes ou des chefs de village !

       Pourquoi à votre avis, un parti comme le RDA, celui de M. Houphouët-Boigny a pu aussi facilement dans sa Côte d’Ivoire natale en faire rapidement une administration parallèle, et une véritable machine de guerre politique ?

     C’est par ailleurs faire injure, à mon humble avis, aux administrateurs peu nombreux qui ont apporté leur pierre à la connaissance de ces peuples nombreux dont on ignorait même l’existence.

      Qui exerçait donc et réellement le pouvoir colonial ?

      S’agissait-il, sauf exception de l’ethnographie des administrateurs ou de celle des traditions écrites qui existaient dans les états musulmans, ou des  traditions orales qu’on leur rapportait au sein des peuples sans écrit, avec la collaboration des griots ?

Pourquoi ne pas remarquer aussi que le regard historique occidental a beaucoup de peine à échapper au filtre de ses lunettes de jugement, alors que toute une partie de l’analyse et donc de la comparaison relevait d’un monde « invisible », qui échappait de multiples façons, souvent magiques, à l’Etat colonial ?

     Ce concept, tel que nous avons l’habitude de le comprendre ou de l’utiliser, parait tout à la fois trop maniable et trop ambigu : que voulait dire l’Etat sur le Niger, sur le Fleuve Rouge, sur la Betsiboka dans les années 1900 ? A Madagascar, chez les Merinas des plateaux ou chez les Baras ou les Antandroy du sud ?

      Quelle forme pouvait revêtir un « Etat » dans une société animiste ou dans une société déjà marquée par l’Islam ? Dans un territoire fractionné de la forêt ou dans un espace dégagé du Sahel ? Dans un territoire de petits chefs coutumiers ou dans un territoire doté déjà d’une armature d’Etat, telle par exemple celle des émirs du Sokoto ou de Kano, en Nigéria, des cours impériale ou royale d’Hué ou de Tananarive?

    Jusque dans les années 1950-60, et au nord du Togo, quelle perception les populations locales qui, pour certaines d’entre vivaient encore à l’état nu, pouvaient-elles avoir de l’Etat ? Lorsqu’elles venaient au marché du chef-lieu,  à Sansanné-Mango, les images de quelques cases de type européen, quelques écoles, une petite mosquée, et dans le cours des jours, selon les années, les recensements,  et chaque année la levée de l’impôt de capitation à payer. Peut-être la conscience que l’existence d’une route les reliant à la côte et d’autres pistes constituaient le véritable changement, c’est-à-dire celui de l’Etat colonial, ou encore, les tournées de l’administrateur de la France d’Outre-Mer, le Commandant de Cercle, ou de celles, aussi rares, des infirmiers ou des agents de quelques services  techniques.

        Dans le nord Togo des années 1950, quels pouvaient bien être les signes de cet Etat colonial pour les populations Tamberma des montagnes de l’Atakora qui vivaient encore dans leurs habitations forteresses à l’état nu, à l’écart des étrangers ?

     Pourquoi donc ne pas mettre en doute les capacités qu’aurait eues le pouvoir colonial de mettre en place une forme d’Etat nouveau et moderne, sinon une superstructure d’Etat, sur une période historique relativement courte, de l’ordre de cinquante ou soixante ans  en Afrique noire ?

      L’auteure a tout à fait conscience de la difficulté de la tâche en intitulant une de ses parties

      «  3. Un Etat qui fait polémique » (page 246)

       « Intériorisation subjective de ses acteurs » : lesquels ? A voir ! (p,249)

       « les limites de la domination » : sûrement ! (p,250)

         Quant à « l’invention de la tradition » présentée comme un des outils de l’autorité coloniale, je dirais simplement que l’histoire actuelle dite « subalterne » devrait se féliciter de disposer de ce type de documentation bien ou mal collectée, dans toutes les régions d’Afrique de civilisation orale qui confiaient à leurs griots le soin de conserver et de transmettre l’histoire de leur peuple. Comment ne pas trouver que cette interprétation souffre par trop de parti pris, pour ne pas dire d’ignorance ?

         Le débat engagé dans les pages qui suivent sur la coercition dans le passage intitulé «  Un sujet épineux entre tous : la transmission de l’Etat colonial » est à mes yeux largement « déconnectée » des réalités de l’administration coloniale, et je dirais volontiers des histoires « connectées » qui, à travers de multiples récits, ne proposent pas un récit historique linéaire ou standard,  quelles que fussent les régions et les époques.

      Ce chapitre a donc  le mérite de proposer une lecture historique du « fait » Etat qui met en lumière, sans toujours le définir, et pouvoir le définir, le rôle trop souvent ignoré ou minimisé des élites locales de lettrés, des  truchements indigènes, dans le fonctionnement de « L’Etat colonial », qui en définitive ne l’était pas vraiment, sauf dans des superstructures bureaucratiques boursoufflées, telles celles de l’administration coloniale française, et dans certains outils de gouvernance.

       Les capitales des fédérations coloniales souffraient effectivement de boursouflure bureaucratique,  à Dakar, Tananarive, ou Hanoï.

       L’appréciation qu’un haut fonctionnaire colonial portait sur ce type d’organisation religieuse, politique, ou sociale me parait bien refléter la prudence dont il faut faire preuve dans la manipulation de nos concepts européens, pour ne pas dire ethnocentriques.

      M.Delavignette, ancien gouverneur colonial, fort de son expérience d’administrateur colonial en Afrique, et de ses observations du terrain écrivait en effet :

      « Il y a autre chose. Pour bien entendre le fait bourgeois dans la société coloniale, il faut voir que la colonie, loin d’être une aventure anarchiste, constitue avant tout une chose d’Etat.

La nature même des pays indigènes exigeait que la colonie fût chose d’Etat. Il n’y a jamais eu en Afrique tropicale de bons sauvages, de naturels vertueux qui vécussent dans une anarchie heureuse. Les peuplades que nous appelons primitives possédaient un Etat qui réglait, avec une stricte minutie, les rapports entre les individus et le Pouvoir. Rien de moins favorable à l’individualisme que la vie en tribu. La colonie n’a été que la substitution d’un Etat à un autre. Elle n’a pu s’imposer aux pays qu’à la condition de leur apporter un autre Etat à la place de l’ancien. Et sous sa forme coloniale l’Etat apparaît aux pays africains comme il est apparu jadis aux provinces françaises d’Europe. Il rassemble les terres, centralise l’administration et cherche l’unité.

    Par la colonie, des pays africains sont tirés vers la notion d’Etat moderne…Dans aucune colonie du Tropique africain, l’Etat ne se borne au rôle de gendarme ; partout il s’essaie à celui de Providence …» (Service Africain 1946, page 45).

     En résumé, je serais tenté de dire qu’il est difficile d’analyser ce sujet avec pertinence, sans tenter de faire apparaître des similitudes et des différences entre les multiples formes de l’Etat colonial, sans oublier la dimension souvent religieuse de tous ces Etats, embryonnaires ou pas, qui ont meublé les empires, allant des sociétés animistes et magiques de la forêt tropicale aux grandes constructions théocratiques du Sahel, de l’Annam, ou de Madagascar, et dans le cas français, la cristallisation des Etats coloniaux dans les villes ou dans les territoires les plus accessibles et les plus acculturés.

       J’ajouterai que ce type d’analyse comparative historique ne peut faire l’impasse des temps coloniaux.

      Je ne suis pas sûr que l’historiographie actuelle propose un compte rendu représentatif des réalités coloniales des différentes époques et des différents territoires, et dans le cas de l’Afrique noire, il est possible de dire que la métropole a effectivement projeté une superstructure  bureaucratique très visible dans les villes côtières, et coûteuse, mais que la brousse a très longtemps échappé à cette emprise.

      Il y a eu effectivement transmission de ce type de superstructure coloniale aux nouveaux Etats indépendants, et les gouvernements issus des indépendances ont renforcé  le poids bureaucratique de ces superstructures favorables au maintien ou au développement du clientélisme.

       Comment ne pas noter en conclusion, qu’avant même l’indépendance de son pays, Modibo Keita, leader politique du Mali, avait déjà institué le parti unique, et préfiguré une dictature qui se coula très facilement dans les anciennes superstructures unitaires de l’Etat colonial, une des rares garanties du pouvoir qu’il était en mesure d’exercer, notamment en raison de la reconnaissance internationale de ce type d’Etat ?

       Senghor, au Sénégal, Sékou Touré en Guinée, et Houphouët- Boigny  en Côte d’Ivoire, firent de même.

       Dernière remarque : pour rendre compte de l’histoire de la décolonisation, certains chercheurs utilisent le double concept d’un Etat-Nation qui aurait émergé de ce processus.

       Il me parait difficile de recourir à ce double concept, dans le cas de l’Afrique noire française, en tout cas, parce qu’il ne reposait pas sur la réalité des sociétés coloniales visées.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Les empires coloniaux » sous la direction de Pierre Singaravélou – Lecture 3

Le livre « Les empires coloniaux »

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique 3

Lectures critiques 1 et 2, les 12/02/2015 et 27/02/2015

Chapitre 3 «  Des empires en mouvement ? » Pierre Singaravélou

         C’est à mes yeux un des chapitres les plus novateurs, car la description des migrations internationales qui ont eu lieu entre 1840 et  1940 (p,125) relativisent, tout en cadrant le sujet, le phénomène impérial :

          « Ainsi, entre 1840 et 1940, il faut ajouter aux 56 millions d’européens qui ont quitté le Vieux Continent de nombreux migrants asiatiques, 30 millions d’Indiens et 51 millions de Chinois. Il n’y a jamais eu autant de migrants sur une telle période dans l’histoire du monde. »

          Des migrations blanches vers les dominions ou de couleur en Asie du Sud-Est et dans l’Océan Indien, des migrations forcées et des migrations libres, des migrations civiles ou militaires, avec toutes sortes de motifs divers, mais qui ont correspondu dans un certain nombre de cas cités par l’auteur à une forme de sous-impérialisme :

            « Le triomphe de l’émigration libre des travailleurs asiatiques : une forme de sous-impérialisme ? «  (p,152)

             Des migrations anglo-saxonnes aussi, sans commune mesure avec celles de la France !

Chapitre 4 « Reconfigurations et histoires urbaines» Hélène Blais

          Ce chapitre aborde un sujet également novateur, trop souvent négligé par l’histoire, et il en montre le rôle capital, mais pourquoi ne pas avoir distingué entre les territoires à ancienne et forte civilisation urbaine tels que l’Inde et la Chine, comparés à ceux d’Afrique noire où, sauf exception, les cités n’avaient pas atteint le même stade de développement ?

         Au-delà des prédations coloniales foncières décrites dans ce chapitre, n’a-t-on pas sous-estimé dans beaucoup d’analyses le rôle des pouvoirs impériaux dans la reconfiguration de la propriété des terres, passant d’un statut de propriété collective à celui de la propriété privée, notamment dans les zones touchées par la modernité urbaine ou économique ? Une propriété privée devenue un atout de développement, en même temps qu’une nouvelle source d’inégalité ?

       Les villes coloniales bâties à l’européenne ont constitué par ailleurs un des truchements les plus efficaces du passage d’un type de société indigène, close à celle d’une société d’échange, ouverte sur le monde extérieur, avec des effets ambigus de ségrégation comme de mimétisme, car dans la plupart des cas les quartiers européens étaient juxtaposés aux quartiers indigènes, beaucoup plus dans les colonies britanniques que dans les colonies françaises.

        Quant à la présence des femmes, l’auteure propose le constat suivant :

        « Les femmes colonisées comme les femmes européennes sont très minoritaires en ville et sont restées pour cette raison, longtemps invisibles pour les historiens du fait urbain. Elles ont pourtant joué un rôle significatif, en investissant des lieux spécifiques comme la rue, le marché, les fêtes ou les associations d’entraide. » (p,210)

          Dans l’empire tropical, peu nombreuses furent les femmes européennes qui prirent le risque d’y séjourner, avant que n’intervienne la révolution de l’hygiène publique et des communications, mais effectivement, et en tout cas, en Afrique noire les femmes colonisées jouèrent un rôle majeur d’animation commerciale, et sur certaines côtes, elles contrôlaient une partie des échanges commerciaux, un rôle évidemment très visible.

         Je serais tenté d’écrire que la ville de type européen a peut-être été, dans ces régions d’Afrique noire, le truchement numéro un de la modernité coloniale.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Suite du 3, demain ou après-demain : « L’Etat colonial » de Sylvie Thenault

Le livre « Les empires coloniaux » – Lecture critique 2

Le livre  « Les empires coloniaux »

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique 2 (page 77 à 124)

          Nous allons à présent examiner d’un peu plus près le contenu des chapitres de ce livre.

 Chapitre 1 « Appropriations territoriales et résistances autochtones »  Isabelle Surun

       Ce chapitre est un bon résumé des analyses qui ont trait à la période des conquêtes et des résistances souvent minimisées par l’histoire coloniale traditionnelle. Il aurait toutefois été utile de tenter une typologie des opérations de conquête et des résistances et collaborations rencontrées.

         Il aurait été intéressant, à partir de quelques exemples tirés de la même période, et sur des théâtres d’opérations comparables, en milieu tropical ou tempéré, en forces égales ou inégales, en affrontements directs ou indirects (guérilla), de  comparer les récits qu’en ont fait, soit les acteurs, c’est-à-dire dans les deux camps, récits ou traditions orales, soit les chercheurs issus des deux camps du monde impérial.

      Il aurait été tout aussi intéressant de tenter de classer les types de résistances armées ou non, courtes ou longues, artisanales ou sophistiquées, de même que les types de coopération possibles selon les organisations religieuses, ou politiques rencontrées : quoi de commun par exemple entre les résistances rencontrées et les truchements disponibles avant 1939, en Afrique de l’ouest ou en Indochine, où il existait déjà une administration  impériale ?

Chapitre 2  « Castes », « races », et « classes »  Armelle Enders

      Un chapitre qui mérite à lui seul un long commentaire.

   Il s’agit d’une synthèse comparative hardie et, ambitieuse, compte tenu de la multiplicité des contraintes historiques rencontrées, dues tout à la fois au sens des concepts analysés à la fois en Europe et dans les territoires des empires, selon les époques et selon les territoires, à leur relativité, et au risque constant d’interprétation idéologique qui pèse sur ce champ historique.

    Je serais tenté de dire que, par définition, il s’agit d’une entreprise historique impossible, sauf à analyser, au cas par cas, et époque par époque, le contenu de ces mots et l’existence même des perceptions que les différents peuples en avaient, si tant est que la chose soit possible.

       La contribution proposée soulève un certain nombre d’autres questions de ma part.

     Est-ce qu’il est possible d’écrire « L’esclavage, l’institution structurante » (p,83) ? Où et pour qui ?

       En France même, alors que, hors une petite élite politique de la Cour, seule la périphérie atlantique des ports en a eu connaissance, sinon l’expérience, et pendant une période de temps limitée ?

       La France est restée très longtemps un pays de villages.

Le monde des îles Caraïbes aurait été à ce point capable d’irradier en France et en Europe ? Une thèse qui parait donc frappée d’un brin d’exagération, pour ne pas dire plus.

      L’esclavage n’aurait-il pas été plus structurant en Afrique noire, avec à l’ouest le double mouvement de l’esclavage atlantique et de l’esclavage domestique qui a duré longtemps, et qui dure encore en Mauritanie par exemple, et avec, à l’est, le double mouvement de l’esclavage arabe et de l’esclavage domestique qui a duré également longtemps, s’il n’existe pas encore.

      A Madagascar, où l’esclavage a été supprimé à la fin du dix-neuvième siècle, n’aurait-il pas eu une fonction beaucoup plus structurante qu’en France, avec des effets qui se poursuivent encore de nos jours ?

      Pour ne pas évoquer les dégâts causés dans les peuples côtiers par les négriers de l’Océan Indien !

     A la page  85, une des sources citées est celle d’une publication de Frederick Cooper intitulée «  Plantation Slavery on the East Coast of Africa ».

    L’analyse de l’esclavage que fait le même auteur dans « Le colonialisme en question » mérite d’être citée :

     « C’est ici que s’interpénètrent des histoires que l’on ne peut simplement comparer. Aux XVII° et XVIII° siècles, l’économie britannique était prête pour utiliser ses connexions ultramarines  de manière plus dynamique que ne l’avaient fait les impérialistes ibériques à une époque antérieure. Les rois africains étaient vulnérables chez eux et puisaient leur pouvoir dans leurs liens avec l’extérieur. Le commerce des esclaves ne signifiait pas la même chose pour les différents partenaires : pour le roi africain, il signifiait l’acquisition de ressources (de fusils, de métaux, de vêtements et autres produits ayant un potentiel redistributif) en s’emparant des biens humains d’autrui et en s’évitant ainsi de devoir subordonner sa propre population. Razzier un autre territoire et vendre à un acheteur étranger les esclaves récupérés externalisaient non seulement le problème du recrutement mais aussi celui de la surveillance. Avec le temps, le marché extérieur eut un impact croissant sur les politiques et les économies de certaines régions d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale, impact que n’avaient pas prévu les premiers rois africains qui se trouvèrent impliqués dans ce système transatlantique. Il favorisa les Etats militarisés et accrut l’efficacité des mécanismes de la traite des Noirs. Du point de vue des participants africains à ce processus, cette militarisation fut une conséquence non voulue de cette fatale interpénétration : les débouchés pour les captifs de guerre créèrent une logique nouvelle et insidieuse qui commença d’alimenter tout le système de la prise et du commerce d’esclaves. » (p,140,141)

     J’ai surligné en gras les mots qui suffisaient à mes yeux pour caractériser une description historique tout à fait étrange, sauf à dire qu’elle valait pour l’Empire anglais, ce qui est loin d’être sûr.

      L’auteur américain de ce texte est celui du chapitre 9, intitulé « Conflits, réformes et décolonisation ». (p,377) 

    La traite des esclaves fut effectivement une institution de structuration ou de déstructuration en Afrique noire, compte tenu des dégâts en tout genre causés aux sociétés africaines par la traite des Noirs de l’est ou de l’ouest.

     Le passage consacré aux « savoirs coloniaux et à l’ingénierie sociale » soulève à nouveau la question polémique du « pouvoir » qu’auraient eu les colonisateurs de créer de toutes pièces les « ethnies » africaines, puisqu’il s’agit d’elles.

     « Ingénierie sociale » du colonisateur ? N’est-ce pas lui prêter beaucoup de savoir-faire ? Ingénierie sociale au service de l’ethnie ? (p,110, 111)

       J’ai relu et analysé les articles rédigés par MM Amselle, Dozon, et Bazin, parus dans le petit livre « Au cœur de l’ethnie », sur les Bété de Côte d’Ivoire, et les Bambara du bassin du Niger, et les questions de fond que leurs thèses posent sont celles de savoir :

    – s’ils n’ont pas mis plus de contenu  dans la description qu’ils font du sujet que les premiers explorateurs ou administrateurs qui sont entrés en contact avec ces populations dont les villages étaient dispersés dans la forêt ou dans le bassin du Niger, et dont le seul lien apparent le plus souvent était un langage commun, et que dans la discussion ouverte sur l’ethnie, la cible visée n’ait pas été plutôt la race : pas d’ethnie, donc pas de race !

    La préface de la deuxième édition montre clairement que l’objectif visé est la stigmatisation de tout recensement de type ethnique en métropole, de crainte d’y réveiller les « fantômes » de la race et d’y importer le modèle qui aurait existé dans les colonies, pour autant que ces fantômes aient existé.

      – s’ils n’ont pas mis plus de contenus aussi que ceux de la tradition écrite quand elle existait, ou orale quand elle fut recueillie, cédant à la tentation du blanc qui, mieux que le noir, dit la vérité de l’ethnie d’Afrique ou d’ailleurs, le sachant blanc prenant la place du sachant noir.

      –  si leur analyse est représentative des réalités ethniques du monde, car leur regard, à part le cas du Rwanda, est principalement centré sur l’Afrique de l’ouest.

       Afin de ne pas trop allonger mon commentaire, j’envisage, si j’en ai le courage, de publier   ultérieurement un plus long commentaire à ce sujet sur mon blog, mais je vous avouerai que ce type de discussion frise à mon avis avec celle du sexe des anges, compte tenu de toutes les ambiguïtés qui pèsent sur ce débat, alors que dans les médias, beaucoup de journalistes sans doute « racistes » n’hésitent pas à emprunter de nos jours le mot « ethnie » pour décrire les situations qu’ils rencontrent sur le terrain et dans leur domaine.

      Et que penser des appellations de minorités ethniques qui sont celles de la Chine ou du Vietnam ?

     J’ai relu les récits de M.Nebout et de M.Thomann qui furent parmi les premiers administrateurs des premiers cercles créés en Côte d’ivoire.

       En 1894, à Tiassalé, chez les Baoulé, Nebout  « apprend », si je puis dire, cette Afrique de la forêt des Baoulé où il est chargé de créer de toutes pièces une administration coloniale dans le cadre d’un cercle de commandement découpé à l’emporte- pièce dans un cadre géographique inconnu, au sein d’une Afrique locale tropicale constituée avant tout de villages isolés, tentant d’interpréter, comme il le pouvait, les signes d’un ensemble collectif vivant et présent, le langage en étant le plus évident.

    Il convient d’ailleurs de noter que M.Nebout épousa officiellement une femme d’origine Baoulé.

     M.Thomann faisait le même type d’expérience, et tous les deux utilisaient beaucoup d’appellations différentes pour dénommer les situations humaines qu’ils découvraient, royaumes, pays, tribus, peuples, peuplades, villages…

      Les récits retiennent les vocables d’indigènes, de chefs de villages, de pays, mais pas d’ethnie.

    En 1894, il n’y avait en Côte d’Ivoire, colonie créée de toutes pièces en 1893, que deux postes administratifs dans l’intérieur, Bettié sur la Comoë, et Tiassalé sur la Bandama.

    L’auteure du chapitre 2 écrit :

    « En Côte d’Ivoire, l’ethnie des Bétés, l’un des groupes les plus emblématiques de ce pays, ne correspond pas à une entité précoloniale : elle s’est constituée à partir de la conquête française. » (p,111)

     Outre le fait qu’une telle assertion mérite d’être discutée, il est tout de même difficile de partir de cet exemple historique pour en tirer une théorie générale sur le sens et le fondement des ethnies en Afrique ou ailleurs.

     « Un des groupes les plus emblématiques de ce pays » ? A quelle époque ?

     Il est évident qu’au fur et à mesure de la colonisation et de la mise en place d’une administration coloniale dispersée et fragile, dans l’ignorance généralisée de ces nouveaux territoires, les découpages du commandement ont opté le plus souvent pour la voie la plus simple, fut-elle arbitraire, ne serait-ce que géographique !

     Il n’en reste pas moins que le concept d’ethnies a bien eu un contenu variable en cohérence et en force collective dans un certain nombre de cas, et l’historien Ki Zerbo dans ses analyses approfondies de l’histoire de l’Afrique fait constamment appel à ce terme, à titre d’exemple : « un certain nombre d’ethnies du Fouta et de Sénégambie » (p,137)

     La thèse défendue par M.Amselle n’est d’ailleurs pas dénuée d’une certaine contradiction quand il écrit :

     « La cause parait donc entendue : il n’existait rien qui ressemblât à une ethnie pendant la période précoloniale. «  (p,23)

      Et plus loin :

     « Dans certains cas, comme nous l’avons vu, « l’ethnie » est donc une création précoloniale, en ce sens qu’elle est un mode de regroupement idéologique d’un certain nombre d’agents et cela en parfaite continuité avec les unités sociales plus petites que sont les « clans » et les «  lignages ». (p38)

     Le même anthropologue impute la responsabilité de la définition du terme à l’ethnocentrisme :

      « On voit combien la définition de ce terme est entachée d’ethnocentrisme et combien elle est tributaire de l’Etat-nation, telle qu’elle a pu être élaborée en Europe. »  (p,19)

      Ne s’agit-il pas plutôt du contraire ?

     A lire la bibliographie de ce chapitre, il est légitime de se poser la question : regard « ethnocentrique » ou regard « périphérique » de ceux qui ont témoigné dans chaque territoire sur le type de relations humaines y existant ?

     Le chiffre très faible des travaux consacrés par exemple par l’Université de Dakar à l’esclavage domestique ne serait-il pas une indication intéressante sur la prudence que les historiens des « périphéries » manifestent sur le même type de sujet ?

     Pour citer à nouveau le roman « Amkoullel, l’enfant peul », le titre même plaide déjà pour l’existence d’un groupement humain de type peul, et tout au long des pages le lecteur découvre la variété des ethnies locales, peuls, bambaras, songhaï, ou dogon, ainsi que l’existence de castes de naissance, ainsi que de la persistance d’un esclavage domestique, les captifs de case.

     Et pourquoi ne pas ajouter que ces sociétés « indigènes » n’étaient pas exemptes de ce que l’Europe moderne a qualifié de racisme ?

     Les ethnies, quelles qu’elles soient, avaient le plus souvent un nom qu’elles se donnaient elles-mêmes ou que les autres lui donnaient, et ces appellations étaient changeantes selon les époques et les lieux, plus changeantes dans les zones d’échanges que dans les zones reculées de l’Afrique.

    Pourquoi ne pas appeler en témoins, dans chaque cas, les descendants vrais ou supposés de ces peuples qualifiés d’ethnies ?

     Sauf à dénier le témoignage d’un grand témoin de cette Afrique qui semble parfaitement s’inscrire dans les revendications d’une histoire postcoloniale qui découvrirait toute l’importance des histoires de la périphérie ou d’en-bas, un terme bien malheureux, citons un passage du livre  « OUI MON COMMANDANT » d’Amadou Hampâté Bâ :

     « Sous l’effet de la colonisation, la population de l’Afrique occidentale française s‘était divisée automatiquement en deux grands groupes, eux-mêmes subdivisés en six classes qui vinrent se superposer aux classes ethniques  naturelles. Le premier était celui des citoyens de la République Française, le second, celui des simples sujets.

Le premier groupe était divisé en trois classes : les citoyens français pur-sang, nés en France ou Européens naturalisés français ; les citoyens des « quatre communes de plein exercice » du Sénégal (Gorée, Saint louis, Dakar et Rufisque) ; enfin les Africains naturalisés citoyens français. Tous jouissaient des mêmes droits (en principe) et relevaient des tribunaux français.

     Le second groupe, celui des sujetscomprenait à son tour trois classes : au sommet de la hiérarchie venait les sujets français du Sénégal, qui jouissaient d’une situation privilégiées par rapport à ceux des autres pays et auxquels on évitait de se frotter, par peur des répercussions judiciaires ou politiques ; puis venaient, dans les autres territoires, les sujets français « lettrés » (c’est-à-dire scolarisés ou connaissant le français) et les sujets français « illettrés » uniquement du point de vue français, cela va de soi.)

     A côté de cette division officielle de la société, l’humour populaire en avait créé une autre, qui se réduisait à quatre classes : celle des blancs-blancs (ou toubabs) qui comprenait tous les Européens d’origine ; celle des blancs-noirs qui comprenait tous les indigènes petits fonctionnaires et agents de commerce lettrés en français, travaillant dans les bureaux et les factoreries des blancs-blancs qu’ils avaient d’ailleurs tendance à imiter ; celle des nègres des blancs qui comprenait tous les indigènes illettrés mais employés à un titre quelconque par les blancs-blancs ou les blancs-noirs (domestiques, boys, cuisiniers, etc…) ; enfin, celle des noirs-noirs, c’est-à-dire les Africains restés pleinement eux-mêmes et constituant la majorité de la population. C’était le groupe supportant patiemment le joug du colonisateur, partout où il y avait joug à porter.

       Du point de vue de la division « officielle » des classes, j’étais un sujet français lettré, né au Soudan, donc juste au- dessus de la dernière catégorie. Mais selon la hiérarchie indigène, j’étais incontestablement un blanc-noir, ce qui, on l’a vu, nous valait quelques privilèges – à cette réserve près qu’à l’époque le dernier des Blancs venait toujours avant le premier des Noirs. » (pages 186,187, Acte Sud) 

      A la lecture de l’analyse du livre de Frederick Cooper, intitulé « Français et Africains ? »que je publierai sur ce blog, le lecteur se rappellera le contenu du paragraphe ci-dessus  « le second groupe, celui des sujets… » et la place qui occupaient les sujets français du Sénégal.

     Les témoignages de deux administrateurs coloniaux, Labouret et Delavignette,  que certains classeraient volontiers dans la catégorie nouvelle des « colonialistes » en apprennent beaucoup plus sur le vécu des paysans et des villages à l’époque coloniale que certaines historiographies.

       Un seul échantillon, pour conclure sur ce chapitre : Labouret,

    « Avec les castes, les classes, les corporations de métier, nous avons considéré un autre aspect de la vie paysanne, qui parait si simple à l’observateur superficiel et si complexe à qui s’inquiète de sa complexité. La société rurale est avant tout hiérarchisée, avec ses nobles, ses hommes libres, ses esclaves, ses spécialistes, tous divisés et subdivisés en catégories superposées et antagonistes. L’analyse qui précède, bien que très incomplète, nous permet cependant de comprendre comment fonctionne cette société et d’indiquer les types particuliers qui l’animent. » (page 131, Paysans d’Afrique Occidentale, Gallimard 1941)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

« Les empires coloniaux » sous la direction de M.Singaravélou- Lecture critique

« Les empires coloniaux »

« XIX°-XX°siècle »

Points

Sous la direction de Pierre Singaravélou

Lecture critique

         Comme je l’ai annoncé le   6 janvier 2015 sur ce blog, je me propose de publier successivement une série de textes d’analyse de ce  livre.

        Cet ouvrage comprend neuf chapitres dont l’ambition est de balayer le spectre des empires coloniaux des deux siècles passés à partir des thèmes ci-après :

       1 – Les appropriations territoriales et les résistances autochtones : Isabelle Surun

       2- Castes, races et classes : Armelle Enders

       3 – Des empires en mouvement : Pierre Singaravélou

      4 – Reconfigurations territoriales et histoires urbaines : Hélène Blais

      5 – L’Etat colonial : Sylvie Thénault

      6 – Un « Prométhée » colonial ? Claire Fredj et Marie-Albane de Suremain

      7 – Un bilan économique de la colonisation : Bouda Etemad

      8 – Cultures coloniales et impériales. Emmanuelle Sibeud

      9 – Conflits, réformes et décolonisation Frederick Cooper

L’introduction

          A elle seule, l’introduction, dans son questionnement de synthèse, propose un bon cadrage des analyses historiques de ce livre, des analyses qui sortent du débat anachronique et souvent idéologique dans lequel certaines écoles historiques tentent d’enfermer le lecteur.

          Cette introduction au contenu très riche pose dès le départ les limites historiques de ces analyses, compte tenu de leurs sources :

        « Situations coloniales et formations impériales : approches historiographiques » (page 8)

        Ma première remarque a trait au champ historique et géographique choisi : deux siècles d’empires sur cinq continents, avec l’ambition de proposer une synthèse de situations coloniales et de temps coloniaux qui ont été extrêmement variés, changeants, et difficilement comparables, s’agit-il d’une gageure raisonnable ? Sauf, s’il ne s’agit que « d’approches » comme annoncé.

     Seulement à la fin du dix-neuvième siècle, quoi de commun entre la Corée coloniale, la Mandchourie coloniale, les Philippines coloniales, l’Indochine coloniale, les Indes coloniales, le Congo Belge, et l’Afrique Occidentale Française …, pour ne pas parler des empires coloniaux de Russie ou de la Turquie ?

     Une deuxième remarque de méthode historique :

     Ligne historique directe ou indirecte ? Un postulat à démontrer : ces sources historiographiques sont-elles représentatives de la réalité historique des empires coloniaux ? Dans quelles limites ?

      Quelle valeur historique ajoutée ?

      Certains historiens ou historiennes paraissent en effet se consacrer plus à l’historiographie qu’à l’histoire, c’est-à-dire à la recherche des dates, des faits, des chiffres qui caractérisaient le fonctionnement concret des sociétés coloniales « visitées », une observation d’autant plus importante que tous les spécialistes savent qu’il est très difficile de procéder à des comparaisons historiques pertinentes entre territoires et empires, sans tenir compte des situations coloniales et des temps coloniaux.

      A l’évidence, ce type de source introduit un doute sur la crédibilité des analyses, car s’agissant de synthèses sur des synthèses, comment avoir l’assurance qu’elles correspondent à des situations coloniales et métropolitaines ayant réellement existé et susceptibles d’être comparées ?

      Pour avoir lu de nombreux témoignages d’explorateurs, d’officiers ou d’administrateurs, je me pose la question de savoir, à consulter les bibliographies souvent et d’ailleurs étrangères, si ce type de source historique a encore de la valeur pour les historiens postcoloniaux ?

     Ce livre fait donc preuve d’une certaine hardiesse en se lançant dans une  démarche historique de synthèse qui chevauche cinq continents et deux siècles, avec l’ambition de proposer aux lecteurs une valeur ajoutée historique à celle de l’abondante historiographie consultée.

     En ce qui me concerne, et à propos de la chronique que j’ai publiée sur le blog, sur la comparaison entre les deux empires anglais et français, une ambition plus limitée que celle proposée par ce livre, ma conclusion a été que ce type de comparaison n’était pas très pertinente.

      Troisième remarque de méthode intimement liée à la précédente, celle de l’identification géographique et culturelle des mêmes sources, afin de limiter le risque le plus souvent reproché à nos histoires coloniales métropolitaines d’être marquées du défaut de l’ethnocentrisme.

      Un des trois adages de cette introduction aurait mérité en effet de trouver complètement à la fois son emploi et sa démonstration :

     « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne pourront chanter que la gloire du chasseur »

         Proverbe nigérian

      Ne serait-il pas judicieux, afin que les discours tenus sur l’importance nouvelle du « subalterne », du « périphérique », du « global », ou du « connecté », ne soit pas suspectés de ce défaut, c’est-à-dire d’une nouvelle forme d’ethnocentrisme qui ne dit pas son nom, d’afficher les origines géographiques et culturelles des sources de l’historiographie citées, en distinguant celles qui ont pour origine, des chercheurs issus des empires examinés qui ont analysé les sources de leur pays, écrites ou orales, celles en Afrique, dites de la « tradition », et celles qui sont issues des travaux de chercheurs issus des métropoles.

        A titre d’exemple, les livres de Person sur « Samori », avec un très large appel aux sources de la « tradition », ou d’ A.Hampâté Bâ et J.Daget sur « L’Empire Peul du Macina » (1818-1853), un ouvrage dont le contenu était tiré entièrement de la tradition orale, fournissent des indications précises sur l’origine des sources.

       Autre difficulté de méthode : au-delà ou en deçà de l’histoire des idées, celle des chiffres, des grandeurs statistiques trop souvent négligées dans l’histoire coloniale ou postcoloniale française, hors les travaux de Jacques Marseille sur l’empire français,  de Daniel Lefeuvre sur l’Algérie, ou plus récents dans quelques-unes des contributions du livre « L’esprit économique impérial ».

        Le chapitre consacré aux empires en mouvement a le mérite de mettre en valeur ce facteur historique trop souvent ignoré, l’importance des mouvements migratoires de l’époque analysée, une analyse des chiffres qui relativise la perception historique que l’on peut avoir du mouvement des empires.

        A l’inverse, la contribution consacrée au bilan économique de la colonisation du chapitre 7 souffre d’une grande indigence de statistiques, surprenante étant donné que son auteur ferait partie d’une institution dénommée « The Paul Bairoch Institute of Economy History » de l’Université de Genève, donc sous le patronage d’un économiste historien qui s’est illustré dans l’analyse de statistiques financières et économiques de longue durée, d’autant  plus dérangeantes qu’elles mettaient par terre de nombreuses théories sur les rapports supposés et existant entre les économies développées et le monde des colonies.

      Autre question difficile à traiter, l’usage et le sens des concepts d’analyse choisis, sauf à rechercher dans la consultation des sources écrites ou dans les « traditions » locales, ce à quoi ils pouvaient correspondre, afin d’éviter un risque d’affublement ethnocentrique !

    Races, ethnies, classes : de quoi s’agit-il selon les époques ou les lieux ?

     En 1900 par exemple, sur les rives des fleuves d’Asie, d’Afrique, ou d’Europe, les ethnies, les races, ou les castes n’existaient pas ? Au témoignage même des grands lettrés des époques et territoires considérés ? En Asie, en Europe, comme en Afrique ?

     En Afrique, et dans le récit « Amkoullel, l’enfant peul », le grand écrivain Hampâté Bâ raconte qu’en arrivant pour la première fois dans sa classe, à Bandiagara, en 1912, son réflexe naturel fut de laisser sa place, l’avant-dernière, à Madani, qui occupait le dernière, alors qu’il était fils du chef :

     « Qui  vous a permis de changer de place ? s’écria le maître en bambara… »

     « Madani est mon prince, monsieur. Je ne peux pas me mettre devant lui. » (p331) 

     C’est donc sur l’intervention de l’instituteur, que l’égalité de rang entre élèves fut rétablie.

     Etat ? Il est difficile sur un tel sujet d’échapper à la projection conceptuelle de l’Etat tel que les Occidentaux  le concevaient, ou le conçoivent encore aujourd’hui avec les innombrables variantes géographiques ou temporelles que l’Europe a connues tout au long des 19ème et 20ème siècles.

      Quoi de commun entre la monarchie anglaise, la république française, l’empire allemand à  laquelle a rapidement succédé le nazisme ?

      Quoi de commun entre les empires d’El Hadj Omar, d’Ahmadou ou de Samory entre eux, ou comparés à l’émiettement des « Etats » de la forêt ?

      Quoi de commun entre le « Raj » indien des Anglais et l’Empire d’Annam ou de Chine ?

      Quoi de commun entre les différentes formes d’états existant dans le monde, qu’il s’agisse d’empires ou non à une  époque déterminée ?

     Nous verrons plus loin ce qu’un ancien gouverneur colonial, M.Delavignette écrivait à ce sujet, fort de son expérience africaine, sauf à contester un regard qui n’aurait pas été assez « subaltern », alors que dans le cas d’espèce il s’agit bien du témoignage d’un homme de terrain.

      L’introduction marque bien la complexité et la relativité des concepts et des analyses, en posant tout d’abord la question : « De quoi l’empire est-il le nom ?, et en enchainant sur une deuxième question : « La domination coloniale en question »

     Après avoir souligné : « L’empire est désormais partout » (p,9), l’auteur écrit : « les empires coloniaux se distinguent toutefois des autres empires par au moins deux caractères déterminants, leur dimension ultramarine

       Et par la présence « des sociétés coloniales constituées par des groupes sociaux en situation de contacts contraints et asymétriques : une minorité étrangère « racialement et culturellement différente » impose sa domination à une majorité autochtone » (p,15)

      L’auteur remarque toutefois, et à juste titre à mon avis : « Il serait utile de poursuivre ce travail de comparaison entre expansionnisme continental et colonisation ultramarine »

     Quid par exemple des américains et de leur conquête de l’ouest sur les Indiens ou des russes et de leur conquête du sud sur les Tartares ?

     Pour ne pas citer le cas des Chinois vers le nord, le sud, et l’ouest.

     Pour cette définition, l’auteur appelle en garantie les critères de souveraineté et de dépendance, avec en arrière- plan les concepts d’empire formel et informel.

     L’introduction  trace les limites des thèses historiques d’après lesquelles les métropoles auraient été coloniales en mettant en question « Cette vision d’un empire colonial omniprésent en métropole… » (p,20) proposée entre autres par le livre « La république coloniale ».

     Sur le sujet, je renverrais volontiers le lecteur vers le livre que j’ai publié  intitulé « Supercherie coloniale », lequel démontre qu’effectivement la propagande coloniale et la culture coloniale des Français n’ont eu ni l’ampleur, ni les effets  avancés par les auteurs de cette thèse.

     L’introduction évoque ensuite le thème des « circulations transcoloniales » (p,23), un thème difficile, plus difficile que celui de l’existence de « sous-impérialismes », tels celui de l’empire des Indes, ou ceux d’une nature tout différente, issus de la Première Guerre mondiale et de la SDN, c’est-à-dire les mandats.

     « Circulations transcoloniales » : qu’est-ce à dire ?

       Le deuxième point : « La domination coloniale en question »

      Les analyses font apparaître la grande difficulté qu’il y a à faire la synthèse des problématiques impériales rencontrées, et l’auteur note dès le départ que le rôle d’Edward Said dans l’énoncé d’un orientalisme occidental qui aurait donné sa marque au colonialisme a sans doute dépassé son objectif, en proposant en définitive une vision historique entachée du même défaut que l’ethnocentrisme, reproché aux « colonialistes », c’est-à-dire une forme d’ethnocentrisme inversé, celui des « colonisés ».

        Les lectures critiques des œuvres de Said que nous avons publiées sur ce blog avaient l’ambition à la fois de montrer la richesse des analyses d’Edward Said, et d’en montrer leurs limites.

      Cette partie de l’introduction met en lumière, de façon novatrice à mes yeux,  la multiplicité des problématiques que l’on pouvait rencontrer dans les sociétés coloniales, les types de résistances ou de collaborations indigènes, des sociétés indigènes qui « échappent aux  normalisations », « le fondement non-européen de l’impérialisme », l’instrumentalisation de la colonisation :

       « La domination coloniale n’est pas seulement imposée par les colonisateurs mais également instrumentalisée par des groupes autochtones qui confortent ainsi leurs positions sociale et politique, et coproduisent avec les colonisateurs un consensus idéologique et politique. » (p31).

       « Ces différentes pratiques de coopération, de résistance et de contournement, loin de s’exclure, constituent un répertoire d’actions mobilisables en fonction des rapports de force interne et externe » (p,32)

      Rappelons que l’ouvrage publié sous les auspices de l’Unesco sur l’histoire de l’Afrique, que nous avons commentée sur ce blog  dans l’analyse comparée des empires anglais et français en Afrique fournit maints exemples de la problématique de synthèse proposée.

      Dans les textes que nous avons publiés sur ce blog sur le thème des sociétés coloniales, nous avons souligné l’importance capitale du truchement colonial des acculturés et des lettrés.

     Trois remarques enfin sur trois constats proposés par l’introduction :

     Désaccord sur l’appréciation :

     «L’histoire de l’Inde britannique, comme celle des empires coloniaux, est jalonnée de guerres, d’insurrections et de mouvements sociaux qui font de la paix impériale un mythe. » (p,32)

      Il s’agit d’un raccourci temporel et géographique qui ne parait pas représentatif de la réalité et l’histoire des composantes des empires.

      Accord sur le constat du peu d’influence des administrations centrales :

     « Dans ce domaine, l’empire n’est bien souvent qu’une fiction » (p,34)

      Désaccord aussi sur les appréciations faites dans le domaine des grands programmes de scolarisation et de santé qui n’ont jamais été grands, sauf exception à noter.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

IFOP et Guerre d’Algérie: une enquête de mémoire pertinente ?

IFOP et Guerre d’Algérie : une enquête de mémoire pertinente ?

L’enquête IFOP d’octobre 2014 pour la Fondation Jean Jaurès et le journal Le Monde :

« Le regard des Français sur la Guerre d’Algérie, soixante ans après la « Toussaint rouge »

Les résultats de l’étude :

« A – Le souvenir spontané et les représentations associées à la Guerre d’Algérie »

B – La mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie et les relations franco-algériennes »

&

La Fondation Jean Jaurès m’a communiqué les résultats de cette enquête et je la remercie

&

Les questions que pose cette enquête ?

            Questions sur le langage tout d’abord ?

            Est-il possible de cerner le sujet de la mémoire que les Français ont, en 2014, de la guerre d’Algérie, en associant dans la grille du questionnaire des concepts aussi différents, pour ne pas dire ambigus, contradictoires, ou faussement compréhensifs au sens « logique », que « regard », « souvenir spontané » « représentations associées » « mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie », « Contemporains de la guerre d’Algérie » ?

            Les « contemporains de la guerre d’Algérie » auraient de nos jours plus de 65 ans, et concernent les deux dernières tranches d’âge de cette enquête : les réponses aux questions posées sont –elles donc représentatives ?

             « Mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie », un titre qui laisse à penser qu’il y a eu confusion entre la colonisation et l’Algérie, ce qui est inexact, même si certains chercheurs ou même historiens veulent nous faire croire le contraire.

            Questions sur la grille du questionnaire en deuxième lieu ?

            Avant d’aller dans les deux parties de cette enquête, une double question préalable de méthodologie :

–        celle qui dans la partie A questionne toutes les classes d’âge sur des contenus qui s’inscrivent dans une grille de chronologie qui manque de pertinence avec ces classes d’âge,

–        et celle  qui fait la distinction pertinente entre les « contemporains » et les autres, mais sans donner la définition statistique du questionné « contemporain ».

A – Le souvenir spontané et les représentations associées à la Guerre d’Algérie

            Question – L’événement le plus marquant de la guerre d’Algérie, c’est… ? En premier ? En deuxième ? En troisième ?

                Sont énumérés les événements cités par le questionnaire qui viennent dans l’ordre suivant en pourcentage des citations :

            L’arrivée des pieds noirs (59%), une guerre de libération (54%), le retour du général de Gaulle (41%), une défaite pour la France (38%), l’abandon des harkis (38%), les attentats du FLN ( 29%), le recours à la torture par l’armée française (27%), le putsch des Généraux et l’OAS (14 %).

            L’institut publie en page 8 une grille très sophistiquée des questionnaires par personne interrogée, une structure dont au moins un des éléments fait problème, celui des âges :

            Age de l’interviewé(e)

Moins de 35 ans

18 à 24 ans

25 à 34 ans

35 ans et plus

35 à 49 ans

50 à 64 ans

65 à 69 ans

70 ans et plus

            Il parait tout de même difficile d’admettre que les générations nées après 1962, aient pu avoir un « souvenir spontané » de la plupart, sinon de presque tous les événements cités.

        Outre le fait, que ce questionnement ne tient pas compte de la composition du public interrogé, ancien pied noir ou descendant, français immigré ou harki, etc …, une méthode statistique qui fait peser une suspicion légitime supplémentaire sur la représentativité de cette enquête.

            Le même type de suspicion légitime peut exister pour la question suivante – :

      «  Le jugement sur le comportement de la France à l’égard des différentes populations concernées par la guerre d’Algérie

         Question : diriez-vous que depuis la fin de la Guerre d’Algérie jusqu’à aujourd’hui, la France s’est plutôt bien ou mal comportée   ?

     A l’égard les Pieds Noirs, le peuple algérien, les Français issus de l’immigration algérienne, les Harkis (c’est-à-dire les Algériens favorables à l’Algérie française) »

        en interrogeant donc une population française qui, dans ses âges et ses origines, ne peut pas, sur le plan historique, porter un tel jugement, d’autant moins si l’enquête ne tient aucun compte du nombre de personnes interrogées qui sont précisément issues des différents courants de population impliqués.

      B – La mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie et les relations franco-algériennes

        L’impact de l’indépendance pour l’Algérie et pour la France

            Comment mettre sur le même pied la mémoire de la colonisation et celle d’Algérie, même si un historien bien connu a tendance à confondre  ces deux mémoires, sans jamais avoir pris l’initiative de les faire à la fois mesurer et distinguer ?

            Comment, telle qu’est rédigée cette question, se mettre à la place de l’Algérie ?

            Question : Diriez-vous que l’indépendance de l’Algérie a été une bonne ou mauvaise chose… ?

            A la différence de la question précédente, le questionnaire fait la distinction entre contemporains de la guerre d’Algérie et les autres non spécifiés, mais sans donner la définition retenue pour les « contemporains »

            Comme nous l’avons indiqué plus haut, cette absence de définition, aussi bien sur le plan du langage que sur le plan de sa représentativité statistique, fait peser un sérieux doute sur les résultats proposés.

            « La place accordée à la guerre d’Algérie dans les médias et à l’école »

       Question : Selon vous, avez-vous l’impression que l’on parle trop, pas assez ou comme il faut de la Guerre d’Algérie ?

        Le questionnaire distingue à nouveau entre les « contemporains » et les autres, mais il parait difficile d’interroger les « contemporains » de cette guerre sur ce qui se passe à l’école, sauf à avoir interrogé les enseignants et peut-être les parents d’élève.

       En conclusion, cette enquête apporte quelques lumières sur le sujet de la mémoire de la guerre d’Algérie, mais il est regrettable que celle-ci n’ait pas procédé à un cadrage statistique rigoureux des questions posées par rapport au public interrogé, avec des impasses qui font peser une suspicion légitime sur ses résultats.

Jean Pierre Renaud

« Français et Africains Les Noirs dans le regard des Blancs-1530-1880 -William B. Cohen-Lecture critique

« Français et Africains

Les Noirs dans le regard des Blancs

1530-1880 »

William B.Cohen

( NRF Gallimard 1981)

Lecture critique

            Cette publication a été annoncée le 27 octobre 2014, à l’occasion de ma lecture critique d’une chronique du journal Le Monde du 29 août 2014 intitulée «  Afro-Américains et Noirs de France, les Faux Frères » d’Elise Vincent.

&

 Une remarque préalable : Payot vient de publier un ouvrage de Frederick Cooper sous le même titre, un ouvrage qui fera l’objet d’une lecture critique ultérieurement.

Les caractères gras sont de ma responsabilité

            En reprenant la lecture d’un autre livre du même historien, intitulé « Empereurs sans sceptre » consacré à l’administration coloniale française, un ouvrage dont j’avais apprécié le contenu,  j’ai découvert l’existence de ce livre, dont le contenu, à l’inverse, ne m’a pas du tout convaincu, et voici pourquoi.

            S’agit-il véritablement d’un ouvrage historique dont l’objet serait celui des Noirs dans le regard des Blancs ou d’une thèse idéologique qui tend à vouloir démontrer, sans excès de preuves, et c’est un euphémisme, que les Français ont toujours été racistes ?

            Ce qu’annonce la préface :

      « Ses expériences (la France) et sa conception des peuples noirs ont contribué à la formation de l’image de l’homme noir dans la culture occidentale…

Par  conséquent, quoique cet ouvrage veuille être avant tout l’histoire des réactions françaises devant le phénomène noir, il aimerait aussi contribuer à l’étude plus générale des relations entre races, et prouver, dans le contexte français, l’exactitude de certaines théories concernant ces relations (p,7)… »

         A sa grande surprise (l’auteur), les documents historiques consultés se révélèrent imprégnés d’une forte tradition raciale, insoupçonnée jusqu’ à ce jour…

        La présente étude examine les réactions des Français à l’égard des Noirs – et cela à différentes  époques -, et dévoile la continuité d’attitudes et de stéréotypes enfouis dans la culture et dans les institutions françaises.Pour ce faire, on a eu recours à deux méthodes : la méthode chronologique et la méthode thématique. L’approche historique s’impose chaque fois que l’on veut analyser l’homme, ses pensées et ses actes dans le contexte temporel qui fut le sien. Mais comme l’histoire seule reste insuffisante, il faut s’adresser parfois à la psychologie, à l’anthropologie et à la sociologie. Néanmoins cet ouvrage reste avant tout un ouvrage historique traitant des questions soulevées par l’origine, le développement et la continuité d’une attitude basée sur des principes d’inégalité raciale, attitude que les Français développèrent envers l’homme noir, que ce dernier fût sur son sol natal, dans les plantations des Antilles et de l’Océan Indien ou en France même(p,9)

        Cette étude s’arrête en 1880,date délibérément choisie parce qu’elle se situe à la veille de l’expansion française en Afrique noire. Elle permet donc de voir dans quelle mesure l’image de l’Africain se développa indépendamment de la conquête même…

        « Français et Africains » ne s’appuie que sur des documents écrits. N’oublions pas que jusqu’au XIXème siècle la majorité des Français étaient illettrés. On peut supposer qu’il existait une sous-culture s’opposant à la tradition écrite, mais cela est peu probable. Les réactions devant l’indigène s’accordent si totalement entre elles qu’il serait surprenant de découvrir une pensée populaire qui n’aurait trouvé aucun écho dans la pensée écrite. En fait, les recherches portant sur la culture populaire, telle qu’on peut la saisir dans les ballades et les récits folkloriques, révèlent des attitudes dans l’ensemble fort proches de celles exprimées dans les sources écrites.

         Cet ouvrage repose essentiellement sur des documents qui ne s’adressaient pas au grand publicPour le XIXème siècle, il faut donc signaler l’absence de toute référence à la presse quotidienne à grand tirage. Ajoutons cependant que d’après une étude récente (1), les journaux reprenaient avec un certain retard, les thèmes développés par les savants, les théoriciens et les hauts fonctionnaires de l’époque. Aussi ne constituent-ils pas pour l’historien une source d’éléments nouveaux »  (p11)

          (1)  Une étude américaine portant sur les années 1870-1900)

       Que d’hypothèses ! A partir de quelles sources, de quels vecteurs de culture mesurables ou mesurés au cours des trois siècles examinés ?

          S’agit-il d’histoire ou de littérature, pour ne pas dire de propagande !

         J’ai mis en caractères gras les quelques mots et phrases clés qui marquent les points faibles, ambigus, ou contradictoires de cette analyse prétendument historique, son objet lui-même, quant à l’ancienneté et à la continuité du racisme des Français à l’égard des Africains tout au long des années 1530-1880, quant à une méthode historique fondée sur l’analyse de sources écrites, mais savantes, en décalage chronologique complet avec l’état de la France tout au long des années et des siècles étudiés sous l’angle des conditions d’information ou de culture des Français.

           L’auteur brosse un portrait de l’évolution du regard des Blancs, Européens ou Français, à partir de 1530, et dès le départ, il marque une contradiction d’analyse des rapports entre Blancs et Noirs, en écrivant :

         « Si les contacts se firent plus fréquents à la fin du XVIIème siècle, il n’en est pas moins vrai que pendant la période qui s’étend de 1530 à 1720, un nombre relativement restreint de Français étaient arrivés à connaître l’Afrique. Le point de rencontre le plus commun entre les deux races était la traite des Noirs et même dans ce domaine la présence française se faisait peu sentir. Par conséquent, les Français se tournèrent vers ceux qui les avaient précédés et continuèrent, pour alimenter leurs écrits, à faire appel aux anciens. » (p,61)

       Donc peu de contacts, l’importance relative de la traite des Noirs, inconnue ou connue, et toute l’ambiguïté de l’appellation les Français ! Qui sont ces Français en 1530, en 1720, ou plus tard ? Des Français qui ont le privilège « d’alimenter leurs écrits » ?

        Tout au long de l’ouvrage, l’auteur recourt à cette dénomination de Français, mais sans jamais donner leur identité, alors qu’il s’agit avant tout de la France savante.

        Le discours Cohen sur le racisme des XVI°, XVII°, et XVIII° siècles

       L’auteur accorde une très large place dans son analyse à l’esclavage (quatre chapitres, 2, 4 ,5 et 6 sur un total de 9 chapitres), mais sans situer son importance politique, économique, et humaine pour la France, ni sa durée.

        L’auteur lui-même reconnait :

        «  la brièveté même du système esclavagiste dans les possessions française » (p,161)

            Plus loin, l’historien écrit :

            « La présence dans les cahiers de doléances, d’idées faisant écho à celles des lumières et de la Société des Amis des Noirs trahit beaucoup plus la connaissance qu’avaient les avocats, les notaires, les « hommes de lettres » et autres notables des petites villes de ces arguments qu’une véritable préoccupation parmi les masses françaises pour la question de l’esclavage. » (p,202)

            Nous sommes ici à la veille de la Révolution, alors que les conditions d’information du peuple français ont effectivement commencé à changer, mais le terme de « masses » parait incongru, de même que d’autres termes volontiers utilisés par l’auteur tels que « l’opinion populaire » (p,104), le « grand public » (p,105), « l’opinion publique » (p, 279), tout autant que « les Français », appellation  très fréquemment utilisée par l’auteur, mais qui peut couvrir beaucoup de « marchandises » différentes entre 1530 et 1880.

            L’histoire coloniale n’a eu la possibilité de mesurer la connaissance du monde colonial, en positif ou en négatif, que pouvaient en avoir les Français qu’avec les premiers sondages effectués dans notre pays, c’est-à-dire juste avant la deuxième guerre mondiale.

            Ainsi que je l’ai écrit à maintes reprises, les historiens coloniaux et postcoloniaux n’ont pas cru devoir jusqu’à présent, en tout cas à ma connaissance,  mesurer ce facteur dans la presse, alors que ce matériau historique est important et qu’il aurait pu, effectivement et concrètement,  répondre à ce souci de véritable mesure.

            M.Cohen n’a pas cru devoir justifier la pertinence de son propos « historique » par une analyse de la presse, à partir du moment où elle a commencé à exister vraiment dans notre pays, c’est-à-dire dans la deuxième moitié du XVII° siècle.

           Nous tenterons d’examiner plus loin, à partir de travaux d’historiens, la connaissance que pouvait avoir des Noirs la population française de l’époque, alors que la traite des Noirs  ne fut pas durable, comme l’auteur l’a d’ailleurs reconnu, et qu’elle n’a concerné qu’une petite élite de riches.

        Les cahiers de doléances cités par l’auteur montrent que jusqu’à la Révolution, avec l’explosion de l’information, des journaux, la connaissance de l’esclavage était limitée, et que la paysannerie de l’époque, massivement illettrée, avait bien d’autres horizons.

         Comment ne pas noter aussi que la condition sociale de la majorité des « Français » des trois siècles considérés, n’était peut-être pas tellement éloignée de celle des esclaves des îles ?

       Le rôle des Philosophes

      Dans le chapitre 3, l’auteur analyse longuement le rôle effectif des Philosophes dans la construction de l’image raciste des Noirs au XVIIIème siècle, mais en relevant en même temps que dans les bibliothèques de Montesquieu ou de Voltaire, le nombre des ouvrages consacrés à l’Afrique était négligeable : chez Montesquieu et sur ses 45 ouvrages de géographie, aucun ne se rapportait à l’Afrique, et chez Voltaire, 103 d’entre eux avaient pour objet le monde non européen sur un total de 3 867 ouvrages.

         Ce qui n’empêche pas l’auteur de conclure d’un trait de plume :

    « Vers la fin du XVIIIème siècle, le racisme dominait sans contredit les esprits français…

       Si le racisme devint si influent en France, c’est qu‘il était devenu un mode de pensée fort répandu. » (p,143)

     Une démonstration historique ? Les Philosophes avaient une telle influence dans une population qui était encore illettrée ?

       Alors qu’à la fin du XIX° siècle, l’Afrique noire était encore un continent largement      inconnu ?

       Quel champ géographique d’analyse historique ?

    L’auteur l’a limitée à trois champs géographiques, les Antilles, le Sénégal, et la France.

     Au-delà de la référence assez large qui est faite aux Antilles, l’auteur accorde une certaine importance au Sénégal, mais il ne semble pas que cet exemple plaide en faveur de la thèse raciste défendue par l’auteur.

      « Rapports entre les races au Sénégal

      C’est aux Antilles que Français, Noirs et métis se rencontrèrent en plus grand nombre. Aux XVII° et XVIII° siècles, les premiers enclins à entretenir ou à développer des théories racistes, s’y montrèrent désireux d’éviter tout contact social avec des non-Européens. Vers 1770, nombreux étaient les Français de la métropole qui acceptaient ces théories ; à cette même époque, les lois discriminatoires se trouvaient rigidement appliquées. Mais on n’est pas sans rencontrer quelques exceptions qui montrent que, même si les préjugés de couleur permettent d’anticiper la manière dont un groupe sera traité par un autre, ces mêmes préjugés peuvent aussi être partiellement ignorés lorsqu’ils s’opposent aux intérêts de ceux qui les professent. Ce fut le cas au Sénégal où, contrairement à ce qui se passait dans les autres possessions françaises, les groupes raciaux, n’étant pas inflexiblement séparés, purent se mêler les uns aux autres. Les hommes libres de couleur ou noirs n’y connurent pas la vie marginale des affranchis des Antilles : au contraire, ils y étaient considérés comme des citoyens à part entière. » (p173)

     Plus loin et en ce qui concerne l’esclavage, l’auteur note :

    « De surcroît, la plupart des trafiquants d’esclaves étant eux-mêmes des Africains, ni idéologie, ni lois raciales ne devinrent nécessaires à la justification et au développement de cette activité comme ce fut le cas dans les colonies américaines. Le problème de l’esclavage ne se posait donc pas aux Français de Saint Louis. » (p,173)

     Ce type de réflexion doit évidemment être replacé dans le contexte historique de l’époque, un Sénégal réduit à sa plus simple expression géographique, c’est-à-dire la côte, et à la place marginale du Sénégal dans les affaires françaises, pour ne pas dire son inexistence, alors que la capitale Saint Louis ne comptait que 5 400 personnes, dont 10 % de Blancs à la fin du XVIII° siècle.

     Quid de la métropole et de ses références historiques? Des contacts que les Français pouvaient avoir avec des Noirs, du regard qui pouvait être le leur ?

       Il convient de revenir au discours « historique » de l’auteur sur la connaissance qu’avaient les Philosophes de l’Afrique, et sur celle que pouvaient en avoir les « Français »:

     « Comme l’Afrique retenait assez peu leur attention, les esprits du temps se contentèrent de reprendre et de développer les questions posées par le XVII° siècle. Certaines de ces questions subirent évidemment quelques changements et de nombreuses idées restées jusqu’alors fort vagues  contribuèrent même, une fois cristallisées, à la formation de l’image que se fera le XIX° siècle de l’Afrique. Ce fut au sein de la république des lettres – et cela doit être dit clairement -, que s’élaborèrent, grâce à la lecture des relations de voyage et autres traités de l’époque ces attitudes. Quant aux classes moins éclairées, on peut affirmer, d’après la littérature qui leur était destinée que leur ignorance du continent noir resta entière.

      Quant aux cinq mille noirs résidant en France, ils constituaient la seule source d’information non livresque sur leur race. Pour la plupart esclaves abandonnés ou émancipés et marins sans attache ou serviteurs, se mêlant parfois dans les ports au monde du crime et de la prostitution. Peu nombreux mais faciles à repérer à cause de leur couleur, ils provoquaient un sentiment de crainte chez les Français qui les jugeaient des êtres bas et grotesques. L’opinion populaire rejoignait donc le monde savant dans sa représentation négative de l’Africain. » (p,104).

      Quel roman ! Alors que leur effectif représentait une goutte d’eau dans la population (5 000 par rapport à 22 000 000 environ au XVIII° siècle), qu’il fallait quasiment un miracle pour qu’un habitant des villes en rencontre un, à moins qu’il ne se trouve à Paris ou dans quelque port, et encore moins pour un paysan de nos campagnes qui ne connaissait, et encore, que le bourg le plus proche de son village.

     L’expression « l’opinion populaire » est incontestablement tout à fait incongrue, pour ne pas dire abusive, parce qu’elle ne correspondait ni avec l’état de la France de l’époque, ni avec sa culture populaire, ni avec une analyse historique rigoureuse.

     Le rôle du racisme scientifique : l’historien consacre le chapitre  8 à son analyse en estimant que cette théorie a eu une influence importante sur les Français.

     « Dans la première moitié du XIX° siècle, l’attitude envers les peuples non-européens fut influencée par deux écoles de pensée restées irréconciliables à la fin du XVIIIème siècle. La première, évolutionniste attribuait les différentes cultures et civilisations de ces peuples à l’influence exercée par l’environnement. Elle affirmait également que ces derniers devaient emprunter le temps aidant, les voies qui étaient celles de l’Europe même. La seconde raciste, voyait le destin de ces divers peuples déterminé par la race à laquelle ils appartenaient. Elle s’appuyait essentiellement, non sur l’écologie, comme la première, mais sur la biologie et allait vers 1850, triompher. A une époque où le scientisme était devenu un véritable objet de culte, les thèses racistes qui se disaient corroborées par des découvertes scientifiques menèrent à la diffusion de l’idéologie raciste et à son enracinement dans l’esprit des Français. » (p,292)

      Il convient de rappeler que le pays avait été profondément marqué et transformé par la Révolution, avec l’explosion des vecteurs d’information, c’est-à-dire des journaux de toute nature, parisiens ou provinciaux, et que beaucoup de Français avaient pu découvrir à l’occasion de cette révolution le dossier de l’esclavage et de son abolition.

      Par ailleurs, la république dite des lettres ne connaissait pas l’Afrique noire, il faudra attendre la fin du XIX ° siècle pour cela. Sa curiosité était traditionnellement beaucoup plus tournée vers la Méditerranée, l’Orient, l’Asie ou les Amériques, que le continent noir.

      L’appréciation d’ « enracinement dans l’esprit des Français » parait donc pour le moins aventureuse, alors qu’elle ne s’appuie sur aucune analyse des vecteurs de l’information de cette époque, notamment une presse parisienne et provinciale très dense.

      Comment est-il alors possible d’utiliser l’appellation « les Français » ? Qui étaient-ils ces Français ?

     Que ces nouvelles théories aient eu du succès dans les cénacles intellectuels, incontestablement, mais sans que les historiens aient jamais à ma connaissance mesuré leur influence dans la presse populaire, alors que rares étaient les Blancs qui avaient été en contact avec les Noirs.

      Curieusement, dans la conclusion du chapitre, l’auteur limite la portée de ses considérations, en écrivant :

       « Les Français qui avaient vu les Africains de leurs propres yeux et qui avaient vécu parmi eux n’adoptèrent pas les abstractions racistes les plus poussées que l’on retrouve si souvent chez les anthropologues des années 1850. » (p,361)

      Mais alors, que penser des abstractions et généralisations de l’historien qui tendent à accréditer le fait que les Français étaient racistes sans avoir pris soin de prendre le pouls de la presse de l’époque, et en feignant d’ignorer l’ignorance que les Européens avaient du continent noir à la même époque ?

      Les grandes explorations des Blancs à partir des grands fleuves d’Afrique avaient à peine commencé vers le Nil, le Zambèze, le Congo, le Niger, ou le Sénégal.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier que les communications maritimes avec l’Afrique n’étaient pas fréquentes, avant que ne soit inventée la marine à vapeur.

          Pour ne citer qu’un exemple, en 1852, Faidherbe mit deux mois pour venir de Bordeaux à Saint Louis du Sénégal.

        Le dernier chapitre « L’attrait de l’empire » a un contenu difficile à interpréter : qu’a voulu démontrer l’auteur ? Un contenu d’autant plus difficile que l’objet du livre avait retenu la borne historique de 1880, et que chacun sait que le partage de l’Afrique s’effectua après cette date.

      Les bons connaisseurs de l’histoire coloniale savent que les regards croisés entre Blancs et Noirs furent assez différents de ceux, abstraits qu’a décrit l’auteur, des regards contrastés selon les périodes et les régions, unanimes toutefois à dénoncer l’esclavage qui régnait dans la plupart des territoires conquis.

      Comme l’avait relevé d’ailleurs l’historien, en citant deux seuls exemples dans l’Afrique de l’ouest à partir des récits de Raffenel et de Mage dans l’hinterland du Sénégal.

      Le dernier paragraphe du chapitre propose  une conclusion un peu trop sommaire de la rencontre entre les deux mondes blanc et noir :

       « En continuant d’offrir aux Français l’image d’Africains passifs, simples objets entre les mains d’une France débordante d’activités, les projets de domination, puis les projets de domination ne firent que renforcer le stéréotype de l’Africain déjà fortement ancré dans les esprits. La domination du continent noir par les Blancs était aux yeux de ces derniers la conséquence naturelle de la prétendue inégalité qui existait entre les africains et les Européens. » (p,390)

       Un propos un peu contradictoire avec le constat que faisait l’historien dans la page précédente, quant au fait que l’attitude impérialiste n’était pas nécessairement partagée par la majorité des Français, sans qu’on sache d’ailleurs mieux sur quelle source l’auteur s’appuie pour dire l’un ou l’autre.

         L’auteur a résumé dans une postface ses réflexions sur le thème « L’impérialisme et l’image de l’indigène » qui mériterait un autre examen, mais il n’est pas dans l’objet de ce livre, et je n’ai l’intention, ni de l’analyser, ni de le commenter, en notant simplement que le discours est dans la continuité de la thèse d’après laquelle les Français sont racistes, et que leur jugement n’a pas été profondément modifié, les « stéréotypes » continuant donc à fonctionner.

            Ma critique de fond de cet ouvrage portera sur son inadéquation complète d’analyse avec le temps historique, c’est-à-dire l’état de la France au cours des trois siècles considérés, les 16, 17 et 18ème siècle, et complémentairement celui de la culture populaire.

            Mes objections seront en partie tirées de l’histoire de la France elle-même, des travaux de Robert Mandrou sur la littérature de colportage des 16° et 17° siècles, entre autres la Bibliothèque Bleue, et de Raymond Manévy sur l’histoire de la presse.

            XVIème siècle : une France paysanne, inculte et illettrée à plus de 95%, la France des villages, une France des superstitions, des catastrophes, de la misère, des famines, et des guerres.

       Zéro presse ! Qui connait un Africain ? Qui a vu un Noir ?

            XVIIème siècle  et XVIII° siècle: début de l’alphabétisation.

         D’après l’historien Munchembled (p,342), dans les années 1680-1690, 29% des hommes étaient alphabétisés et 14 %  des femmes, et à la fin du 18ème, 47% des hommes et 27% des femmes.

         Il n’est pas fait mention de la diffusion de la langue française qui avait encore de la peine à s’installer.

            Une littérature de colportage prend son essor, notamment celle de la Bibliothèque Bleue de Troyes minutieusement étudiée par Robert Mandrou.

            L’historien en a retrouvé 450 titres, lesquels proposent une image représentative de la culture populaire de cette époque, « l’aspect même d’un sondage », des titres qui accordent une large place à la foi et à la piété, à la mythologie, au calendrier, à la vie quotidienne, à l’histoire de France, avant tout une littérature d’évasion, aux légendes, à la magie, au merveilleux, aux fées…

         «  De 1660 à 1780, on assiste à une popularisation et à une ruralisation des livres à bon marché. » (p,166)

            « A quelques exceptions près (Corneille, La Fontaine et le cas obscur de Perrault), la littérature de colportage ne puise pas dans les écrits « savants » contemporains, ni au XVII° siècle, ni au XVIII° siècle. Ce qui disqualifie toute comparaison avec le livre de poche du XX° siècle qui a largement diffusé des œuvres anciennes et contemporaines » (p,31)

       « Enorme silence, qui signifie nécessairement indifférence à ces continents neufs, à une évocation, même vague, des pays étrangers : ce qui s’étend au-delà des horizons familiers, au-delà de la forêt communale, au-delà du plat pays étalé au pied des remparts… » (p,76)

      « Cette vision du monde  que la Bibliothèque Bleue a diffusée, a répandue dans les milieux populaires pendant plus de deux siècles : qu’il s’agisse des conceptions de l’homme, du monde, de la vie sociale, point n’est besoin de le nier, ni de chercher à les réduire à force de subtilité. » (p,166)

      « Cette littérature demeure, à travers deux siècles, une vision inchangée de mondes, partie réels, partie imaginaires, où les Fées, les saints, les Géants, tiennent autant de place que les hommes ; où l’émerveillement, l’enchantement, le miracle enfin sont si fréquents qu’ils expliquent  le dédain des philosophes du XVIII° pour ces contes « à dormir debout ». La Bibliothèque Bleue par ses lecteurs et ses auditeurs à la veillée, c’est d’abord une évasion. » (p,179)

    Constat : zéro Africain dans ces contes ! Il parait donc difficile de répéter  les Africains et les Français à ce sujet, même si à la fin du dix-huitième siècle, un homme sur deux était alphabétisé et une femme sur trois, mais d’abord dans les villes, où la presse naissait.

    Les journaux des 17° et 18° siècles

     Ainsi que nous l’avons déjà souligné, il parait difficile d’accréditer le discours de l’historien Cohen en faisant l’impasse historique sur l’essor de la presse à partir de la naissance du premier journal : le 31 mai 1631, nait la Gazette Renaudot.

       Tirage de démarrage : 1.200 exemplaires.

       1762 : 12.000 abonnés, dont le tiers à Paris.

       1er janvier 1777 : naissance du premier quotidien français Le Journal de Paris.

       1789 et Révolution  Française : explosion de la presse avec 250 journaux ou assimilés.

        « 1.350 journaux environ parurent de 1789 à 1 800 » (Manévy, p, 48)

      Cette fois, il ne s’agit plus du cercle restreint de la fameuse République des Lettres :

       «  La République des lettres en vérité est un village où tout le monde se connait et se comprend à demi-mot » (p, 108, PUF Lyon)

        Une République des lettres dont l’historien n’a pas présenté, en dehors de son discours des idées, la moindre analyse statistique du discours raciste contenu dans l’ensemble de ses écrits !

      La presse française a continué à se développer au cours du XVIII° siècle, avec la naissance, en 1836, du journal Girardin, dont le nombre d’abonnés passe, entre 1836 et 1846, de 70.000 à 200.000 abonnés.

      Aucune trace d’analyse du contenu historique de ce journal et des autres, de province, dans la thèse Cohen !

      Ce ne sont que quelques exemples, mais il parait tout de même difficile de défendre la thèse du racisme des Français, sans avoir analysé les journaux des époques considérées, au cours des 17ème, 18ème, et 19ème siècles.

     Comme nous l’avons déjà maintes fois relevé dans nos propres analyses de l’histoire coloniale ou postcoloniale telles que certains auteurs nous la racontent aujourd’hui, la presse française parisienne et provinciale n’ a pas fait jusqu’à présent, sauf dans quelques travaux universitaires de type parcellaire, l’objet d’une étude statistique de ses contenus, étude qui accréditerait des discours qui s’inscrivent beaucoup plus dans l’histoire des idées, où tout est possible, plus que dans l’histoire des faits.

Conclusion

      Ce livre est-il un livre d’histoire ?

      Non, compte tenu de la quasi-inexistence des sources et de l’évaluation de ce discours.

    Je serais tenté de dire que l’ouvrage est à classer dans la catégorie des livres idéologiques ou politiques, donc un livre très décevant.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

L’histoire de la Françafrique racontée aux enfants et aux petits-enfants-Au Burkina-Faso avec Hollande, Diouf et Compaoré!

L’histoire de la Françafrique racontée aux enfants et aux petits-enfants !

Le coup d’Etat du Burkina Faso

Avec Hollande, Abou Diouf et Blaise Compaoré

Avec le journal Le Monde (page 6) du 20 novembre 2014

       M. Abou Diouf, ancien Président du Sénégal de 1981 à 2000, termine son troisième mandat de Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, et il est interviewé dans le journal Le Monde.

         Le titre de cette interview :

           « Les peuples africains ne supportent plus que les mêmes restent au pouvoir trop longtemps »

       « Abou Diouf, le secrétaire général de l’OIF, souligne les avancées de la démocratie »

          Abou Diouf nous dit des choses fort intéressantes sur l’interprétation africaine qu’il convient de donner au coup d’Etat du Burkina Faso qui a chassé du pouvoir son ami Blaise Compaoré :

       Question du journaliste :

            « Pourquoi ne pas avoir suspendu le Burkina Faso, comme cela avait été le cas avec Madagascar ?

          « Au Burkina, ce n’est pas un coup d’Etat. Nous avions un Président qui, face à une contestation de la rue assez violente, a préféré démissionner. L’armée a comblé le vide, rétabli l’ordre et la sécurité. Elle a accepté de quitter le pouvoir dès que la charte constitutionnelle aura été adoptée et qu’aura été désigné le nouveau chef de la transition civile. »

        Curieuse lecture de l’histoire n’est-ce pas ? Avancée de la démocratie africaine, vraiment ?

       La Croix du 21 novembre propose une interprétation différente de cette crise, sous le titre :

       « Au Burkina Faso, l’armée garde la main sur la transition.

      & Le lieutenant- colonel Zida qui a pris le pouvoir après le départ de Blaise Compaoré le 30 octobre, a été nommé premier ministre par le président de la transition.


        & L’armée n’a pas renoncé à jouer un rôle central au Burkina Faso

         … Et dans le corps de l’article :

            « Aujourd’hui, cette charte apparait comme un habillage juridique – « un tour de passe-passe », selon un observateur à Ouagadougou – pour permettre à l’armée de garder la main sur le pays »

            Il n’est pas besoin  d’être à Ouagadougou pour porter ce jugement !

            Et la Francophonie dans tout cela, et la Françafrique dont on nous dit qu’elle est bel et bien morte ?

            Alors que dans la même interview, M.Diouf nous fait la confidence ci-après : 

            « … Ce n’est plus un secret que la préférence du Président Hollande était que Blaise Compaoré acceptât de venir me remplacer (à la tête de la francophonie). C’eût été magnifique : un homme habitué à gérer les crises aux côtés d’un administrateur chevronné et compétent, Clément Duhaime, qui continuait à gérer le quotidien de l’OIF et la coopération. »

            A lire cette dernière confidence, la Françafrique de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy, et de Hollande, est encore bien là.

            Est-ce que l’Organisation Internationale de la Francophonie ne mérite pas mieux que d’être présidée par un ancien officier, venu au pouvoir en 1987, à la suite d’un coup d’Etat ?

Jean Pierre Renaud

« Algérie 1954-2014 L’anniversaire amer » Le Monde du 31 octobre 2014

« Algérie 1954-2014

L’anniversaire amer »

Le Monde du 31 octobre 2014

&

Petit exercice de critique historique des pages du journal sur la guerre d’Algérie avec une invitation à passer à la phase 2, c’est à dire :

Mesurer les mémoires dans « la guerre des mémoires- la France face à son passé colonial » de Benjamin Stora,  et son nouveau concept de « transfert de mémoire » (voir l’éditorial).

&

Avant-propos

            Pour avoir servi la France, et peut-être l’Algérie, pendant la guerre d’Algérie, au cours des années 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, et continué à y lire ce journal, quand il m’était possible de me le procurer, j’aimerais donner mon opinion sur une partie des textes qui ont eu l’ambition de donner une image fidèle de cette guerre, pendant et après l’indépendance de l’Algérie.

            Je me propose donc de passer au crible trois des documents publiés par Le Monde, en premier, la sorte d’éditorial du supplément, signé Christophe Ayad, intitulé «  Sortir du déni et du mensonge », qu’il convient de lire ainsi, sauf erreur, « déni » de la France, et « mensonge » de l’Algérie.

            En deuxième, l’éditorial lui-même du journal, intitulé « De la mémoire à l’histoire ».

            En troisième, l’analyse de l’enquête IFOP, intitulée « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie » par Thomas Wieder.

&

           En premier : « Sortir du déni (France) et du mensonge (Algérie) »

 Cette analyse n’est pas très convaincante.

            Les premiers paragraphes décrivant les débuts de cette guerre sont à la fois réducteurs, et inexacts : « Pour venir à bout de cette tactique mise en place par le FLN, l’armée française a mis au point et expérimenté la guerre contre-insurrectionnelle… L’armée américaine n’a rien inventé en Afghanistan ou en Irak. »

            Comme si Mao Tsé Toung n’avait pas mis en œuvre ce type de guerre en Chine, et comme si les guerres contre-insurrectionnelles, anglaise de Malaisie, puis française d’Indochine n’avaient pas non plus existé !

            Et rien sur la guerre fratricide entre le MNA et le FLN, avec ses plus de 20 000 victimes, pour ne pas citer l’autre guerre civile entre algériens pro et antifrançais, et pas plus sur la présence en Algérie de plus d’un million de pieds noirs.

        « Poids de l’histoire », l’auteur écrit :

            « La constante des guerres contre-insurrectionnelles, c’est qu’en cas de succès militaire, elles débouchent sur des désastres politiques. … «  Voire ! Lesquels ?

            L’auteur poursuit : « L’autre malédiction des guerres contre-insurrectionnelles est qu’elles inoculent leur venin à ceux qu’elles sont censées combattre. » et le tour est joué !

            L’armée française a inoculé son venin à l’armée du FLN, celle qui est « restée stationnée en Tunisie et au Maroc sans combattre » (et les batailles des frontières ?), celle qui a pris le pouvoir, et est donc responsable de ce qui s’est passé en Algérie jusqu’à nos jours.

          L’auteur ajoute : « De son homologue française sous la colonisation, l’armée algérienne a hérité du même mépris pour les civils, d’un goût prononcé pour les affaires politiques et d’un penchant certain pour la manipulation. Elle se conduit, à bien des égards, en force d’occupation de sa propre société. ».

            « Même mépris pour les civils » n’est-ce pas par trop caricatural, et même faux ? Et évidemment, par la voie de son armée, la France est à nouveau responsable ! C’est toujours la faute des Français ! Plus de cinquante ans après !

:           L’auteur évoque alors l’opération Serval au Mali et une nouvelle coopération militaire franco-algérienne « en catimini » :

            « Le poids de l’Histoire est sans doute trop fort. En France, l’oubli et l’ignorance ne sont qu’une autre forme du déni passé ; et en Algérie, la mémoire de la guerre est instrumentalisée et usée jusqu’à la corde… Ce n’est qu’en sortant du déni français et du mensonge algérien que l’on pourra justifier, auprès des opinions publiques des deux pays, une lutte contre le terrorisme pour une fois justifié et susceptible de remporter l’adhésion. »

            Un discours qui se situe hors de l’histoire réelle de notre pays, car les citoyens français ont eu beaucoup plus d’occasions d’être informés sur la guerre d’Algérie, que n’a l’air de le croire l’auteur de ce papier, y compris sur les aspects les plus noirs de la pacification, en particulier, par les soins du journal Le Monde.

         Comme de nombreux lecteurs de ce journal pendant la guerre d’Algérie, soldats appelés ou non, il m’est arrivé souvent de penser que le journal proposait trop souvent une information partisane, avec toujours la France en négatif.

        A la limite, il n’était pas interdit de penser que le « terroriste «  avait toujours raison, alors qu’il s’agissait au moins autant d’une guerre civile que d’une guerre franco-algérienne.

        En deuxième, le contenu de l’éditorial du 31 octobre 2014,

         Un contenu que je relierais volontiers à celui du sondage IFOP analysé plus loin sur la mémoire et l’histoire de cette guerre, et sur la grande ambiguïté que certains historiens entretiennent entre mémoire et histoire.

        Je cite :

     « Aujourd’hui encore, comment ne pas voir dans le refoulement de ce drame l’origine de ce que l’historien Benjamin Stora a appelé « le transfert de mémoire » : l’importation, en « métropole » d’une mémoire coloniale où se mêlent la peur du « petit blanc », son angoisse identitaire face à l’Islam, son racisme antimaghrébin et les  crispations identitaires antagonistes qui en résultent » :

     Rien de moins !

        Une nouvelle école mémorielle ou historique ? Après la guerre des mémoires, entre qui et qui, et avec quelle démonstration statistique ? Une nouvelle extension de la psychanalyse coloniale et postcoloniale grâce à un « transfert » jamais mesuré, et sans doute mesurable !

      Des historiennes et historiens se sont fait une spécialité d’une lecture de notre histoire coloniale à partir de concepts aussi étranges qu’une « mémoire collective », ici coloniale ou postcoloniale (voir Stora), jamais mesurée par voie d’enquêtes et de sondages, ou mieux encore d’un « inconscient collectif » toujours colonial ou post colonial ( voir Coquery-Vidrovitch et ), jamais non plus mesuré.

      J’ai déjà eu maintes occasions de dénoncer le discours idéologique et non « scientifique » de ces chercheurs, sans preuves.

        L’éditorial fait donc appel à un nouveau concept adopté par M.Stora « le transfert de mémoire ».

      Comme je l’ai demandé à maintes reprises sur ce blog, que ces grands lettrés aient le courage en effet de démontrer, statistiquement parlant, que les concepts d’explication avancés pour mieux connaitre la mémoire des citoyens, ont effectivement une réalité mesurée.

     Le 12 mars 2009, le journal Le Monde s’était prêté à ce même type d’explication, une affirmation sans fondement statistique, en s’associant à la Ville de Paris pour célébrer le slogan « Décolonisons les imaginaires », la vraie « propagande », celle-là !

    En troisième lieu, et enfin, Eurêka ! L’heureuse surprise d’une première mesure statistique de quelques-uns des aspects de la mémoire algérienne des Français, le journal propose à la page 9 les résultats d’une enquête d’opinion, intitulée :

« Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

Avec dans la marge :

« Rares sont ceux qui reprennent un vocabulaire de l’époque ou des qualificatifs symptomatiques d’une mémoire blessée »

      Cette enquête répond enfin, et  en partie, à cette demande de démonstration statistique.

            Sous le titre ambigu « Le poids de la mémoire pied-noire », le journal publie un graphique récapitulant le pourcentage de réponses à la question pour l’ensemble des français, et pour les sympathisants PS, UMP, FN :

        « Pour vous, personnellement, la guerre d’Algérie, c’est :

       L’arrivée des pieds noirs en France  (59% pour l’ensemble des Français), une guerre de libération pour un peuple colonisé (54% pour l’ensemble des Français),  le retour du général de Gaulle au pouvoir (41% pour l’ensemble des Français), une défaite pour la France (38% pour l’ensemble des Français), l’abandon des harkis (38% pour l’ensemble des Français).

        L’auteur de l’article fait état d’autres données statistiques qui ne figurent pas dans ces graphiques :

       « Acceptation globale. Autre preuve de ce regard distancé que portent aujourd’hui les Français sur ce conflit : l’acceptation de son dénouement par une assez forte majorité d’entre eux. Soixante-huit pour cent des personnes interrogées estiment ainsi que l’indépendance «  a été plutôt une bonne choses pour l’Algérie », tandis que 65% estiment qu’elle a été « plutôt une bonne chose pour la France ».

        L’auteur poursuit :

      « Frustration

       Restent un malaise et une frustration. Le malaise porte sur l’attitude de la France depuis la fin de la guerre d’Algérie…

     Et l’auteur note à cet égard une différence d’appréciation selon la couleur politique de gauche ou de droite,

     « Seule la question des harkis fait consensus, c’est-à-dire des Algériens favorables à l’Algérie française, fait consensus : à droite comme à gauche, plus de deux personnes interrogées sur trois estiment que « la France s’est plutôt mal comportée » à leur égard. 

            Quant à la frustration, elle porte sur la place accordée à la guerre d’Algérie dans l’espace public. De ce point de vue, les Français font une distinction  entre les médias et l’école. Dans les médias, cette place est jugée suffisante par 43% des personnes interrogées, mais insuffisante par 37% d’entre elles. A l’école, en revanche, 54% des personnes interrogées estiment qu’on n’en parle pas assez. Cette curiosité doit être vue comme une opportunité : combler cet appétit pour l’histoire est sans doute le meilleur remède aux plaies de la mémoire »

            Enfin une initiative positive ! Mais avec le souhait que Le Monde s’associe à nouveau à la Fondation Jean Jaurès pour passer à une autre étape de vérité, la mesure des mémoires dans la guerre des mémoires de M.Stora, du nouveau concept de « transfert de mémoire », et pourquoi pas ?

         Celle d’une soi-disant mémoire coloniale, algérienne et non algérienne, qui imprégnerait, encore, et au choix, la « mémoire collective » ou « l’inconscient collectif » des Français.

Jean Pierre Renaud

Un Président qui va de commémoration en commémoration… Plus de 50 ANS après la guerre d’Algérie !

Un Président qui va de commémoration en commémoration …

70 ans après le débarquement de Provence…

Plus de 50 ans après la guerre d’Algérie !

            Un président qui baigne dans l’histoire ou dans une com’ permanente sur  notre histoire nationale, pourquoi pas ? Faute de mieux ! En risquant de passer dans l’histoire comme le Président des Commémorations !

            La seule chose que j’ai retenue personnellement de tous les reportages, au-delà des nombreux autres symboles, et au titre des invités officiels de la France, la présence à ces cérémonies du Premier Ministre de l’Algérie.

            Je fais partie d’une famille dont les ascendants ont connu trois invasions allemandes, 1870, 1914, et 1939, et dont les descendants ont accepté plutôt facilement la réconciliation franco-allemande.

            Plus de 50 ans après la guerre d’Algérie, certains groupes de pression politiques ou idéologiques, sur les deux bords de la Méditerranée, continuent à empoisonner les relations entre la France et l’Algérie.

            Il est vrai que nous n’avons jamais eu l’ambition de transformer les Allemands en citoyens français !

            Jean Pierre Renaud