Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? Quatrième partie et fin

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ?

Quatrième et dernier mouvement du chemin d’analyse et de réflexion, comme  annoncé sur ce thème

Résumé et plein phare sur le cœur de cible historique, la « propagande coloniale »

Source, le livre  « Supercherie coloniale »

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En prologue

       De quelle histoire postcoloniale est-il question ? Celle racontée par le modèle de propagande Blanchard and Co !

       Il n’est évidemment pas dans mes intentions d’affirmer que cette catégorie d’histoire est représentative de l’histoire postcoloniale dans son ensemble.

        Il est superflu d’indiquer que je ne suis pas un historien de formation, mais que j’ai toujours été passionné par l’histoire. Je suis revenu vers l’histoire coloniale et postcoloniale, en grande partie par curiosité intellectuelle, pour compléter ma culture générale, mais tout autant, afin de mieux comprendre et juger les discours que tiennent certains historiens à la mode qui surfent sur une histoire postcoloniale qui dénature l’histoire coloniale.

       Mes études universitaires, puis les fonctions que j’ai exercées dans la fonction publique, m’ont inculqué une rigueur intellectuelle que je n’ai pas trouvée dans les ouvrages que j’ai analysés.

         L’histoire postcoloniale du modèle de propagande Blanchard and Co soulève maintes questions sur l’écriture de l’histoire postcoloniale, comparables à celles énoncées et analysées dans le livre de Sophie Dulucq « Écrire l’histoire à l’époque coloniale », un ouvrage qui a fait l’objet de ma lecture critique sur ce blog.

       J’y relevais notamment que la question de « servilité » de cette catégorie d’histoire se posait effectivement, mais par rapport à quel pouvoir ?

      Dirais-je en passant, qu’après avoir lu, et souvent annoté de nombreux récits publiés à l’époque coloniale, le plus souvent par des explorateurs, des officiers, des administrateurs, et par des spécialistes, j’en ai conservé le souvenir de récits d’histoire que je qualifierais de « brut de décoffrage », souvent bien rédigés, qui se contentaient de nous faire part des faits et observations de toute nature qu’ils effectuaient alors dans leurs pérégrinations civiles ou militaires ?

       Elles étaient loin d’être « fabriquées » et représentent encore de nos jours une sorte d’encyclopédie coloniale incomparable, fut-elle quelquefois ou souvent entachée d’un certain regard de supériorité blanche !

        Une encyclopédie écrite et en images, à consulter la multitude de croquis, de dessins, de cartes, et de photographies, un potentiel de récits et d’images qui ne paraissent pas avoir trouvé leur place historique dans les livres critiqués !

       La richesse de ces sources a été complètement mise de côté par ce collectif de chercheurs, qui ont choisi comme source historique un échantillon d’images de type métropolitain, supposé représentatif, ce qui n’est pas le cas.

      Est-ce que ces travaux d’histoire postcoloniale ne sont pas à ranger, comme tous les autres, dans la catégorie des histoires qui correspondent aux situations successives de l’histoire de France ? Avec toujours le cordon ombilical du pouvoir ou d’un pouvoir qui tient les manettes, l’Église et la monarchie, puis la République laïque et ses hussards, puis le pouvoir idéologique du marxisme, du tiers-mondisme, et de nos jours le multiculturalisme.

        La « servilité » est toujours omniprésente, et sert d’une façon ou d’une autre les pouvoirs régnant dans chacune des situations historiques décrites !

      De nos jours, il s’agit du marché médiatique auquel les éditeurs sont évidemment sensibles, tant ils ont de peine à rentabiliser les ouvrages en sciences humaines, en concurrence sur les réseaux sociaux, à tel point que la « mémoire »  remplace souvent l’« histoire » avec un grand H.

       La véritable question posée n’est-elle pas celle du pouvoir ou des pouvoirs de l’Université face à ces nouvelles concurrences ?

        En ce qui concerne les thèses d’histoire postcoloniale, et compte tenu de leur impact idéologique, pourquoi n’exigerait-on pas qu’elles ne soient pas frappées d’un secret de la confession qui enveloppe le travail et les conclusions des jurys, c’est-à-dire le manque de transparence sur la scientificité supposée de ces  thèses d’histoire ?

       Une suggestion pour finir ce prologue ! Pourquoi ne pas disposer d’un deuxième volet de l‘écriture de l’histoire à l’époque postcoloniale sous le titre « Écrire l’histoire à l’époque postcoloniale » ?

      Le lecteur trouvera ci-après un résumé récapitulatif des critiques qu’ont appelées de ma part les discours du « modèle de propagande  ACHAC-BDM », en mettant naturellement l’accent sur le dossier de la propagande coloniale.

         Ce type de récapitulation n’évitera évidemment pas quelques redites des analyses déjà publiées sur ce blog.

Jean Pierre Renaud  (JPR) –  Tous droits réservés (TDR)

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? – 1 – Ivresse des mots et mots-chocs

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IVRESSE DES MOTS  ET MOTS-CHOCS

         Avant d’aborder le cœur du sujet, pourquoi ne pas citer quelques-uns des  éléments du langage historique auquel il est fait appel ?

        Je rappelle que ces derniers ont été publiés dans les livres suivants : Culture coloniale (2003) (CC), La République coloniale (2003) (RC), Culture impériale (2004) (CI), La Fracture coloniale (2005 (FC), L’illusion coloniale (2006) (IC), avec pour références du « Colloque » de 1993 (C) et du livre « Images et Colonies (IC).

            Sommes-nous ici dans l’histoire coloniale ou dans la médecine de Molière ?

            Introduisons ce petit inventaire à la Prévert, en citant une phrase de La République Coloniale (p,144) : « long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés pendant la période coloniale. »

A la lecture des ouvrages cités, il est difficile de résister à l’avalanche de leurs mots ou d’expressions, vous invitant rarement au rêve, souvent en coups de feu, un florilège de mots et d’expressions franchement abstrus, pour ajouter à ce mot un qualificatif du grand Hugo, qualificatif aujourd’hui un peu pédant.

            Prenons le risque, non historique, de proposer cette esquisse, en laissant le soin aux spécialistes, aux lexicologues, d’effectuer un travail complet sur le registre de ces mots et expressions.

            Des mots en mal d’évasion ! « Le bain colonial » (C,p,14, Introduction Blanchard-Chatelier (p,14/C) (179/CC), une expression souvent utilisée, alors que dans son acception commune, un bain ne dure jamais très longtemps, sauf dans certaines industries. La profusion des métaphores, des paraboles, des allégories, et le fantôme permanent de l’Autre, toujours l’Autre, la figure indéfinie.

         Le lecteur se rappelle sans doute mon évocation du fandroana, le bain royal des Reines de Madagascar : s’agit-il d’asperger les lecteurs d’une eau lustrale postcoloniale ?

            Une autre formule se veut heureuse : « la colonie est propre, parce que lavée plus blanc ». (IC,p,255)

            Une formulation poétique, mais combien subversive ! « Evanescence idéale des femmes aux seins toujours nus, à l’épiderme foncé (IC,p,255). Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, sur la manipulation des cartes postales mauresques, sur la méconnaissance du nu africain, tout autant que de l’habillé que l’on trouvait aux mêmes époques en Indochine, à Madagascar, ou en Afrique.

            Il ne faut pas avoir lu beaucoup de récits d’explorateurs, d’officiers, ou d’administrateurs qui n’étaient pas obligatoirement « colonialistes », pour l’avoir constaté à maintes reprises. Je le constatais ces dernières semaines et à nouveau dans le récit de la Croisière Noire Citroën en 1924-1925.

            « Nudité, érotisme,… animalité… restent une constante de l’impensé blanc » (IC, p,255). Les blancs étaient donc tous des obsédés sexuels, en tout cas tous ceux qui se trouvaient aux colonies, même les missionnaires ? Pour assouvir leurs fantasmes sexuels ! Les bordels de métropole leur manquaient tant ?

            Si l’anthropologue Gilles Boëtsch feuilletait le livre consacré au dessinateur et peintre, en même temps que bon petit Français, Patrick Jouanneau « MarocAlgérie, Tunisie – Dessins-Aquarelles- Peintures » (Editions Baconnier/Copagic) », il trouverait sans doute ce livre très frustrant, faute de « Mauresques aux seins nus »

            Des mots et expressions en coups de feu !

       L’Agence des colonies (sa propagande) « inondait » (CC,p,139) – « stakhanoviste » (IC,p,230) – « marteler » (IC,p,230) – « pour déconstruire le récit de la République Coloniale » (RC, V) – « le révisionnisme colonial actuel » (RC,p,36) –  « l’impensé colonial » (RC,p,150) – « ce qui signifie que la pensée républicaine n’est pas ontologiquement coloniale » (RC,p,104) – « une société de l’antimémoire coloniale » (RC,p,147) – « la déconstruction des impensés » (FC,p,182) – « érotisation et prédation sexuelle » (FC,p,200) – « à la mémoire du sang qui a abreuvé les villages algériens » (FC,p,236).

            Quelques autres mots savants ou pédants, et décidément abstrus !

          Quelques perles tout d’abord ! « richesses (Chrématistique) », «  formes excessives de jouissance (pléonexia) » (FC,p,143) « les aspects les plus galliques » (FC,p,148) « le vacillement sémantique du mot jeune » (FC,p,280).

        Il y a de quoi effectivement vaciller !

            Dans la description historique supposée de l’époque coloniale : « un espace désormais quadrillé, contrôlé, normé (CC,p,179)- « l’idéal type de l’anthropophage (CC,p,149) – « la majorité des Français ont connu… à travers le prisme déformant de cette iconographie – il semble que ces images soient devenues des réalités… pour une majorité de Français qui ne doutent pas de leur véracité » (C,p,15, Introduction Blanchard Chatelier) – « la torture : elle fut consubstantielle de la colonisation dès ses origines » (RC,p,155) – « sur des dispositifs d’animalisation et de bestialisation de l’autre (FC,p,141) – « la perception de l’autre résulte d’un bricolage identitaire où la mémoire fonctionne comme  filtre » (FC,p,233)

        Comprenne qui pourra un langage aussi obscur ! Mais s’agit-il encore d’histoire ?

         L’ambition du trio d’historiens : « il est temps de décoloniser les images » (IC,p,8) – « et de déconstruire » (RC,p,9)

            Le résultat de la colonisation : « elle a fait rêver cinq générations de Français » (RC,p,11) – « il faut sortir de l’idée prégnante forgée par l’iconographie (IC,p,227) – « comment construire une mémoire ? » (RC,p,140) – « une réécriture de cette  histoire tronquée pour rendre compatible l’incorporation de la mémoire à l’imaginaire social » (RC,p,153) – « la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps » (FC,p,200)

         Ou Satan es-tu là ?

       « –Dans la partition sexuée de l’indigénisation contemporaine. » (FC,p,204).

         Tentons à présent d’entrer dans le corps du sujet, c’est-à-dire de plonger dans le « bain colonial » critique.

                 Jean Pierre Renaud   (JPR) –  Tous droits réservés (TDR)

Agit-prop postcoloniale contre propagande coloniale ? Exemples de critique historique : livres de la jeunesse et cinéma

Quelques exemples de critique historique, avant d’aborder le thème principal de la propagande coloniale.

         1 – Les livres de la jeunesse – Un sujet capital pour qui apprécie à sa juste valeur le formatage intellectuel qui peut en résulter, un formatage dont les « hussards noirs » de la Troisième République avaient fort bien compris le sens et l’importance.

        Les chercheurs de ce collectif développent à ce sujet un discours tonitruant qui tendrait à démontrer que l’école laïque de Jules Ferry aurait réussi à modeler l’imaginaire « colonial » des jeunes cerveaux au cours de la Troisième République :

      « Modeler l’esprit des écoliers. Les textes et plus encore les images des manuels scolaires de la 3ème République ont modelé l’esprit de plusieurs générations d’écoliers. » (CC/94)

       Seul problème, les travaux du Colloque savant ne permettaient pas d’en tirer une conséquence aussi simpliste, comme l’historien bien connu Gilbert Meynier le notait lors de ce colloque :

        « L’organisation de la propagande : en fait, sur un échantillon de quatre-vingt-sept manuels d’histoire, la part des colonies reste très modeste si elle ne régresse pas, comme l’a montré Patrick Haus (Mémoire de maîtrise, Nancy, 1990)-(IC, p,113)

      « Le même historien joignait à la page 124 une annexe 2 intitulée : « Pourcentage de la place des colonies dans les manuels d’histoire ». Les chiffres concordent avec ceux d’une étude faite par MM. Carlier et Pédroncini.

         Ces derniers auteurs avaient calculé que ce thème représentait quelques pour cents au cours de la période 1870-1940, dans l’enseignement primaire, supérieur, et secondaire.

        Dans les pas de l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, le même collectif faisait un sort au Petit Lavisse, le petit livre scolaire bien connu, mais les espaces consacrés au colonial, en textes comme en vignettes, représentaient dans l’édition de l’année 1930 moins de 5% sur un total de 182 pages : une culture coloniale à 5% ?

      Dans un  article intitulé « Les colonies devant l’opinion publique française », paru dans la Revue Française d’Outre-Mer, numéro 286, l’historien Charles Robert Ageron écrivait en 1990 :

       « L’étude des colonies avait certes déjà sa place dans l’enseignement, mais une place bien minime… Elle ne l’était pas à coup sûr pour forger cette mentalité coloniale ou impériale que souhaitaient les apôtres de l’idée coloniale »

        Il serait tout à fait intéressant d’avoir le même type de statistique  des livres scolaires patronnés par Sandrine Lemaire, et de mesurer les effets d’une déconstruction coloniale supposée. (Chap I, p, 31 à 63- Sup Col.)

       2 – Le cinéma colonial   Le cinéma colonial a-t-il bien existé et quelle place a-t-il occupée dans l’agenda du cinéma français de l’époque coloniale ?

       « Leur discours :

        Sous le titre « Rêver, l’impossible tentation du cinéma colonial » dans le livre Culture Coloniale, et dans la partie consacrée à la fixation d’une appartenance (après 1914) le critique de cinéma Barlet et l’historien Blanchard, en décrivant la situation du cinéma, écrivent :

         « En s’inscrivant dans la construction d’une  identité nationale, le cinéma colonial a de toute évidence puissamment contribué à la conceptualisation d’un  imaginaire en permanente évolution et encore à l’œuvre dans la France contemporaine. Il a surtout touché un vaste public qui, avec ces westerns coloniaux, va découvrir un monde, une épopée, un espace de conquêtes in connu. Une sorte d’initiation à la France coloniale, ludique et romanesque, où les rôles entre les « gentils » administrateurs, colons, médecins, missionnaires, légionnaires… et les « méchants indigènes » rebelles, fanatiques religieux… sont parfaitement répartis. » (CC, p, 122)

      J’ai souligné les expressions grandiloquentes ou trompeuses : « construction d’une identité nationale » : rien que ça !

       « Conceptualisation d’un imaginaire » dans ce cinéma colonial tout à fait limité en productions dans le temps et des espaces visités ?

      « Vaste public », alors que les deux auteurs se sont bien gardés de donner quelques chiffres documentés sur les films « coloniaux », en distinguant les époques, leur champ géographique, Maghreb ou Afrique, ainsi que les chiffres d’entrées de spectateurs qui ont pu être enregistrés dans les cinémas de l’époque.

       Plus loin, les mêmes auteurs écrivent : « La rhétorique du cinéma colonial découle d’un code proprement manichéen. » (CC,p,124)

        Plus loin encore : « Les schèmes coloniaux se déploient souterrainement dans les consciences, s’ancrent en silence dans les mentalités. «  (CC,p,183)

      Rien que cela ! Nous y voilà ! Le ça colonial !

      Ce qui n’empêchait pas le même historien, en 2005 de déclarer en toute cohérence intellectuelle et « sans doute » historique :

      A l’occasion du Cycle « Colonies » au Forum des Images, l’historien Blanchard a eu l’occasion de s’exprimer sur le cinéma colonial. Il y déclarait le 13 avril 2005 :

     « Toutefois il est certain que cette production est en marge du cinéma français, comme porteuse d’une malédiction en rapport avec le contexte de l’époque. Elle est donc peu diffusée, cachée, et même en grande partie « oubliée ».

      Le lecteur aura noté « oubliée », adjectif qui figurait dans le livre Boulanger. »

      Pierre Boulanger avait publié un livre fort bien documenté sur ce sujet, intitulé « Le cinéma colonial de l’Atlantide à Lawrence d’Arabie » (1975).

     Les lecteurs intéressés pourront consulter les pages que j’ai consacrées à cette critique que je concluais ainsi :

      « Et en conclusion, une grave insuffisance de chiffrage des pellicules et de leur audience comparative ! A croire que la nouvelle école de chercheurs est fâchée avec la statistique ! Absence complète d’évaluation de l’écho presse, ou radio à partir de 1935, que ces films ont reçu à chacune des périodes considérées ! » (Chapitre V, page 142, Sup Col)

     Et à partir d’un corpus très modeste, avant tout maghrébin, des affirmations et conclusions dont le lecteur pourra apprécier la pertinence, l’audace, sinon la mystification.

      Cette école de chercheurs a encore beaucoup de chemin à parcourir pour démontrer, et dans la rigueur de la recherche historique et du raisonnement, que le cinéma a été « un acteur de premier plan du mythe en construction de la culture coloniale en France ». »

JPR – TDR

Les Quartiers sensibles et le plan Borloo

A lire le contenu des propositions Borloo et des réactions suscitées, on voit bien que le dossier n’est pas encore bien arrimé, alors qu’il existe une attente importante de tous les acteurs de terrain, face aux enjeux à affronter.

            Borloo n’était peut-être pas le meilleur interlocuteur pour élaborer un nouveau programme d’action, car il fut beaucoup trop l’homme de la solution béton, laquelle souffrait d’une carence évidente d’action systématique et parallèle sur la réintégration de ces quartiers dans la vie républicaine française, touchant aussi bien à la sécurité, à la tranquillité publique, à l’action culturelle, sociale, et scolaire, à la formation professionnelle, qu’à l’emploi.

            C’est vrai qu’à lire les propositions Borloo, on a l’impression de consulter quelquefois un catalogue de gadgets, car l’homme politique a toujours fait preuve d’une imagination débordante, mais il ne faudrait pas que le sillon de solutions qui vient d’être à nouveau tracé ne permette pas de faire fructifier ces terres trop abandonnées de la République, et redonner l’espérance à ses habitants.

            En tout état de cause, et pour animer cette politique, le Président doit confier cette mission d’intérêt national à un élu de terrain qui a manifesté déjà compétence et intérêt pour cette politique exaltante, un ministre à temps plein, à compétence interministérielle, et doté d’importants moyens financiers.

            Cela vaut largement les challenges des Jeux Olympiques ou des Expositions Universelles ! 

            Ajouterais-je in fine que ce type de programme tout à fait républicain pourrait trouver partiellement un financement « éthique » en le faisant bénéficier des ressources de la Française des Jeux et du PMU !

                 Jean Pierre Renaud

Où va la France de Macron ?

  A suivre les coups de com’ politiques permanents du nouveau Président, à la suite d’une accession au pouvoir surprise, en mai 2017, il est évident que le citoyen est en droit de se poser la question : où va la France de Macron ?

          Coups de com’ politiques et « bombes » ?

          Dans le Figaro du 30 avril 2018, page 4 « Macron en tournée au bout du monde » :

        « Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on nie toute volonté de sa part de vouloir détourner l’attention de la contestation sociale. Il n’empêche, depuis quelques semaines déjà, le chef de l’État s’affiche en toute occasion. « Sa communication intensive des derniers jours était tout à fait volontaire, assure l’un de ses conseillers de l’ombre. Avec cette grande séquence internationale, il a organisé un « tapis de bombes » pour que l’on parle de lui. »

           Vous avez bien lu « un « tapis de bombes » ? On n’y va pas de main morte dans ce nouveau « milieu » de la com’ politique du « nouveau monde » !

            La France baigne dans un sorte de halo médiatique qui trouve toujours sa source dans le « système » médiatico-politico-culturel de la capitale, Paris, et dans la gouvernance technocratique d’une énarchie française omniprésente.

            Les dernières élections présidentielles se sont déroulées sur un fond de désarroi lié aux effets d’une mondialisation non régulée, d’une Union Européenne où personne ne sait qui exerce le pouvoir légitime, qui fait le jeu des minorités nationales et des paradis fiscaux, et à une sorte de décomposition de notre tissu national, démographique, religieux, politique, culturel, économique et social.

            Face à cette évolution délétère, les gouvernements de gauche ou de droite sont restés immobiles, ont montré leur incapacité à se réformer et à réformer les institutions du pays, avec la montée en puissance, à ses deux extrémités,  de la France des banlieues sensibles et des territoires ruraux laissés à l’abandon.

            La représentativité des corps intermédiaires, politiques, économiques, et sociaux,  nationaux ou locaux, a été très sérieusement mise à mal par cette évolution du pays, alors qu’ils ont longtemps constitué sa colonne vertébrale, tout en notant que les fondations communales et départementales y ont mieux résisté.

            L’élection du nouveau Président a été le produit politique inédit de cette situation à la fois fluide, floue, et critique, et il serait exagéré d’affirmer que le Président actuel ait été élu dans des conditions de représentativité bien supérieures à celle de certaines organisations syndicales ou patronales.

            Face à cette décrépitude, et dès qu’il a été élu, le Président actuel n’a eu de cesse que de saper les quelques bases encore solides, mais fragiles, de ces représentativités, les colonnes du temple de la République Française.

          Une fois élu, et au lieu de négocier un accord de gouvernement avec les partis politiques sauvés des décombres, il a tout fait pour les affaiblir, les détruire, alors que la Constitution Française reconnait de façon claire et précise le rôle des partis politiques : le sien n’existait pas.

          Tout au long des derniers mois, et au fur et à mesure que le Président déroule son programme  de réformes, son gouvernement n’a pas montré beaucoup  de zèle pour  jouer le jeu des organisations politiques et sociales, et faire avancer des solutions sans chercher à les affaiblir, alors qu’elles constituent à l’évidence des éléments importants de la cohésion du pays.

            Le déluge des réformes, ordonnances, lois ou décrets, crée le trouble et l’inquiétude  dans la plupart des compartiments de la vie nationale, une ambiance de vie au jour le jour, et pose deux questions : quelle est la stratégie politique de ce Président, et quelle est la hiérarchie de ses objectifs ?

          L’épreuve de vérité risque fort d’arriver en fin d’année ou au début de l’année prochaine, lorsque les Français et les Françaises entreront dans le tunnel financier de deux autres réformes capitales, le prélèvement fiscal à la source et la suppression de la taxe d’habitation, les deux nouvelles usines à gaz politiques et administratives simultanées qui provoqueront inévitablement incompréhension, mécontentements, et contestations.

        La suppression de la taxe d’habitation ? Telle qu’annoncée successivement, il s’agit d’une mesure démagogique, aux effets mal évalués, confiscatoire des pouvoirs des collectivités locales, et une parfaite illustration de l’adage populaire « mettre la charrue avant les bœufs ».

           S’il est évident qu’il convient de réformer la fiscalité locale – cela fait plus de trente ou quarante ans que les gouvernements sont restés quasiment l’arme au pied -, il est non moins évident que la promesse gouvernementale, maintes fois répétée, de compensation à l’euro près, ne vaudra que pour les citoyens qui y croient.

          Compte tenu de notre histoire et du montant phénoménal de la dette publique, qui peut croire qu’en cas de tsunami sur les marchés financiers, et faute de pouvoir dévaluer l’euro, comme c’était le cas pour le franc, l’Etat tiendra ce type de promesse ?

            Enfin, un mot sur l’Europe ! L’objectif numéro 1 de la France et de l’Europe doit être à l’évidence celui du renforcement de l’Union européenne des pays qui partagent vraiment les mêmes objectifs.

          Pourquoi ne pas s’inspirer des solutions quasi-opérationnelles proposées par Christian Saint Etienne dans son livre « Osons l’Europe des nations » ?

            Jean Pierre Renaud

Laïcité et République Française, la laïcité est le gage de la paix civile !

En écho aux déclarations du Président devant les évêques de France, le 8 avril 2018…

Laïcité et République Française, la laïcité est le gage de la paix civile !

            Il s’agit d’un sujet auquel je suis particulièrement sensible et attaché pour de multiples raisons que je vais rapidement évoquer.

            Des raisons familiales tout d’abord : petit enfant d’une famille grand-paternelle issue du Plateau de Maîche, dans le massif du Jura, dans ce que certains commentateurs baptisèrent alors du nom de « Petite Vendée », ma famille s’illustra dans la bataille de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, en luttant contre les inventaires des églises.

            Arrêté comme meneur de la révolte du Russey, mon grand-père paternel, éleveur sur ce plateau, fut arrêté par la gendarmerie et fit un séjour de quinze jours de prison à Montbéliard.

            Ses convictions religieuses ne l’ont évidemment  pas empêché, comme citoyen, de trouver naturel que ses quatre fils fassent leur devoir de citoyen pendant la guerre de 1914-1918 : le plus jeune, gravement blessé,  mourut la veille de ses vingt ans, et parmi les trois autres, l’un fut gazé, le deuxième mutilé, et le troisième plusieurs fois blessé.

            Je n’ai généralement pas l’habitude d’exposer ma vie privée, mais les circonstances actuelles m’appellent à le faire, compte tenu de l’irresponsabilité généralisée qui semble dominer le débat sur la laïcité.

            Tout en comprenant plus tard les raisons de l’opposition de ma famille paternelle à cette époque, je n’ai jamais partagé leur opinion, car tout au long de ma jeunesse, de mes études, de mes expériences professionnelles à l’étranger ou en métropole, j’ai eu maintes occasions de me féliciter de l’existence de cette loi.

            Dans le Pays de Montbéliard, terrain tardif de lutte entre les catholiques et les protestants, j’avais vécu au quotidien, plus de cinquante ans après la loi, les difficultés et les fragilités de leur cohabitation religieuse, d’autant plus que la présence de deux temples protestants, témoins du lointain passé allemand du pays, attestait de la force des liens protestants luthériens et calvinistes.

            Ajouterais-je qu’au cours de la première moitié du vingtième siècle, la communauté protestante avait sans doute  ressenti, dans une partie de ses éléments, la nouvelle présence catholique venue d’une immigration de proximité comme une sorte d’invasion.

          Vous n’y verriez pas un rapprochement avec la perception qu’une partie de la population de ce Pays ressent de nos jours à l’endroit d’une immigration musulmane relativement importante, souvent venue de loin ?

         Dans les années 60, qui dans ce Pays avait fait connaissance avec l’Islam ? Alors qu’au cours des dernières années, cette dernière religion a introduit dans notre pays une source incontestable de contestation, de division, de fragilité, à partir du moment où la religion islamique n’a pas encore reconnu, si cela arrive un jour, le précepte d’après lequel ce qui est à César est à César, et ce qui est à Dieu est à Dieu, c’est-à-dire la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

      Rappelons que pour une majorité de musulmans, il n’existe pas de séparation entre les domaines religieux et civil, comme ce fut longtemps le cas chez nous.

         Il y a quelques années encore, à l’occasion d’un mariage, j’avais recueilli le témoignage d’un couple mixte, mari catholique et épouse protestante, dont le mari avait fait l’objet d’une exclusion de l’Eglise catholique à la suite de leur mariage dans les années 1960.

        Je n’ignorais pas non plus le lourd passé de nos guerres religieuses qui ont ensanglanté la France pendant des siècles, et l’Eglise catholique, apostolique, et romaine serait bien inspirée de ne pas l’oublier. J’en donnerai un exemple historique en annexe de ce texte.

 Des raisons culturelles et professionnelles :

          Au cours de mes études, j’avais été sensibilisé aux problèmes de l’athéisme et des religions du monde, aux conceptions de l’islam, de l’hindouisme, du bouddhisme, du confucianisme, du shintoïsme, ou de l’animisme, mais c’est au cours de mes séjours en Afrique noire et en Algérie, que j’ai eu véritablement l’occasion de faire connaissance avec l’emprise de l’islam, de moins en moins rigoriste en Afrique noire, en descendant du Sahel vers la côte, cette dernière étant encore le terrain d’une profusion de croyances animistes aux prises avec l’islam et le christianisme.

        Cet islamisme mâtiné de l’influence de nombreuses confréries, telle celle, puissante, des Mourides au Sénégal, était très différent de celui de l’Algérie, plus structuré. Pourquoi ne pas noter que dans les pays d’influence musulmane, leurs lettrés considéraient que les blancs étaient des « nazaréens », c’est-à-dire des infidèles, pour ne pas dire des mécréants ?

      Dans son livre, «  La France en terre d’islam », Pierre Vermeren  a fort bien analysé les relations que le pouvoir colonial entretenait avec le monde musulman.

      Dans la plupart des cas, il s’instaurait une sorte de tolérance respective et bienveillante entre les deux pouvoirs, les religions étant considérées comme faisant partie des coutumes qu’il convenait de respecter, car il n’était évidemment pas question d’instaurer la laïcité.

      Il en fut à peu près de même en  Algérie, sauf que dans ce pays, et cela changeait déjà tout, les Européens y constituaient une très forte minorité dominante.

     Sur le long terme, chacun vivait ses convictions religieuses de son côté, pour autant qu’elles existaient. Pierre Vermeren  décrivait dans son livre « Une contre-société coupée de l’Algérie française » (p,218)

      La guerre d’Algérie a plutôt renforcé cette « contre-société ».

     Récemment, plus d’une centaine d’intellectuels de France ont dénoncé le « séparatisme » musulman, comme s’ils découvraient un problème qui a toujours existé et dont les conséquences ont été régulièrement renforcées avec l’immigration : l’islam de France n’a jamais accepté la séparation des Eglises et de l’Etat, ne serait que parce que l’expression « Islam de France » n’a pas de traduction doctrinale et institutionnelle, ou ce qui est plus grave, ne peut pas en avoir, dans un contexte théocratique.

      Dans notre pays, le citoyen a quotidiennement la preuve que les responsables politiques découvrent toujours, après coup, la nature des problèmes  à résoudre.

       En 2012, j’ai publié sur ce blog une petite analyse du livre de John R Bowen, intitulé «  L’Islam à la Française », résultat d’une enquête qu’il avait effectuée dans tous les compartiments de cette religion. Ses diagnostics étaient concluants : à cette lecture, il était clair que le plus grand désordre régnait dans les institutions supposées de la nouvelle religion « française », sa doctrine ou ses doctrines, une organisation faite d’improvisation et  d’amateurisme religieux et prosélyte nourri d’internet. (blog des 19/10/12, 7/11/12, et 15/07/17)

      L’auteur notait, de façon peut-être optimiste, qu’il semblait exister des chemins de rencontre entre l’Islam à la Française et les institutions de la République.

      Il est évident que l’éphémère Califat de Raqqa, les nouvelles guerres du Moyen Orient, les attentats commis en France (Assassinat du père Hamel et du colonel Beltrame, et de beaucoup d’autres victimes) et en Europe, ont changé la donne, et fait craindre les initiatives répétées et mortelles d’un Islam radical.

        Le récent appel de plusieurs centaines d’intellectuels condamnant le nouvel antisémitisme qui sévit en France sonne le tocsin, et ces violences légitimement dénoncées trouvent évidement des aliments dans la démographie actuelle de la France et dans la paralysie persistante qui empêche la naissance d’un État Palestinien.

La problématique actuelle :

       De nos jours encore, le sujet est à nouveau inflammable, à voir les réactions qu’a suscitées le discours d’un Président de la République à la dernière Conférence des Évêques de France, en affirmant  vouloir restaurer « le lien abîmé entre l’Église et l’État » une expression ambiguë qui a donné l’occasion à certains groupes de pression influents de condamner le propos.

      Il est évident que l’arrivée d’une nouvelle religion chez nous, l’Islam, et d’autres mouvements culturels divers d’origine étrangère, prônant souvent un multiculturalisme niveleur et relativiste à la mode, ont agité la société française tout au long des dernières années, comme ils ont interpellé à maintes reprises notre système républicain de séparation des pouvoirs entre les Églises et l’État.

       Il est non moins évident que l’Islam de France n’a pas encore réussi, pour autant qu’il le puisse, à accepter une séparation des pouvoirs méconnue par la religion professée.

       De son côté, l’Église catholique a quelquefois adopté des positions qui remettaient en cause une conception trop rigide, à ses yeux, de la laïcité.

     Les rapports historiques qui ont été ceux de l’Église catholique avec le pouvoir politique devraient l’inciter à faire preuve de réserve, sinon de prudence, car, à dire la vérité, la fameuse loi de séparation de l’Église et de l’État constitue pour elle un rempart auquel il ne faut pas toucher.

       Que les institutions ecclésiastiques laissent le soin à l’État de faire son métier, c’est-à-dire appliquer cette loi, et de faire en sorte que de nouvelles formes de théocraties avouées ou masquées ne viennent pas empiéter sur le domaine public !

         De leur côté, les défenseurs de la laïcité n’ont pas toujours fait preuve du même élan que leurs ancêtres pour défendre la laïcité, en menant le combat contre les prières dans les rues, le port du  voile dans les établissements scolaires publics, la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes, le refus de serrer la main des femmes, la venue d’imams étrangers dans les nouvelles mosquées, leur financement par des puissances étrangères, etc…

       Les silences d’une franc-maçonnerie jadis puissante dans l’Afrique coloniale et en métropole ont été assourdissants : elle se réveillerait enfin ? De même que certains partis politiques plus soucieux d’engranger des suffrages que de défendre le bien commun ?

       « Grand-Orient : « L’esprit de la loi a été mis à mal » (Le Figaro du 11/04/18,  page 3)

       Est-ce que la société maçonne a toujours été aussi réactive face aux nombreuses dérives de la religion musulmane sur le terrain public ?

     Je n’ai pas l’impression non plus que tous les mouvements d’action féministe aient toujours mené un combat permanent et efficace contre la condition inégalitaire faite trop souvent à des femmes d’origine musulmane.

       A plusieurs reprises sur ce blog, et à titre d’exemple, j’ai rappelé le combat nécessaire contre l’excision de jeunes filles d’origine africaine, dont le nombre représenterait encore dans notre pays de plus de 60 000 femmes,  plus de soixante ans après les indépendances coloniales (voir article Ondine Debré, Le Monde du 22/12/2016).

&

En petite annexe pour la France de la mémoire courte, un petit rappel :

Les guerres de religion en France

« Le vrai, le faux et la fin de l’histoire », par Jean d’Aillon dans son livre « « Béziers, 1209 » page 591

            Dans plusieurs de ses livres, l’auteur a décrit les guerres intestines de cette France du XIIIème siècle, et notamment les guerres religieuses qui ont été menées contre les Cathares, considérés par l’Église romaine comme des hérétiques. A ce titre, ils étaient persécutés, et sauf abjuration de leurs croyances, assassinés et brûlés.

            Le livre « Béziers, 1209 » décrit toutes les horreurs de ces guerres, résumées dans la prise de Béziers qui connut alors toutes les violences imaginables, qu’il s’agisse d’enfants, de femmes ou d’hommes, combattants ou non, commises à l’instigation des institutions religieuses, d’alliés laïcs, et d’une foule de ceux qu’on appelait les ribauds ou les ribaudes, c’est-à-dire des hordes de manants prêts à tout.

        Afin d’illustrer ces tragédies, je me contenterai de reproduire le texte de la relation (page 591) qu’en fit le pape Innocent III, lequel « approuva sans réserve le sac de Béziers » :

      « Bien que les citoyens de Béziers eussent été scrupuleusement avertis par nous et par leur évêque et que nous leur eussions ordonné, sous peine d’excommunication, soit de livrer aux croisés les hérétiques avec leurs biens, soit, s’ils ne pouvaient pas, de sortir eux-mêmes de la ville, sans quoi ils partageraient le sort des hérétiques, ceux-ci pourtant n’obéirent pas à nos sommations et à nos demandes ; bien plus, ils convinrent par serment avec les hérétiques de défendre la ville contre les croisés.

       Le jour de la Sainte-Madeleine, la ville fut assiégée un matin. Par la nature du lieu, par ses forces et ses provisions, elle semblait suffisamment munie pour pouvoir résister longtemps à n’importe quelle armée. Mais, comme aucune force ni aucun dessein ne peut s’opposer à Dieu, tandis que l’on parlementait avec les barons pour libérer ceux de la cité qui semblaient catholiques, les ribauds et d’autres personnes viles et sans armes, sans attendre l’ordre des chefs, lancèrent l’attaque et, à l’étonnement des nôtres aux cris de « Aux armes, aux armes : », en l’espace de deux ou trois heures, les fossés et la muraille franchis, la ville de Béziers fut prise.

        Les nôtres, sans regarder l’état, l’âge ni le sexe, passèrent au fil de l’épée presque vingt milles hommes. Après cet énorme carnage des ennemis, toute la ville fut pillée et incendiée, la vengeance divine se déchaînant miraculeusement contre elle. »

      « D’autres contemporains parlèrent de soixante mille morts. »

      Jean d’Aillon, « Béziers 1209 » (pages 591,592) 

        Heureusement, et depuis, les Églises chrétiennes ont retrouvé leur vrai visage d’amour et de paix, mais il n’est jamais bon d’oublier son histoire, fut-elle déplaisante, encore moins de nos jours, alors que sont semées dans notre pays les premières graines de nouvelles guerres de religion.

         Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés

La circoncision en Islande : décryptage !

Pourquoi décryptage ? Car les médias adorent le mot et la nécessité de décrypter, de tenter de comprendre ce qu’ont voulu dire ou écrire confrères et consœurs, alors que chacun sait qu’ils se tiennent presque tous par la barbichette… redevenue d’ailleurs à la mode.

            Comment décrypter dans le Figaro des 28 et 29 avril 2018, à la page 8, deux articles sur une moitié de page, avec pour titres : « L’Islande voudrait interdire la circoncision » et « Lewin : «  Il ne faut pas faire d’amalgame avec l’excision »

Curieuse idée que celle de l’Islande, cette petite île des mers du nord, alors que la circoncision a dans beaucoup de civilisations une signification religieuse, culturelle et sociale à laquelle leurs peuples restent attachés !

        Cette signification dépassait et dépasse encore souvent une croyance religieuse, juive ou musulmane, même si les lettrés d’Afrique noire dénommaient les blancs, au choix de « nazaréens » ou d’« incirconcis ».

        La circoncision était une fête coutumière de classe d’âge, et correspondait à une cérémonie importante d’initiation, de symbole du passage des garçons à l’âge adulte, une cérémonie célébrant l’esprit de solidarité collective de cette classe d’âge qui nous fait peut-être défaut de nos jours.

        A Madagascar, la grande île de l’Océan Indien, sur les plateaux, la circoncision était une coutume importante, car, avant d’être circoncis, un garçon n’était pas considéré comme un homme.

          « … le prépuce coupé est placé entre deux tranches de banane mûre et avalé sans être mastiqué par l’un des oncles (consanguin ou utérin) de l’enfant. » ( Louis Molet L’Homme-1976- p,33-64)

          Terminons en indiquant que l’incidence sanitaire de l’opération n’est pas à négliger !

          Certains n’ont pas manqué de se demander si les Islandais n’avaient pas plutôt en tête d’interdire le trafic de prépuces de poissons ?

         En ce qui concerne l’excision, un sujet autrement sérieux, les lecteurs connaissent mon opinion sur cette forme de barbarie.

         Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propoagande coloniale ? « Fragments du jeu académique postcolonial » par Vincent Chambarlhac

L’ACHAC/BDM, fausse ou vraie sirène postcoloniale ?

Le moteur d’une subversion postcoloniale.

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La sirène ACHAC/BDM

« Fragments du jeu académique postcolonial (à propos d’un collectif, l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine, ACHAC)

Vincent Chambarlhac – CAIRN INFO

            « Pour emblématique qu’il soit, le débat sur l’article 4 de la loi du 23 février 2005 vaut palimpseste, effaçant parce que le réécrivant le texte des polémiques intellectuelles qui contribuèrent à la structuration de la controverse coloniale. Partant, il ne s’agit pas pour autant de restituer un sens caché à ce débat (1), mais plutôt d’évoquer à grands traits un faisceau de pratiques universitaires, éditorialistes et militantes qui concourent à cette structuration dont le nœud gordien serait le lien tissé entre le passé colonial et le présent républicain. Soit l’irruption  des postcolonial studies dans le champ académique. Si l’essentiel de mon propos vise à restituer à une part des acteurs de ce débat leur rôle singulier, le politique dans sa version parlementaire et partidaire demeure en hors-champ de l’analyse. Dans la genèse intellectuelle du débat, ces jeux d’acteurs se saisissent à mes yeux dans l’horizon du postcolonialisme comme enjeu conceptuel simultanément universitaire et militant, à l’orée des années 1990 dans le monde anglo-saxon (2), aujourd’hui en France. Embrasser l’ensemble du champ français du postcolonialisme outrepasse évidemment le cadre de cet article : il se restreint à la part active prise dans le développement de ce champ par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et plus largement le collectif qu’est l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC) dans son lien avec l’histoire contemporaine. Dans l’historiographie française, leurs publications, et les stratégies qui les animent, constituent à mes yeux une part des débats en cours sur le postcolonial.

            L’hypothèse d’un transfert culturel ouvre l’analyse : elle n’est pas inédite, reprend un argument souvent brandi dans les débats. Cette hypothèse débouche sur la saisie de deux logiques complémentaires. L’une se situe aux confins des pratiques universitaires et médiatiques ; elle désigne autant un projet qu’une manière de se situer dans le champ de l’histoire universitaire. La seconde désigne l’appropriation politique de la problématique postcoloniale dans l’espace public, et postule que celle-ci participe de l’inscription du postcolonial dans le jeu académique. Toutes deux signalent des lieux et des passeurs par quoi et par qui les débats adviennent, se structurent et s’arriment au champ historique dans la récurrence des polémiques.

L’HYPOTHÈSE D’UN TRANSFERT CULTUREL

        «Sur le fond, ce qui se joue dans ce débat sur le fait colonial tient à ce que l’histoire de ce passé fait aux universaux républicains. Cette position travaille finalement peu le monde colonial : seule importe la métropole. Lié au présentisme des enjeux mémoriels, ce questionnement de la République à partir du fait colonial convoque les apports des postcolonial studies anglo-saxonnes. Ce mouvement, qui commence à partir du débat des années 1990, se déploie à partir de la culture comme objet. Significativement, l’une des premières manifestations de cette irruption des problématiques des postcolonial et cultural studies dans l’historiographie française est la longue recension que Christophe Prochasson donne de l’ouvrage d’Hermann Lebovics pour les Annales HSS (3) ce livre est finalement traduit chez Belin en 1995. Pour Christophe Prochasson, « le retour à une histoire politique passe par la publication » de tels ouvrages (4). C’est dans la conjoncture du renouvellement de l’histoire politique par l’histoire culturelle que se déploient l’appel aux travaux anglo-saxons et, dans le cas présent, la question du postcolonialisme. La situation peut se lire dans la problématique de l’appel au profane : en recourant aux travaux anglo-saxons, une partie des historiens français se distingue dans la reconfiguration en cours du champ historiographique par l’histoire culturelle (5)…

        On peut ainsi risquer l’hypothèse, à propos de la question coloniale, d’un transfert culturel paradoxal… L’irruption des thématiques propres au postcolonial studies bouscule en partie l’histoire du fait colonial naguère pratiquée à partir de l’histoire politique et de l’histoire sociale. Déplaçant sur le sol métropolitain la prise en compte du fait colonial, elle fragilise l’équilibre des découpages jusque-là dominants où l’histoire coloniale occupait un secteur historiographique marginal.(6) Cet appel au profane présuppose l’hybridation des synthèses prévalant, multiplie les controverses possibles puisqu’elle postule dans la trame du national (réduite spatialement au métropolitain) la part du colonial, soit l’argument emblématique des racines coloniales de la république au sens de l’histoire politique.(7)…

          Ici, le rôle de l’ACHAC et des publications qui lui sont liées paraît déterminant. Son action se déploie à la charnière de ces deux logiques. L’une est militante et universitaire ; éditoriale la seconde se marque davantage à partir de 2003 des  signes propres au spectaculaire. Cumulées, ces logiques concourent simultanément à la légitimation universitaire d’une part des travaux d’un collectif au titre du postcolonialisme, et à l’évidence prescriptive de ces thématiques dans l’espace public. Dans son rapport à la société, l’historien parait ici thaumaturge puisque légitimant scientifiquement les nécessités d’une politique de la reconnaissance ; dans son rapport l’historiographie, l’historien paraît là challenger. La possibilité des polémiques et l’impossibilité des controverses naissent de ce positionnement singulier. » (11)    

         Commentaire :   

         Ce quime frappe dans cette analyse fort intéressante du type de problématique historique ou mémorielle rencontrée,  de la nature d’historicité racontée, c’est en arrière-plan, la question d’une historicité légitimée par sa scientificité, et dans le cas présent sa représentativité, sa validation dans une histoire quantitative dans le contexte historique métropolitain de la période coloniale, dénombrement des vecteurs et de leurs effets, mesure de la mémoire « coloniale » post-indépendance,  et d’un transfert supposé entre populations.

        Transfert culturel ou politique, pourquoi pas, mais comment en effet tirer une conclusion, une prescription, à partir du moment où les historiens, les sociologues, les anthropologues, les politologues, et ici les sémiologues, « bâtissent » une histoire ou une mémoire, en fondant   interprétation, mais pis, « prescription », sans évaluation scientifique des sources de validation ?

       Car, tel est bien le cas du discours pseudo-historique tenu par ce collectif.

        Les lecteurs de ce blog qui ont eu la curiosité de lire mes analyses des œuvres d’Edward Said, ont constaté que je posais la question de base du « quantitatif », à savoir si les « structures d’influence » supposées avaient été effectivement mesurées. Indiquons en passant que les travaux d’Edward Said se situent à un autre niveau d’exigence intellectuelle que ceux de ce collectif.

        L’auteur poursuit :

       « Une trajectoire historiographique

        L’ACHAC participe depuis 1989 d’une manière souvent déterminante à la promotion du concept de culture coloniale. La structure de l’association articule le monde de la recherche (Bancel, Blanchard et alii), des écrivains (Daeninck), des cinéastes et des artistes militants, et reproduit en partie la morphologie anglo-saxonne des postcolonial-studies. Son action repose sur des supports variés : l’exposition, le livre, l’article, le documentaire vidéo, la radio…  A l’ACHAC, on peut adjoindre, au moins pour son savoir-faire l’agence les Bâtisseurs de mémoire créée par Pascal Blanchard qui considère l’histoire comme un vecteur de communication au service des entreprises. Les travaux de l’ACHAC ont graduellement balisé l’irruption des thématiques postcoloniales. Ils se déportent progressivement de l’Afrique à la métropole, interpellant alors la République par le biais de la question coloniale. »

         Commentaire :                  

       Le texte ci-dessus est intéressant parce qu’il pose  plusieurs problèmes : – sur le qui fait quoi entre l’associatif, ou le public, et le privé, c’est-à-dire sur le mélange des genres, d’autant plus que Pascal Blanchard était répertorié dans un laboratoire du CNRS de Marseille ?

  • Sur le sens à donner à la dernière phrase sur le déport progressif de l’Afrique à la métropole… par le biais de la question coloniale »   

      A proprement parler, le déport n’a pas été fait de l’Afrique à la métropole, mais de la métropole à la métropole, à partir d’un corpus de représentations coloniales diffusées en métropole, des représentations qui n’avaient pas été manipulées par le Colloque savant de janvier 1993, comme le fit l’ACHAC.

        L’auteur découpe trois étapes :

       « Trois étapes marquent ce processus

        Dans une première phase, les travaux de l’ACHAC procèdent de la mission fondatrice de l’association, organisant autour de la bibliothèque de documentation internationale (BDIC) et de ses fonds des expositions sur l’Afrique coloniale. Le choix d’une entrée par la culture coloniale implique l’étude des représentations métropolitaines sur le fait colonial. Le catalogue d’exposition prend ainsi comme cible la propagande coloniale, mais aussi dans le sillage d’Edward Said, le regard des Occidentaux sur l’Orient, et ce jusqu’en 1962. L’empire colonial français fut également en 1997, l’objet d’une exposition.

       A partir de ce capital, une inflexion décisive se dessine avec la publication d’un ouvrage collectif consacré aux zoos humains. Ici, la traduction spatiale s’achève. La métropole seule importe comme cadre géographique des représentations coloniales, et la séquence chronologique embrassée par le titre (De la Vénus hottentote aux reality shows) signifie la pertinence d’une grille de lecture postcoloniale. Ce travail sur les zoos humains fut préparé par la publication d’un ouvrage portant sur la continuité de l’indigène à l’immigré. Les travaux d’Abdelmalek Sayad innervent cette problématique. L’essentiel de cette translation tient à sa dimension anthropologique où les représentations du corps, ses usages, deviennent le lieu déterminant de l’analyse. La problématique se noue à la discrimination positive, où le corps vaut marqueur social ; elle établit également un pont avec la question de l’esclavage. Au cours de cette seconde étape, l’approche s’institutionnalise scientifiquement par la création du groupe de recherche GDR CNRS 2332 « Anthropologie des représentations du corps » créé en janvier 2001 dans lequel entre l’Agence des Bâtisseurs de mémoire, représentée par Pascal Blanchard et Eric Deroo. Au cours de cette seconde étape, les problématiques employées se resserrent, à partir du concept de culture coloniale, sur la question du rapport à la métropole en termes de représentations. Les objections de Claude Liauzu à ces travaux désignent cette réduction du fait colonial au seul registre des représentations métropolitaines. A ce stade également, l’argument de la culture coloniale s’entend dans la configuration plus ample du succès d’une histoire des représentations dans le champ historique où Sylvain Venayre décèle la fin de la soumission du monde mental au social. Le propos de Claude Liauzu procède en partie du refus de cette fin, comme d’une historiographie aux paradigmes érigés avant le tournant culturaliste.

        La troisième étape voit la systématisation de cette entrée sur le fait colonial maintenant placé au cœur du récit national républicain. L’argument d’une République coloniale publié sous forme  d’essai prolonge la trilogie des Editions Autrement sur la culture coloniale. La publication en 2005 de l’ouvrage consacré à la culture coloniale clôt momentanément cette étape. Avec ce dernier opus, la grille postcoloniale se donne comme une clé d’explication possible de la question sociale contemporaine…Cinq ans plus tard, le volume Ruptures coloniales. Les nouveaux visages de la sociétéfrançaise  procède du même mouvement…

            Cette relecture de l’histoire politique au miroir du colonial emprunte nombre de ses arguments au questionnement des colonial studies anglo-saxonnes comme en  témoignent les entrées de Ruptures postcoloniales. Les racines intellectuelles d’un collectif s’affirment face à la polémique dans le champ scientifique ouverte par l’irruption de ce postcolonialisme académique.

      Ainsi ramassée, cette trajectoire historiographique nouée autour des publications de Nicolas Bancel et de Pascal Blanchard montre comment ceux-ci peuvent apparaître comme des passeurs dans le cadre d’un transfert culturel des problématiques postcoloniales. Peu à peu autour de leurs publications, s’ébauche un système éditorial qui construit progressivement leur position dans le champ universitaire à partir d’une critique sans cesse plus resserrée des représentations républicaines. En ce sens, leurs travaux s’apparentent à l’émergence d’une nouvelle génération de  chercheurs légitimant ces nouveaux champs de recherche par l’appel aux cultural studies. Les controverses universitaires suscitées par ces travaux construisent également par leur médiatisation, la réputation de ces chercheurs. Cette stratégie part des marges de l’institution universitaire (l’ACHAC, l’agence les Bâtisseurs de mémoire), elle trouve des points d’appui dans le monde universitaire anglo-saxon et se nourrit de chantiers proches tel celui de l’esclavage pour proposer in fine une autre écriture du récit républicain. Ce système éditorial ne set pas seulement cette position historiographique. La stratégie qui anime son progressif développement structure pour  partie la réception des problématiques postcoloniales dans l’espace public, ouvrant ainsi intellectuellement la voie à une appropriation large de ces travaux, questionnant le rôle social de l’historien dans la CitéLes enjeux politiques de l’histoire coloniale (de Mme Coquery-Vidrovitch , sorte de marraine de guerre idéologique de Pascal Blanchard ne cessent ainsi de scander dans l’espace public la question du postcolonialisme depuis 2005. Nécessairement celle-ci n’est donc pas uniquement académique, accolant ainsi systématiquement à la figure du chercheur celle du militant. L’assomption des propositions historiographiques de l’ACHAC tient à ce moment politique où la colonisation est convoquée dans l’espace public.

             Commentaire :

             Comparé à ces historiens entrepreneurs d’un nouveau genre, et pour les initiés, l’historien Lavisse était un ange !

        Il faut dire les choses, et pas à demi-mot, face à beaucoup de ces chercheurs qui ignorent beaucoup de choses, sur l’histoire coloniale et postcoloniale, mis à part le cas de l’Algérie, grâce, entre autres, au zèle médiatique et mémoriel de Benjamin Stora, animateur du modèle de propagande des Raisins Verts, que j’ai qualifié ainsi dans une de mes chroniques, l’agit prop d’un nouveau Trotskisme, faute de l’autre !

        Est-ce qu’ils ne sont pas définitivement fâchés avec les chiffres, ceux de l’histoire quantitative ? Ont-ils eu la curiosité, comme je l’ai fait, de tenter de mesurer l’activité des vecteurs d’une culture coloniale supposée, ainsi que de leurs effets qui n’a jamais existé ?

        Histoire, mémoire ou plutôt politique, car ce collectif fait semblant d’ignorer l’importance des flux d’immigration régulière et irrégulière qui sont venus dans notre pays depuis près de trente années, dont une majorité d’entre eux ignoraient presque tout de leur histoire coloniale.

         Il faut donc dire que ce collectif surfe depuis le début sur un créneau politique nouveau, un nouveau « marché », comme les analyses sérieuses l’ont démontré, en pratiquant un mélange des genres entre associatif, public et privé, surprenant et choquant pour tout connaisseur des affaires publiques.

       Le nom de baptême que l’auteur a décerné à Mme Coquery-Vidrovitch m’est allé droit au cœur : « sorte de marraine de guerre idéologique de Pascal Blanchard », car il s’agit bien d’une « sorte de guerre » masquée, qui ne dit pas son nom, mais qui sait y faire dans la marchandisation de l’histoire, à supposer quand même qu’il s’agisse bien d’histoire.

      Jean Pierre Renaud

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Vincent Chambarlhac – fin

 « Un dispositif éditorial militant

        A rebours de cette trajectoire de ce collectif une stratégie éditoriale s’esquisse. A sa racine, il y a sans doute la crise de l’édition en  sciences humaines. Parce qu’elle suppose la mise en concurrence des auteurs et des éditeurs, cette crise réclame un savoir-faire spécifique dans le mode d’apparition de travaux qui concourent à la réputation d’un auteur. Il s’agit là de solliciter la polémique plus que la controverse scientifique. La première permet d’asseoir une réputation scientifique dans l’espace médiatique et par contrecoup, de construire une espace dans le dispositif institutionnel de la recherche (fondations, musées, chargés de recherche…) Le dispositif médiatique déployé joue sur deux registres noués par la figure du refoulé de la mémoire coloniale. Il reprend le « modèle » heuristique vichyssois, l’appliquant au postcolonialisme. Il s’agit de réaliser la « paxtonisation » du champ de l’historiographie du fait colonial en France selon Nicolas Bancel et Pascal Blanchard. L’expression saisit la stratégie poursuivie et souligne un mode d’apparition dans l’espace public. Ce « modèle vichyssois » s’exprime en grande partie dans de courts articles au Monde diplomatique. Ici, l’écriture collective, se charge d’une évidence militante. L’essentiel est d’avancer l’argument quasi pathologique d’une amnésie, du refoulé d’une mémoire coloniale : le spectacle des zoos humains était ainsi routinier naguère, occulté aujourd’hui. D’un syndrome l’autre, l’emprunt au lexique d’Henri Rousso est patent. Ces prises de position, qui sont le fait de chercheurs, s’entendent dans l’espace public, comme un rapport singulier à l’histoire, construit sous les auspices du devoir de mémoire : animée par une écriture militante, la plume universitaire assoit la démonstration dans une revue de vulgarisation scientifique. L’essentiel du dispositif éditorial tient à cette circulation incessante entre les pôles militant et heuristique.

        La société française doit donc entrevoir et se questionner au prisme del’héritage colonial. Amorcée dès 1997, cette logique culmine avec la fracture coloniale qui outrepasse l’essai d’histoire immédiate, posant les membres du collectif en praticiens et/ou experts des pathologies sociales. L’ouvrage devient en 2010, sous la plume de Marie-Claude Smouts, le catalyseur des études postcoloniales sur la scène française : le collectif fournit ainsi une première réponse à une demande issue du mouvement des indigènes de la République comme des débats autour de l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 1995. Les émeutes de novembre 2005 renchérissent médiatiquement l’hypothèse d’une pertinence de la grille postcoloniale comme lecture du social. Un effet de seuil a été franchi. Dans ce franchissement, l’évidence d’une situation postcoloniale s’est imposée. La logique du palimpseste, inhérente à l’intrication des enjeux dans la polémique sur la question coloniale, recouvre alors la part de la structuration intellectuelle du débat…

         En son moment politique, la trajectoire de l’ACHAC consacre l’irruption médiatique du postcolonialisme dans le champ scientifique. Un « tournant postcolonial » serait là à l’œuvre dans l’ouvrage Ruptures postcoloniales entend sonder les contours, tout en gardant à « l’esprit l’illégitimité universitaire de l’histoire postcoloniale » en 2010. Puisque l’engagement du collectif peut se « concilier avec des approches plus distanciées d’une construction de l’objet respectant une certaine façon de se rapporter aux événements, aux autres et à soi-même », la capacité de ces historiens à diagnostiquer les pathologies sociales certifie leur scientificité. Dans cette configuration tautologique, l’historien du postcolonialisme est scientifique car intrinsèquement militant. La boucle est bouclée, la reconnaissance scientifique procède de la capacité militante à distancier son engagement pour construire un objet, posé ensuite comme central dans le réagencement du champ académique. L’illégitimité universitaire du postcolonialisme procède d’un combat d’arrière- garde. Coda, donc ?

        Commentaire :

       J’ai souligné plusieurs phrases qui me paraissent importantes dans cette analyse de grande qualité, par ce qu’elle devrait interroger le monde universitaire sur la scientificité de « ses productions ».

       A plusieurs reprises, j’ai posé la question, au départ, de la scientificité des thèses, alors que les débats éventuels des jurys et leurs votes restent secrets, et que le ou les rapports  de lecture le sont aussi.

      J’ai buté sur cette difficulté surprenante lorsque j’ai voulu obtenir ce type d’information sur les deux thèses de doctorat de Pascal Blanchard et d’Elise Huillery.

       « Tautologique » sûrement, étant donné que ce collectif renvoie ses auteurs les uns vers les autres, en boucle, sans avoir validé ou fait valider les sources – les représentations- qu’ils ont manipulées dans un but médiatique et idéologique.

            « Diagnostiquer les pathologies sociales » dans leur qualité de médecins de Molière du siècle, incontestablement, comme je l’ai souligné au début de ma conclusion du livre « Supercherie coloniale », en y ajoutant un zeste de psychanalyse avec l’invocation du refoulé, de l’inconscient collectif (voir Cocquery-Vidrovitch), du ça colonial ou postcolonial.

     « S’inscrire en challenger

       Ce dispositif éditorial se singularise par sa dynamique réflexive entre des pôles discursifs, schématiquement, qualifiée de militant (Le Monde diplomatique, les pages « Débats » du Monde, les interventions radiophoniques de Daniel Mermet…) d’heuristique (des revues de haut niveau de vulgarisation comme les Cahiers français, Hommes et migrations…) et les thématiques développées dans l’espace public par les politiques de mémoire et les luttes pour la reconnaissance. C’est dans cette réflexivité que se saisit  la part du jeu à l’œuvre, par quoi des challengers tentent de s’inscrire dans le champ scientifique, certes au prix de frottements. Lire cette stratégie en termes d’inscriptions académiques implique à nouveau la périodisation ; des figures et des rhétoriques s’enchâssent qui représentent autant de modalités d’être académiquement à ce « concept circulant » selon la formule de l’introduction de Ruptures postcoloniales qu’est le postcolonialisme.

       Née du combat pour les droits civiques aux Etats-Unis, la discrimination positive permit le développement de la Public history. La naissance, puis le développement de l’agence des Bâtisseurs de mémoire, comme celui de l’ACHAC, procèdent sans doute de ce lien. La charge critique de Camille Trabendi pour Agone sur Pascal Blanchard, free lance researcher, s’entend dans cette configuration. La polémique qui s’ensuit sur le blog d’Agone porte comme titre le néologisme de «  Postcolonial business ; l’article indique qu’il y avait dans « l’interprétation économique et sociale du malaise des classes populaires » comme un « marché à conquérir » pour Pascal Blanchard. Articulée sur la trajectoire de l’ACHAC en son moment politique, la charge déconstruit la posture d’l’historien ; elle dit peu sur l’inscription de ce Postcolonial business dans le champ académique, sinon par l’appartenance au laboratoire GDR 2322 du CNRS lu comme « une amulette qui préserve des pairs malveillants ».

Larges extraits du texte de Vincent Chambarlhac avec quelques commentaires

Jean Pierre Renaud