L »Orientalisme fantasmé » de Pierre Loti? L’Inde (sans les Anglais)(1886)

        Est-ce qu’on connaît encore Pierre Loti en France, comme on le connaissait dans la première moitié du XXème siècle, car son œuvre était prolifique, en même temps et souvent exotique, pour ne pas dire coloniale.

            Officier de marine, Loti participa à plusieurs des aventures coloniales de la Troisième République, au Sénégal, en Polynésie, et en Asie.

            Officier de marine lors de la prise de Hué, en 1883, il en avait fait un récit de « reporter de guerre », objectif, qui n’occultait pas les horreurs de cette expédition, récit qui lui valut d’être suspendu de la Marine par Jules Ferry.

            Ses romans exotiques sont oubliés sur le Sénégal, la Polynésie, ou le Japon, ainsi que le récit de son voyage dans « L’Inde (sans les Anglais) » qu’il y effectua en 1886. Alors qu’il rentrait du Japon, il y accomplit un long parcours d’exploration et de découverte, de Mahé, au sud, à Bénarès, sur le Gange.

            La mention « sans les Anglais » est incontestablement le signe de la détestation historique que la Royale continuait de porter aux marins de Sa Majesté.

            Son récit de voyage est d’une très grande qualité littéraire, avec un art parfait de l’écriture toujours précise, rigoureuse, ciselée. Loti décrit avec une très grande minutie, celle d’un entomologiste, les paysages et les cités qu’il découvrait, les monuments et les temples de l’Inde, toujours gigantesques et cyclopéens, les célébrations mystérieuses, souvent nocturnes, fantasmagoriques de l’Inde religieuse.

            Et il faut lire en particulier les nombreuses pages consacrées à l’Inde affamée, celle des populations paysannes des déserts du Rajahstan, la famine des paysans morts, sur le point de mourir, hommes, femmes et enfants, aux portes de cités encore florissantes et illuminées. Une indifférence naturelle face à la misère et à la mort, cette cohabitation culturelle toute hindoue entre riches et miséreux, entre vivants et morts !

            Même de nos jours, un Français éprouve encore un véritable malaise lorsqu’il rencontre cette cohabitation de misère et de richesse dans une grande ville de l’Inde, des familles entières campant sur les trottoirs, le long des rues.

            Certains chercheurs accordent une importance majeure au discours d’Edward Said dans son livre sur « L’orientalisme », lequel ouvrage aurait aidé à démonter les « constructions fantasmées » des occidentaux sur l’Orient.

            Mme Coquery-Vidrovitch  y fait référence dans un article sur le musée du quai Branly, qu’elle a publié dans le « Petit Précis…à l’usage du Président Sarkozy » (page 137).

            Le lecteur curieux pourra constater que le récit de Loti n’avait rien d’une construction fantasmée sur l’Inde de l’année 1886.

            Jean Pierre Renaud.

Madagascar, Thalassa du 28 mai 2010

L’expédition (Tara) : cap sur Madagascar

Thalassa du 28 mai 2010

            Une émission intéressante, incontestablement, dans la ligne des documentaires orientés sur les côtes et la mer, beaucoup plus que sur les « terres splendides de Madagascar », annoncées par un programme de télévision.

            Les Français qui l’ont regardée, après avoir poireauté de l’ordre de deux heures,  jusqu’à la fin d’une partie de tennis à Rolland Garros… ont eu la possibilité de découvrir certains aspects de la Grande Ile.

            Pourquoi ne pas regretter toutefois que le cadrage historique et géographique n’ait pas été plus explicite, et que le commentaire n’ait aucunement parlé de la continentalité de l’île, coupée de la mer, précisément, jusqu’à à l’arrivée des Français ?

            Elite et pouvoir malgache étaient enracinés sur les plateaux et pas sur les côtes.

            Mon épouse et moi avons été surpris par plusieurs choses : l’intervention d’un fonctionnaire du « FMI » sur le sujet de Libertalia, comme par hasard un blanc, et successivement toujours des blancs, le bon blanc de la crevette, une bonne dame des Ong pour la protection de la nature, à Fort Dauphin, et le navigateur solitaire chez le roi Sakalava.

            Et pourtant, Madagascar ne manquait pas d’enfants du pays compétents pour illustrer un tel documentaire !

            Enfin, terminer sur l’ancien bagne de Nossy Lava…? L’émission aurait pu terminer sur une autre note, un autre champ de la nature malgache, les chants d’une « biodiversité » exceptionnelle, et de l’humanité malgache, aussi exceptionnelle..

Exposition « La Fabrique des images » Musée du Quai Branly-16/02/2010 -17/07/2010-Notes de visite

Exposition « La Fabrique des images »

Chers amis, allez-y ! Mais dès l’entrée de ce beau musée, ne vous trompez pas de chemin !

             Une première affiche sollicite en effet votre attention de « chaland » intitulée, « Sexe, mort et sacrifice », et il faut donc aller un peu plus loin, pour trouver le bon chemin, le bon panneau de l’exposition.

            Une exposition très intéressante sur la variété des images, leur beauté,  leur étrangeté aussi, et leur signification supposée, venant de nombreuses civilisations de notre monde actuel ou passé.

            Laissez vous séduire par ces images, même s’il n’est pas toujours aisé de suivre les distinctions savantes de l’anthropologue qui a conçu cette exposition, entre les quatre visions du monde, animée, objective, subdivisée, et enchevêtrée !

            En ce qui nous concerne, mon épouse et moi,  il nous a semblé plus facile de distinguer deux formes d’expression culturelle, la première, s’inscrivant dans la continuité et la fusion des mondes de la nature animée et inanimée, du monde surnaturel et naturel, du monde animal, végétal, ou humain, et la deuxième, prenant ses distances avec ces mondes toujours étranges, une vision objective supposée.

            Le titre lui-même de l’exposition, avec le concept de « fabrique » suscite des interrogations : fabrique matérielle ou fabrique spirituelle, c’est-à-dire expression d’une certaine conception du monde, mais alors, il s’agit d’interprétations sujettes effectivement à beaucoup de questions. Et quelquefois tout autant quant au mélange des chronologies.

 Le 3 avril 2010