« Angkor, naissance d’un mythe » au musée Guimet

« Angkor, naissance d’un mythe »

Une très belle exposition artistique et historique.

            Naissance d’un mythe, je ne sais pas, mais découverte d’une des merveilles de l’art, de l’architecture, de la sculpture et de la civilisation khmère ancienne, sûrement ! C’est-à-dire du Cambodge !

            Pourquoi une telle exposition ne donnerait-elle pas aussi l’occasion, à ceux qui aiment se pencher sur les relations entretenues par l’Occident avec l’Orient, et tenter de les interpréter dans un sens différent de celui qui parait être souvent défendu de nos jours par certains chercheurs, c’est-à-dire celui d’une construction mentale, artificielle, d’un  Orient qui n’aurait existé que dans l’esprit de l’Occident, de proposer une explication plus simple, celle d’une curiosité occidentale qui s’est mise au service du passé des pays d’Asie ?

            Que dire sur le même sujet de la présentation du temple d’Angkor Vat à l’Exposition coloniale de 1931 ? Exaltation d’un empire colonial ou exaltation du grand passé du peuple khmer ?

            Et de redécouvrir la cohorte d’officiers de la marine française, les Pâris, Mage, Dumont d’Urville, Delaporte, Garnier, de Lagrenée, ou Loti… dont la curiosité a fait découvrir aux Français d’autres mondes, et y susciter le goût de l’exotisme, plus que celui de la colonisation.

            Le lieu de ma naissance me fait l’obligation morale aussi de rappeler qu’Henri Mouhot, le premier découvreur du site d’Angkor, n’était pas officier de marine, mais simple  explorateur d’un pays où il est mort de fatigue et de maladie.

MCRV – JPR

France 2 Envoyé spécial du 7 mars 2013: « Les Branches esseulées: trafic de femmes vietnamiennes en Chine »

France 2 Envoyé spécial du 7 mars 2013 : le reportage intitulé «  Les Branches esseulées : trafic de femmes vietnamiennes en Chine »

Entre Chine et Vietnam, entre 1894 et 2013, la condition des femmes a-t-elle vraiment changé ? Dans le contexte historique de deux Etats Communistes ?

Avec le témoignage du colonel Gallieni, à l’occasion de son deuxième voyage en Chine à Long Tchéou (15-22 juin 1894)

            Après avoir évoqué  le souvenir que Gallieni avait conservé de la condition des femmes d’Indochine lors de son séjour au Tonkin, nous ferons quelques commentaires sur le reportage tout  à fait intéressant de l’émission « Envoyé Spécial » dont le titre a été rappelé plus haut.

            Le colonel Gallieni exerçait alors le commandement des Hautes Régions du Tonkin, à la frontière de l’Empire de Chine, où il s’efforçait tout à la fois d’éliminer les bandes de pirates annamites ou chinois qui troublaient gravement la paix publique de ces régions, et d’obtenir à cette fin la coopération des autorités impériales chinoises, gouverneur militaire, préfet et maire, notamment celle du gouverneur militaire du Quang-Si, le maréchal Sou.

            Il se rendait alors à Long Tchéou pour y rencontrer le maréchal Sou et clore le dossier du tracé des frontières sino-annamites.

            Dans son livre « Gallieni au Tonkin », le colonel racontait son expérience politique et militaire, et en ce qui concerne le voyage évoqué, il décrivait dans le détail le voyage en question.

            Retenons de ce récit uniquement les observations qui avaient trait à la situation des femmes vietnamiennes dans cette province frontalière de la Chine.

Gallieni voulait vérifier par lui- même tout ce qui lui avait été rapporté sur les relations des bandes pirates avec la Chine :

            « Les chefs des bandes les plus importantes… se trouvaient à la tête d’une vaste association, en quelque sorte commerciale, qui avait ses profits et ses pertes. De leurs repaires…. Ils dirigeaient leurs incursions dans toute la haute région, ramassant surtout des buffles, indispensables aux indigènes pour leurs cultures, et des femmes.

Les femmes sont rares dans le Quang-Si… de plus les femmes annamites étant particulièrement recherchées pour leurs qualités d’activité, de travail, d’économie et leurs aptitudes au négoce, les marchands chinois étaient très désireux d’en acquérir pour se faire aider dans leur commerce. Notre consul me fit remarquer plusieurs fois, dans mes visites aux boutiques de Long-Tchéou, la présence de femmes qui, malgré leur costume chinois et leur chignon caractéristique, étaient annamites et avaient été ainsi importées du Tonkin. Beaucoup me disait-il, en général bien traitées, suivant les habitudes chinoises et  se rendant par ailleurs très utiles à leurs maîtres, s’étaient adaptées à leur nouveau genre de vie et ne cherchaient pas à retourner au Tonkin. Mais d’autres regrettaient leur pays et s’adressaient quelquefois à lui pour demander leur rapatriement. C’est ainsi que, en ce moment même, deux femmes annamites s’étaient réfugiées au Consulat, et que, en dépit des réclamations du maire et du Tao-Taï (le préfet), M.Bonis d’Anty avait refusé de les rendre et devait les ramener avec lui, à son prochain voyage à Hanoï.

En échange des buffles et des femmes, les pirates rapportaient au Tonkin de l’opium, avidement recherché par les habitants de la haute Région, et même par les annamites….sous l’œil bienveillant des mandarins chinois. » (page 134)

Commentaire :

Le documentaire diffusé par France 2 sur le trafic de femmes vietnamiennes entre les deux Etats Communistes que sont actuellement le Vietnam et la Chine montre que ce type de dérive éthique persiste, même s’il prend les formes économiques les plus sophistiquées, au prix de 5 000 euros la « tête ».

L’existence même de ce trafic parait tolérée, puisqu’il a lieu dans des régimes politiques très encadrés, pour ne pas dire plus.

Un tel sujet est à replacer dans l’évolution de la condition féminine à travers les âges et les continents,  étant donné que dans la plupart des civilisations et des cultures, la femme n’a presque jamais été traitée comme l’égale de l’homme, et le  plus souvent comme une marchandise.

Dans notre histoire la plus récente, un certain nombre de mariages étaient des mariages de convenance d’intérêt, avec une marchandisation qui ne disait pas son nom.

Les femmes d’Afrique noire ont longtemps été sous le joug d’un régime dotal qui apparentait les mariages à un troc entre une femme et une dot en argent ou en nature.

Il semble que de nos jours, et pour des raisons d’émigration légale, certaines unions entre un citoyen français ou une citoyenne française et un ou une partenaire étrangère, soient aussi des échanges monétaires déguisés.

Les femmes du monde entier auront encore fort à faire pour se voir reconnaître leur dignité pleine et entière, et c’est sans doute l’intérêt de ce documentaire, avec deux clins d’œil ambigus, le titre même du reportage, « les Branches esseulées », et l’aveu fait par des candidats chinois à l’achat d’épouses vietnamiennes, quant à une corrélation qui existerait entre la chaleur de leur pays et la poussée précoce de leurs seins…

Jean Pierre Renaud

Le Mali et son arrière-plan littéraire et politique. Le malentendu!

    Le Mali et son arrière-plan littéraire et politique

Le malentendu !

« L’aventure ambigüe » de Cheikh Hamidou Kane (1961)

« L’Afrique humiliée » d’Aminata Traoré (2008), préfacée par Cheikh Hamidou Kane

Lecture 

I – Côté littéraire et politique

Deux livres intéressants, mais tout autant instructifs sur l’état d’esprit de deux éminents représentants des élites d’Afrique noire, tous deux anciens ministres, au cours des années 1960 à nos jours, l’un du Sénégal, Cheikh Hamidou Kane (1), l’autre du Mali, Aminata Traoré.

Le premier, un conte de sagesse tout africaine, le deuxième, le cri d’une mère, mais tout autant, un pamphlet, un réquisitoire contre les blancs et les Français !

« L’aventure ambiguë »

Le premier est d’une facture très poétique avec l’évocation des états d’âme d’un jeune sénégalais, Samba Diallo, avide de connaissance et partagé entre deux cultures, deux mondes, mais tout autant deux univers religieux, car l’islam est omniprésent dans le milieu familial et social du jeune Samba Diallo.

Les anciens comprennent bien que dans le Sénégal colonial, il n’est possible d’accéder à la connaissance du nouveau monde qu’en fréquentant l’école française, « l’école étrangère », car « l’ère des destinées singulières est révolue ».

Le jeune Samba Diallo réussit si bien dans ses études qu’il rejoint Paris où il fait la connaissance du monde blanc, et à l’occasion d’une conversation avec un ami, auquel il fait part de son désarroi, ce dernier lui dit, à un moment donné :

« Ha ! Ha ! Ha ! Je sais ce que c’est. Ce n’est pas l’absence matérielle de votre terroir qui vous tient en haleine. C’est son absence. L’Occident se passe de vous, l’on vous ignore, vous êtes inutile, et cela, quand vous-même ne pouvez plus vous passer de l’Occident. Alors vous faites le complexe du Mal Aimé. Vous sentez que votre position est précaire. »

(1)  Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer Promotion 1956

Au fil de toutes les pages empreintes de spiritualité, l’auteur exprime la difficulté qui est la sienne d’entrer complètement dans le monde des blancs sans perdre son âme, et déclare :

« Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct (sa terre d’origine), face à un Occident distinct, et appréciant d’une tête froide ce que je puis lui prendre et ce qu’il faut que je le lui laisse en contrepartie. Je suis devenu les deux. Il n’y a pas une tête lucide entre deux termes d’un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n’être pas deux. »

Et pour mot de la fin peut-être, une parole de sagesse d’une vieille cousine, la Grande Royale :

« Elle n’est pas encore revenue de la surprise où l’ont plongée la défaite et la colonisation des Diallobé. Je ne dois d’être allé à l’école, et d’être ici ce soir, qu’à son désir de trouver une explication. Le jour où je prenais congé d’elle, elle me disait encore : « Va savoir chez eux comment l’on peut vaincre sans avoir raison. »

Donc un très beau texte qui exprime toute la difficulté qu’avait un jeune africain d’entrer, dans les années 1950, dans les nombreux codes de la société française, très éloignés de ceux du Sénégal.

Ajouterais-je que la majorité des Français ignore, aujourd’hui, et tout autant qu’avant, les codes des sociétés d’Afrique noire !

« L’Afrique humiliée »

Le contenu du deuxième livre, celui d’Aminata Traoré n’a rien à voir avec le précédent, et la préface qu’en a faite Cheikh Hamidou Kane relaie les propos et jugements souvent très violents à l’endroit de la France et de l’Europe, des institutions internationales, et pourquoi ne pas le dire ? de la terre tout entière !

Il écrit dans cette préface:

« Un cri, le vrai cri, le seul, vient de vriller le ciel de sa protestation. Il nous réveille du cauchemar ; il arrête notre descente aux enfers. Il est puissamment proféré. Il nous secoue et nous bouleverse d’autant plus profondément qu’il est poussé par une femme, une Bambara, une fille de la savane, une citoyenne de ce Mali qui, de tout temps, a été un des pôles de sustentation du continent noir…

Le message qu’Aminata Traoré adresse à l’Afrique et à l’Europe est parvenu haut et clair, à l’homme, à l’Africain, à l’ancien fonctionnaire des Nations Unies, à l’ancien ministre du Sénégal et de la Coopération, à l’intellectuel et écrivain noir que je suis. Qu’elle me permette de lui dire al barka, a diarama, « merci », car elle m’a puissamment secouru »

« Lisez ce livre. Vous serez édifiés quant à la responsabilité des crimes dénoncés, de la « France de la finance et du commerce », de l’Europe impérialiste, du « capitalisme mondialisé », du colonialisme de naguère et de l’échange inégal d’aujourd’hui. Toute l’«élite » africaine aux affaires depuis des décennies ne peut que reconnaître avec Aminata qu’on nous a fait évoluer dans un « monde qui marche à l’envers », en imposant à nos paysans un marché qui rétribue mal leur travail ; un monde où, « au nom de l’efficacité, le couperet des institutions internationales de financement » tombe sur des économies surendettées et même sinistrées, et qui n’avaient nul besoin « d’être amputées de leurs entreprises nationales », donc de pousser vers la porte « des dizaines de milliers d’agents de l’Etat, souvent compétents et consciencieux, qui étaient aussi des pères et des mères de famille. »

 Ainsi que l’écrit Aminata Traoré, « jamais des jeunes originaires du Mali, du Sénégal, du Cameroun, ou de la Côte d’Ivoire ne seraient retrouvés comme un seul homme à des milliers de kilomètres des leurs, à Ceuta et Melilla ou à bord des embarcations de fortune qui les mènent souvent à la mort, si le Fonds monétaire international et la Banque mondiale n’avaient pas infligé vingt années durant à leur pays la médecine de cheval de l’ajustement structurel. »

Le préfacier conclut :

« Appartenant moi-même à la génération des aînés parmi elles (les élites), je me fais le devoir de leur dire qu’à mon sens l’arme la plus décisive, l’arme de destruction massive que nous pourrons opposer au sort calamiteux auquel notre continent parait voué, c’est son unité. »

L’analyse de Mme Traoré est souvent juste et percutante, mais tout y passe, la faute à la France, à l’Europe, au FMI (ses ajustements structurels), à la Banque Mondiale, à la mondialisation.

Mme Traoré dénonce la politique française sur l’immigration, la chasse aux immigrés, le co-développement.

En ce qui concerne ce dernier point et le chapitre qui lui est consacré, l’auteur met en exergue une belle citation de Joseph Ki-Zerbo (page 245) :

« Nan laara, an sara. (Si on se couche, on est mort).

Toujours la faute des autres ?

Ce livre est un cri, le cri d’une mère, et à ce titre, il mérite d’être entendu, mais pourquoi ne pas avoir le courage aussi de s’interroger sur la responsabilité des pères et des mères qui mettent au monde des enfants dont ils savent pertinemment que leur vie sera difficile s’il n’ y a pas un sursaut salutaire de leurs élites ?

A titre d’exemple, citons un dossier tout à fait intéressant sur la situation d’un Etat voisin du Mali, le Niger, paru dans le journal La Croix du 7 février 2012,intitulé « Au Niger, la malnutrition recule », et ce journal d’évoquer tout un ensemble d’évolutions favorables de la situation alimentaire de ce pays, mais sans faire censure d’un problème démographique très important pour ce pays du Sahel.

« Les autorités recensent 15 millions d’habitants aujourd’hui. Au rythme actuel, ils seront 50 millions en 2050 à vivre dans un pays désertique et semi-désertique. Maitriser la croissance démographique reste un défi. Ici, on ne parle jamais de contrôle des naissances, un terme tabou, mais d’espacement des grossesses par la pilule, le stérilet ou l’implant contraceptif

Et à cet égard, rien n’est possible sans le concours des maîtres d’écoles coraniques qui ont une grande autorité sur la population.

« Si certains restent réticents, la majorité des marabouts adhère à l’argumentaire de l’ONG. (MDM). Moukeila Momoni est l’un de ces imams qui parcourent les villages pour s’entretenir avec les leaders religieux. »

« Sans la religion, le message ne passe pas, précise cet érudit. Or, il n’y a rien dans le Coran qui s’oppose au planning familial. Au contraire, il est dit que pour bien nourrir ses enfants, il faut espacer les naissances. » (page 3)

Il existe un grave et ancien malentendu entre les élites d’Afrique noire française et les élites françaises : ces dernières, et pour une petite minorité, ne se sont véritablement intéressé et senti concernées par ces territoires qu’occasionnellement, et n’ont souvent découvert la réalité de l’outre-mer qu’après leur indépendance, et de nos jours, avec les courants d’immigration.

Mme Traoré a un discours dont un des fondements, sinon le principal, est : vous avez une dette à notre égard, quoi que vous disiez ou vous fassiez, et nous nous devons de vous le rappeler chaque jour, et c’est là qu’est le malentendu !

Côté politique

Pourquoi faire l’impasse sur la responsabilité des dictateurs qui se sont succédé au Mali entre 1960 et 1991 ? Et il n’est pas interdit de se demander si la gouvernance de type démocratique qui a suivi, alors considérée comme exemplaire par rapport à beaucoup d’autres pays d’Afrique, ne masquait pas certains vices qui ont été à l’origine de la crise actuelle qui ravage le pays.

Cela dit, il est évident que les frontières tout à fait artificielles du Mali, datant de l’époque coloniale rassemblent des régions très contrastées: quoi de commun entre celles de Kayes, de Bamako, ou de Tombouctou ? Sinon peut-être la religion.

Jean Pierre Renaud

Post scriptum : pour les lecteurs qui aimeraient compléter leur connaissance de la culture africaine et de son passé colonial, deux auteurs, en particulier, MM Hampâté Bâ et Kourouma ont excellemment traité ces sujets dans plusieurs romans : en ce qui concerne le premier, dans  « L’étrange destin de Wangrin », « Amkoullel, l’enfant Peul » et dans « Oui, mon Commandant », et pour le deuxième, notamment dans « Monne, Outrages et Défis », et « Les soleils des indépendances ».

            Deux autres livres au contenu plutôt décevant, l’un intitulé « Katiba » de M.Ruffin évoque le terrorisme islamique nouveau des peuples du Sahara, avec toutes les possibilités qu’offre cet immense désert,  mais on a du mal à entrer dans une intrigue plutôt artificielle, l’autre intitulé « Les anciens dieux blancs de la brousse » de M. Billeter évoque le demi-monde des blancs qui continuent à hanter le Burkina-Fasso, avec un brin d’histoire, notamment le rôle du chirurgien – dentiste patenté de Mitterrand pour la Françafrique.

Droits des femmes, violences conjugales, violences physiques et morales, le cas du viol

Droits des femmes, violences conjugales, violences physiques et morales, la grande relativité de ces concepts, à travers l’histoire, les pays, et les religions, avec souvent l’extrême difficulté de la compréhension de l’intime…

Le cas du viol

Et en exergue de réflexion, un épisode tiré de la Genèse de la Bible (19 Sodome et Gomorrhe), deux anges invitent Lot, neveu d’Abraham, sa femme et ses deux filles, à quitter Sodome, sans se retourner, avant que Dieu ne détruise par le feu ces villes maudites : 

«  La femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une statue de sel….

            Dans sa fuite, « Il habita dans une caverne, lui et ses deux filles. L’aînée dit à la plus jeune : Notre père est vieux ; et il n’y a point d’homme dans la contrée pour venir vers nous, selon l’usage de tous les pays. Viens, faisons boire du vin à notre père, et couchons avec lui, afin que nous conservions la race de notre père. »

            Les choses ont changé depuis, mais ont-elles véritablement changé ?  compte-tenu de l’évolution du monde, et de la montée en puissance, tout à fait justifiée, mais souvent difficile, du droit des femmes, de leur droit à l’égalité de traitement ?

           Le film égyptien Le bus 678 (voir le blog du 12/07/2012) nous propose un éclairage sur la condition de la femme égyptienne au Caire, différent de celui qu’on peut avoir en France, mais le droit des femmes à l’égalité peut encore beaucoup progresser.

            Un autre film « Le cahier » (voir le blog du 10/03/2010) nous a fait découvrir l’extrême difficulté que les petites filles afghanes rencontraient pour triompher des résistances culturelles et religieuses de leur société.

            Et dans certaines de nos banlieues, la situation et les peurs de toutes ces jeunes filles et femmes si bien décrites dans le documentaire « Les roses noires » (voir le blog du 15/10/2011)

            Et les quelques chiffres publiés ces derniers mois sur la condition des femmes françaises montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire : une femme meurt tous les trois jours sous les coups d’un conjoint, 96% des congés parentaux sont attribués à des femmes, les femmes gagnent en moyenne de 10 à 20% de moins que les hommes, à poste de travail égal, etc…

Ceci dit, la condition de la femme dans la plupart des pays occidentaux est bien supérieure à celle de beaucoup d’autres pays du monde, et nos gouvernements seraient bien inspirés de développer une information continue sur la liberté des femmes en direction des pays les plus rétrogrades, par chaines de radio ou de télévision interposées

Le progrès de l’humanité passe en effet par la reconnaissance du droit des femmes.

                                                                    Le viol

La définition pénale

Selon la définition du code pénal, articles 222-23, le viol se caractérise comme «  tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise »

Le viol résulte donc d’une pénétration sexuelle, par un sexe  dans un sexe, dans l’anus ou dans la bouche

C’est aussi la pénétration dans ces mêmes organes de tout objet, de quelque nature qu’elle soit mais c’est aussi pour le sexe et l’anus, la pénétration digitale

La variété des situations et des acteurs

Le viol peut être commis par un ou plusieurs inconnu(s) mais aussi souvent par un proche de la famille (un ami, un oncle, un ½ frère, un  beau-frère…,  mais aussi un médecin généraliste ou spécialiste, ou encore un ouvrier qui intervient sur des travaux d’intérieurs ou qui pénètre dans le logement de la victime….

Le viol peut donner lieu à plainte lorsqu’il est commis par le conjoint de la victime, par son ex conjoint ou en instance de séparation. Ces derniers cas sont délicats à traiter.

Une qualification souvent difficile

Comment appréhender la notion de viol lorsque la plaignante déclare être en instance de divorce ? Comment appréhender le viol commis par un conjoint que l’on accepte un jour et refuse un autre ? S’agit­- il de viol ou plus exactement d’agression sexuelle ? Le mari ou le concubin qui a des relations sexuelles avec sa femme, alors que celle-ci ne le souhaite pas, ou l’ancien amant qui revient au domicile de son amie et lui impose une relation sexuelle, éventuellement sous l’emprise de l’alcool pour les deux parties, sachant toutefois qu’en matière pénale, le fait pour l’auteur d’être sous l’emprise de l’alcool peut  constituer une circonstance aggravante.

Une répression pénale accrue

La répression pénale est accrue si le viol est commis avec certaines circonstances parmi lesquelles :  

La vulnérabilité de la personne victime: il convient alors d’établir cette vulnérabilité qui peut être une grossesse, une infirmité quelconque visible, mais également des troubles psychologiques, de la dépression, l’âge… La jurisprudence considère par exemple qu’une femme en état de dépression est moins à même de se défendre qu’une personne indemne de toute pathologie de nature psychologique …

La qualité de l’auteur : un ascendant ou toute personne ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime ou une personne ayant autorité de par ses fonctions employeur, médecin ou assimilé. A cet égard on peut citer l’exemple du père, du grand-père, de l’oncle de la victime mais aussi le viol commis par le gynécologiste, l’ostéopathe, ….  Dans cette dernière spécialité, un praticien connu de la place parisienne a pu faire les beaux jours d’une certaine chronique judiciaire.

Il ne faut pas oublier que le viol existe et dans des proportions non négligeables entre adultes de même sexe et notamment au détriment des hommes homosexuels, (dont les plaintes  sont encore peu nombreuses).

Une omerta ?

Le refus des autorités  politiques et judiciaires de traiter ces affaires ? Non sauf peut- être lorsqu’il y a un notable en cause, et c’est encore plus ou moins vrai avec les médias actuels.

Mais le viol n’est pas toujours facile à caractériser.

Sauf les cas simples du viol par un inconnu, dans la rue par exemple, une jeune femme est emmenée de force par un individu alors qu’elle rentre chez elle ou qui s’introduit dans son immeuble à sa suite, prend l’ascenseur avec elle, le bloque entre deux étages et lui impose une fellation.

 Il faut que la victime soit crédible, que les faits qu’elle dénonce soient vraisemblables. C’est le cas par exemple de la femme qui donnera successivement des versions totalement différentes des faits subis, en se trompant sur les dates et les lieux, et en décrivant des violences que les expertises médicales ne peuvent corroborer.

A l’évidence aussi, les faits ne doivent pas  dater de trop longtemps, pour pouvoir rechercher des preuves, et des traces telles que des traces d’ADN.

Les difficultés seront d’autant plus grandes que l’auteur sera un proche et que son pouvoir de pression et d’intimidation sera grand.

Que dire aussi de ces femmes qui acceptent d’avoir des relations sexuelles pour obtenir un travail et qui dénoncent les faits lorsqu’elles sont évincées ? Y a- t-il viol ou abus de faiblesse, ou peut-être encore harcèlement ?

Le viol est de toute façon la manifestation d’un abus de faiblesse dans la mesure où il est commis par une personne qui physiquement et/ou psychologiquement est  plus fort.

On peut dire aussi qu’il  est la forme ultime du mépris  et de la violence avant le meurtre. Mais comment interpréter le viol commis par un médecin ? Par un conjoint éconduit ?  Dans les cas  des violeurs du monde médical, et surtout lorsqu’il s’agit d’un praticien réputé, il n’est pas rare que les victimes hésitent à dénoncer les faits, car elles éprouvent une sorte de culpabilité qui les conduit à penser qu’elles sont sans doute  coupables d’avoir été « provocatrices »

            Dans le cas d’un viol par un parent ou un employeur par exemple, la victime se voit souvent intimer l’ordre de ne rien dire, sous peine de violences, ou dans le cas de l’employeur, de licenciement.

L’omerta, si elle existe encore de nos jours, est aussi le fait des victimes elles- mêmes  qui préfèrent cacher cet épisode funeste, plutôt que d’en parler même à leur proches. Ce n’est pas toujours facile d’étaler ce type d’intimité devant ses proches, des tiers, puis une cour d’assise.

Et enfin, les auteurs ne sont pas toujours, loin s’en faut, identifiés ou identifiables.

En conclusion, des progrès incontestables ont été enregistrés dans la poursuite de ces crimes, mais il serait tentant du dire qu’au fur et à mesure de l’évolution des mœurs, les faits incriminés prennent souvent une qualification trop subtile pour être poursuivis.

Pomme acide

« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: 2ème Partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R.Bowen

2ème partie

Réflexions, objections, et questions

            Il s’agit d’un livre savant, difficile à lire, même lorsque l’on a un petit vernis de culture islamique, et le lecteur serait sans doute heureux d’avoir à sa disposition un petit glossaire des mots et concepts de la religion musulmane qui sont utilisés par l’auteur.

            Ma lecture critique repose sur deux postulats :

1 – que ma lecture ait bien résumé l’image représentative que le livre propose de l’Islam à la Française, et donc que j’ai bien interprété le texte.

2 – que l’enquête de M.Bowen soit représentative des réalités musulmanes françaises, et donc, que la façon dont il en rend compte soit la plus objective possible.

Cette enquête est basée avant tout sur les interviews de ceux que l’auteur appelle les « savants », dont la définition est le plus souvent imprécise.

            A la lecture, il est quelquefois possible d’avoir l’impression que le discours Bowen est un plaidoyer en faveur  de tous les chemins possibles d’une « convergence » entre l’Islam et la République Française.

Un face à face entre Islam et République, sur un pied d’égalité ?

            Une des formules utilisées par l’auteur est assez significative à cet égard :

            «  Négocier d’un champ de légitimité à l’autre » (page 289)

            L’auteur analyse la situation de l’Islam en France en le mettant sur un pied d’égalité avec la République Française, une sorte de face à face, alors que pour revenir à la lettre et à l’esprit d’une des « Pensées » de Pascal, le débat se situe entre deux « ordres » différents, le religieux, et le républicain.

                        A la fin de son livre, l’auteur écrit :

            « Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents. » (page 360)

            En notant que « de nouvelles institutions islamiques innovantes » existeraient bien, l’auteur écrit :

            « A l’inverse, le défi pour la France est de trouver comment théoriser, dans le droit, la politique et la vie sociale réelle qui est celle d’un pluralisme des valeurs. » (page 360)

            Il parait tout de même difficile de parer cette démonstration du concept de pluralisme, alors que c’est précisément la loi de 1905 qui organise et sécurise le pluralisme religieux, à la condition sine qua non que chacun des partenaires reste dans son « ordre », et qu’aucune des religions, les anciennes en France, et la nouvelle, ne veuille s’ériger en contre-pouvoir.

            Il s’agirait donc de « théoriser », dans le cas présent, une relation de normes qui ne sont pas celles  de la République ?

            Une analyse non pertinente

            Une autre critique de base porte sur la description des relations entre l’Islam et les institutions de la République, une description qui semble tout à fait inappropriée.

            La laïcité est au cœur du débat, de même que la chronologie de « l’irruption de l’Islam dans l’espace public français ». (page 37)

            L’auteur fait une curieuse lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, à propos des « Associations religieuses, un frein à l’intégration ? » :

            « Tout au long du XIXème siècle, l’Etat a ainsi progressivement permis à certains types d’entités collectives d’agir selon leurs intérêts : en effet, l’Etat avait fini par admettre qu‘il valait mieux déléguer aux guildes la supervision de la production de pain, que d’avoir à affronter le mécontentement populaire devant des miches rongées aux vers, ou qu’il était préférable d’autoriser quelques syndicats de travailleurs plutôt que de subir des grèves sauvages, de sorte qu’à partir de 1901, on accorda aux citoyens un droit général à faire enregistrer des associations, et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (Page 331)

            N’importe que citoyen français doté d’une petite culture historique ne pourra s’empêcher d’interpréter cette lecture de notre histoire, comme réductrice et fausse, comme si la France n’avait pas connu, sous la monarchie, la confusion entre le pouvoir religieux et le pouvoir civil, le roi fils de Dieu, et comme si la loi de 1905, n’était pas venue sanctionner un long combat pour qu’enfin, l’adage évangélique célèbre « Remets à César ce qui est à César, et ce qui est à Dieu à Dieu », soit enfin une réalité dans la République.

            Un parallélisme historique contestable entre les religions existant aujourd’hui en France.

            Le débat dont fait état l’auteur sur les priorités et les valeurs, et sur la place de la laïcité dans les pages 344, 356, et 359, laisse à penser que ce débat est ouvert, et donc que la France peut trouver des « convergences », c’est-à-dire des accommodements avec certaines exigences de l’Islam, certains de ses rituels.

            L’auteur pose la question « La laïcité doit primer ? » (page 344)

            L’auteur  évoque successivement plusieurs dossiers sensibles tels que l’apostasie (quitter l’Islam), le voile, le mariage, la burqa, et met en cause l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de signes ou de rituels religieux compatibles, d’après lui, avec le pluralisme français, en prônant une fois de plus les « convergences » possibles.

Il est tout aussi difficile de suivre le raisonnement de l’auteur lorsqu’il met sur le même plan une « église » musulmane qui n’existe pas, en tant qu’institution comparable à celle des autres religions, et les autres, de même qu’il fait l’impasse sur la chronologie française de ces religions.

La religion musulmane est un fait historique récent, et elle a pris de l’importance au cours des vingt dernières années, notamment avec les flux migratoires venus d’Afrique, et nombreux ont été les Français, non issus de cette immigration, qui ont fait la découverte des pratiques de cette religion nouvelle.

Et à cet égard, les chiffres des espaces de prière que l’auteur cite, en apportent la démonstration, alors que leur ouverture, comme indiqué, n’a pas été toujours aisée : 500, en 1985, 1 279 en 1992, 1 600, en 2010. (page 62)

Une fois esquissées les critiques qui nous paraissent les plus centrales, examinons les éléments de la démonstration que propose M.Bowen, en suivant le cours de son discours.

Itinéraires musulmans

L’auteur décrit toute une série d’itinéraires de musulmans « dont les questions portent avant sur la façon de vivre dans une société laïque, comment pratiquer sa foi, travailler ou se marier en l’absence d’institutions islamiques. » (page 20)

 Des questions qui portent donc sur la compatibilité concrète, sociale, civile, juridique d’une religion pratiquée avec les  institutions républicaines, une compatibilité souvent malaisée que tentent de faciliter ceux que l’auteur appelle « les innovateurs religieux musulmans » qui essaient de « façonner le paysage de l’Islam Français ».

« Le défi pour les uns et les autres allait donc être de construire un savoir islamique qui soit à la fois légitime en termes transnationaux et pertinent en France. » (page 52)

Mais avec quelles « Autorités » ?

« Qui donc sont ces gens qui se sont donné le rôle d’autorités religieuses  pour les musulmans de France ? »  (page 52)

Et c’est effectivement une des difficultés du problème, de même que des pratiques religieuses de type collectif et des interdits inconnus jusque-là, qui paraissent avoir la primauté dans ce type de vécu religieux.

Les observations de l’auteur quant à la particularité d’après laquelle l’héritage colonial, avant tout celui de l’Algérie, lequel mériterait à lui seul, d’être explicité, éclairerait la façon dont les pouvoirs publics abordent le sujet, paraissent  d’autant moins pertinentes que dans les pays musulmans les autres religions ne bénéficient pas du « pluralisme » d’expression  que recommande l’auteur pour la France.

Des convergences d’autant plus difficiles à trouver et à définir que la description des « Espaces et lieux de l’Islam  en France » donne une impression de grand désordre religieux, à la fois dans leur organisation et leur animation, l’ensemble de ces lieux de prière gravitant toutefois dans l’orbite mondiale de « l’umma », la communauté musulmane du monde, plus que dans celle des différents pays concernés par la nouvelle religion.

En ce qui concerne les mosquées, le titre même du chapitre 3 « Des mosquées tournées vers le monde extérieur » soulève des interrogations, le caractère récent de l’enracinement de l’Islam en France expliquant évidemment la prédominance de cette relation étrangère, avec une majorité de « leaders islamiques » jeunes, qui ne sont pas nés en France. (page 88)

L’auteur note : « Par nature, l’enseignement et le culte islamiques en France continuent donc de fonctionner à une échelle mondiale. » (page 92)

Par nature ? S’agit-il d’un des principes fondateurs de l’Islam à la Française ?

Une impression de désordre aussi, dans l’analyse de l’effort, tout à fait méritoire que relate le chapitre « Donner forme à un savoir adapté à la France ».

A lire les pages d’enquête du sujet, le lecteur en retire l’impression que tout est possible, selon les interprétations qui sont données du Coran, de ses versets, des hadiths, – les paroles et actes du Prophète- , des grandes traditions sunnite ou chiite, des avis des imams, et aujourd’hui de l’Islam des sites internet, à la condition toutefois qu’une partie des « savants » trouve un chemin de convergence entre prescription religieuse et conduite de la vie quotidienne.

Car le quotidien est un problème en soi, la prière, les ablutions, la nourriture, et tout ce qui touche au statut des personnes, compatible ou non avec nos lois républicaines.

Dans la troisième partie, l’auteur traite longuement de ces sujets de « friction ».

Les « innovateurs » recherchent les voies d’une convergence entre deux ordres de normes qui ne sont pas toujours compatibles, en s’inspirant des « finalités » de l’Islam, mais à lire les pages qui leur sont consacrées, leur tâche ne parait ni facile, ni concluante.

L’auteur ne masque d’ailleurs pas les difficultés rencontrées pour avancer des solutions.

« Les jeunes générations, ceux qui sont nés ici, ils ne connaissent pas leur propre langue, ni leur propre culture, et ils ne pourraient en aucun cas retourner vivre dans leur pays d’origine. » (page 131)

Et plus loin :

« Ici se révèle une ligne de fracture majeure, entre, d’un côté, la poursuite d’une voie islamique sur le sol français, et de l’autre la volonté de devenir partie intégrante de la France. ! » (page 141)

Les écoles ? Mêmes interrogations ! Et autre challenge !

Le titre de ce chapitre 5 est tout à fait curieux : « Comment les écoles se démarquent les unes des autres » et la lecture des premières lignes donne un cours étrange à cette enquête.

L’auteur évoque à ce sujet, de la part de leurs créateurs ou animateurs, « un créneau à occuper », « une niche particulière sur la marché de l’éducation musulmane par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique ». (page 163).

Heureusement, le corps du sujet ne se résume pas à cela, mais on voit bien qu’il n’est pas facile dans notre pays de vouloir ériger un réseau d’écoles musulmanes, en respectant à la fois les normes de l’école républicaine et celles des finalités premières de l’Islam :

« Les six « finalités » (magasid)  qui sous-tendent et éclairent les interdictions, la préservation de la religion, de l’âme, de la raison, de la procréation, des biens et de l’honneur, c’est-à-dire les cinq principes proposés par al-Shatibi, plus l’honneur, un ajout d’al-Qaradawi.. » (page 173)

A lire cette analyse, le développement récent, il est nécessaire de le souligner, d’un réseau d’écoles musulmanes, rencontre de grandes difficultés, pour plusieurs raisons, dont celle de pas avoir encore réussi à résoudre certaines contradictions dans l’enseignement lui-même.

L’auteur note en effet : « Des écoles musulmanes, des instituts, des centres de formation, et même des camps d’été, tentent de résoudre la quadrature du cercle en conciliant l’intégration sociale et l’intégrité religieuse. » (page 198)

Et le même auteur de poser dans le chapitre 6 la question clé : « Une école islamique peut-elle être républicaine ? » 

La réponse de M. Bowen est affirmative, au moins dans l’exemple qu’il cite.

Son analyse du cas de l’Ecole de la Réussite à Aubervilliers montre qu’une école musulmane peut, à l’exemple d’une école catholique, entrer dans le cadre républicain en mettant en œuvre le programme national de l’enseignement, mais avec toutes les difficultés qu’il y a à enseigner un programme laïc dans une école islamique, notamment quand il s’agit de traiter de l’homosexualité, de l’égalité des sexes, de la théorie de l’évolution, des rituels quotidiens, etc….

Et l’auteur de conclure son chapitre avec une conclusion tout à fait révélatrice de toutes ces difficultés et ambigüités, avec l’observation « en le contestant » que j’ai soulignée:

«  Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés à explorer les divers moyens employés par les acteurs publics musulmans pour créer des institutions islamiques qui utilisent (tout en le contestant) l’environnement culturel et politique français, et les chemins parcourus par les enseignants pour façonner le raisonnement islamique en fonction de ces conditions. » (page 244)

Dans la troisième partie « Débats et Controverses », l’auteur revient sur un certain nombre de sujets qui font débat au sein de la société française, musulmane ou non, avant tout des sujets de statut personnel compatible ou non avec la loi française.

Il pose la question : « Un Islam d’Europe est-il nécessaire ? » et l’intitulé même de cette question pose une autre question : un christianisme d’Afrique ou d’Asie est-il nécessaire ?

On voit immédiatement la difficulté du sujet, entre le transnational musulman, souvent venu d’ailleurs, c’est-à-dire celui de l’«umma », une communauté musulmane mondiale polarisée sur l’Arabie Saoudite, l’Iran ou le Qatar, avec son ambition d’universalité, et le national.

L’auteur examine les difficultés d’adaptation de la norme musulmane à la norme française quand il s’agit de la « Riba », – de l’emprunt d’argent – , et d’une façon générale, du « fiqh », de la ou des jurisprudences musulmanes, car leurs sources sont nombreuses.

L’auteur évoque le « mainstream » de l’Islam français, mais à le lire, il n’apparait pas clairement, même pas du tout.

Alors la façon d’exprimer les termes du débat par le titre « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre », est de nature à surprendre même le Français le mieux intentionné.

En 2012, la République va négocier avec l’Islam dans son propre champ de légitimité ? En trouvant des « accommodements raisonnables » ? (page 356)

 En ce qui concerne le mariage, le divorce, la nourriture halal, en considérant qu’il existe une « Convergence I de l’Islam à la laïcité », les musulmans trouvant des accommodements avec les normes républicaines ?

En considérant qu’il existe une « Convergence II du droit civil aux pratiques de l’islam », c’est-à-dire en opérant un retour en arrière de la loi et de la jurisprudence française  dans le domaine de la polygamie, en arguant d’arguments de jurisprudence civile tels qu’ « un effet atténué d’ordre public » ou d’ « ordre public de proximité », en proposant une analyse du concept d’ordre public français bien réductrice.

Un plaidoyer donc pour le retour d’un certain pragmatisme dans ce domaine, et en excipant tout à fait curieusement des exemples venus d’en haut de la République française qui rapetissent très sensiblement le champ de son analyse intellectuelle.

L’auteur écrit en effet, au titre des arguments favorables, et à propos de ces efforts d’atténuation de la loi française :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre des Français, en particulier les présidents successifs du pays, pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Conclusion générale

 Il est difficile de proposer une conclusion générale au sujet traité, un sujet d’une grande complexité théorique et pratique, alors que la France a longtemps ignoré, dans sa vie nationale, concrète, et quotidienne,  l’existence même de l’Islam, sauf pour une minorité de Français, et pour les autres, une teinture scolaire qui mériterait d’être identifiée.

A lire l’auteur, et compte tenu de toutes les limitations que la nature même de cette enquête suppose, il existerait de nombreuses raisons d’être optimiste, quant à la capacité des musulmans de France d’entrer dans le cadre des normes républicaines,

–       en faisant confiance aux « innovateurs » d’un Islam moderne,  encore bien peu nombreux, semble-t-il, et contestés, au sein même de leur communauté religieuse.

–       en recherchant des « convergences » de finalités entre les deux registres de normes islamiques et françaises, mais nous avons relevé à ce sujet que le postulat d’un débat à égalité entre normes soulevait dès le départ un vrai problème.

A la lecture de cette enquête, supposée représentative de l’Islam à la Française,  il existerait d’autres nombreuses raisons de ne pas partager cet optimisme.

La confusion et le flottement qui entourent l’interprétation des normes musulmanes, la multiplicité des sources religieuses, souvent antagonistes entre elles.

La prédominance d’une religion concrète très rituelle, de type collectif, qui a besoin de s’exprimer, de s’extérioriser dans le domaine social, avec quelquefois un esprit conquérant, prosélyte, en ce qui concerne le voile, la nourriture, ou  le jeûne du Ramadan.

Les observateurs de la vie islamique à la française savent qu’une pression de plus en plus importante et constante s’exerce sur tous les membres de la communauté musulmane pour que le Ramadan soit respecté, ou pour que les femmes portent un voile, une pression qui n’existait pas il y a quinze ou vingt ans.

D’autres observateurs font le constat que les musulmans éprouvent une très grande difficulté à séparer le civil du religieux, comme ce fut longtemps le cas en France, quand l’église catholique exerçait son magistère sur la vie nationale.

Pessimiste, donc si l’Islam de France ne réussit pas à faire sa révolution copernicienne, c’est-à-dire à ne plus dépendre des vrais centres de décision de cette religion qui sont situés à l’étranger, ou au minimum à accepter les dispositions de la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Sauf à penser que l’Islam de France puisse engager sa révolution religieuse, il est à prévoir que les convergences à trouver ne soient pas aisées à trouver et à mettre en œuvre, une révolution copernicienne, très difficile à réaliser, compte tenu du mur qui sépare encore le dar el salam du dar el harb.

Pourquoi cacher que pour tout un ensemble de raisons de politique intérieure ou extérieure, les relations entre la communauté islamique et les autres communautés continueront à être délicates, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté que l’Islam de France rencontrera pour ne pas être identifié avec un Islam extrémiste, fanatique, prêt à porter la guerre en Occident.

Toute la question est de savoir :

– si le jugement que Pascal portait, au XVème siècle,  sur cette grande religion a encore une actualité ou non. (Pensées de Pascal Article IX – La perpétuité –  articles 595 et suivants)

– ou encore, si l’Islam à la Française est  « mektoub », ce qui est écrit dans le Coran.

Jean Pierre Renaud

« L’Islam à la Française » « Enquête » John R.Bowen – Lecture critique: première partie

« L’Islam à la Française »

« Enquête »

John R. Bowen

(Steinkiss)

Lecture critique

Première Partie

Lecture résumée

La deuxième partie sera publiée dans la semaine du 5 novembre 2012

            La matière est difficile et le livre traite une grande quantité de sujets qu’il est souvent malaisé de résumer, mais l’enjeu en vaut la chandelle, car la lecture de cette enquête permet de mieux comprendre la situation et le « fonctionnement » de l’Islam dans notre pays.

            Une lecture que ne facilite pas l’analyse très factuelle de son auteur, à l’anglo-saxonne de la méthode des cas, dans un domaine religieux et civil,  très foisonnant, trop foisonnant.

L’ouvrage comporte trois parties :

1ère partie – Itinéraires musulmans (pages 11 à 75)

2ème partie –  Espaces et lieux de l’Islam en France (pages 75 à 247)

3ème partie – Débats et controverses (pages 247 à 367)

Comme nous le verrons, les titres des chapitres en disent peut-être plus long sur le choix des sujets traités que sur les sujets eux-mêmes.

1ère partie – Itinéraires musulmans

 Chapitre 1 – « L’Islam et la République »

L’auteur a procédé à une enquête auprès de ceux qu’il dénomme les « savants », les « érudits » musulmans présents en France pour bien délimiter ses sujets et ses réflexions. Il a procédé à un inventaire des formes d’idées et d’institutions qui y sont présentes.

Une des conclusions de ce premier chapitre mérite d’être citée :

« Au fil de ces chapitres, j’aurai donc tracé des pistes réelles et potentielles pour une convergence de la réflexion normative des deux côtés à la fois, à partir des normes sociales et juridiques de la France et à partir de celles de l’Islam. Mais cette convergence dépendra de l’acceptation de part et d’autre d’une certaine dose de pragmatisme social.

L’Islam aura davantage de chances d’«être français », c’est-à-dire d’être devenu une composante pleinement acceptée du paysage socio – religieux français, lorsque les musulmans comme les non-musulmans auront développé des raisons convaincantes d’accepter des formes pragmatiques de justification, qui admettent que la protection sociale de tous constitue une bonne raison de soutenir une politique, et qui reconnaissent dans le pluralisme de valeurs un phénomène témoignant d’une juste compréhension de la laïcité française. » (page32)

Dans le chapitre 2, intitulé « Façonner le paysage de l’islam français », l’auteur propose son interprétation de l’attitude des pouvoirs publics à l’égard de l’Islam, sur le voile et l’école qui aurait encore quelque chose à voir avec « la conception coloniale de l’islam » :

« Au milieu des années 1970… il était naturel pour eux de plaquer sur la vie postcoloniale en France la conception coloniale de l’Islam comme instrument de contrôle social. » (page 61)

L’auteur note que le nombre de lieux de culte musulman est passé de 100 en 1970, à 500 en 1985, «  à 1279 en 1992 et finalement 1 600, ce qui revient à un triplement d’espaces de prière en dix- huit ans » (page 63)

2ème partie – Espaces et lieux de l’Islam en France

Chapitre 3 : « Des mosquées tournées vers le monde extérieur »

L’auteur brosse le portrait des mosquées française en notant :

« Bien que toutes ces activités (certification halal, vente de livres, prières, conférences, enseignements) soient indépendantes les unes des autres, un esprit commun les réunit, celui que porte une jeune génération de leaders islamiques. La plupart d’entre eux ne sont pas nés en France, mais ils bénéficient d’un bon niveau d’éducation en français, et s’attachent à mener leur vie islamique à travers toute une gamme d’activités d’entrepreneurs. » (page 89)

L’ensemble de ce chapitre montre que l’enseignement est d’abord tourné vers l’extérieur, le monde islamique, et que beaucoup d’imams viennent de l’étranger.

En matière de sermons, une étude réalisée au cours de la période 1999-2001, montra que « dans vingt- trois mosquées de toute la France. Presque tous étaient délivrés en arabe, parfois avec une traduction française, et une nette majorité des prédicateurs étaient originaires du Maroc… Rares étaient ceux nés en France. » (page 92)

Chapitre 4 : « Donner forme à un savoir adapté à la France »

A la lecture de ce chapitre, apparait une réalité musulmane très contrastée, fluide, en mouvement, difficile à appréhender et à comprendre, avec une interprétation de règles superposées, le Coran et ses versets, les hadiths de Mahomet, et toutes les interprétations convergentes ou divergentes des « savants » qui disent la « loi »,  c’est-à-dire et concrètement d’imams plus ou moins « savants ».

L’auteur cite les propos de quelques- uns des « sachant », dont Hichem El Arafa, responsable d’un important et influent centre d’études musulmanes, le CERSI (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Islam) situé à Saint Denis.

« Que propose Hichem comme alternative au salafisme ou aux Tablighis ?

Il plonge dans les profondeurs historiques des traditions de l’épistémologie islamique, de façon à mettre en relief les complexités du savoir, et s’appuie, par ailleurs, sur un ensemble d’objectifs ou de principes généraux du Coran pour élargir ce savoir à de nouveaux domaines. Son enseignement tend à mettre en avant la première de ces deux dimensions de travail, qui repose sur la science des hadiths, les « recueils » de ce que le Prophète a dit, fait, ou s’est abstenu de dire ou de faire. Il peut concentrer l’attention sur la science des hadiths pour souligner la nature complexe du savoir islamique, et pour affirmer que les érudits doivent soupeser ou arbitrer différentes alternatives et émettre des jugements. Il enseigne également que les hadiths que l’on peut considérer comme fiables convergent avec le sens commun, même dans la France d’aujourd‘hui, et qu’ensemble ils forment un système logique et cohérent. Nul besoin donc pour les musulmans d’abandonner leurs traditions d’érudition au profit d’une approche simplifiée de leur religion, sous la forme d’un simple « règlement ».

Mais pour Hichem, il n’y a guère plus de sens à enseigner du point de vue de l’une ou l’autre des écoles juridiques établies, dans la mesure où celles-ci se sont développées dans des sociétés fort différentes de la France d’aujourd’hui…

Le « méta- message » qui transparaissait au fil des cours d’Hichem était que le savoir islamique repose sur la science de l’étude des paroles du Prophète, et que cette science produisait des résultats complexes, qui ne se laissent pas aisément réduire à un jeu de règles. Les étudiants se montrent souvent insatisfaits d’un tel message, beaucoup  voudraient précisément trouver ces règles. » (page 142)

Chapitre 5 : «  Comment les écoles se démarquent les unes des autres »

L’auteur décrit la diversité des pédagogies utilisées par les écoles islamiques existant en France, et tout à fait curieusement introduit son propos en écrivant :

« De cette façon, nous pouvons interpréter la façon dont chacun d’eux présente son approche comme une tentative d’affirmer sa différence (et donc  de revendiquer une « niche » particulière sur le marché de l’éducation musulmane) par le biais d’une interprétation spécifique de la connaissance islamique. » (page163)

« Nous pouvons, provisoirement, distinguer trois dimensions principales en fonction desquelles s’articulent les différences d’un institut à l’autre ;
 La première dimension est celle de la professionnalisation…

La seconde est celle de langue (arabe ou non)…

Enfin, troisième et dernière dimension, les instituts mettent l’accent, dans l’apprentissage de la tradition islamique, sur différentes combinaisons de sources : certaines prennent comme point de départ l’une des quatre grandes traditions juridiques sunnites, tandis que d’autres préfèrent éviter cette médiation des écoles juridiques et travailler directement sur l’interprétation du Coran et des hadiths. » (page164)

Il n’est pas toujours facile de suivre l’analyse de l’auteur  dans ce chapitre qui compte près de quarante pages, mais on en retire deux impressions, celle d’une infinie diversité des interprétations du Coran, et parallèlement l’importance qu’ont les règles religieuses, les normes, les interdits, et l’application stricte des règles dans la vie musulmane (mariage, filiation, divorce, voile,…) et d’un rituel religieux quotidien exigeant (ablutions, cinq prières,…)

Chapitre 6 :  « Une école islamique peut –elle être républicaine ? »

Un titre incontestablement provocateur, d’autant plus qu’il s’agit d’une question ?

L’auteur écrit :

« A présent nous nous rapprochons encore du système éducatif prédominant en France, et nous posons d’emblée une question abrupte : la formule d’ « école islamique républicaine » n’est-elle pas un oxymore ? Mais dans ce cas l’on pourrait aussi s’interroger plus avant : les écoles confessionnelles ne sont-elles pas toutes en contradiction avec la mission républicaine de la France,

La pensée républicaine française fait de l’école publique l’instrument privilégié pour faire de chacun un citoyen. Dans cette perspective, tous les enfants devraient suivre les cours de l’école publique. » (page207)

L’auteur fait un très rapide résumé historique de l’enseignement en France, de la situation de l’enseignement privé, en notant qu’un cinquième des élèves du secondaire fréquente l’enseignement catholique.

« Il n’existe en revanche qu’une poignée d’écoles privées musulmanes « de jour » comme je les nommerai parfois ici pour les distinguer de celles qui se spécialisent dans les cours du soir. La toute première à avoir été créée en France métropolitaine est l’Ecole de la Réussite, à Aubervilliers. » (page 208)

Et l’auteur de poser la question :

« Comment enseigner un programme laïc dans une école islamique ? »

« … Aussi longtemps qu’ils suivent  les directives des programmes nationaux, les enseignants sont libres de concevoir leurs propres plans et de gérer leur enseignement. Les professeurs couvrent donc les mêmes disciplines  et les mêmes sujets que leurs collègues du public. Seule différence, une heure d’éducation religieuse et quatre heures d’arabe sont proposées  dans des tranches horaires optionnelles le mercredi et le samedi, suivant un modèle adopté par de nombreuses écoles privées catholiques. » (page 221)

La suite de l’analyse montre qu’il n’est pas toujours facile de concilier normes islamiques et normes républicaines, sans introduire le concept de l’évolution de l’Islam, et de son adaptation aux finalités de cette religion, et c’est peut-être là tout le problème.

3ème partie : « Débats et controverses »

Chapitre 7 : « Un « Islam d’Europe » est-il nécessaire ? »

« Prenons, un bref moment, un peu de recul, le temps de considérer quels chemins notre enquête a jusqu’ici empruntés. Nous nous sommes d’abord penchés sur les forces qui ont contribué à modeler le paysage actuel de l’Islam en France, les parcours de vie des musulmans, de leur arrivée dans le pays à leur implantation à long terme, leur identification de plus en plus marquée avec l’islam, et les réactions de l’Etat qui s’est attaché à mettre en application la vieille tradition visant à maintenir, moyennant un certain soutien officiel, le contrôle d’ l’Etat français sur les institutions religieuses. Cette perspective nous a permis de comprendre le développement des institutions islamiques (mosquées, écoles, instituts) comme une réponse, inscrite dans le champ des possibilités offertes par la France, à une demande constante de la plupart des jeunes français musulmans, garçons ou filles.

Nous nous sommes ensuite engagés dans l’analyse plus détaillée d’un ensemble de projets institutionnels musulmans portés par les courants dominants et modérés, le « mainstream » de l’Islam français, et qui ont été mis en œuvre en suivant  à la lettre les règles du jeu français, même si des contradictions avec ce « jeu », en particulier autour des questions éducatives, demeurent source de tracasseries pour certaines de ces initiatives. Il y a encore des maires pour s’opposer à la construction de mosquées, et certaines écoles religieuses continuent de se heurter à un mur au sein de la bureaucratie. Tous ces projets révèlent des acteurs publics islamiques en quête de solutions pragmatiques face à un double défi : comment survivre dans la paysage public français, et comment enseigner l’Islam (ou enseigner dans une atmosphère islamique) d’une façon qui puisse séduire une nouvelle génération de musulmans français. …

Nous avons ainsi découvert qu’une même idée se retrouvait à travers tout l’éventail, si varié qu’il fut, des réponses apportées aux problèmes quotidiens, ainsi qu’à travers les diverses manières d’enseigner l’Islam : celle des finalités, ou intentions (maqasid) de la charia, comprises comme sous-jacentes aux règles spécifiques énoncées dans les Ecritures.

Cette idée peut permettre, éventuellement, de légitimer certaines tentatives de dépasser ces règles pour explorer de nouvelles possibilités de vie dans l’Islam…

Dans le présent chapitre, nous nous pencherons sur une gamme plus large encore, et plus différenciée, de formulations et de justifications de la part des érudits et des enseignants, et nous verrons comment se développent entre eux des controverses quant à la valeur relative de ces différentes formulations. Les questions posées par les musulmans dans les débats publics soulèvent inévitablement le problème de savoir si des normes islamiques distinctes doivent s’appliquer en France (et par extension en Europe). » (page 251)

L’analyse de l’auteur nous conduit au cœur du sujet, quant à l’interprétation du Coran, des hadiths, des traditions, des jurisprudences islamiques, et il y en beaucoup, et de la compatibilité de ces normes sacrées ou non, avec le vécu concret des musulmans, le rituel des prières, le halal alimentaire ou privé, le mariage et la répudiation, la filiation, les emprunts, etc…

Comment accorder ses actes de vie privée, sociale et économique, dans le contexte républicain laïc, en demeurant musulman, c’est-à-dire fidèle aux enseignements de l’Islam ?

Est-il légitime de trouver « une fondation coranique à l’idée de de devoir agir en fonction des nécessités » ? (page 257)

Chapitre 8 : « Négocier d’un champ de légitimité à l’autre »

Autre titre, un brin provocateur, pour un lecteur nourri au lait de la République et de la laïcité !

L’auteur relève que la plupart des musulmans de France régissent leur vie sociale par les normes françaises, et de poser donc la question :

« Comment peuvent-ils combiner ces jeux de normes concurrents, comment trouver des compromis, comment négocier ? » (page289)

Et afin d’éclairer son propos, l’auteur s’attarde sur le cas du mariage et du divorce, en analysant les différents aspects de ces actes à la fois de vie privée et publique, et en montrant à la fois les limites et les champs possibles de  cohabitation des deux de normes :

Quelles sont les modalités et obligations d’un mariage halal ?

Comment rompre un mariage halal ?

L’auteur note à ce sujet que « la plus grande confusion » règne dans les réponses, notamment avec la multiplication des sites internet.

Convergence I : de l’Islam à la laïcité »

Et plus loin : « Quels objectifs pour les règles de la nourriture halal ? »

Convergence II : du droit civil français aux pratiques de l’Islam »

Dans ce passage, l’auteur analyse le dossier toujours très controversé de la polygamie, d’abord tolérée, puis interdite, et d’après lui souvent réglé de façon pragmatique, les juges s’appuyant sur deux concepts, « l’effet atténué d’ordre public » ou sur un concept d’« ordre public de proximité ».

Et pour illustrer son propos, l’auteur écrit :

« Enfin, ce genre de distinctions permet aux autorités françaises de paraître moins hypocrites sur le plan moral, dans une période de l’histoire où un nombre croissant de couples français ne se marient pas, et où un certain nombre de Français, en particulier les présidents successifs du pays pratiquent une polygamie de facto. » (page 323)

Chapitre 9 : « Sphères d’Islam au cœur de l’espace républicain » 

« Partis d’un vaste panorama historique du paysage de l’Islam en France, nous nous sommes peu à peu rapprochés pour regarder de plus près les mosquées, les instituts et les écoles qui parsèment ce paysage, avant de nous placer au plus près pour observer les formes de réflexion et de débat qui prennent place chez les musulmans au sein des espaces islamiques…

Nous avons vu, ainsi, comment les musulmans invoquaient des formes socialement pragmatiques de raisonnement islamique pour faire face à des problèmes concrets, et comment ces modes de pensée pouvaient également jeter des ponts depuis l’univers islamique vers les normes juridiques françaises. Nous avons aussi pu esquisser les voies éventuelles d’une convergence dans l’autre direction, partant cette fois du droit français pour tendre la main aux institutions islamiques du mariage et du divorce. Ces deux registres, ces deux répertoires de normes, se ressemblent bien plus qu’on ne le penserait de prime abord, tous d’eux s’appuient en effet sur des notions comparables d’objectifs sociaux et d’équivalences juridiques….

Ceci nous invite donc fortement à nous tourner à présent vers la force sociale et morale des objections françaises au genre d’idées et d’institutions islamiques que nous nous sommes attachés à observer.

Ceux en France qui s’inquiètent de l’intégration des musulmans au sein de la République font d’ordinaire mention de deux problèmes-clefs : en premier lieu, le fait que certains  musulmans sont restés nettement « communautaristes » et tendent à se regrouper autour d’associations fondées sur l’Islam, mosquées, écoles ou associations communautaires de quartier, ce qui les empêche d’entrer pleinement dans l’’espace public républicain ; et en second lieu, le fait que certains musulmans ne sont pas parvenus à faire leurs les exigences de la laïcité, parce qu’ils substituent des normes et des valeurs religieuses (ou bien des valeurs culturelles dérivées de la religion)) aux normes et valeurs laïques, ce qui les empêche d’adopter pleinement les normes d’égalité homme-femme et de liberté religieuse. » (page330)

L’auteur pose alors la question : «  Les associations religieuses, un frein à l’intégration ? »

Il tend à démontrer le contraire  en faisant une lecture de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, sur laquelle nous reviendrons dans notre analyse critique : « … et que la loi de 1905 était principalement destinée à remettre les Eglises entre les mains des citoyens. » (page 331)

M.Bowen compare la situation des écoles privées musulmanes à celle des écoles privées catholiques, et cite l’exemple de l’Ecole de la Réussite d’Aubervilliers ;

« Il y a pourtant plus d’une raison de soutenir que, sur le plan psychologique, un enfant musulman pourrait retirer davantage encore de profit d’une scolarité dans une école musulmane, qu’un enfant catholique scolarisé dans l’enseignement privé confessionnel, étant donné les nombreuses occasions, dans sa vie quotidienne, où il risque d’être critiqué pour sa foi. La plus grande part du caractère « islamique » de l’école ne vient pas des programmes, mais du fait  que se comporter en musulman(e), porter le voile, faire sa prière à l’heure prescrite ; jeûner durant le Ramadan, est normal dans cet espace. Dans une école publique, même la rupture du jeûne est regardée comme une contravention aux normes de la laïcité. » (page 336)

Les observations de M.Bowen le conduisent à penser qu’il existe beaucoup plus de convergences entre les deux registres de normes qu’on ne le pense.

L’auteur évoque alors :

« Une sphère islamique nationale au Bourget », c’est-à-dire le salon annuel de l’UOIF du Bourget :

«  Les références normatives que l’on trouve ici sont islamiques, et non françaises, ou européennes, mais les formes d’investissement personnel qui y sont encouragées, construction d’écoles et de lieux de prière, souci des personnes dans le besoin au-delà des frontières, ne semblent guère différentes de ce qui forme la base même de la vision française d’un citoyen actif. » (page 343)

Et l’auteur de relever plus loin que cette situation n’est guère différente de celle qu’ont connue ou que connaissent les catholiques et les juifs.

Et les dernières pages de ce livre abordent un certain nombre de sujets sensibles, ou très sensibles, qui font polémique au sein de la République Française et pour lesquels M.Bowen pose la question :

« La laïcité doit primer ? »  à propos de l’apostasie.

« Défauts d’assimilation » à propos du voile à l’école, du mariage halal, avant le mariage civil en mairie, de la virginité avant mariage, et du port de la burqa.

L’auteur tient un discours qui tend à légitimer ces pratiques liées au culte musulman, et il écrit :

« … ces affaires s’inscrivent dans des cadres de pensée préexistants, selon lesquels la religion en général s’oppose aux droits des femmes, et les musulmans ne peuvent devenir des Français à part entière. » (page 356)

Et plus loin :

« Nous sommes, me semble-t-il, témoins d’un véritable « serrage de vis » sur le plan des valeurs, et d’un rejet plus fort du pluralisme, tout cela au nom de l’intégration à la nation.

Mais c’est précisément le pluralisme dans la vie associative, et au sein de la famille, qui a permis à la France d’ « intégrer » les catholiques, les protestants et les juifs dans la République en leur laissant la possibilité de conserver un héritage et un  système de croyances religieuses (dont certaines ne reflètent clairement pas l’égalité homme- femme) dans la vie sociale,… «  (page 357)

M.Bowen conclut :

« Ces développements et ces convergences délimitent les contours empiriques d’une réponse affirmative à la question : l’Islam peut-il être français ? D’un côté comme de l’autre, le défi à relever implique d’embrasser plus largement le pluralisme et le pragmatisme, même si cette démarche emprunte des chemins assez différents » (page360)

Un résumé sans doute imparfait, et presque nécessairement imparfait, mais dont le contenu soulève maintes questions qui gravitent évidemment autour de la question clé : l’Islam de France est-il compatible avec les valeurs de la République Française, et notamment celle fondée, au prix de beaucoup de difficultés, par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat ?

Nous proposerons, dans une deuxième partie, nos réflexions critiques sur le discours analytique de M.Bowen.

Jean Pierre Renaud

« Echappées belles » « Bénin, une autre Afrique » France 5 du 24 mars 2012

« Echappées belles »

« Bénin, une autre Afrique »

France 5 du 24 mars 2012

Mon propre regard

            France 5 a tout à fait raison de nous proposer sa série d’émissions intitulée « Echappées belles », car elle permet aux téléspectateurs de découvrir d’autres pays, d’autres civilisations de la planète, et donc de s’élargir l’esprit.

            Ce reportage sur le Bénin est intéressant, mais il pose quelques questions.

            Incontestablement, le reporter découvre ce pays avec une certaine candeur, avouée, étant donné, qu’à un moment donné du reportage, et sauf erreur, il déclare qu’il débarquait, pour la première fois, dans cette partie de l’Afrique occidentale.

            Un reportage haut en couleurs, plaisant, qui nous fait rencontrer des interlocuteurs sympathiques, sous la conduite d’un guide africain compétent, les paysages de la côte, la découverte d’un village lacustre de la lagune, des ateliers de poterie, la route des esclaves à Ouidah, la religiosité de type vaudou qui baigne à nouveau une partie du peuple de la côte, et la visite aux descendants des rois d’Abomey et de Savalou, allié feudataire du roi d’Abomey.

            Mes réserves portent sur l’absence de cadrage historique, car il parait tout de même difficile d’évoquer le trafic des esclaves sur les côtes du Bénin, en tous points condamnable, sans précisément relever que le roi d’Abomey, Behanzin, était alors partie prenante d’un système d’esclavage, encore fort répandu en Afrique de l’Ouest.

            N’aurais-je, par hasard, pas entendu ce type de précision dans le courant du reportage ?

            Ma deuxième remarque portera sur la relation subtile que les africains ont su établir entre leurs intérêts touristiques et la crédulité des blancs, et ce reportage le montre plutôt bien.

            Le reportage consacré aux deux rois d’Abomey et de Savalou fait un sort à ce qui ressemble tout à fait à ces reconstitutions dont notre cinéma et notre théâtre sont très friands, pourquoi pas ? Et dans ce domaine, les Africains n’ont jamais eu rien à apprendre des Blancs.

Dans ses récits, le grand auteur Hampâté Bâ, a donné de multiples exemples de la manière bien à eux, traditionnelle, et bien ancrée, que les Africains ont toujours eu de se moquer des Blancs, sans naturellement que les Blancs ne s’en soient jamais rendu compte.       

      Jean Pierre Renaud

Pierre Loti, romancier orientaliste, ou tout simplement pêcheur d’âmes?

 Au début de cette semaine pascale, comment résister au désir et au plaisir  de citer quelques lignes de son livre « La Galilée » ?

            Loti fit ce voyage, ou ce pèlerinage, en 1894, et son récit, à la fois poétique, très vivant, et admirablement descriptif,  baigne dans le souvenir de l’aventure du Christ.

            « La lumière baissant toujours, nous revenons sur nos pas, afin de regagner lentement Tibériade… Et nous avons devant toute cette rive du nord, que nous irons demain matin visiter avec une barque – cette rive qui fut le pays aimé de Jésus, et où s’aperçoit d’ici la coupée obscure du Jourdain, près du désert de Bethsaïda… » (1)

            Avant d’arriver à Tibériade, Loti avait fait étape à Nazareth et en avait rappelé la triste histoire, ainsi que celle du surnom que les africains musulmans donnaient alors aux blancs, les « nazaréens ».

Jean Pierre Renaud

(1)    Pierre Loti – La Galilée- Petite Bibliothèque Payot (page 89)

Politique et Culture? La culture de nos femmes et hommes politiques? Mythe ou réalité? Doumer en Indochine en 1896

Politique et Culture ?

La culture de nos femmes et hommes politiques ?

Mythe ou réalité ?

Royal en Chine, Sarkozy à Dakar, Guéant à Paris

1896, en Indochine : l’exemple de Paul Doumer, Gouverneur général de l’Indochine

            Au fil des années, et à écouter nos femmes et nos hommes politiques, je me suis posé souvent la question de savoir si les dirigeants politique actuels étaient nourris d’une vraie culture.

            Tellement l’ignorance, béante, de nos gouvernants sur la civilisation chinoise, à l’occasion du passage de la flamme olympique à Paris, en 2008, paraissait évidente.

            Avec aussi le discours de Sarkozy à Dakar, ou celui plus récent du ministre de l’Intérieur sur les civilisations.

Autre exemple, si mes souvenirs sont exacts, celui de la visite de Mme Royal, habillée de blanc, couleur de deuil dans ce pays, sur la grande muraille de Chine avant les présidentielles 2007. Il me semble qu’elle ait porté, la même couleur blanche, celle aussi du culte vaudou, lors des funérailles du poète Césaire.

A l’occasion de l’émission du 8 mars  « De la parole et des actes » consacrée au candidat Bayrou, son déroulement connut, ce que j’appellerais un moment de grâce, ou tout simplement de culture, lorsqu’il fut convié à citer de mémoire des vers d’Edmond Rostand et de Louis Aragon, ce qu’il fit d’ailleurs avec un certain brio.

La culture de Doumer :

Pour mémoire, une longue carrière d’homme politique de la Troisième République, ministre, Président des deux assemblées, Président de la République en 1931,  assassiné en 1932. Trois de ses fils furent tués  pendant la première guerre mondiale, et le quatrième, gazé, décéda quelques années après.

D’origine provinciale modeste, son cursus de vie fut exceptionnel, l’exemple même de la méritocratie républicaine.

Doumer fut Gouverneur général de l’Indochine de 1896 à 1902, et il attacha son nom à la politique des grandes infrastructures de la colonie.

Afin d’avoir les moyens de mener à bien un important programme d’équipement de l’Indochine, la colonie avait besoin d’obtenir la garantie de l’Etat français pour réaliser un emprunt de 80 millions de francs or de l’époque, mais il y avait une sérieuse épine dans le pied de Doumer pour convaincre le gouvernement français d’accorder la garantie demandée, l’insécurité qui régnait encore dans le delta du Tonkin, à peu de distance d’Hanoï.

La rébellion du Yen-Thé sous la conduite du Dé-Tham

Le Dé-Tham,  tout à la fois chef rebelle et pirate, maintenait une très grande insécurité, depuis de longues années,  dans la province du Yen-Thé, à la fourche géographique de deux voies d’accès naturelles vers la Chine.

Doumer prit le parti de convaincre le Dé-Tham d’accepter sa soumission, et pour obtenir ce résultat, il chargea le commandant Péroz de lui mener la vie dure, sur le plan de la contre-guérilla, tout en lui ouvrant la porte d’une soumission pacifique.

Et pour ajouter du poids, du crédit à cette proposition de soumission pacifique, le Gouverneur général décida de faire une grande tournée à cheval, en novembre 1896, dans cette zone du Yen-Thé, que le lieutenant-colonel Péroz raconta dans son livre « Hors des chemins battus », en 1907. (1)

« C’est ainsi qu’une course à travers nos forêts, pour dangereuse et inconfortable qu’elle fut, n’était pas pour lui déplaire, s’il y voyait un résultat tangible…Pendant quatre jours, sous une pluie fine, serrée, incessante, nous parcourûmes à grande allure tous les recoins du Yen-thé. Soixante-dix à quatre-vingt kilomètres par jour ; une fois, nous dépassâmes la centaine. Tous les soirs, nous rallions le chef- lieu (Nha-Nam). J’avais cédé au gouverneur général ma chambre à coucher…

Commandant ! Commandant ! Le jour se lève. Partons-nous ?…

On déjeunait très sommairement sous le chaume d’un auvent : des sardines, quelques conserves, du biscuit et du thé (dans sa tournée à cheval)…

A table, il présidait avec ma femme en face de lui…L’extrême sobriété du gouverneur général nous étonnait… dans la demi-obscurité, que rendaient plus épaisse les lueurs vacillantes des photophores lointains, il nous charmait par la grâce et par la variété de ses entretiens…

Parfois, de sa voix métallique, il nous récitait des passages entiers des grands auteurs, si bien que, bercés par son débit coloré et chaud et fermant les yeux, nous avions l’illusion d’une audition de quel -qu’un de nos grands diseurs professionnels. C’était aussi, pour ceux d’entre nous qui avaient conservé le culte des lettres latines, des odes d’Horace et des lambeaux de tragédies antiques que notre vie tourmentée lui mettait en mémoire. »

Jean Pierre Renaud, dans le livre « Les confessions d’un officier des troupes coloniales – Marie Etienne Péroz -1857-1910 », dans le commandant Péroz et le Dé-Tham (chapitres 13 à 18) le passage en question – editionsjpr.com

« Les Afghanes retrouvent la parole » La Croix des 14 et 15 janvier 2012

Le journal a consacré un dossier très intéressant de trois pages sur ce sujet très sensible, celui de la « nouvelle » condition féminine dans ce pays encore ravagé par la guerre.

            Les repères statistiques proposés par le quotidien montrent que la condition des Afghanes a évolué favorablement au cours des dernières années :

« La scolarité des filles. Les filles sont 2,4 millions pour un total de sept millions d’élèves, d’après le ministère de l’éducation. Elles sont 1,9 million à l’école primaire, 416 854 au collège et 122 480 au lycée. »

Mais rien n’est encore vraiment gagné, puisque d’après une étude ONG, 22% des filles étaient considérées comme absentes, au lieu de 19% chez les garçons.

Il ne faut toutefois pas oublier que l’insécurité, qui existe encore dans beaucoup de provinces de ce pays, en même temps que la nature de son relief, peuvent expliquer ce taux élevé d’absentéisme, alors que les deux tiers de la population (30 millions d’habitants) vivent encore à la campagne.

Et le même journal rappelle qu’«en dix ans les effectifs des élèves ont progressé pour passer d’un à sept millions, ceux des professeurs de 20 700 à 158 000, dont 36% de femmes. »

Enfin de bonnes nouvelles venant de ce beau pays ! Car elles ne le sont pas toutes, loin de là !

&

Le dossier ne fait aucune mention du film « Le cahier » (année de production 2007, et sortie en salle 2008), qui donnait une vision beaucoup plus pessimiste du même sujet, et c’est bien dommage.

Le 10 mars 2010, au tout début de ce blog, j’avais consacré un billet au film de Hana Makhmalbaf, « Le cahier », un billet intitulé « Clin d’œil cinéma : Afghanistan, talibans, école de filles, journée de la femme, allez-voir « Le cahier »

Un film très émouvant, des images et une histoire incomparable sur l’envie d’école des petites filles du pays.

Formons le vœu que le thème de ce film fasse partie du passé, tout en regrettant que le dossier n’en ait pas mentionné l’existence !

Jean Pierre Renaud