Les initiatives judiciaires dans le processus des présidentielles 2017 ? Qu’en penser ?

La chronique de Pascal Perrineau, professeur des Universités à Sciences Po, chercheur au Cevipof

« Présidentielle : l’élection de tous les bouleversements »

Le Figaro du 12 avril 2017 (page 15)

            Une simple citation qui éclaire le débat qu’il est nécessaire d’ouvrir sur les relations entre suffrage universel et justice :

             « … Cette élection est  aussi radicalement différente des précédentes, dans la mesure où l’acteur judiciaire s’est invité au cœur même de la campagne et a imposé largement son agenda aux médias et aux candidats. Cet « interventionnisme judiciaire » a  rendu plus difficile l’émergence de débats autour d’enjeux structurants. Il a transformé, pour la première fois, la campagne en une véritable « série télévisée » avec son lot de révélations, de coups tordus et de rebondissements permanents… »

         Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir si les juges financiers n’ont pas joué avec le feu, l’avenir le dira, afin de servir les intérêts de tel ou tel candidat proche de la gauche caviar.

         Toujours est-il que la prochaine assemblée nationale, si elle est issue d’un processus démocratique « normal », serait bien avisée, un d’encadrer les primaires par une loi, deux de verrouiller le secret de l’instruction, un secret de Polichinelle pour tous ceux qui savent comment le violer, et « je dirais même plus », pour les deux détectives infatigables D et D du journal de « référence», trois, d’instituer un délai de neutralité judiciaire lorsque la période du suffrage universel est effectivement engagée.

Jean Pierre Renaud

Histoire ou mémoires ou subversion? Benjamin Stora

Histoire, mémoire, roman, propagande, subversion ?

Plus d’un demi-siècle plus tard !

Avec les « raisins verts » ?

         Quatre chroniques sur la guerre d’Algérie et les accords d’Evian

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Troisième épisode

Histoire ou mémoires ?

Benjamin Stora

Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Stora ?

Ses talents d’historien engagé ? Ses positions d’intellectuel à la mode, ou sa condition d’enfant d’Algérie rapatrié en 1962 ?

Ou tout simplement son goût des médias, une sorte d’omniprésence dans beaucoup de médias ?

Les « raisins verts » des intellectuels issus de la matrice algérienne ? En concurrence avec les fils Joxe et Jeanneney ?

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Entre guerre et paix ?

« Benjamin Stora, la paix des mémoires »

Un gros titre noir dans  La Croix des 12 et 13 novembre 2016, avec deux pages de portrait et d’interview (pages 10 et 11) et une grande photo de l’historien engagé.

      A la page 10, une grande photo de l’historien engagé qui occupe presque la moitié de la page, – figure de prêtre, d’apôtre, pour quelle religion dans un journal chrétien ? – une grande photo d’un Stora ouvrant tout grand les bras, avec en sous-titre :

     « L’historien Benjamin  Stora a toujours cherché à briser les enfermements, à connaître  les autres »

« La paix des mémoires » au lieu de « la guerre des mémoires » ? Monsieur Stora s’inscrirait donc aujourd’hui dans un autre registre de la mémoire, la paix des mémoires au lieu de la guerre des mémoires du petit livre qu’il publia en 2007. (voir ma critique sur ce blog)

            L’historien raconte dans cette chronique : « J’avais 42 ans quand je suis passé pour la première fois sur un plateau de télévision » (page 11, La Croix)

            Reconnaissons que depuis cette date, l’intéressé s’est bien rattrapé dans de très nombreux studios, colloques, ou tribunes, au point que de mauvais esprits pourraient se demander quand ce « bosseur » trouve le temps de « bosser ».

            Le journal note d’ailleurs : « De nombreux téléspectateurs identifient Benjamin Stora à ses épais sourcils et à sa mine austère qui confortent le sérieux d’émissions comme « La grande librairie » ou « Bibliothèque Médicis ».

            J’ai souligné le sérieux de ce commentaire louangeur.

            Les deux pages fournissent maintes informations sur le curriculum vitae de l’intéressé, mais sans rien dire de son passé trotskiste – le vrai « fil rouge ? » –  et de ses autres engagements politiques, qui éclaireraient sans doute son parcours, alors qu’il parle paradoxalement de sa « solitude politique » (p,11)

            Le plus surprenant à mes yeux, et pour moi qui fut un grand lecteur  et admirateur de Camus au cours de mes études, et encore après, fut d’apprendre que l’intéressé n’avait vraiment découvert Camus qu’en 1994, alors qu’il avait déjà 44 ans.

            Etait-ce un titre suffisant pour justifier une coprésidence, avec Monsieur Onfray, d’une exposition consacrée à Camus, à Aix en Provence, dont le projet fut d’ailleurs abandonné ?

         Benjamin Stora en captage d’héritage intellectuel, philosophique, et moral de Camus ?

         Illustration de cette découverte-conversion :

      Dans le journal Le Monde du 20 août 2014 « L’Eté en séries » (page18)

        16 avril 1994Benjamin Stora quitte Sartre pour Camus

      « LE MONDE » ET MOI

       L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie coloniale et ancien militant trotskiste, s’est longtemps senti plus d’affinités avec la pensée de Jean-Paul Sartre qu’avec celle de Camus. Jusqu’à ce qu’il tombe, le 16 avril 1994, sur un article du « Monde » (1) saluant le roman inédit de Camus, « Le Premier Homme » :

… Cette lecture a totalement bouleversé l’image que j’avais de Camus et de la littérature… Et soudain, c’est de Camus dont je me sentais proche… Camus répétait-on était un auteur colonial. Le Premier Homme que je n’aurais pas découvert si vite sans cet article, a confirmé mes intuitions : travailler sur la mémoire, celle des personnes, des individus, est une tâche essentielle. Y compris pour les historiens. » Propos recueillis par Catherine Simon (1)

    (1) Article de Florence Noiville  intitulé « L’enfance inguérissable  d’Albert Camus »

            Depuis de très nombreuses années, Monsieur Stora inscrit son travail historique dans le champ médiatique, et je ne suis pas sûr que ce type de registre, tel qu’il en use, soit de nature à donner une autorité suffisante à un discours mémoriel ou historique, au choix, pour plusieurs raisons :

  Guerre des mémoires ou paix des mémoires ?

       L’historien a semé le trouble en lançant dans les médias et dans l’opinion publique l’expression « guerre des mémoires », une expression mémorielle qu’il n’a jamais eu le courage de faire mesurer.

     Tout un courant intellectuel et médiatique se gorge de discours pseudo-historiques ou pseudo-mémoriels sur la guerre d’Algérie, sur l’histoire coloniale, le « déni » des Français à leur endroit, en tentant de nous persuader que l’histoire coloniale a constitué une pièce importante de notre histoire, alors que cela n’a pas été le cas, hors l’Algérie : beaucoup de Français n’en ont appris, ou connu l’existence, en plus de l’expérience, qu’à l’occasion de l’envoi des soldats  du contingent.

        Un discours mémoriel qui, non seulement laisse accroire que la mémoire de la guerre d’Algérie se confond avec celle de la décolonisation en général, mais aussi, que l’histoire de l’Algérie coïnciderait avec celle de la colonisation française dans son ensemble, alors que c’est le seul territoire qui a fait l’objet d’une longue tentative de colonisation humaine, en définitive modeste par rapport à certaines expériences et réussites anglaises.

        Je suis loin d’être convaincu que les Français originaires d’Algérie, pas plus que les intellectuels issus de la « matrice « algérienne, soient les mieux placés pour nous raconter notre histoire, et nous convaincre que l’Algérie constitue l’alpha et l’oméga de notre « histoire du Sud ».

      Mesure des mémoires ? Je ne suis pas sûr que les Français issus de la deuxième ou troisième génération d’immigrés venus d’Algérie connaissent mieux leur histoire, et ce n’est sans doute pas avec le discours idéologique du FLN, toujours au pouvoir, qu’ils y réussiront.

     Hors Algérie, le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, et ce sont les nouveaux flux d’immigration algérienne qui lui ont fait prendre conscience de ce pan de notre histoire, avec une autre sorte de colonisation, notamment l’algérienne en France.

     Le chroniqueur de La Croix écrivait : « Face au grand public rassemblé au  théâtre de La Criée dans le cadre des Rencontres d’Averroès – un rendez- vous annuel de débats et d’échanges qui se déroule depuis 1994 dans la Cité phocéenne -, il cherchera une nouvelle fois à jeter des ponts entre des histoires qui furent conflictuelles. A rapprocher les mémoires… » (p,11)

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Troisième épisode Histoire ou mémoire ou subversion Benjamin Stora

Troisième épisode (suite)

Histoire ou mémoires ?

Benjamin Stora

Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Stora ?

« Les raisins verts »

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            Question ? « ponts » ou « guerre » ? Comment distinguer entre mémoire et histoire avec un discours aussi ambigu ? Alors que les histoires ont déjà bien du mal à se faire un chemin face au flot des mémoires ? Lesquelles se vendent bien !

         Comment s’y retrouver dans le méli-mélo actuel des mémoires auxquelles certains historiens semblent de nos jours accorder au moins autant de crédit qu’à l’histoire dont ils sont comptables sur le terrain des sciences humaines ?

       Médias, mémoire, histoire, ou politique ? Certains ont plus que l’impression que Monsieur Stora bénéficie d’un privilège d’accès auprès des médias encore imprégnés par un courant intellectuel issu de la matrice algérienne ou maghrébine, un courant fort bien décrit et identifié par l’historien Pierre Vermeren dans son ouvrage «Le choc des décolonisations».

            J’ai relevé un exemple récent à ce sujet : le journal le Monde a publié les 10 et 11 juillet 2016, une tribune intitulée « Les têtes des résistants algériens n’ont rien à faire au Musée de l’Homme », cosignée par Monsieur Stora, aux côtés de dix-huit intellectuels ou chercheurs.

         J’ai commenté cette prise de position sur mon blog, le 1er septembre 2016, en l’intitulant : « Histoire ou politique ? ». A cette date, en 1849, l’Algérie existait-elle ? La vraie question historique !

          Un discours mémoriel qui  alimente tout un courant de repentance et d’autoflagellation de notre histoire nationale, et dans la conjoncture politique passée et présente de notre pays, avec les menaces du djihad, ce type de discours n’est pas sans danger.

            Quelques-uns de ses jugements à l’emporte-pièce fleurent bon la psychanalyse « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français. – « refoulement de la question coloniale »- « une mémoire qui saigne ».

            Trois historiens ont publié en 2008 un petit livre intitulé « Les mots de lcolonisation », Sophie Dulucq, Jean-François Klein et Benjamin Stora.

            J’ai publié sur le blog Etudes coloniales mon analyse de l’ouvrage. Je viens de relire le texte consacré au mot « Violence », et je suis un peu surpris par une partie de son contenu, lorsqu’il est écrit :

     « Certes non, l’urgence pour l’historien n’est pas tant d’intervenir avec Daniel Lefeuvre dans le débat public « Pour en finir avec la repentance coloniale » (2006) que d’analyser sereinement avec Benjamin Stora et Thierry Leclère la guerre des mémoires (2007), qui fait rage en France quant à la relecture du passé colonial. Violente, la colonisation le fut incontestablement… Cette violence n’en reste pas moins une tache indélébile sur l’histoire nationale. » (p,120)

        Comment est-il possible d’écrire une guerre des mémoires  qui « fait rage » sans la mesurer ? A Aix en Provence peut être !

        Comment écrire également que Benjamin Stora contribue à une analyse sereine, alors qu’il est depuis longtemps un des acteurs médiatiques du sujet, précisément « dans le débat public » ? Une sorte d’agit-prop mémorielle ?

      Comment enfin ne pas voir la contradiction conceptuelle existant entre le déni de la repentance en même temps que la « tache indélébile sur notre histoire » ?

      Le discours mémoriel de Monsieur Stora n’a jamais fait l’objet d’une évaluation scientifique, alors que chaque jour tombent les résultats d’enquêtes ou de sondages sur toutes sortes de sujets.

       Ce type de discours mémoriel ressemble étrangement à celui qu’un collectif d’historiens croit pouvoir tenir sur la culture coloniale ou impériale de la France, sans en avoir fait la démonstration statistique, ne serait-ce qu’en décortiquant la presse des époques considérées, à peu près le seul vecteur dont les messages sont susceptibles d’être à la fois accessibles et mesurables.

            La question capitale que pose ce type de discours et de message est celle de savoir si le fait d’être un historien suffit à accréditer le pertinence scientifique de son discours mémoriel.

       Il n’est pas interdit d’en douter sur le plan intellectuel.

       Son ambition est peut-être celle de devenir un des nouveaux maîtres à penser de notre histoire de France, à voir le concours qu’il trouve auprès de certains chercheurs, et si tel est le cas, il y a lieu de s’en inquiéter.

            Ne s’agit-il pas en effet presque toujours de chercheurs qui peignent toujours en noir notre histoire nationale ? Leur travail consiste toujours à mettre le projecteur sur les saloperies, les exactions, sans toujours être honnête intellectuellement avec leur contexte historique ?

            Ils vont finir par nous faire croire que les membres du FLN étaient tous des petits saints et les soldats français de la soi-disant armée « coloniale » tous des brutes assoiffées de sang !

            Un exemple, celui de la torture pendant la guerre d’Algérie ! Pour en avoir été un des modestes acteurs de cette guerre, au service de la France et de l’Algérie, de la guerre et non de la torture, combien de soldats, de sous-officiers, ou d’officiers ont été témoins de la torture, ou ont eux-mêmes torturé ?

          Et en face d’eux, les rebelles du FLN étaient des anges ? Ils ne torturaient pas, ils n’égorgeaient pas ? Et pire encore après les accords d’Evian ? Et récemment encore dans les années 1990 ?

         La  France n’aurait jamais fait rien de bien dans son domaine colonial, même en Algérie, alors que  la situation de l’Algérie avait étonné le président Nasser, lors de sa visite de mai 1963.

            Pour conclure, pourquoi ne pas écrire ? Trop de médias ! Trop de mémoire ! Trop de politique !

            Au risque de donner du grain à moudre à tous ces couples de mot toxiques, tels que indépendance-assistance, culpabilité-réparation, péché- repentance… des couples de mot toxiques que certains peuples d’Afrique semblent bien aimer, à la différence des peuples d’Asie !

            N’y-a-t-il pas dans ces exercices de mémoire « coloniale » ou « postcoloniale » une forme d’usurpation d’une partie de notre histoire nationale, une sorte de contrefaçon historique ?

            N’y-aurait-il pas plutôt un transfert de mémoire qui ne dit pas son nom, une mémoire repentante de tous les intellectuels français issus de la matrice algérienne, une mémoire qui s’inscrit parfaitement dans l’héritage des Prophètes de la Bible, celle des « raisins verts des pères » :

            Le Prophète Jérémie 31-29

         « En ces jours-là, on ne dira plus :

            Les pères ont mangé des raisins verts,

            Et les dents des enfants en ont été agacées.

            Mais chacun mourra pour sa propre iniquité ;

           Tout homme qui mangera des raisins verts,

           Ses dents en seront agacées. »

            Le Prophète Ezechiel 18 :

            « Pourquoi dites-vous ce proverbe dans le pays d’Israël : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées »

            Pourquoi donc tous les petits français du contingent auraient-ils les dents agacées alors que leurs pères n’ont pas mangé les raisins verts de l’Algérie française ?

                 Jean Pierre Renaud

« Carnet rose canin à l’Elysée » ou carnet noir des deux détectives infatigables du journal Le Monde D et D

« Carnet rose canin à l’Elysée » ou carnet noir pour les deux détectives infatigables D et D du journal Le Monde ? »

            Secret professionnel ou secret des sources ? « Carnet rose canin à l’Elysée » Le Parisien du 31 mars 2017.

            Dix naissances avant Noël !

            Les deux détectives infatigables ont eu tout à fait raison de tenir leur plume – le supplice – : imaginez qu’au lieu de trois candidats de la gauche « officielle », le Grand Ordonnateur en ait accouché de dix ? Et sans pouvoir savoir s’il s‘agissait de chiots légitimes ou adultérins, ou pire encore de chiots binationaux…

            Quel désastre ! Trois déjà, çà n’est pas si mal !

            En lisant rapidement ce titre de journal, les mauvais esprits ont eu raison d’avoir peur. On ne sait jamais ce qui aurait bien pu se passer au Palais de l’Elysée !

Jean Pierre Renaud

Fin de partie pour le journal Le Monde

Fin de Partie pour le journal Le Monde !

Après plusieurs dizaines d’années de fréquentation quotidienne !

            Il faut décidément avoir l’esprit pervers pour avoir lancé les deux détectives infatigables D et D dans les « gîtes » protégés de la police et des juges, bénéficier d’un accès aux sources à charge, un accès interdit à la défense, faire la Une du Monde, le 7 février 2017, sur une dénonciation de corruption publique supposée, avec à la suite, et au fur et à mesure des semaines, et sur un rythme « haletant », tout le tintouin médiatique que l’on connait.

        « Faire » à nouveau sa Une de première page du numéro du 16 mars 2017, avec le titre :

« François Fillon, une campagne à l’heure du soupçon »

            Et dans sa dernière page, intituler un éditorial « FILLON-LE PEN »,

                                                                                   MÊME MEPRIS

                                                                                      DE LA LOI »

            Il faut quand même avoir un certain culot, un goût incontestable pour la manipulation politique, car rien n’arrête ce petit groupe de pression politico-médiatique qui entend peser sur les élections présidentielles en envoyant, – avec quelles complicités policières, judiciaires, ou politiques ?, car la chaîne pénale n’est pas uniquement pénale – , comme le savent beaucoup d’initiés,  les deux détectives infatigables D et D fouiller dans un dossier d’instruction supposé « secret », avec des fuites organisées, sans réplique judiciaire aucune de la part du Parquet National Financier.

            Qui a été et est encore l’auteur du soupçon ?

            Le journal le Monde ne fait-il pas un véritable hold up sur les élections présidentielles 2017 ?

          Est-ce que ces gens-là ne prennent pas les Français pour des cons ? Il est évident que le dossier Fillon a été utilisé, manipulé par des adversaires masqués, ou par un journal considéré encore comme un organe de presse respectable, pour combien de temps encore, soi-disant indépendant, en faisant du quatrième pouvoir, un pouvoir fier d’avoir violé le secret de l’instruction, sous la caution « légale » du secret des sources.

            Trop, c’est trop !

            A partir du 16 mars 2017, je n’achèterai donc plus ce journal que je lisais depuis plusieurs dizaines d’années.

           Il m’arrivait souvent de ne pas partager l’opinion de certains chroniqueurs trop influencés par un multiculturalisme, mâtiné de communautarisme encore à la mode, d’après lesquels toutes les cultures se vaudraient,  dans une sorte de relativisme mondial, mais je l’acceptais sous la bannière d’un pluralisme d’opinion de bon aloi.

          La campagne actuelle du Monde qui, a sans doute l’appui d’une partie de ses journalistes et la bienveillance du triumvirat de la gauche caviar qui gouverne ce journal, ne m’incitera à revenir vers ce quotidien, qu’une fois changée cette gouvernance et l’équipe de rédaction actuelle.

            Après les costards, les pompes, … et les petites culottes de Pénélope?

            Décidément, nos médias nous servent un débat présidentiel qui a de l’allure, sinon de la tenue… !

          Jean Pierre Renaud

La folie des primaires présidentielles ! Chaos politique et saturation !

La folie des primaires présidentielles ! Chaos politique et saturation !

            Les lecteurs et lectrices de mon blog savent que depuis 2010 et 2011, alors que le think tank de gauche Terra Nova lançait la mode des primaires présidentielles, j’ai fait connaître mes réserves sur le sujet (1/08/10, 3/10/11). J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises (2012, 2013, 2014) de renouveler mon opposition à cette formule d’origine anglo-saxonne alors en vogue.

          Mon opposition était fondée, et l’est encore, sur quatre raisons majeures : 1) La Constitution accorde un rôle aux partis politiques, article 4, et n’a rien prévu pour encadrer légalement les primaires. 2) Il est tout à fait curieux, pour ne pas dire malsain, pour notre démocratie de faire choisir tel ou tel candidat par un corps électoral indéfini, lequel donne la possibilité aux candidats de se faire élire en comptant sur le vote de ses adversaires pour éliminer ses concurrents. 3) Les partis politiques, constitutionnellement reconnus, sont ainsi encouragés à ne pas avoir le courage d’assumer leur rôle d’information des citoyens, et de la responsabilité qui est la leur de choisir les candidats qui méritent de porter leurs couleurs. 4) Expérience faite, aussi bien en 2012, qu’en 2016-2017,  ces initiatives mettent le pays dans un état d’élection permanente, avec le déchainement des agences de com’ et des médias, au risque de déstabiliser un corps électoral qui l’est déjà beaucoup, et donc de mobiliser les abstentionnistes.

          En 2011, le Parti Socialiste du Président actuel s’est engagé dans cette voie hasardeuse et douteuse, et l’on en voit bien les résultats en 2017 : un Parti socialiste éclaté et en complète dérive !

        La droite a récidivé pour d’autres raisons, mais les résultats ne sont pas meilleurs, car l’absence de cadre juridique constitutionnel a encouragé depuis la date des primaires, toutes les initiatives les plus singulières pour déstabiliser et décrédibiliser les résultats de cette primaire, au mépris de la séparation des pouvoirs – le quatrième pouvoir, la presse n’aurait-elle pas pris le pouvoir ? -, d’un secret de l’instruction « bidon » qui a « autorisé » des fuites sur un dossier à charge contre un élu qui n’avait pas, jusqu’à sa mise en examen, accès à son dossier, pour se défendre.

       Il y a effectivement quelque chose de pourri dans le royaume de France, et il conviendrait donc 1) que la prochaine législature encadre juridiquement le processus des primaires, s’il est maintenu, sauf à laisser les partis avoir le courage de faire le métier pour lequel ils sont rétribués sur des fonds publics

         2) que la prochaine législature décide de supprimer purement et simplement le secret de l’instruction, ou que le législateur trouve le moyen de le verrouiller pénalement, ce qui est loin d’être assuré, compte tenu de la « porosité » politique et administrative des chaines pénales ou administratives : croyez-vous sérieusement que la chaine pénale actuelle soit à l’abri de toute pression à partir du moment où le cabinet d’un ministre est inévitablement informé, et que les procureurs sont notés et promus par le pouvoir exécutif ?

          La République ferait donc appel à des « saints » laïques ?

       Croyez-vous sérieusement que les enquêteurs de police judiciaire, soumis aux ordres d’une double hiérarchie, administrative et judiciaire conserveront par devers-eux, le résultat des enquêtes effectuées dans le cadre d’un secret de l’instruction, alors que leur promotion dépend « théoriquement » des deux autorités, mais « concrètement » de l’autorité administrative ?

        L’affaire Fillon montre bien ce qu’il en est réellement.

        Dans la capitale, et compte tenu du fonctionnement des institutions, il n’y a pas si longtemps, et il serait vraiment surprenant que la situation ait beaucoup changé, le Préfet de Police était informé avant le Procureur de Paris de toute affaire à caractère politique sensible.

Jean Pierre Renaud

Les « coups » de boxe du journal Le Monde

Les Coups « bas »,

         en dessous de la ceinture, celle de la pub (pleines et dernières pages de plusieurs numéros), un brin porno d’une femme à patins à roulettes, assise, ouvrant les cuisses, pour la maison de couture « Saint Laurent »

Les Coups « crochet »,

        en oblique,  « Courage fuyons ! » à propos de la propagande Erdogan, de la caricature de Plantu montrant le Coq Gaulois la tête dans le sable, faute pour le journal de prendre position sur la réunion  de propagande Erdogan de Metz, et sur l’absence de solidarité européenne de la  France (journal du 14 mars 2017, première page).

Les Coups « direct »,

            en pleine face celui des deux détectives infatigables D et D, qui, dans le même numéro de ce journal de « référence », disent sur deux pages, 12 et 13, le bien qu’il convient de penser de la justice d’instruction française, deux jours avant une convocation judiciaire très largement médiatisée.

Jean Pierre Renaud

Aujourd’hui, 4 mars 2017, mon blog a 7 ans: l’âge de la sagesse ?

 Aujourd’hui, 4 mars  2017, mon blog a 7 ans déjà.   

           Merci aux 28 003 lecteurs et lectrices qui ont « visité » mon blog depuis sa date de création (42 386 pages lues), aux lecteurs et aux lectrices qui ont eu le courage ou la curiosité de fréquenter un blog dont la popularité des sujets n’est pas toujours évidente.

          Ai-je besoin de préciser que je ne suis affilié à aucune chapelle, aucun groupe de pression, ou autre société secrète, ni rémunéré par aucune officine étrangère ou nationale.

           Ai-je besoin d’ajouter que je m’efforce d’écrire dans la complète liberté de pensée et d’écriture qui m’a été enseignée.

          J’hésitais à mentionner la collaboration utile et affectueuse que mon épouse m’a apportée pour quelques-uns de mes textes, mais compte tenu du contexte politique, judiciaire, et médiatique actuel, sur les « emplois fictifs », je tenais à en informer les lecteurs et les lectrices de ce blog…

        Jean Pierre Renaud

Indigènes de France et Indigènes des colonies: en dedans et en dehors de la France, était-ce bien différent ?

Indigènes de France et Indigènes des colonies françaises : en dedans et en dehors de la France, était-ce bien différent ?

Les biais de l’histoire postcoloniale

Source : « La fin des terroirs 1870-1914 »

Eugen Weber

Synthèse rapide et évocation du chapitre XXIX

« Cultures et civilisation » (pages 575 à 587)

            A lire certains écrits de l’histoire postcoloniale, notamment ceux publiés par le collectif Blanchard and Co sur la culture coloniale et impériale qui aurait été celle de la France, en tout cas au cours de la période qui a précédé la première guerre mondiale, la lecture de l’ouvrage cité ci-dessus a de quoi dessiller les yeux des plus incrédules.

            Dans les pages qui suivent, et à partir de la source Weber, nous nous proposons de dresser le portrait de cette France des indigènes qui avait la folle ambition de civiliser les indigènes des colonies, alors qu’elle avait déjà beaucoup de peine à civiliser les indigènes de France, à les franciser, à les assimiler.

            Dès l’ouverture, l’auteur met le lecteur dans l’ambiance coloniale, « Première partie Les choses telles qu’elles étaient » Chapitre premier « Un pays de sauvages » (p,17)

            « Vous n’avez pas besoin d’aller en Amérique pour voir des sauvages » songeait un Parisien en traversant la campagne bourguignonne vers 1840 » « Les Peaux Rouges de Fenimore Cooper sont ici », écrivait Balzac, dans ses « Paysans » (1844).  De fait de nombreux témoignages nous suggèrent qu’une grande partie de la France du XIXème siècle était habitée par des sauvages. » (p,17)

            « Les soulèvements populaires de 1851 apportèrent leur lot de commentaires : horde sauvage, pays de sauvages, de barbares. Il ne faut pas oublier que traiter abusivement quelqu’un de sauvage était considéré comme un outrage passible d’amende ou même de prison, si l’affaire allait jusqu’aux tribunaux. » (p,19)

            « Les habitants des villes, qui souvent (comme dans les villes coloniales de la Bretagne) ne comprenaient pas la langue rurale, méprisaient les paysans, exagéraient leur sauvagerie, insistaient sur les aspects les plus pittoresques – et donc les plus arriérés – de leurs activités, et allaient jusqu’à faire des comparaisons défavorables avec les populations colonisées d’Afrique du Nord ou du Nouveau Monde. Dans le Brest du XIXème siècle, il n’était pas rare d’entendre parler de la campagne avoisinante en termes coloniaux : la brousse, ou la cambrousse. Mais ces parallèles n’étaient guère nécessaires, car le stock de préjugés était bien fourni ; Les pommes de terre pour les cochons, les épluchures pour les Bretons ». » (p,21)

            L’auteur relève que cet aspect de la société rurale de cette époque n’avait jamais véritablement intéressé les anthropologues et ethnologues français, plus tournés vers les peuples exotiques :

            « Ce type de question réclame une réponse, mais il est difficile d’en apporter une précise. La suite de cet ouvrage le montrera. L’une des raisons en est que les ethnographes et les anthropologues français (ils ne sont certes pas le seuls, mais ils ont suivi cette tendance peut-être plus que leurs collègues étrangers) ont, récemment encore, étudié avec zèle les peuples exotiques, mais grandement négligé le leur. Quant aux sociologues, beaucoup sont passés directement de leurs premières études sur les sociétés primitives à l’étude des zones urbaines et industrielles, en laissant de côté les réalités paysannes qui les environnent.

            Il est caractéristique, par exemple, que le célèbre sociologue Maurice Halbwachs, lorsqu’il étudie les styles de vie, en 1907, de 87 familles (33 chez les paysans, 54 chez les travailleurs urbains), ne se réfère spécifiquement dans l’ouvrage publié en 1939 qu’au groupe urbain (et même dans ce cas, qu’à cinq familles d’ouvriers à Paris)… Dans toute la masse d’études qui marque la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, aucune ne dépasse l’horizon de Paris et de ce qui s’y déroule. Et cela sans aucune restriction, assuré que l’on est que les vues et les aspirations d’une petite minorité qui se prend pour l’ensemble du pays représente réellement cet ensemble. » (p,23)

Je ne suis pas sûr que les choses aient beaucoup changé de nos jours avec le rôle écrasant que s’attribue encore l’establishment parisien.

            « De Balzac à Zola, de Maeterlinck à l’abbé Roux en passant par beaucoup d’autres, le paysan apparait comme un être obscur, mystérieux, hostile et menaçant, et est décrit comme tel. Quand il ne s’agit pas d’un noble sauvage, comme chez George Sand, c’est un sauvage tout court. » (p,27)

            Chapitre IV « Seul avec les siens » (p,66)

            « En Bretagne, les indigènes, comme on les appelait encore sous la Troisième République, semblaient assez aimables mais peu coopérants. « On ne peut rien obtenir des habitants qui ne parlent pas ou ne veulent pas parler français, rapportait un fonctionnaire en 1873 à propos du Morbihan. »(p,66)

La situation mit beaucoup de temps pour évoluer, et c’est à la fois la scolarisation et les effets de la première guère qui furent un facteur puissant de changement :

            Chapitre XI « La famille » (p,209)

        « Malheureusement, les vieilles habitudes qui régissaient la vie domestique, l’alimentation et l’éducation  des enfants, prévalurent beaucoup plus longtemps qu’on ne l’avait espéré. Entre 1914 et 1918, les femmes des campagnes avaient certes acquis un sentiment nouveau d’autonomie et de confiance, grâce aux initiatives et responsabilités qu’elles étaient forcées de prendre, aux métiers qu’elles apprenaient à faire, aux pensions familiales qu’elles avaient à gérer. Et pourtant, en 1937, le directeur des services agricoles du Lot pouvait répondre à une enquête dans des termes qui reprenaient ceux du siècle précédent : « La femme conserve ses traditions et ses vertus domestiques qui se manifestent comme un esclavage librement consenti ». La vie à la ferme devait être un esclavage. Le seul changement : il était à présent « librement consenti », parce qu’il existait d’autres choix. » (p217)

Deuxième Partie

Les agents du changement

Quelques citations qui marquent la parenté qui existait alors entre les indigènes de France et ceux des colonies !

        Chapitre XIV « La campagne dans la ville » (p,283)

       Au fur et à mesure des années et de l’arrivée de nouveaux  fonctionnaires, beaucoup de réactions étaient enregistrées:

     « La présence d’une communauté d’étrangers dans de petites villes, comme celles-là (Parthenay, Vic-le-Comte, Mende, ou Tournon), sans rapport avec leur mode de vie normal, créait quelque chose qui ressemblait fort à une situation coloniale. Taine avait senti cela, quand, en 1864, il avait décrit les provinces en disant qu’elles étaient sous la tutelle de Paris, qui les civilisait de loin en y envoyant ses voyageurs, ses fonctionnaires et ses garnisons. Quarante ans après, la situation n’avait guère changé. Ardouin-Dumazet, voyageur professionnel, observait que la ville de Bellac (Haute Vienne), n’aurait pas été grand-chose sans ses fonctionnaires et sa garnison. Elle avait peu d’industriels – tout juste une fabrique de soufflets et une tannerie – , mais sur la place du marché, « les paysannes, disposées sur deux rangs, se tiennent devant leurs maigres apports : un fromage, quelques cerises, des fraises, un lapin ou une poule. Entre elles vont et viennent les dames de la société, femmes de fonctionnaires suivies d’une bonne, femmes d’officiers accompagnées du classique soldat – ordonnance en casquette plate ». C’est bien la place de marché coloniale typique avec ses étalages pitoyablement maigres, ses vendeurs d’une patience infinie, faisant de petits gains, à la longue importants, en approvisionnant les coloniaux ou les créoles. » (p,284)

       Le chapitre XVIII est un des chapitres importants de ce livre, en raison de l’importance de son sujet et de son rôle de civilisation : « Une sérieuse entreprise de civilisation : l’école et la scolarisation » (p,365) :

     « L’école et particulièrement l’école du village, gratuite et obligatoire, s’est vue attribuer le processus d’acculturation final qui a transformé les Français en français – qui finalement les a civilisés, comme aimaient à le dire de nombreux éducateurs du XIXème siècle ». (p,365)

     L’auteur cite le rôle important qu’a joué dans les écoles le Lavisse, ainsi que la diffusion massive, à partir de 1877, du livre intitulé « Le Tour de France » de Bruno :

       « Cet enseignement des hauts faits eux-mêmes faisait partie d’’un tout plus vaste. En 1884, Le Tour de France de Bruno, publié en 1877, avait été réimprimé 108 fois,, et vers 1900, les ventes dépassaient huit millions d’exemplaires. Chaque enfant lisait et relisait l’histoire des deux garçons alsaciens quittant leur foyer à la mort de leur père pour répondre au vœu qu’il avait exprimé – qu’ils puissent être des Français. » (p,401)

                En ce qui concerne le Petit Lavisse, et son effet éventuel sur la culture coloniale des Français de l’époque, j’ai écrit ailleurs que les quelques pages consacrées par l’ouvrage aux colonies, à la fin du livre, à la veille des grandes vacances, ne suffisait pas à démontrer son rôle à ce sujet.

            Dans le cas du livre de Bruno, très populaire, comme les chiffres ci-dessus le démontrent, il est tout à fait curieux que, dans aucune de ses pages, n’est évoquée la question des conquêtes coloniales, une curieuse impasse qui tendrait à démontrer que le collectif de chercheurs Blanchard and Co a pris des vessies pour des lanternes.

            Le titre de la Troisième Partie flotte déjà comme un drapeau sur un tel sujet : « Changement et assimilation » (p,447)

            L’auteur évoque la destinée curieuse de la Marseillaise née dans une ville où l’on ne parlait pas le français, un chant qui eut de la peine à s’imposer, et il fallut attendre 1879, pour que ce chant soit réimposé comme hymne national.

            Dans le chapitre XXVIII, « Le glas du passé », et en ce qui concerne la vie culturelle, l’auteur écrit :

            « En 1895, la Société d’Ethnographie nationale et des Arts populaires commença à étudier non seulement le folklore littéraire – le seul aspect qui avait intéressé les romantiques – mais aussi l’art populaire, les objets et les techniques. On étudia les paysans comme une espèce en voie de disparition, leur culture fut disséquée et sa valeur sentimentale s’accrut. De George Sand à Maurice Barrès, les écrivains s’emparèrent du paysan comme un siècle avant on s’était emparé du bon sauvage. Des séries de cartes postales représentaient des scènes qui, il y a peu de temps, n’étaient pas dignes d’être représentées : chaumières, fermières engrangeant du foin, fêtes des moissons, paysans en costume régional. » (p,560)

            Dans son dernier chapitre, le XXXIX, « Cultures et civilisation » brosse une synthèse de ce que fut la France coloniale, celle des indigènes qui dans certaines des régions ressemblaient fort aux indigènes des colonies que les colonisateurs avaient l’ambition de civiliser.

            « On peut voir le fameux hexagone comme un empire colonial qui s’est formé au cours des siècles, un ensemble de territoires conquis, annexé et intégrés dans une unique structure administrative et politique, nombre de ces territoires possédant des personnalités régionales très fortement développées et certaines d’entre elles des traditions spécifiquement non- ou antifrançaises. Un  rappel partiel nous servira d’aide-mémoire : au XIII° siècle, le Languedoc et les régions du centre ; au XV °siècle l’Aquitaine et la Provence, au XVI °siècle, la Bretagne ; au XVII° siècle, la Navarre, le Béarn, le pays Basque, le Roussillon et la Cerdagne, une partie de l’Alsace et des Flandres françaises, la Franche Comté; au XVIII° siècle, le duché de Lorraine, la Corse, l’Etat pontifical du Comtat-Venaissin ; au XIX° siècle, la Savoie et Nice. En 1870, cet ensemble – et le reste – formait une entité politique appelée France, royaume, empire ou république, organisée par les conquêtes et par les décisions administratives ou politiques prises à (ou près) de Paris. Mais le point de vue moderne de la nation en tant qu’un ensemble de populations unies selon leur propre volonté et ayant certains attributs en commun (au moins l’histoire) était difficilement applicable à la France de 1870 » (p,575)

            « Après la Première Guerre mondiale, Marcel Mauss médita sur la différence entre les peuples ou les empires, et les nations…. Il voyait la nation comme « une société matériellement et moralement unifiée » et caractérisée par « l’unité relative morale, mentale, et culturelle de ses habitants qui soutiennent sciemment l’Etat et ses lois ». Il est évident que la France de 1870 ne correspondait pas au modèle de la nation de Mauss…. »

            Et si l’on raisonne comme Deutsch :

            « En dehors des centres urbains, dans presque toute la France il n’y avait pas « d’histoire commune qui puisse être mise en commun », ni de « communauté d’habitudes complémentaires », peu d’échanges du fait de la division du travail dans la production des biens et des services, et seulement des « réseaux de communication sociale et de relations économiques » très limités. Si par « société », nous entendons un groupe de gens qui ont appris à travailler ensemble, alors la société française était de taille réduite…

En 1870, en dépit de l’évidence contraire, les habitants de l’hexagone se reconnaissaient généralement comme  sujets  français, mais pour beaucoup ce statut n’était rien d’autre qu’une abstraction. Les habitants de régions entières ressentaient peu d’affinités à l’égard de l’Etat, ou des habitants des autres régions…. L’idéologie nationale était encore diffuse et informelle au milieu du XIXème siècle. La culture française ne devint réellement nationale que dans les dernières années du siècle. » (p,576)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Indigènes de France et Indigènes des colonies: en dedans et en dehors de la France, était-ce bien différent? Eugen Weber – Suite et fin

Indigènes de France et Indigènes des colonies françaises : en dedans et en dehors de la France, était-ce bien différent ?

Les biais de l’histoire postcoloniale

Source : « La fin des terroirs 1870-1914 »

Eugen Weber

Synthèse rapide et évocation du chapitre XXIX

« Cultures et civilisation » (pages 575 à 587)

&

Suite et fin de la lecture critique

          Les lignes qui suivent méritent d’être lues avec la plus grande attention par tous ceux qui ont tendance à interpréter notre histoire nationale et coloniale avec des lunettes idéologiques, des lunettes  fausses ou mal ajustées, aux fins supposées d’apprécier le contenu et les effets des discours officiels sur la civilisation à apporter aux peuples d’outre-mer :

        « Abordons ce problème de l’acculturation : la civilisation des Français par la France urbaine, la désintégration des cultures locales par le modernisme et leur absorption par la civilisation dominante de Paris et des écoles. Livrées à elles-mêmes jusqu’à leur accession à la qualité de citoyen, les masses rurales non assimilées furent intégrées au sein de la culture dominante de la même manière qu’elles avaient été intégrées dans une entité administrative. Ce qui s’est passé correspond à une sorte de colonisation, et on le comprendra d’autant mieux si on garde cette idée présente à l’esprit.

        « La conquête est une étape nécessaire sur la voie du nationalisme » écrivait Georges Valérie en 1901. Une nation ne peut pas, ou ne devrait pas, conquérir des « peuples majeurs » mais amener une plus grande cohésion des groupes sans identité culturelle évidente, les gagner à soi ; enrichir, éclairer l’esprit  tribal privé d’instruction, voilà ce à quoi la mission civilisatrice ne peut renoncer. On trouve nombre des thèmes de l’intégration nationale dans cette brève affirmation : les peuples conquis ne sont pas des peuples, ils n’ont pas de culture propre ; ils peuvent seulement bénéficier de l’enrichissement et de l’instruction que le civilisateur leur apporte. Nous pouvons maintenant nous demander si cette image coloniale vaut pour la France.

        La réponse la plus simple provient des sources françaises. Au XXème siècle, en Franche Comté, on se souvenait encore que,  pendant de nombreuses années, les gens se firent enterrer face contre terre en signe de protestation contre l’annexion de la province par la France… dans le Sud-Ouest, écrivait M.F.Pariset en 1867, l’union avec la France « a été subie et non acceptée avec sympathie. La fusion s’est faite lentement et à contrecœur ». Quarante ans plus tard, lorsque Ernest Ferroul, le maire socialiste de Narbonne, accusait les barons du Nord d’envahir le Midi comme au bon vieux temps des Albigeois, le Figaro avertissait ses lecteurs : « ne nous y trompons pas, c’est une région qu’il faut reconquérir, comme au temps de Simon de Montfort ». (p,577)

       Et pour les lecteurs ou chercheurs les plus incrédules, lisez les lignes qui suivent :

      « Durant tout le siècle, les colonies d’outre- mer servirent de modèles de comparaison pour certaines régions de France. En 1848, Alphonse Blanqui comparait les habitants des Alpes françaises à ceux de Kabylie ou des Îles Marquises, comparaison qui fut reprise plusieurs fois dans des rapports officiels et des textes en 1853, 1857, 1865. Les populations et les coutumes de la France rurale, ses superstitions et ses singularités furent étudiées et décrites bien trop souvent avec condescendance peu compréhensive. Les façons de vivre des ruraux semblaient superficielles et dénuées de sens, leurs façons de penser étaient ignorées. Les communautés indigènes furent dépouillées de leurs droits (code forestier, pacage, prés communaux, droits de chasse et de pêche) au nom du progrès, de la liberté, de la productivité et d’un bien commun qui ne signifiait rien pour ceux au nom desquels ils étaient proclamés. Parce que les représentants de l’ordre ignoraient et méprisaient la logique des sociétés qu’ils administraient, « parce que cette ignorance et ce mépris étaient les conditions-mêmes de leur action, les hommes responsables de cette politique ne pouvaient en mesurer les conséquences désastreuses ». Ces mots de Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, écrivant sur l’administration coloniale, s’appliquent assez bien  à la France rurale du XIXème siècle. » (p,578)

      « En 1910 ou 1911, Jean Ricard pouvait décrire les installations des collecteurs de résine établies par les fabricants de térébenthine au nord d’Arcachon comme ressemblant à quelque terre africaine, un rassemblement de huttes groupées à l’ombre du drapeau de la République » Et pourtant, « nous sommes en France ».

       Etre en France signifiait être gouverné par des administrateurs français. En Savoie, où les frictions entre les membres de l’administration française et les autochtones étaient assez fortes, on disait des administrateurs français qu’ils « arrivaient ici comme pour une tournée d’inspection des colonies ».. En 1864, dans la Revue des deux mondes, un écrivain comparait la Savoie à l’Irlande. Dans les autres régions, on faisait des comparaisons encore plus explicites. « Ils envoient des colons vers des terres lointaines pour cultiver le désert, regrettait un Breton, et le désert est ici ! « Ils construisent des chemins de fer en Afrique, écrivait la Revue du Limousin en 1862 : « si au moins ils nous traitaient comme des Arabes ! « Une revue agricole reprit le cri : « il y a au cœur de la France une région  à coloniser qui demande seulement qu’on lui accorde les mêmes conditions  d’exploitation qu’aux colonies. » (p,579)

       « Des allusions aussi explicites furent faites lors de la mise en valeur de ma Sologne : « Il est vraiment question de colonisation ici « écrivait Ardouin-Dumazet en 1890.Les promoteurs étaient aussi enthousiastes au travail en Sologne qu’ils l’étaient en Algérie. Et un peu plus tard, à Salbris (Loir et Cher) : « Il y a un parallèle intéressant entre la colonisation actuelle de la Tunisie et le travail de développement qui se poursuit en Sologne. En Tunisie, comme en Sologne, les capitalistes ont joué un rôle important. « Cependant « tout bien considéré… la colonisation de la Sologne est la plus merveilleuse. » (p,380)

        « Les plus grandes possibilités coloniales, naturellement étaient offertes par la Bretagne. Après l’union forcée avec la France, les villes bretonnes furent envahies par des Français qui écrasèrent ou même remplacèrent les commerçants locaux, francisèrent les gens qu’ils employaient ou touchaient d’une autre façon. Les ports du roi comme Lorient et Brest, étaient des villes de garnison en territoire étranger et le terme de colonie était fréquemment employé pour les décrire.

     Comme nous l’avons déjà vu, les choses ne commencèrent à changer un peu en Bretagne que dans les années 1880… (p,380)

….

    « Essayons maintenant une autre piste et voyons comment Les Damnés de la terre de Franz Fanon, une des plus virulentes dénonciations du colonialisme, s’applique aux conditions que nous avons décrites. Les passages suivants (certains sont des montages et non des citations ininterrompues) sont particulièrement caractéristiques :

    « régions sous-développées, absence d’infrastructure, un monde sans médecins, sans ingénieurs, sans administrateurs.

   « L’aliénation culturelle, comme le colonialisme, essaie d’obliger les indigènes à abandonner leurs façons ignorantes (pour faire croire que) c’est le colonialisme qui vient éclairer leur obscurité.

    « La domination coloniale disloque de façon spectaculaire l’existence culturelle des peuples soumis (mort de la société autochtone, léthargie culturelle).

    Les nouveaux rapports juridiques (sont) introduits par la puissance occupante. L’intellectuel se jette frénétiquement dans l’acquisition forcée de la culture de l’occupant.

    « Les coutumes des colonisés, ses traditions, ses mythes, surtout ses mythes, sont la marque même de cette indigence, de cette dépravation constitutionnelles.

    « Le colonialisme s’oriente vers le passé du peuple opprimé, le distord, le défigure, l’anéantit, dévalorise l’histoire d’avant les colonisateurs : « Cette terre, c’est nous qui l’avons faite »

    Les formes brutales de présence de l’occupant peuvent parfaitement disparaître, (elles sont troquées contre) un esclavage moins évident mais plus efficace.

     « La bourgeoisie locale, qui a adopté de bon cœur les façons de penser caractéristiques du pays occupant, devient le porte-parole de la culture coloniale comme les intellectuels qui l’avalent goulûment »

    La violence, si frappante dans les pages de Fanon était rare dans la France du XIXème siècle, peut-être parce que les révoltes capables de menacer sérieusement l’Etat étaient un fait du passé. Etant donné l’époque et la couleur des peaux, l’assimilation faisait son chemin. Cependant, le portrait que fait Fanon de l’expérience coloniale est une description assez juste de ce qui se passait dans les Landes et en Corrèze. En France, comme en Algérie, la destruction de la culture locale ou régionale était systématiquement poursuivie. Tant qu’elle persista, elle fut handicapée par l’inertie et l’isolement. « Il y a crispation sur un noyau de plus en plus étique, de plus en plus inerte, de plus en plus vide. » Après un laps de temps, dit Fanon, la créativité locale reflua et ce qui resta fut « rigidifié à l’extrême, sédimenté, minéralisé. » La réalité locale et la culture locale disparut ensemble. Ainsi fit le XIX° siècle en France. » (p,582) (Fanon, note 23,page 656, pp.72, 158,177 (et 69), 33, 158 (et 40), 106, 116 (et 164),p,656)

      Et pourtant… Pris comme règles générales, les propos de Fanon me semblent sous-estimer le choix et l’autonomie des colonisés. Ni Bourdieu et Sayad, ni Fanon, ni mes propres observations ne suggèrent que les sociétés traditionnelles étaient inertes au commencement. Il semble que par la suite, elles se sont effacées devant la force, qu’elles furent vaincues par des puissances supérieures et « colonisées » contre leur volonté. Est-ce que ceci s’est réellement passé ? Pas en France en tout cas. » (p,582)

     « Ceci devrait peut-être nous faire voir d’un autre œil le « colonialisme » dans les pays sous- développés, qui renvoie aussi à des inégalités régionales dans le développement ; et sans doute cela permet-il de qualifier les sens de la colonisation comme un  processus interne…

         Il est possible aussi que les vues maintenant démodées de la fin de siècle sur le « progrès » mérite un autre regard. Ou alors devons- nous dire que la colonisation des régions sous-développées serait acceptable à l’échelle interne mais inacceptable au-delà de la patrie du colonisateur ? Qu’est-ce qu’une patrie ? Quelque chose à qui le temps, le hasard et les circonstances opportunes ont permis d’être mise en forme et d’être acceptée comme entité politique : Chine, Inde, Mexique ; Etats-Unis, Union soviétique, Royaume Uni, par exemple.

      Retournons maintenant à la France. Les conquêtes et les colonisations l’ont créée, comme elles l’ont fait pour d’autres royaumes, et cette formation, pour l’essentiel, s’est achevée au XIXème siècle. Y a-t-il eu une période critique ? J’ai soutenu que celle-ci s’est située surtout vers la fin du siècle. On a avancé d’autres réponses, portant sur d’autres périodes. Le point de vue plus ou moins accepté de la Révolution française comme ligne de partage ne peut être négligé. Laurence Wylie et d’autres sociologues se sont attardés sur les années 1950, où les tracteurs, les voitures et les téléviseurs hâtèrent l’homogénéisation des villages qui évoluaient lentement jusqu’alors. On peut plaider un dossier semblable pour le XIXème siècle, autour de 1848 et de l’arrivée du chemin de fer. Tout argument de ce type, y compris le mien, est plausible ; aucun ne l’emporte vraiment. » (583,584)

       L’analyse approfondie du processus de francisation à laquelle a procédé l’auteur plaide, à mes yeux, en faveur de l’appréciation chronologique et historique qu’il propose :

      « Je pense avoir clairement montré ce processus. Entre 1880 et 1910, des changements fondamentaux  se sont produits au moins dans trois domaines. Les routes et les chemins de fer ont permis à des régions jusque-là éloignées et inaccessibles d’entrer en contact avec les marchés et les modes de vie du monde moderne. L’école a enseigné à des millions d’individus, jusqu’alors indifférents, le langage de la culture dominante et de ses valeurs, parmi lesquelles il faut compter le patriotisme. Le service militaire, quant à lui, a implanté cet enseignement dans les foyers… Les régions de France étaient beaucoup plus semblables entre elles en 1910 qu’elles ne l’avaient été avant Jules Ferry, Charles de Freycinet et Jules Rieffel. » (p, 584,585)

      « Mais quelque chose de plus important s’est produit, quelque chose  qui ne s’est produit, ni en en 1789, ni en 1848, ni en 1950, un changement qui représente rétrospectivement le grand événement culturel de l’époque ; la fin d’une profonde division de l’esprit. « (p,586)

     « Dans le meilleur des cas, les gens acceptaient le changement avec hésitation et constataient ses effets avec une grande ambivalence. Mais une fois qu’ils avaient bu à la fontaine du « progrès », il n’y avait plus de retour en arrière possible. Le modèle du XIXème siècle continuait certes à être, comme dit Jacob Burckhardt, le « rationalisme pour la minorité et la magie pour la majorité ». Et pourtant, à la fin du siècle, la nature de la magie avait changé. Les gens allaient toujours chercher leurs normes et valeurs culturelles chez les autres ; mais la culture populaire et la culture des élites étaient de nouveau réunies. » (p,587)

    Une suggestion de thèse ou de mémoire pour les étudiants : « L’audience de l’anticolonialisme de Franz Fanon dans la presse de l’époque, avant, pendant, après les indépendances »

      En ce qui me concerne, je serais tenté de penser, mais sous réserve de ce type de recherche historique que la thèse Fanon a eu beaucoup plus de succès après les indépendances, qu’avant, ou même pendant la période de décolonisation.

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