Les hauts fonctionnaires: l’ancien monde, le nouveau monde ou l’entre-deux monde – Troisième République- avec Tardieu

Les hauts fonctionnaires : l’ancien monde, le nouveau monde ou l’entre-deux monde ?

2- Troisième République avec l’ ancien haut-fonctionnaire Tardieu

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« Tardieu, un grand destin manqué »

« André Tardieu, l’incompris »

De Maxime Tandonnet, Perrin

En marge de sa photo « : « André Tardieu qui se disait vieux jeu, était pourtant en avance sur son temps. »

« Biographie Réhabilitation  d’une figure politique de la III° République, esprit original et visionnaire, tombé dans l’oubli »

Le Figaro Histoire littéraire, le 10 janvier 2019, page 6

            Les lecteurs ont déjà pu croiser la route d’André Tardieu dans la chronique que j’ai consacrée aux Mémoires de Joseph Caillaux, le 17 octobre 2018. Le portrait fait par Joseph Caillaux soulevait évidemment quelques questions auxquelles ce livre apporte sans doute des réponses.

     Cette évocation était reliée au rôle de la presse sous la Troisième République, notamment en ce qui concerne son effet éventuel, et jamais mesuré sur l’état d’esprit colonial des Français, pour ne pas dire leur « culture coloniale », jamais mesurée non plus.

         Il s’agit d’un sujet qui ne me parait pas avoir encore assez attiré l’attention des historiens, au cours de cette période, notamment dans le domaine colonial, alors qu’il s’agissait d’un des rares vecteurs d’information ou désinformation qu’il était possible de mesurer.

        J’ai déjà eu l’occasion dans quelques-uns de mes écrits de faire le constat de cette carence historique notoire pour tout ce qui touche à l’histoire coloniale de la Troisième et Quatrième République.

       Je publie à nouveau les pages consacrées à Tardieu, une figure de la Troisième République, car elles valent un détour de lecture :

      « M.Hébrard, le directeur du Temps, vint plaider auprès de moi la cause de M.André Tardieu. Attaché au cabinet de Waldeck-Rousseau qui était lié avec les siens, nommé tout jeune inspecteur général adjoint des services administratifs du ministère de l’Intérieur, devenu par la suite inspecteur général titulaire, M.Tardieu rédigeait le bulletin de politique extérieure du Temps. Cumul critiquable, admissible cependant… à la rigueur ! Ce qui n’était pas tolérable c’est que M.Tardieu prétendit participer à des affaires internationales et qu’il soutint ou qu’il attaquât les ministres des Affaires étrangères suivant qu’ils secondaient ou qu’ils se refusaient à servir les intérêts pécuniaires de ses amis…. Ce que, en revanche, je relevais, c’était la position que M.Tardieu avait prise dans l’affaire de la N’Goko-Sangha. Il avait accepté, lui inspecteur général des services administratifs, de se faire contre l’État l’avocat stipendié de la Compagnie devant le tribunal arbitral constitué pour décider si la société concessionnaire avait droit à indemnité et pour en fixer le montant aux dépens du Trésor. Arrivant au ministère de l’Intérieur, je jugeai que je ne pouvais laisser passer sans sanction une incorrection – c’est le moins qu’on puisse dire – dont, si elle restait impunie, d’autres fonctionnaires pourraient s’autoriser pour en commettre de semblables.

        M.Hébrard défendit très vivement son collaborateur… Il me fit valoir le profit que je retirerais du concours dévoué que le rédacteur de la politique étrangère dans le plus grand journal de la République ne manquerait pas de me prêter…

       M.Hébrard fit valoir que ses deux prédécesseurs ne s’étaient pas formalisés de cette situation, M.M.Briand et Monis.

       « Je souris. Je consentis le geste de générosité qui m’était demandé. » (p,107,108)

         Tardieu était un brillant sujet, et le mélange des genres qu’il pratiquait ne l’empêchera pas de faire une belle carrière politique après la Première guerre mondiale, mélange des genres entre l’administration et la presse, entre un « journal de référence » de l’époque et le Ministère de l’Intérieur, ou entre affaires publiques et affaires privées.

      Caillaux cite le dossier de la N’Goko- Sangha, qui fut un des enjeux de la négociation souvent secrète sur le Maroc entre la France et l’Allemagne (l’affaire d’Agadir) : il s’agissait d’une compagnie concessionnaire au Congo, une formule coloniale d’exploitation qui fut dénoncée, puis abandonnée, compte tenu des abus constatés notamment par Brazza.

     Ajouterais-je 1) que Tardieu serait classé de nos jours, et par certains, comme un colonialiste convaincu, et 2) que l’auteur de l’ouvrage y célèbre peut-être un des grands anciens de l’Inspection  Générale de l’administration.

     Je n’oserais penser que son auteur ait voulu « sanctifier » à cette occasion un mélange des genres aussi célèbre que celui-là, sauf à y voir l’anticipation des nombreux mélanges des genres entre public et privé qui ont émaillé et jalonné les Républiques, l’actuelle y comprise.

       Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Les hauts-fonctionnaires : l’ancien monde, le nouveau monde ou l’entre-deux monde ? Quatrième, Cinquième, et Troisième République

Les hauts fonctionnaires : l’ancien monde, le nouveau monde ou l’entre-deux monde ?

1 – Quatrième et Cinquième République

2- Troisième République avec l’ ancien haut-fonctionnaire Tardieu

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1 – Quatrième et Cinquième République

            Le  début de l’année 2019 a été marqué par une avalanche de révélations sur les rémunérations des hauts fonctionnaires, qu’ils exercent des fonctions de direction dans les administrations centrales ou territoriales ou dans des services industriels ou commerciaux relevant de l’Etat, ou encore à la tête d’autorités administratives et publiques indépendantes.

            Tout au long de ma carrière, j’ai observé l’évolution de l’état d’esprit de cette « caste dominante de gens très influents », ainsi dénommée par Mme Le Branchu, gagnée de plus en plus par l’appétit du « fric », beaucoup plus que par l’esprit de servir le pays : en résumé, je sors de l’ENA, plutôt dans les grands corps, j’alimente rapidement mon carnet d’adresses, le sésame, en passant rapidement quelques années dans un cabinet ministériel, et je prends le vent du large…

            Résultat, une haute fonction publique de plus en plus perméable aux tentations de l’argent, souvent gangrenée par un autre mal, celui du mélange des genres dans un même couple, entre public et privé, sans que personne ne s’en offusque, même quand il s’agit de secteurs sensibles.

            Comme le relevait le Canard Enchaîné dans un article intitulé « Le bazar chez les cumulards » : « … c’est l’ancien ministre Jacques Toubon qui décroche le pompon… Le total pourrait avoisiner les 30 000 euros mensuels…

           Le défenseur des droits a bien défendu les siens. »

       Ce  débat pose utilement un certain nombre de bonnes questions sur le sens du service public, et sur son évolution au fur et à mesure des années après sa refondation complète par une élite issue de la Résistance en 1945, et la création de l’ENA, considérée alors comme le symbole républicain de la haute fonction publique, en concurrence avec d’autres grandes écoles, Normale Sup, Polytechnique, Saint Cyr, ou encore l’ENFOM, condamnée à disparaître, avec la disparition de l’Empire.

       Le cas Toubon soulève à titre complémentaire deux autres questions d’un autre ordre, à savoir la possibilité du cumul d’une haute fonction publique avec une retraite de haut fonctionnaire, ou d’élu, d’une part, et d’autre part sur l’éthique du service public.

      C’est le cas par exemple, et sauf erreur, des anciens hauts fonctionnaires qui siègent au Conseil Constitutionnel, arbitre des plus hautes élégances juridiques : il est évident que ce type de situation conduit à s’interroger sur la conception du service public qui justifie une telle situation.

        Ce type de nomination trouverait-il son explication dans une conception étrange d’un cursus de haut fonctionnaire, qui classerait le Conseil Constitutionnel, non pas comme une Cour Suprême du modèle européen, mais comme le dernier échelon d’une carrière politico-administrative ?

       Le Figaro du 22 janvier 2019 a proposé dans ses pages 14 et 15 un bon éclairage de ce sujet à la fois complexe et sensible sous le titre « Plongée au sein des très généreuses institutions de la République « 

            Certaines déclarations de hauts fonctionnaires m’ont laissé rêveur, celle de l’ancien Vice-Président du Conseil d’État : « Quel État voulons-nous ? Un Etat paupérisé ou attractif ? Est-ce que  le service de l’intérêt général et du bien commun doit être pénalisé au regard des activités industrielles ou commerciales du secteur marchand ?

            Celle du Gouverneur de la Banque de France jugeant : « blessant pour les fonctionnaires qui ont choisi de s’engager  dans le public plutôt que de gagner nettement plus en entreprise, qu’on leur jette à la figure les trois fromages restants (sic)… »

   Est-ce que ces hauts-fonctionnaires exemplaires sont un exemple pour une jeunesse avide de servir son pays, sans avoir l’obsession du fric, comme ce fut le cas pour nombre d’anciens ?

       Que doit-on alors penser des officiers, militaires, des professeurs, des policiers, des médecins de nos hôpitaux qui ne bénéficient pas du même sort ?

     Est-ce que l’on ne mélange pas le régalien et les marchands des services industriels ou commerciaux relevant de l’État ?

         Que penser aussi des centaines de milliers de Français et de Françaises qui se dévouent jour et nuit au service du bien public, au « prix » de modestes salaires ?

      De quelle France est-il question, de la France « paupérisée » ou « blessée » ?

        Jean Pierre Renaud

PS : beaucoup d’initiés peuvent mettre des noms sur de nombreux transfuges de la haute fonction publique passant dans l’entre-deux monde de façon plus ou moins précoce dans leur courte ou longue carrière, et quelque soient leurs affinités politiques supposées ou affichées, soit pour aller dans le grand business bancaire français ou étranger, fusse en Suisse, ou d’autres grands business privés, y compris le « social », avec une  petite ou grosse fortune à la clé.

Mon blog a 9 ans ! Merci

Information

Merci à mes lecteurs et mes lectrices : mon blog a aujourd’hui 9 ans !

       Deux types de chroniques ont continué à susciter de l’intérêt :

      1) ma comparaison des deux empires coloniaux anglais et français bien fréquentée depuis 2016, 8 436 pages vues au 1er janvier 2019, plus 542 pages vues au cours des deux derniers mois,

      2) et de façon plus modérée, mes analyses des livres d’Edward W.Said dont le contenu est évidemment plus austère, mais dont la publication est bien antérieure à la précédente.

          Jean Pierre Renaud

Economie pour les Nuls

France 2 et la dette de la France : information, incompétence, ou propagande ?

            Au journal du soir du 27 février 2019, sur France 2, le média nous fait part d’une très bonne nouvelle : en 2021, le montant des intérêts de notre dette publique va baisser de 10 milliards d’euros.

            Deux petits problèmes : 1) il s’agit d’un pourcentage infinitésimal par rapport au montant d’une dette en capital de plus de 2 350 milliards d’euros, au jour d’aujourd’hui, début 2019,

2) ne faut-il pas faire appel à des astrologues afin de connaître par  avance la situation du pays dans deux ans, celle de l’Europe, et celle du monde, alors que tensions et conflits ont tendance à se généraliser.

    Avec le risque d’une tempête sur les marchés internationaux des capitaux ! Adieu vaches, cochons, couvées ?

      Jean Pierre Renaud

Le Grand Débat des Animaux

D’après les meilleures sources des médias, un de ses « Mormons », son entourage, un proche du Président, un ministre influent, un visiteur du soir, s’agiterait-il de François Bayrou, de Daniel Cohn-Bendit, ou encore d’Alain Minc ?… le Président a tellement été enchanté par sa longue, très longue visite du Salon de l’Agriculture, qu’il a décidé d’enchainer sur le Grand Débat des Animaux.

         La déontologie des médias et des réseaux sociaux m’interdit de livrer ma source.

Jean Pierre Renaud    

Aujourd’hui, 24 février, Jour de Saint Modeste.

                                              Source : Jean de La Fontaine ?

Une France à l’envers : les inversions de toute nature !

Une France à l’envers !

 L’inversion des institutions de la démocratie représentative :

Le grand débat public en est l’exemple le plus récent ! Pourquoi ?

            Il est tout de même étrange qu’un Président de la République aux prises avec une grave crise de confiance recoure à une sorte d’expédient démocratique au lieu de faire confiance aux institutions politiques normales et constitutionnelles de notre pays, et en les court-circuitant.

            A quoi servent les institutions de la République ? Le Parlement, les Assemblées régionales et départementales, les Conseils municipaux et leurs dizaines de milliers de conseillers élus ?

            Sans avoir besoin d’invoquer un nouveau « spectre », il y a effectivement quelque chose de pourri dans le royaume de France.

            Ne s’agit-il pas du vrai débat de fond ?

A savoir si la République en marche ne nous entraine pas dans la spirale et le tumulte des réseaux sociaux, c’est-à-dire une anarchie qui ne dit pas son nom ?

L’inversion européenne des valeurs des différents pays de l’Union :

      Quand les institutions européennes, notamment la Commission Européenne d’inspiration technocratique et faussement représentative des États de l’Union, nous      jette dans les flux d’une mondialisation libérale non régulée, avec la complicité des pouvoirs publics, en ignorant nos cultures, nos traditions, nos identités nationales.

L’inversion des valeurs des majorités :

        Quand les minorités veulent imposer leurs valeurs à notre société, qu’il s’agisse de l’islam radical, sur la laïcité, ou de cultures étrangères qui n’ont rien à voir avec notre longue histoire et notre idéal du vivre ensemble.

L’inversion des valeurs de notre « état de droit » :

      Quand le délinquant a plus de droits que la victime sous le prétexte d’un « état de droit » qui protège plus le délinquant que la victime.

            Vous avouerais-je que chaque fois j’entends les mises en garde du Défenseur des Droits, j’entends le bruissement des pâles de l’hélicoptère chargé d’aller pêcher dans le massif de l’Himalaya le procureur idoine pour sauver le soldat Tiberi ?

L’inversion de nos valeurs nationales :

         Quand un djihadiste, Français et ennemi de la France ou terroriste, bénéficie à la fois d’une protection judiciaire aux frais de la Princesse, et qu’une fois condamné, il bénéficie aussi, en prison, des mêmes droits que tout autre criminel emprisonné.

            Une statistique du 1/12/2018 évalue à 20 560 le nombre de personnes susceptibles de franchir le cap de la radicalisation, et à 9 762 le chiffre des personnes radicalisées.

L’inversion de nos valeurs de liberté de conscience et de religion :

      Quanddes groupes de pression religieux, idéologiques, politiques ou culturels entendent obliger la France à faire le chemin inverse d’une longue histoire qui, grâce à la laïcité et à la fin des guerres de religion, a enfin donné aux Français et aux Françaises la liberté de conscience et de religion.

            Jean Pierre Renaud

Une île « vierge » pour les anciens djihadistes Français !

  La polémique est à nouveau relancée, pour savoir si nous « accueillons » ou non dans notre pays, les anciens djihadistes de nationalité française du Moyen Orient.

      Dupont-Aignan propose de les accueillir dans les Iles Kerguelen : pourquoi ne pas limiter les frais en choisissant une île abandonnée près de nos côtes ou un fort désaffecté ?

      Pourquoi ne pas demander au milliardaire d’internet qui vient d’acheter une île proche de Fort Boyard d’en faire don à la France, sinon de trouver une autre île, ou un de nos forts désaffectés ?

       Il parait évident que, pour toutes sortes de raisons qui n’ont bien sûr rien à voir avec le Coran ou la laïcité, cette nouvelle pension de famille pourrait s’appeler l’ile « Vierge ».

Jean Pierre Renaud

Entre XXIème siècle ou XVIème, est –ce bien différent ? Entre monarchie et Vème République ?

Source : « D’OR ET DE SANG » La malédiction des Valois »

 Catherine Hermary-Vieille Livre de Poche 2016, page 37

            Ces jours-ci, je suis tombé en arrêt sur un passage de ce livre fort intéressant dont je livre le contenu aux lecteurs. Il s’agit du récit d’une période très agitée de notre histoire monarchique, faite de complots, de meurtres, et de traitres avec pour acteurs principaux, Catherine de Médicis, veuve et Régente, Henri IV de Navarre, et la reine Margot, dans un contexte violent et séculaire de guerre des religions:

           « Charles déclaré majeur, elle a en tête un vaste projet : un voyage autour de la France pour convaincre ses sujets qu’ils sont tous aimés et protégés par leur souverain. Sa famille entière, sauf le petit Hercule, encore trop jeune, suivra avec la cour.

            Une organisation gigantesque. Outre la famille royale, les courtisans et les trois mille soldats chargés de sa sécurité, se joindront à l’immense cortège, les ministres leurs secrétaires avec les archives, la chancellerie, les serviteurs, lrs nains, les chiens, les perroquets, les singes favoris, quinze mille chevaux, des chariots  transportant meubles, tapisseries, vaisselle, tapis, vêtements, des coffres regorgeant des  douceurs dont Catherine ne peut se passer : fruits confis, confitures, liqueurs, vins doux, biscuits italiens aux amendes, une armée de cuisiniers, rôtisseurs, sauciers, pâtissiers, boulangers, tournebroches, marmitons. »

Toute ressemblance entre les personnages et la situation historique ne pourrait être qu’une coïncidence.

Jean Pierre Renaud

Exercice : l’objet d’art africain dans une glace sans « tain » !

Prologue

Pourquoi un tel titre ?

            Chacun connait l’usage d’une glace, usage modéré ou immodéré selon les jours, l’âge, la société, ou l’époque dans laquelle on vit. Chacun sait tout autant que cet exercice peut être aussi bien agréable que désagréable : tel est aussi le regard que nous sommes capables de poser sur notre passé national.

            Une glace a l’avantage de refléter une image d’un soi, qui est, ou n’est pas celle de son vrai soi, et il en est de même pour le passé d’un pays qui se regarde dans une glace : il n’est pas toujours facile d’assumer totalement son passé, pour autant qu’il soit d’ailleurs connu, ou qu’il puisse l’être au fur et à mesure des siècles, et sur tous les continents.

            Tenter de mettre devant la glace du passé, les objets d’art africain que l’on trouve dans les musées ou sur les marchés, constitue donc un art difficile, truffé d’énigmes, alors que les histoires ou les mémoires ont toujours fait l’objet de manipulations d’écriture dans tous les pays et à toutes les époques, soit par servilité – l’obéissance à l’autorité ou à une idéologie -,  soit par l’absence de sources écrites crédibles, soit tout simplement par ignorance ou incompétence.

          Le dossier de « restitution » d’objets d’art « conservés » soulève, comme nous le verrons, de redoutables questions de lecture historique des objets en question.

         Si une glace est un bon instrument d’analyse historique du passé, une glace sans tain ne peut manquer de fausser le regard, à condition de le savoir ou de s’en douter, à partir du moment où quelqu’un nous voit, sans qu’on le voie et qu’on le sache, et dans le cas de l’histoire, joue son jeu.

      Dans le cas considéré, je n’aurai pas la cruauté de faire un jeu de mot facile en hésitant entre les deux écritures de tain et de tin, pour ne pas nommer un Monsieur qui, au fil des années, tisse sa toile anachronique de revendication et de réparation.

             En prélude :

       Premier prélude, celui de Monsieur Marsal, un excellent professeur de philosophie et de logique qui, à Louis Le Grand, forma ses élèves à l’esprit critique et à la réflexion : dans son exercice intellectuel favori, il nous faisait commenter un texte en exposant son contenu, premier mouvement, et en le critiquant, deuxième mouvement contraire. (auteur du Que sais-je « L’autorité »)

       Dans ce bel établissement, nous avions aussi d’excellents professeurs d’histoire, de géographie, de littérature, et d’anglais.

        Ce premier prélude, en véritable parrainage,  m’autorise à inviter de nombreux chercheurs postcoloniaux à confronter leurs discours à un passé africain qu’ils connaissent mal ou pas du tout, je parle avant tout ici de l’Afrique de l’Ouest.

       Je vise ici tout particulièrement les livres du « modèle de propagande postcoloniale Blanchard and Co » issus d’un ouvrage collectif « Images et  Colonies- 1993) dont le contenu n’infusait pas  une propagande coloniale ou postcoloniale.

      Dans le cas des objets d’art, je les inviterais volontiers à confronter leurs  thèses à la réalité de l’histoire africaine des années de la colonisation française, « face à une glace sans tain ».

     En deuxième prélude, une compétence revendiquée de chercheur historien amateur qui vaut largement celles de chercheurs qui se piquent de savoir interpréter les images de propagande coloniale, sans avoir une connaissance approfondie de l’histoire coloniale, ou qui se piquent de savoir interpréter ces images sans formation sémiologique, ou encore en oubliant complètement les données de l’histoire quantitative (évaluation des vecteurs et des effets), quand il ne s’agit pas de faire tout simplement son « marché » éditorial postcolonial.

      Les lecteurs intéressés peuvent consulter les chroniques de ce blog que je publie depuis 2010, et les ouvrages que j’ai publiés à compte d’auteur, notamment le livre « Supercherie coloniale », une récapitulation, en 2008, des critiques que je portais à l’endroit des ouvrages du modèle de propagande cité plus haut.

       En troisième prélude, celui d’une France donatrice, pourquoi pas ? Afin que les nouveaux Etats d’Afrique de l’Ouest connaissent mieux leur passé, si tant est qu’ils l’ignorent, une France coloniale qui fut aussi « conservatrice » de leur patrimoine, avec le concours capital de l’IFAN.

      L’exercice historique portera sur deux points essentiels :

     Premier point, l’art du Bénin, ou de l’ancien « Dahomé » (dans le « ventre de Dan »), centré sur l’ancien royaume de Béhanzin

    Deuxième point, les très nombreuses questions religieuses, culturelles, juridiques, monétaires, ne serait-ce que leur datation,  que ces revendications d’objets d’art posent dans le contexte historique de l’époque coloniale.

      Pourquoi ne pas souligner que ce dossier est plein d’énigmes ?

 2 – L’art africain du Bénin

      Tous ceux qui ont depuis longtemps apprécié l’art africain, souvent des découvreurs, amateurs, collectionneurs, artistes ou marchands dans les premiers temps, puis de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’on les exposait en Europe ou ailleurs, trouveront peut-être que le débat actuel est tout à fait dérisoire, d’autant plus que les transferts en question ont contribué à mettre en valeur les œuvres d’art du continent africain, alors que cet art n’était le plus souvent pas reconnu comme un art, en Afrique ou ailleurs.

      Pourquoi ne pas souligner dès le départ, qu’un tel sujet aurait vivement besoin d’un bon « récadère » historique, de compétence égale dans ce domaine à ceux qui ouvraient la voie à l’étranger avec leurs « bâtons » dans les royaumes du Dahomé de l’époque au nom de leurs rois ?

Première interrogation :le mot « Bénin » ne serait-il pas un piège ? L’ouverture d’une boite de Pandore ?

    « Il ne faut pas en effet « confondre le Bénin historique – royaume prestigieux connu depuis le XVème siècle et situé dans le centre-Ouest de la République fédérale du Nigéria (ville de Bénin City sur la carte) – avec la « République populaire du Bénin » qui a  succédé en 1975 à la République du Dahomey.

     C’est le commandant Kérékou (un Somba du massif de l’Atakora), alors adepte du socialisme scientifique qui a mis en avant ce nouveau nom. .. Peut-être voulait-il prendre ses distances vis-à-vis des gens d’Abomey.

     Quand il est question dans les ouvrages spécialisés et les expositions de « l’art du Bénin », c’est le Bénin historique dont il s’agit. Ce sont surtout des bronzes, (têtes commémoratives, plaques de piliers).

     Ces objets ont fait leur apparition dans les collections à la suite d’une « expédition punitive » des Anglais contre le roi du Bénin (l’iba) en 1897. Les Anglais ont conservé une partie de ce trésor royal pour le British Muséum et vendu l’autre pour couvrir les frais de « l’expédition punitive ». Le Musée ethnographique de Vienne avait été un gros acheteur ; en 1990, il a présenté à la Fondation Dapper un échantillon de ses acquisitions.

     Pour les connaisseurs, c’est du grand art, sans doute au-dessus des productions du Dahomey.

     Par ailleurs à son apogée, au XVIème siècle, le Royaume du Bénin s’est étendu vers l’Ouest jusqu’à Ouidah, les étudiants qui entouraient Kérékou lui ont peut-être dit. » (M.A, un vieil ami de promotion, bon connaisseur du sujet).

     Les revendications du Bénin ne risquent-t-elles pas d’inciter l’Etat voisin de Nigéria à revendiquer les mêmes objets, étant donné que le siège du royaume puissant du Bénin était situé en Nigéria ?

     Dans d’autres pays d’Afrique, leur dénomination officielle risque de poser le même type de question.

      Deuxième interrogation : il est tout à fait exact que la conquête du Dahomé s’est traduite lors de la prise d’Abomey par un pillage des œuvres qui se trouvaient dans le Palais de Béhanzin, mais les conditions historiques de cette conquête mériteraient sans doute d’être mieux connues, pour au moins deux raisons, les coutumes sanguinaires de ce royaume – avec des sacrifices humains d’importance (esclaves ou prisonniers) – et d’autre part les pratiques esclavagistes du Dahomé.

       De multiples témoignages existent à la fois sur ces sacrifices – Mme Zinzou a d’ailleurs fait, sauf erreur, l’acquisition d’un des grands plateaux de sacrifice de la Cour royale -, de même que sur le soulagement qu’éprouvèrent alors les habitants des royaumes voisins, les Nagos, les Mahis, de Savé, ou encore les Baribas, très guerriers eux-mêmes, des royaumes dévastés par les razzias du Dahomé, aussi bien pour se procurer des esclaves que pour piller les richesses locales.    Il serait donc intéressant de savoir ce que les descendants des royaumes en question pensent des restitutions demandées, de la destination prévue, et de leur contexte historique de présentation locale.

     « J’oubliais, mais ce peut être intéressant pour un « historien amateur ». Le Royaume du Bénin avait lui aussi des « coutumes barbares » (sanguinaires ».(M.A.)

     Ceci dit, et à mes yeux, pour avoir beaucoup fréquenté l’histoire de la colonisation française de l’Afrique de l’Ouest, trop peut-être, je me suis souvent demandé quel pouvait être l’intérêt, pour ne pas dire la justification de la conquête du Dahomé, du Soudan, ou de la Mauritanie, sans citer d’autres territoires, Haute Volta, Niger ou Tchad…

      3 – De multiples questions posées :

       Quelle est la définition de l’art africain ? Ce que nous appelons l’art africain existerait-il sans la période des conquêtes coloniales et des colonisations de l’Occident.

     A l’époque de leur création, s’agissait-il d’art, d’objets de culte, d’ornements ou de signes de pouvoir ?

       Ces objets ne baignaient-ils pas dans un univers culturel ou religieux, visible ou invisible, bénéfique ou maléfique selon les époques ou leur origine ethnique ?

     L’énigme de la datation – Faute de pouvoir dater beaucoup d’objets, nombreux ont été les objets, masques, statuettes, ou sculptures,  qui ont été mis en vente sur le marché, sans qu’ils soient authentiques, un trafic on ne peut plus lucratif.

      Une fois ces premières difficultés résolues, il conviendrait de pouvoir identifier les conditions de la cession de tel ou tel objet, – cadeau, troc ou cession en cauris, vol – en fonction de sa contrée d’origine (Sahel, savane ou forêt), sinon de son ethnie d’origine, en pouvant distinguer entre celles sous influence musulmane, disposant d’une armature de lettrés et de textes écrits, mais réfractaires à toute image, et celles sous influence animiste ou fétichiste, de civilisation verbale.

      Dans ce dernier domaine géographique, le  rayonnement des objets « récoltés » est historiquement difficile à identifier, tant ce domaine de la création nous plonge dans un univers à clés de type magique détenues par des féticheurs ou des sorciers. Est-ce que ça ne pourrait pas être le cas dans le Bénin d’aujourd’hui, un pays où les couvents de féticheurs et féticheuses, notamment à Ouidah, ont toujours eu beaucoup d’adeptes ?

       Il est évident que derrière ce type de revendication que l’on peut considérer comme en partie légitime, l’on voit en permanence la main d’un courant idéologique, politique, culturel, universitaire, encore puissant, lequel, comme à son habitude, met les pleins feux sur la « face nocturne », et peu ou pas du tout, sur la « face diurne », la distinction historique que proposait Hampâté Bâ pour faire le bilan de la colonisation française.

            Une sorte de concours de beauté historique est entre les mains d’un courant d’autoflagellation historique, comme si nous avions réellement caché le passé de la France, avec sans le dire ou en le disant (voir M.Tin), la revendication d’une réparation en monnaie sonnante et trébuchante.          

      Je conclurai volontiers ma chronique en élargissant ce débat par nature austère, difficile, et relatif, à la question de la définition de ce qu’est l’art

      Dans les domaines de la sculpture ou de la peinture, chacun sait que, chez nous, à l’époque moderne, la peinture impressionniste ou abstraite n’a pas eu beaucoup de succès, alors qu’un Picasso a été un des premiers à reconnaître certaines formes de l’art africain.

       Que dire enfin, lorsqu’il s’agit de très grosses sommes de monnaie bien sonnante et bien trébuchante telles que celles de certaines ventes aux enchères internationales !

       Jean Pierre Renaud

Avec Platon, la sagesse des siècles et un Parquet des Mineurs à Paris

Avec Platon, la sagesse des siècles !

« La République »

            « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,

             Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, 

            Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,

              Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois,

            Parce qu’ils ne reconnaissent rien au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne,

            Alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »

Platon 428 av.J.C / -348 av.J.C/

Cette sagesse a inspiré, il y a de nombreuses années, le travail d’une magistrate du Parquet des Mineurs à Paris.

            Jean Pierre Renaud