« Antimémoires » André Malraux et « Broussard » Maurice Delafosse

« Antémémoires »

André Malraux

Folio

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1945 : le regard lucide et dérangeant de Malraux sur l’Indochine coloniale et sur les impérialismes coloniaux

A titre de contribution aux analyses comparatives publiées sur mon blog entre les deux empires coloniaux anglais et français.

1922 : le regard lucide et dérangeant de l’Africaniste Delafosse

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1945-1965 (p,121)

       « Je venais quelquefois à Paris, car nombre de questions étaient encore du ressort du ministère de la Guerre. Je retrouvai Corniglion, devenu général et compagnon de la Libération. Il allait prendre bientôt le commandement de l’aviation contre le bastion de Royan, l’un des derniers points d’appui allemands en France. En attendant, il écrivait un bouquin humoristique avec le docteur Lichvitz, que j’avais connu à la 1ère DFL, et qui était devenu médecin du général de Gaulle. Il en lisait des chapitres, avec une intarissable bonne humeur à Gaston Palewski (à la suite de quelque conflit à Londres, cet ambassadeur était parti en Abyssinie conquérir Gondar, avant de devenir directeur du cabinet du général), au capitaine Guy, à quelques autres. C’est ainsi que je fis connaissance du fameux « entourage ».

       Quelques jours après le Congrès du MLN, nous parlâmes d’élections : on parle toujours d’élections. Je n’éprouvais nul désir de devenir député. Mais j’avais un dada : transformer l’enseignement par l’emploi généralisé des moyens audiovisuels. Seuls le cinéma et la radio étaient alors en cause ; on pressentait la télévision. Il s’agissait de diffuser les cours de maîtres choisis pour leurs qualités pédagogiques, pour apprendre à lire comme pour découvrir l’histoire de la France. L’instituteur n’avait plus pour fonction d’enseigner mais d’aider les enfants à apprendre.

      En somme, dit Palewski, voius voulez faire enregistrer le cours d’Alain, et le diffuser dans tous les lycées ?

      Et remplacer le cours sur la Garonne par un film sur la Garonne.

      Mais c’est excellent ! Seulement, je crains que vous ne connaissiez pas encore le ministère de l’Education nationale.

     Nous avions parlé aussi de l’Indochine. J’avais dit, écrit, proclamé depuis 1933, que les empires coloniaux, ne survivraient pas à une guerre européenne. Je ne croyais pas à Bao Dai, moins encore aux colons. Je connaissais la servilité qui, en Cochinchine, comme ailleurs, agglutine les intermédiaires autour des colonisateurs. Mais, bien avant l’arrivée de l’armée japonaise, j’avais vu naître les organisations paramilitaires des montagnes d’Annam.

         Alors, me dit-on, que proposez-vous ?

       Si vous cherchez comment nous conserverons l’Indochine, je ne propose rien, car nous ne la conserverons pas. Tout ce que nous pouvons sauver, c’est une sorte d’empire culturel, un domaine de valeurs. Mais il faudrait vomir une « présence économique » dont le principal journal de Saigon ose porter en manchette quotidienne : « Défense des intérêts français en Indochine ». Et faire nous-mêmes la révolution qui est inévitable et légitime : d’abord abolir les créances usuraires, presque toutes chinoises, sous lesquelles crève la paysannerie d’un peuple paysan. Puis partager la terre, puis aider les révolutionnaires annamites, qui ont sans doute bien besoin de l’être. Ni les militaires, ni les missionnaires, ni les enseignants ne sont liés aux colons. Il ne resterait pas beaucoup de Français, mais il resterait peut être la France…

       J’ai horreur du colonialisme à piastres. J’ai horreur de nos petits bourgeois d’Indochine qui disent ; « Ici, on perd sa mentalité d’esclave ! »  comme s’ils étaient les survivants d’Austerlitz, ou même de Lang Son. Il est vrai que l’Asie a besoin de spécialistes européens ; il n’est pas vrai qu’elle doive les avoir pour maîtres. Il suffit qu’elle les paye. Je doute que les empires survivent longtemps à la victoire des deux puissances qui se proclament anti-impérialistes.

       Je ne suis pas devenu Premier Ministre de Sa Majesté pour liquider l’Empire britannique, dit Corniglion, citant Churchill.

      Mais il n’est plus Premier Ministre. Et vous connaissez la position du Labour sur l’Inde.

       Tout de même dit Palewski, vous ne pouvez pas exécuter un tel renversement avec notre administration ?

       Il y  a encore en France de quoi faire une administration libérale. Je vais plus loin. Pour faire de l’Indochine un pays ami, il faudrait aider Ho chi Minh. Ce qui serait difficile, mais pas plus que ne l’a été, pour l’Angleterre, d’aider Nehru.

    Nous sommes beaucoup moins pessimistes que vous…

      Ce qui nous mena à la propagande. L’Information était entre les mains de Jacques Soustelle, qui souhaitait changer de ministère.

       A peu de choses près, dis-je, les moyens d’information dont vous disposez n’ont pas changé depuis Napoléon. Je pense qu’il en existe un beaucoup plus précis et efficace : les sondages d’opinion…. Les procédés de Gallup n’étaient alors connus, en France, que des spécialistes. Je les exposai rapidement. » (p,124)

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      Il est possible de disserter à longueur de pages et de temps, et les choses sont déjà bien engagées beaucoup plus sur le terrain idéologique ou politique que sur le plan historique, sur le bilan et les héritages des colonisations française et anglaise de la fin du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième siècle, mais la décolonisation n’a pas été un long fleuve tranquille.

        Quelques éléments dominent à mes yeux ce sujet polémique : la volonté de puissance de plus en plus anachronique d’un pays, la France, qui n’avait plus les moyens de faire face à l’évolution du monde après la Deuxième Guerre Mondiale, une France qui n’avait jamais eue vraiment la fibre coloniale, une France qui était privée d’un gouvernement à la fois compétent, lucide et stable (une volatilité de six mois en moyenne, comme sous la Troisième République), une France que la Guerre Froide conduisait à choisir le continent européen.

        Résultat : une guerre d’Indochine menée à veau l’eau (1945-1954), une répression rétrograde de l’insurrection malgache en 1947, une guerre d’Algérie militairement bien menée – l’Indochine était passée par là – et politiquement bâclée, pour ne pas évoquer le cas des autres territoires coloniaux dont les enjeux étaient moindres.

          Un observateur averti ne peut manquer de remarquer qu’au fur et à mesure des années et des présidences de la Cinquième République, une sorte de prurit cérébral d’ancienne puissance et de gloire continue à produire ses effets, au Zaïre, au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en Libye, ou de nos jours au Sahel.

    Malraux avait raison de privilégier dans les facteurs d’évolution impériale plus le rôle culturel de notre pays que son rôle politique ou militaire.

1922 : le regard lucide et dérangeant de l’africaniste Maurice Delafosse :

    Delafosse avait été administrateur colonial en Côte d’Ivoire pendant plusieurs années, dans une Côte d’Ivoire qui venait de voir le jour comme première forme d’un Etat colonial, rappelons-le, et avait fait le choix de l’étude des sociétés africaines, de leurs langues, de leurs mœurs et de leurs cultures.

    Il était en quelque sorte devenu un expert des politiques indigènes qu’il était possible de mettre en œuvre en Afrique noire.

    En 1922, il publiait un livre intitulé « Broussard », et son diagnostic était le suivant.

      Il posait ce diagnostic précoce, à l’aube de la deuxième phase de la colonisation, c’est-à-dire les années 1920-1940, en partant du principe que les hommes, blancs ou noirs, étaient les mêmes, en Europe ou en Afrique, mais cela ne l’empêchait pas de proposer une politique indigène qui ne fut jamais celle de la France.

       Il écrivait au sujet de l’instruction : « Considérant simplement le bien ou le mal que peut retirer l’indigène africain d’une instruction à la française, je crois sincèrement que la lui donner constituerait le cadeau le plus pernicieux que nous pourrions lui faire : cela reviendrait à offrir à notre meilleur ami un beau fruit vénéneux « (p,111)

       Plus loin, il fustigeait les humanistes :

      « Les humanistes entrent en scène. Pour ces singuliers rêveurs, l’idéal de l’homme est de ressembler à un Parisien du XXème  siècle et le but à poursuivre est de faire goûter à tous les habitants de l’univers, le plus tôt possible, les joies de cet idéal » (p,114)

      La bombe d’Indochine

      «  Nous parlions d’un événement qui avait mis en émoi l’Indochine ; un Annamite quelque peu détraqué  avait lancé une bombe sur un groupe d’Européens assis à la porte d’un établissement public.

        Ce n’est pas dans votre Afrique, dis- je à mon ami Broussard, que de paisibles consommateurs prenant le frais et l’apéritif à la terrasse d’un café, auraient à redouter l’explosion d’une bombe intempestive.

      Assurément non, me répondit-il, ou du moins l’instant n’est pas encore venu d’appréhender de tels faits divers ; mais ce n’est qu’une question de temps. » (p,112)

      Et plus loin encore :

     « Félicitez- vous en pour eux aussi, pendant qu’il est temps encore. Mais s’ils ne sont pas mûrs actuellement pour se servir d’engins explosifs, soyez sûr qu’un jour ou l’autre, si nous continuons à nous laisser influencer par les humanitaristes et les ignorants, les nègres nous flanqueront à la porte de l’Afrique et nous ne l’aurons pas volé. » (p,118)

        Jean Pierre Renaud   –  Tous droits réservés

Les mots d’un Président; un « patriotisme inclusif » avec trois questions ! En exclusivité…

     Question numéro 1 : est-ce que le sens de ces deux mots sera donné à la quarantaine d’éminences ministérielles à l’occasion du séminaire du 29 avril 2019 ?

            Question numéro 2 : est-ce qu’il ne serait pas utile et intéressant que tel ou tel communicant, ou telle ou telle communicante, aille dans un « territoire » un jour de marché, pour demander à tel (le) ou tel (le) des clients(es)  (comme « Dans ma rue » sur France 2), le sens qu’ils donnent à ces deux mots ?

            Question numéro 3 : pourquoi ne pas questionner policiers, gendarmes ou CRS sur le sens qu’ils donnent à ces deux mots, alors qu’ils sont mobilisés depuis plusieurs mois ?

         Sont-ils prêts à faire preuve de « patriotisme inclusif » face aux casseurs en tout genre ?

        Comprenne donc qui pourra !

           Jean Pierre Renaud

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures locales de pouvoir local – III – Lyautey et l’Empereur d’Annam Than Taï

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local

1850-1900 : au Soudan, avec Samory, Almamy, en Annam, avec Than-Taï, Empereur d’Annam, à Madagascar, avec la Reine Ranavalona III

III

1896 : Lyautey et l’Empereur d’Annam Than-Taï

            En Indochine, la France procéda rapidement à la mise en place d’une administration directe qui ne disait pas son nom, les résidents français doublant les mandarins, représentants officiels de l’Empereur d’Annam.

            Les mandarins annamites étaient choisis et formés au terme de concours difficiles, et ils constituaient à l’évidence une élite administrative.

            Les gouverneurs n’ont eu de cesse que de vouloir un Empereur à leur dévotion, n’hésitant pas à les remplacer le cas échéant.

            J’ai déjà évoqué dans un de mes textes la discussion qu’eut Lyautey avec l’un de ses collègues, ingénieur, à l’occasion de la visite du Gouverneur Général de l’Indochine à la Cour de Hué.

            Le texte qui suit illustre parfaitement la problématique coloniale entre administration directe ou indirecte.

            Nous évoquerons ultérieurement dans un autre texte les conséquences que cette façon de concevoir la colonisation française a eu des conséquences tragiques dans le déroulement de la guerre d’Indochine entre 1945 et 1954.

Tourane, le lundi 31 août 1896 – Lettres du Tonkin, page 415

      En Annam, La Cour de Hué

            L’Empereur Than-Taï était jeune et avait un comportement despotique à l’égard des membres  de la Cour d’Annam, notamment des femmes.

            Lyautey, alors Commandant, racontait le comportement espiègle, pour ne pas dire plus, de ce jeune empereur d’Annam, à bord de leur bateau.

            « A bord du Haïphong, en route de Tourane à Saigon, 1er septembre, soir,

            Embarqués  à 3 heures ; le Roi est venu visiter le courrier, le plus grand bateau qu’il ait vu jusqu’ici. Lunch, séparation, adieux ; il avait repris le turban royal, la Légion d’Honneur. Il entre en scène comme un acteur, et c’est amusant de le voir « poser » pour dissimuler ses étonnements… il a par l’intermédiaire de Hoang-Trang-Phu, des mots très aimables pour moi. Et comme je m’étonne, moi, chétif dans cette hiérarchie, qu’il m’ait ainsi distingué, et le lui exprime, il me fait dire par Hoang qu’il tient  à remarquer ma politesse et ma déférence que je lui ai témoignée, ce qui prouve simplement qu’il n’a pas toujours été gâté à cet égard.

      Et puis que voulez-vous, pour moi il est le Roi.

            C’est depuis huit jours ma constante, très cordiale et plaisante querelle avec l’ami R…, l’ingénieur en chef des Travaux publics…

         R… écume de se courber, de se découvrir, de rester debout, de voir M.Rousseau, inspecteur général des Ponts, po-ly-tech-ni-cien, etc, etc, céder le pas à ce môme vicieux, et ronchonne les mots « mascarade, humiliation » ; moi, je rigole ; j’émets l’idée, qui le fait bondir, que je ne sais pas pourquoi nous ne lui baisons pas la main. – Eh ! Qu’est-ce que ça me fait ses vices, la gale de son petit frère, ses néroneries de palais ; c’est le petit-fils des Gia-Long et des Ming-Mang, le dernier des Nguyen, c’est la grande force sociale de cet empire de 20 millions d’hommes, au passage duquel les populations se couchent dans la poussière, dont un signe du petit doigt est un ordre absolu ; et grand Dieu ! Servons-nous en et n’énervons pas cette force, puisque nous en tenons les ficelles, et persuadons-nous que ce n’est ni l’Administration directe, ni toute la compétence  technique des B… et des N… qui la remplaceront, et, ne fût-ce que par conviction, honorons-le par politique. Toute la philosophie du Protectorat est là-dedans ; et c’est pourquoi… il ne fallait pas annexer Madagascar.

            Et maintenant que la féerie est finie, Than-Taï parti, et le courrier en marche, examinons notre conscience.

            Il n’y a pas assez de mots pour flétrir la conduite de la France vis-à-vis du petit Roi. Nous avons beau jeu à nous indigner de ses vices, de ses cruautés, de son insouciance. On connait son histoire. En 1889, à la mort de Dong-Khan notre créature, ne voulant naturellement pas remettre sur le trône Ham-Nghi, chef du parti national, le déporté d’Alger, nous allâmes chercher un fils de Duc-Dui, fils adoptif et héritier de Tu-Duc qui avait régné quelques heures à la mort de ce prince, en 1883. Ce fils, c’était Than-Taï, qui avait 11ans. Elevé en prison avec sa mère, dans les besognes serviles, loin des partis et des échos de la cour, il était à notre merci, malléable à volonté.. Et ainsi que le remarque le plus distingué des anciens Résidents généraux de ce pays, nous pouvions et devions en faire le Roi idéal du Protectorat, entouré de maitres français, formé à nos idées, initié à nos plans, le meilleur des intermédiaires pour en assurer l’exécution. Qu’avons-nous fait ? Pendant deux ans, nous avons placé auprès de lui, au Palais, un commis subalterne, sous prétexte de lui apprendre le français. Et puis, c’est tout. On lui a donné des joujoux, tantôt la Grand-Croix de la Légion d’Honneur, tantôt des polichinelles à musique, l’an dernier une tapisserie des Gobelins. Et on l’a laissé pousser comme il a voulu, oisif et tout puissant, dans le mystère de ce monde d’eunuques, de harem, de bas serviteurs. Et il s‘est ennuyé royalement, sans un livre, sans une distraction du dehors, sans un dérivatif aux instincts. Et la sève est venue, et le petit homme est très vivant, et les flatteurs et les pourvoyeurs étaient là tout prêts ; et ça s’est déchaîné en débauches et en cruautés, avec les raffinements et l’ampleur que comporte l’exercice absolu de la tyrannie domestique. Mais enfin, à qui la faute ? Et alors ce furent des punitions de collège, le Résident supérieur venant faire des scènes de pion, le mettant aux arrêts pendant 30 jours dans une pagode avec trois femmes seulement, des remontrances solennelles du Conseil des Régents, ravis au fond et faisant courir le bruit que le Roi était fou pour se ménager le moyen de le déposer et de nous proposer une créature de leur choix…

        Pourquoi, pourquoi depuis sept ans n’avoir pas placé auprès de lui un ou deux Français sûrs, civils ou militaires, tantôt ses compagnons, tantôt ses mentors, tantôt ses maîtres, le cœur haut placé, de bonne éducation, déférents et fermes, qui se fussent voués à cette noble tâche…

      Mais tous ces beaux discours n’empêchent pas que nous pouvons nous vanter d’avoir « raté » Than-Taï. »

         (Lettres du Tonkin et de Madagascar, p,418 à 422)

       Il défendait le principe du maintien d’un Empereur Fils du Ciel à la tête de l’Annam, par respect de la religion, de la culture, et des traditions de ce pays.

      Citons à présent, comme nous l’avions annoncé un bref résumé de l’histoire d’un Enfant du Miracle qui apparut au Tonkin dans les années 1896, et qui incarna alors un des mythes religieux et culturels du delta.

       Dans le Yen-Thé, une zone géographique du delta du Tonkin d’accès difficile, entrelacée de rizières et de bois, les troupes coloniales combattaient alors un redoutable adversaire, le Dé Tham, qu’il était difficile de classer dans la catégorie des grands pirates endémiques du delta ou dans celle des rebelles à la présence française, des rebelles appartenant à la classe des mandarins ou des entourages des Empereurs d’Annam, en lutte ouverte ou clandestine depuis de très nombreuses années.

     Le Colonel Frey que nous avons déjà rencontré dans le Haut Sénégal notait :

        « Il faut donc le reconnaître, le parti national de la lutte contre l’influence française existe réellement au Tonkin et en Annam… Ce parti… son influence grandit chaque jour. »

       Le commandant Péroz proposa un récit souvent savoureux et coloré de son commandement au Tonkin, et notamment de la lutte qu’il conduisit contre le Dé-Tham qu’il finit par « apprivoiser », mais cela ne dura pas longtemps.

      « Un enfant du miracle » :

      A cette occasion, il racontait l’aventure d’un enfant du miracle, le Ky-Dong, une aventure qui s’inscrivait parfaitement dans les croyances et coutumes annamites, un monde que la France avait bien de la peine à déchiffrer :

     « Ky-Dong était fils de mandarin, et avait su inscrire ses origines dans le merveilleux des légendes et des devins, et son rôle et son histoire, dans celle de l’Annam et de la monarchie, et de l’influence qu’y avaient toujours eu les lettrés…

       Tout séparait donc le Dé-Tham d’un personnage aussi curieux que le Ky-Dong, ses origines et son parcours, avant qu’il ne vienne s’installer dans le Yen-Thé.

       « C’était un charmant annamite que l’ »Enfant du miracle » ; un des types les plus gracieux de cette race pétrie de délicatesse et de distinction.

       Presqu’encore adolescent, vingt ans à peine, élancé, très fin, souple comme une jeune tige de bambou. Une chevelure magnifique, ample, abondante ; lustrée, d’un noir luisant de jais ; quand son chignon était dénoué, cette chevelure l’enveloppait jusqu’aux pieds, comme une pèlerine de soie brillante. Ce cadre d’ébène rehaussait la pâleur du teint, qui se colorait de furtives rougeurs lorsque vibrait en KY-Dong quelque vif émoi. Les yeux éclatants n’étaient pas ceux de sa race ; ils étaient largement fendus, enchâssés dans des orbites profondes ; ils étaient voilés de longs cils dont la frange délicate soulignait une ombre légère l’acuité d’un regard qui ne jaillissait que par courtes éclipses sous des paupières souvent baissées. La bouche était d’un joli modèle, avec des lèvres rouges, écrin d’une merveilleuse dentition, que la laque et le bétel n’avaient pas souillées. Des mains et des pieds d’enfant.

      Il parlait en zézayant un français très pur, empreint volontiers de quelque recherche..

        Ainsi m’apparut un jour, à Nha-nam, à la porte de mon bureau, le corps serré dans un élégant fourreau de soie, le calculateur habile qui faillit révolutionner le Tonkin, pour satisfaire les aspirations de bien-être et de luxe que nous lui avions inculquées.

      Il était né à Nam-Dinh, la capitale des lettres tonkinoises. Lorsque nous nous emparâmes de la ville, il avait huit ans. C’était le fils d’un petit mandarin sans grande influence et fortune. Cependant Ky-Dong était connu, honoré et aimé de tous, hauts fonctionnaires, soldats, marchands et nha’qués, tous s’inclinaient devant la légende miraculeuse qui auréolait l’enfant des reflets  d’une couronne, et lui prédisait une destinée royale. (HCB/p,324)

     Cette prédiction, faite lors de sa naissance, s’inscrivait parfaitement dans le contexte des croyances annamites traditionnelles, lesquelles, en tout cas, à nos yeux d’occidentaux, relevaient du même monde merveilleux qui a toujours nourri nos propres superstitions et légendes.

     Nous ne nous attarderons pas en détail sur son histoire, qui, est à elle seule, comme celle du Dé-Tham, un véritable roman, mis seulement sur quelques épisodes.

        « Paul Bert était à cette époque résident général en Indochine. L’événement et la légende lui ayant été rapportées, il décida de faire élever en France ce jeune Annamite prédestiné… L’enfant fut donc envoyé à Alger, puis à Paris, dans un lycée où il fut interne… Certes, ces dix années vécues au milieu de nous avaient profondément bouleversé la mentalité de Ky-Dong, mais point dans le sens que pensaient ses maîtres. Les femmes galantes, les voitures confortables, les appartements somptueux, les mets et les boissons recherchés avaient tous ses suffrages…

      Il n’avait pas vécu à Paris, tellement isolé de ses compatriotes, qu’il n’eût appris les rancœurs et les amertumes accumulées par nos maladresses et par notre mépris des coutumes séculaires, des usages familiaux, et des croyances respectées. Ces sentiments seraient le terrain qui, sur un geste de lui, déterminerait une fermentation qu’il saurait surexciter à son avantage…

       Une procession annonciatrice :

       « Il y avait une grouillante procession de robes noires et de parapluies verts… un exode vraiment, mais un exode de mandarins et de notables… plusieurs milliers certainement. Leurs piétinements soulevaient un grand nuage de poussière rouge… D’où sortait cette foule d’une qualité si particulière ? Que faisait-elle dans mon pays misérable et dépeuplé ? A qui ou à quoi en avait-elle ? Où allait-elle ?…

Or c’était du côté de la forêt qu’ils allaient ! Vers la forêt maudite, la forêt redoutée, la forêt des pirates et du tigre ! Des mandarins, des notables… Cela sentait naturellement le surnaturel… »

     Personne ne savait rien et un étrange visiteur attendait le commandant Péroz dans son bureau, confortablement installé dans un fauteuil.

       « … Mon commandant, je n’ai pas encore eu l’honneur de me présenter. Je me nomme Ky-Dong… En annamite, cela veut dire « l’Enfant du miracle »….

      Ky-Dong donne au Commandant les raisons de sa présence :

      « En effet, mon commandant, j’oubliais l’important. Je vous croyais renseigné. Voici une lettre du résident supérieur qui vous donnera les raisons de ma venue dans le Yen-Thé, et de celle des braves gens qui, en ce moment, défilent devant votre résidence…

        L’idée générale était de déverser sur le Yen-Thé une partie du trop- plein de la population du delta, afin de remettre en valeur nos plaines incultes. Ky-Dong avait offert de la réaliser…

      Toute la bande, cinq à six mille personnes, maîtres et serviteurs, était logée tant bien que mal aux alentours des blockhaus dont j’avais retiré les garnisons… Une petite ville s’était levée comme par enchantement autour du blockhaus de Cho-kei. Ky-Dong en avait fait sa résidence….

      Dans la résidence, une salle de conférence :

      «  De cette salle partaient les proclamations qui allaient enflammer les courages jusque dans les villages les plus reculés du Tonkin… »

      Le commandant Péroz accumule les informations d’après lesquelles Ky-Dong fait toute autre chose que ce pourquoi il annonçait être venu, et le commandant va prendre un certain nombre d’initiatives pour se débarrasser du personnage.

    Ky-Dong avait donc fait un passage de comète révolutionnaire dans le Yen-Thé, région impénétrable que la France n’avait pas réussi à pacifier complètement, compte tenu du foyer de rébellion qui y couvait, et qu’entretenait le grand chef pirate Dé-Tham.

      Dans le livre déjà cité, le commandant Péroz en fit un récit très documenté.

    Au fur et à mesure des années, les Résidents de France doublèrent dans la pratique les mandarins qui exerçaient théoriquement à la tête des circonscriptions impériales.

            Certains diraient sans doute que le futur Maréchal de France avait une conception britannique de la colonisation, et ils n’auraient sans  doute pas tort.   Il n’aurait sans doute pas déposé la Reine de Madagascar,  s’il avait occupé le poste de Gallieni, autre futur Maréchal de France qu’il admirait.

   Lors de son proconsulat marocain, il eut toujours soin de respecter les institutions locales, la monarchie et la religion musulmane.

       Jean Pierre Renaud  –  Tous droits  réservés

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local- IV- Gallieni et la Reine Ranavalona III

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local

1850-1900 : au Soudan, avec Samory, Almamy, en Annam, avec Than-Taï, Empereur d’Annam, à Madagascar, avec la Reine Ranavalona III

IV

Gallieni et la Reine de Madagascar, Ranavalona III

            Dans le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large », j’ai examiné longuement le pourquoi et le comment de l’expédition de Madagascar en 1895, financée à crédit,  ses caractéristiques matérielles et politiques, afin de mieux comprendre qui  décidait quoi et quand,  du gouvernement ou de l’exécutant sur le terrain colonial ?

« 4ème Partie Communications, fil à la patte ou alibi ?

La conquête à crédit de Madagascar en 1895 (pages 399 à 479)

Chapitre 5 : Les communications ont-elles été l’alibi de la déposition de la reine Ranavalona III ? (pages 465 à 479)

            J’ai notamment cherché à comprendre pourquoi Gallieni avait déposé la Reine Ranavalona III en 1896 à partir du contenu des messages échangés entre Paris et Tananarive, en profitant de la carence des communications existant alors entre les deux capitales.

            En 1895, la Grande Ile ne disposait d’aucune route et d’aucun réseau télégraphique, de quelques ports de transbordage, et la France eut beaucoup de mal à atteindre les plateaux de l’Imerina pour conquérir la capitale.

      Il convient de rappeler que la monarchie merina avait trouvé que la meilleure façon de se protéger de l’extérieur était de compter sur les fièvres et l’absence de communications.

       Protectorat ou non, à prendre connaissance des sources consultées, les gouvernements n’avaient pas les idées claires sur le sujet, et de façon tout à fait surprenante :

       « En janvier 1896, Guiyesse, ministre éphémère des Colonies (6 mois), donnait ses instructions au résident Général Laroche et lui recommandait (3) : « Afin de marquer sa situation vis-à-vis du gouvernement français, vous inviterez la reine à se servir à l’avenir de la formule de promulgation suivante :

      « Moi, Ranavalona, par la grâce de Dieu et la volonté de la République française, reine de Madagascar », formule qui démontrait la souplesse d’une république laïque, et souvent franc-maçonne, qui était capable, à Madagascar de faire bon ménage avec Dieu et la reine. » (p,467)

      Plus tard, en mars 1896, à la Chambre des Députés, Lebon, le ministre des Colonies déclarait :

       « Les événements ont marché, des déclarations ont été faites et notifiées : des décisions inéluctables ont été arrêtées. En présence de faits acquis ou consommés », et plus loin… , « La Reine Ranavalona conservera donc, avec son titre, les avantages et les honneurs qu’ils lui confèrent ; mais , ils lui sont maintenus dans le cas de l’acte unilatéral signé par elle, sous la souveraineté de la France… » p,468)

     Il s’agit des instructions citées plus haut et données par le ministre Guiyesse en janvier 1896.

   Il ne s’agissait plus de protectorat, mais purement et simplement d’annexion :

     « La loi d’annexion fut adoptée le 20 juin 1896, par 312 voix contre 72 et promulguée le 6 août 1896.

     La monarchie était devenue une coquille vide, il ne restait plus qu’un pas à effectuer pour la supprimer, et c’est ce que fit Gallieni. » (p,469)

     La situation était devenue incontrôlable, l’insécurité généralisée, et la noblesse merina affaiblie ou mise à l’écart, alors qu’elle avait jusqu’à présent main mise sur la gouvernance de l’île, au niveau central et local. La monarchie avait réussi, tout au long du XIXème siècle, à donner un début d’unité politique du pays : la Reine avait des gouverneurs dans les différentes provinces.

    Il est exact que le pouvoir était alors entre les mains d’une monarchie et d’une administration mérina, c’est-à-dire le peuple des plateaux, et le général Gallieni avait décidé de « détruire l’hégémonie merina ».

     Il est non moins exact qu’une partie de cette élite monarchique complotait contre la France et alimentait les troubles de la sécurité publique dans toute l’île.

      Gallieni n’y alla pas de main morte. Après avoir fait fusiller deux des représentants les plus éminents de la caste noble merina, le ministre de l’Intérieur, Rainimandraimanpandry  et le prince Ratsimamanga, il déposa la reine Ranavolana III, et l’envoya en exil le 28 février 1897.

      A lire les échanges de correspondances entre le ministre Lebon et le général Gallieni, on en retire la conclusion évidente que l’un ou l’autre interlocuteur, ou les deux, surent mettre à profit les difficultés de communication, bien réelles entre Paris et Tananarive, pour prendre ce type de décision de caractère capital.

     Le général Gallieni écrivait d’ailleurs le 12 mars 1897 à Lebon : « J’aurais voulu prendre votre approbation avant cette grave mesure, mais nos communications télégraphiques étaient trop lentes et il fallait agir vite. » (7)

     Le proconsul en avait ainsi décidé.

      Toujours dans le livre déjà cité au titre des réflexions que suscitait cet épisode colonial, je notais :

      « Troisièmement, fluctuation de la ligne politique générale à tenir quant au régime politique à maintenir ou à établir dans l’île ou non, communications télégraphiques possibles ou pas, le débat trouvait de toute façon ses limites dans le fonctionnement même de la chaine de commandement, c’est-à-dire dans la marge de liberté laissée au général Gallieni. Nous retrouvons ici un de nos thèmes favoris d’analyse et de réflexion : quelles que puissent être les instructions données à un chef militaire ou civil placé sur le terrain, lui seul apprécie ce qu’il doit faire…

      Quatrièmement, en supprimant la monarchie merina, Gallieni avait tranché la question de fond du régime politique de l’île alors que le régime qu’il avait trouvé dans l’île faisait cohabiter curieusement république et monarchie.
            Etait-il possible et souhaitable de conserver la monarchie. Personne ne le saura bien sûr, mais il est possible que Lyautey, placé dans les mêmes conditions politiques l’ait conservée, comme il le fit plus tard au Maroc. Ce ne sont que des supputations qu’adorent beaucoup d’historiens qui diraient sans doute, pour expliquer la décision Gallieni, qu’il avait cédé à sa fibre républicaine. » (p,476)

       Il y a au moins un facteur qui pouvait expliquer ce type de décision, une ignorance assez généralisée de la culture des peuples de l’île et de ses coutumes, et donc une méprise sur le rôle quasi-religieux de la monarchie merina, en tout cas à cette époque.

     Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local

1850-1900 : au Soudan, avec Samory, Almamy, en Annam, avec Than-Taï, Empereur d’Annam, à Madagascar, avec la Reine Ranavalona III

            A la différence du Royaume Uni, la République Française n’a pas cru bon de respecter les institutions de gouvernance politique ou religieuse de nature très variée qui existaient dans ses colonies, bonnes ou mauvaises à ses yeux, qu’il s’agisse de l’Afrique, de l’Indochine ou de Madagascar.

       Je serais tenté de dire qu’une partie, une partie seulement, des difficultés que connaissent encore aujourd’hui certaines des anciennes colonies françaises procèdent de cette  conception républicaine de gouvernance centralisée à ambition universaliste mise en œuvre par les proconsuls qu’étaient les gouverneurs généraux et les gouverneurs, sur le modèle napoléonien de la métropole.

      Je ne suis pas sûr que la solution de l’administration coloniale directe telle qu’elle fut pratiquée outre-mer ait toujours été une bonne solution, même si concrètement cette administration n’aurait jamais pu y subsister sans s’appuyer sur les réseaux de pouvoir traditionnels, c’est-à-dire grâce au truchement. Dans beaucoup de cas, l’administration directe fut une fiction.

        Le truchement fut la solution administrative concrète qui permit d’agir à l’ombre des structures et superstructures bureaucratiques de  type centralisé des colonies.

       Il est évident qu’au moment de la décolonisation, ce fut évidemment un choc, faute de pouvoir s’appuyer sur des peuples prêts à accueillir la démocratie, compte tenu du patchwork religieux, culturel, et ethnique qui était le leur, et de la disparition de leurs anciens régimes politiques.

        Faute pour eux de pouvoir tirer profit de traditions de pouvoir religieuses et culturelles encore solidement ancrées dans la population, l’histoire postcoloniale a mis en évidence la recherche de nouveaux leaders par ces peuples !

        Une fois indépendants, et en raison du succès mitigé des processus de démocratisation en cours, la plupart de ces pays sont allés de crise en crise, sans doute parce que la démocratie à l’occidentale était soit prématurée, soit inadaptée aux cultures locales de ces pays et aux modes de gouvernance auxquels leurs habitants étaient habitués.

       Ce que ce qu’on a appelé récemment les « printemps arabes » ne relèveraient-ils pas de la même erreur d’analyse des contextes historiques, ce qu’il conviendrait d’appeler nos œillères historiques, et peut-être démocratiques ?

    Nous proposerons donc d’illustrer cette problématique historique dans  trois cas, avec l’Almamy Samory, dans le bassin du Niger, la reine Ranavalona III à Madagascar, et Than-Thaï, l’Empereur et « Fils du Ciel » d’Annam en Indochine.

      Comme nous le verrons, le contexte colonial n’était pas du tout le même en Afrique, en Indochine, ou à Madagascar.

       Il faut avoir lu des témoignages historiques de cette époque pour apprécier les perceptions religieuses et culturelles d’un rôle quasi-divin qu’avaient les Annamites ou les Malgaches à l’égard de leur Empereur, Fils du Ciel, ou de leur Reine, dans un halo de croyances, de superstitions, et de soumission.

      A titre documentaire, nous citerons un échantillon de ce type d’état culturel au Tonkin, avec l’histoire de l’Enfant du Miracle que nous avons contée dans le livre « Confessions d’un officier des troupes coloniales-Marie Etienne Péroz »

&

      Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’Afrique était largement inconnue, et  dans sa partie ouest, seules ses côtes étaient un peu fréquentées par des bateaux venus d’Europe, car la barre rendait difficile les accostages.

      Comme l’avait noté le géographe Richard Molard, l’Afrique souffrait de son immense continentalité.

      Lorsque les Français se mirent dans la tête de partir à la conquête de ces territoires, les troupes coloniales découvraient une Afrique très morcelée, constituée d’une myriade de peuples, de cultures, de langues et de croyances.

        Après avoir lu de très nombreux récits d’explorations ou de campagnes militaires, je me suis très souvent demandé pourquoi la France s’était engagée dans de telles aventures, alors que les terres conquises n’avaient pas beaucoup d’intérêt économique, à la différence des territoires africains conquis par les Anglais, tels que la  Nigeria ou le Ghana actuel.

      Au fur et à mesure de leur pénétration, ces troupes affrontèrent successivement des rois, mais surtout des Almamy de religion musulmane qui défendaient ou s’efforçaient d’arrondir leurs territoires, souvent d’ailleurs au prix de guerres intestines.

       Tel fut le cas du sultan Samory que la France affronta au cours de la montée des troupes coloniales vers le bassin du Niger tout au long des années 1885-1900.

    Samory, comme le sultan Ahmadou plus à l’est, menait une guerre permanente avec les royaumes bambaras du même bassin.

            Sur le fleuve Niger, la France fit la guerre aux rois et aux sultans qui s’opposaient à la conquête française, notamment aux sultans Hadj Omar, Ahmadou, et Samory qui avait réussi à fonder un grand empire, unième tentative d’unification territoriale dans cette zone géographique marquée alors par un patchwork de dialectes, de croyances, et de coutumes, un patchwork qui dure encore.

            Aussi bien au Ghana, l’ancienne Côte d’Or, qu’en Nigeria, les Anglais laissèrent en place les pouvoirs traditionnels, le chef des Ashantis au Ghana, et les émirs du Sokoto et de Kanem en Nigéria.        

            En Afrique occidentale, quelques officiers ne partageaient pas la conception de prise en charge politique directe, qui consistait à se substituer aux rois ou sultans qui gouvernaient alors ces territoires.

            Dans les années 1880, le colonel Frey et le lieutenant Péroz faisaient partie de cette petite cohorte, dont le regard était beaucoup plus lucide que celui des nombreux ministres de la Marine et des Colonies qui eurent la responsabilité des conquêtes coloniales, laissant les événements marcher selon le propos de l’un d’entre eux, les décisions étant, soit prises sur le terrain, soit à Paris, par des experts, le plus souvent des officiers de marine..

            A lire les nombreux récits et témoignages de l’époque, rares étaient ceux qui dans le monde politique auraient peu définir ce qu’était un protectorat par rapport à un régime colonial d’administration directe.

            Un seul exemple, celui d’un ministre qui fut un des plus grands colonialistes de cette époque, Hanotaux, lequel s’illustra dans la conquête de Madagascar en 1895, et dans l’affaire de Fachoda, en 1898.

       Sa doctrine fut on ne peut plus fluctuante pour savoir si la France devait établir un protectorat dans la Grande Ile malgache ou mettre en place une administration directe, ce que fit Gallieni, comme nous le verrons.

        Commandant du Soudan français en 1885, le colonel Frey avait tenté d’amadouer indirectement l’Almamy Samory en tentant de « franciser » Karamoko, son fils préféré. Dans ce but, il organisa un voyage dans notre pays, en vue de le convaincre, par l’intermédiaire de son fils, qu’il était possible de nouer une alliance fructueuse avec la France, ce qui ne fut pas le cas.

       Dans le livre « Les confessions d’un officier des troupes coloniales Marie  Etienne Péroz », j’ai consacré le chapitre 8 à cet épisode historique, sous le titre :

« 1886, le voyage extraordinaire en France de Karamoko, fils préféré de Samory, une occasion manquée »

       Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local

Les Empires coloniaux anglais et français face aux cultures de pouvoir local

1850-1900 : au Soudan, avec Samory, Almamy, en Annam, avec Than-Taï, Empereur d’Annam, à Madagascar, avec la Reine Ranavalona III

II

« 1886, le voyage extraordinaire en France de Karamoko, fils préféré de Samory, une occasion manquée »

Ci-après, un résumé.

Le colonel Frey, ancien commandant supérieur du Haut Sénégal, écrivait dans son récit de campagne :

            « Il confia Karamoko, son fils, à la mission française, pour le présenter au commandant supérieur (lui-même alors) et au gouverneur ; puis malgré la répugnance que lui inspirait un trop grand éloignement de ce fils préféré, sur une demande du colonel Frey, il autorisa son départ pour la France.

            « Emmène mon fils, écrivit-il à ce dernier, je te le confie. A partir de ce moment, et pendant tout le temps qu’il sera dans ton pays, sers-lui de père ! J’ai pleine confiance dans les Français » (180/F)

Le colonel avait en effet demandé au lieutenant Péroz d’en entretenir Samory, et ce dernier n’accepta ce voyage qu’après une longue hésitation. Il lui demanda de s’engager à ce que son fils n’aille pas plus loin que  Saint Louis et lui fit jurer de veiller personnellement sur lui. Il se résigna finalement à ce que Karamoko parte en France.

            Le prince Karamoko était alors le fils préféré de Samory, mais le lecteur doit savoir que l’Almamy avait plusieurs femmes et des dizaines d’enfants. Péroz accompagna donc le prince Karamoko de Bissandougou à Saint Louis, puis à Paris.

            Ce voyage était une preuve de confiance de la part de Samory et s’inscrivait dans la mise en œuvre du traité de protectorat de Kénieba Koura que la France ne trouvait pas suffisant.

             Ce voyage extraordinaire s’inscrivait bien dans une logique politique, celle d’une alliance avec Samory, avec l’espoir de faire passer nos idées chez des représentants de la génération qui suivait. L’école des otages avait été créée au Sénégal dans le même état d’esprit.

            Car si les Français ignoraient alors beaucoup de choses sur l’Afrique, les mœurs, les institutions, la carte territoriale des pouvoirs, entre les villages, les royaumes, les empires, les Africains étaient encore plus ignorants de l’Europe, tout au moins ceux de l’intérieur, et Samory faisait partie de ceux-là.

            A l’occasion de la présentation du livre Au Soudan Français, à Besançon, à la séance de la Société d’Emulation du Doubs du 10 août 1889, M.Besson notait à juste titre au sujet du voyage de Karamoko :

            « Peu après eut lieu le voyage à Paris de son fils Karamoko, voyage, on s’en souvient, qui occupa beaucoup la presse d’alors, mais qui, au fond, avait un but plus sérieux que celui d’amuser les badauds de la capitale. Il s’agissait de donner au prince soudanien une idée générale de notre puissance, et de détruire ainsi les préjugés des siens qui faisaient de la France un ensemble d’îles pauvres et peu habitées, placées à l’embouchure du Sénégal. »

            Karamoko débarqua à Bordeaux le 9 août 1886, et prit le train pour Paris le 11 août 1886.

            Il s’installa au Grand Hôtel et partagea son temps entre les spectacles, les visites officielles et l’étude des questions militaires. La petite histoire raconte que la note de son hébergement fut salée :

            «  Karamoko vint donc à Paris, où l’ambassade ouassoulienne eut son heure de célébrité.

            Pour faire honneur à son fils, Samory lui avait constitué, à son départ du Niger, une suite composée de deux cents guerriers, musiciens, femmes ou captifs, dont la plupart attendirent à Kayes le retour de Karamoko. Une trentaine de ces serviteurs descendirent à Saint Louis.

            Sur ce nombre, six seulement osèrent affronter la mer : les autres, au moment de mettre le pied sur le paquebot- « ce monstre marin »- comme ils l’appelaient – qui devait les emmener en France, prirent honteusement la fuite…

            Leur arrivée à Bordeaux, leur trajet en chemin de fer, leur séjour d’un mois à Paris furent pour Karamoko et pour sa suite une série de singulières surprises : ils marchèrent comme dans un rêve, d’étonnement en étonnement, de stupéfaction en stupéfaction. (181/F)

            Les merveilles de la capitale, les représentations auxquelles ils assistèrent dans les théâtres et dans les cirques furent pour eux des spectacles d’une étrangeté et d’une splendeur incomparable…

            L’un de ces spectacles faillit amener un dénouement tragique : c’était une soirée de l’Eden-Théâtre ; le fameux prestidigitateur, M. Bustier de Kolta, escamotait une jeune femme ; au moment de la disparition de cette dernière, tous nos hôtes furent frappés de stupeur ; ils veulent s’enfuir, croyant avoir en leur présence le diable en personne.( N’oublions pas qu’au Soudan le diable est un personnage à la peau blanche) On eut toutes les peines du monde à les rassurer et à les persuader qu’ils étaient le jouet d’une illusion.

            Karamoko fut, pendant son séjour à Paris, l’objet d’une vive curiosité. » (182F)

            Dans la capitale, il fut reçu par les plus hautes autorités de l’Etat : La Porte, Secrétaire d’Etat aux Colonies, l’amiral Aube, ministre de la Marine, Freycinet, Président du Conseil, Grévy, Président de la République.

            Boulanger, le jeune général, Ministre de la Guerre, alors en pleine ascension politique, le reçut et lui fit visiter des établissements militaires et l’autorisa à assister aux grandes manœuvres militaires du mois d’août 1886. Concernant le traité que son père, Samory, venait de signer avec la République française, le général exprima son  espoir :

            « Je suis convaincu, lui dit-il en terminant, que vous emporterez de votre voyage l’opinion que la France est une nation puissante et qui traite ses hôtes avec la plus grande générosité. »

            Incontestablement, les pouvoirs publics voulaient montrer au fils préféré de Samory toute la puissance de la France, afin qu’il puisse s’en faire l’écho et le témoin auprès de son père.

            On fit beaucoup de cadeaux à Karamoko, et lui-même et sa suite en ramenèrent beaucoup pour eux et pour l’Almamy lui-même.

            La malle en zinc du prince

            Dans son livre Au Niger, Péroz racontait qu’à l’occasion de sa campagne soudanaise des années 1891-1892, objet du chapitre 9, alors que la France avait décidé, notamment sur la pression d’Archinard, de détruire l’empire de Samory, il fit une découverte étonnante.

            «  La prise la plus curieuse fut sans contredit une malle en zinc peint, propriété du prince Karamoko, qui renfermait parmi de nombreuses surprises une collection de journaux illustrés de Paris et de Londres représentant Karamoko se délectant dans les douceurs de son séjour au Grand-Hôtel en 1886 : le prince à table, le prince dans sa chambre à coucher, le prince roulant en huit ressorts sur les boulevards. Que ces temps heureux de splendeur et de luxe sont loin ! Maintenant, il faut, courbé par la volonté absolue d’un père inflexible, coucher sur la dure au hasard des événements, exposé à de  fâcheuses surprises comme celles de ce matin, et se contenter d’une maigre pitance qui ternit le vernis des joues potelées d’antan.

            Un peu de reconnaissance et surtout l’espoir de refaire quelque jour un aimable séjour dans la capitale ont toujours fait de Karamoko l’apôtre de la paix dans les conseils de son père ; il eut volontiers tout lâché pour continuer avec les Français l’agréable vie de prince dont on lui avait donné un si alléchant avant-goût. Mais Samory ne se paie pas de bagatelle ; il a fallu courir la campagne et entendre trop souvent hélas ! A son gré, siffler à ses oreilles les balles de ses amis les Français.

            J’imagine que lorsque Karamoko représentait à Samory notre puissance militaire dont la comparaison avec la sienne, malgré son nouvel armement en fusils à tir rapide, ne pouvait laisser aucun doute sur l’issue de la lutte, l’Almamy devait lui répondre quelques chose d’approchant traduit en bon français : Nous périrons tous les uns après les autres s’il le faut, mais nous périrons glorieusement… les idées élevées qui, quoiqu’on en ait dit, forment le fond du caractère de Samory ne lui sont pas échues en apanage ; aussi bien le courage n’est pas son fort ; des prisonniers nous ont conté par la suite qu’après le sanglant combat de Diamanko, jugeant que la valeur de son fils n’avait pas été suffisamment à hauteur de la position élevée que lui conférait sa naissance l’avait fait fouetter durement devant ses troupes afin que ce châtiment, de tous points douloureux, lui rappela par la suite ses devoirs de prince et de chef. » (19/AN)

Commentaire : la citation de Péroz nous donne un flash cinématographique sur la suite des événements, la reprise de la guerre avec l’Almamy, alors que le voyage de Karamoko, et les relations familières que le lieutenant Péroz avait réussi à nouer aussi bien avec le fils qu’avec le père contribuèrent au succès de la mission du Ouassoulou, que conduisit Péroz, capitaine cette fois, à Bissandougou, capitale de l’empire de Samory, en 1887.

            L’idée de ce voyage était excellente, mais une fois connue dans les pays du Niger, en jouant sur la puissance du téléphone arabe qui était grande alors, la relation nouée entre Samory et la France, allait être rapidement répandue, en bien ou en mal, selon les partenaires ou adversaires potentiels.

            Ce que confirmait le capitaine Binger au cours de la mission d’exploration qu’il effectua à la fin de l’année 1887, entre les côtes du Sénégal et celles de Guinée.

            Un chef du pays Mossi lui avait fait parvenir le message suivant :

            « Tu diras à ce blanc qu’il ne marche pas plus loin, et qu’il s’en retourne immédiatement d’où il vient, car s’il n’est pas parti ce soir, je lui fais couper le cou. Jamais, tant que Téngréla nous appartiendra, un blanc n’y passera; nous ne voulons plus entendre parler d’eux. Ils ont fait la paix avec Samory et emmené son fils Karamokho en France. Qu’ils aient fini la guerre, nous le comprenons, car on ne peut pas se battre toujours, et puis Samory a donné aux blancs le pays qu’ils demandaient, mais ils n’avaient pas besoin de conduire son fils en France. Nous étions beaucoup qui luttions contre Samory et il ne pouvait pas nous vaincre, mais quand on a appris que vous aviez emmené son fils en France, beaucoup de petits pays qui étaient hostiles à Samory de sont mis avec lui en nous disant : Vous voyez les blancs ont porté Karamokho en France, leurs soldats les aideront, nous sommes perdus si nous ne disons pas que nous sommes contents de lui. C’est ainsi que nous restons seuls avec Tieba, le Kandi, le Niémé, le Follona et Dioma. Si Samory arrive à prendre Sikasso, nous sommes perdus ; mais nous lutterons, et avant qu’il prenne nos femmes et nos enfants, il faut que nous lui tuions quelques centaines de soldats. Si nous faisons la paix, c’est pire : nos femmes et nos enfants seront vendus pour des chevaux et nous ne serons pas vengés. Quand les blancs de Bamako verront nos femmes et nos enfants passer le fleuve, ils pourront dire: c’est nous Français qui avons fait cela.

            Ah ! Si les Français étaient venus il y a trois ou quatre ans, nous aurions été contents de leur donner notre pays et Tieba aussi. Il est vrai que vous n’avez pas aidé Samory avec des soldats, mais vous avez fait plus de mal en emmenant son fils en France. » (54/B/)

Indiquons au lecteur que le prince Karamoko avait profité de son passage à Saint Louis pour se procurer, à son retour, sept ou huit fusils Kropatchek, les nouveaux fusils à répétition et à tir rapide, dont l’Almamy fit le plus grand profit par la suite.

            Avec le nouveau commandant supérieur Archinard, la paix céda la place à la guerre, et Karamoko se trouva avec son armée, aux premières loges des combats contre les troupes coloniales.

            Lors de sa dernière campagne au Soudan, en 1891-1892, Péroz l’eut en face de lui à maintes reprises, cette fois comme adversaire, notamment dans le massif du Toukouro.

            La fin tragique de Karamoko

            Le prince Karamoko connut d’ailleurs une fin tragique, à la manière du Samory cruel que certains mémorialistes ne se sont pas fait faute de décrire.

            Ce qui est établi, c’est le retour de Karamoko, en 1888, dans l’Ouassalou en révolte, le cœur des Etats de Samory, alors que celui-ci subissait des échecs devant Sikasso, et que la plupart de ses  Etats connaissaient les mêmes troubles. Karamoko mata la révolte, et se retrouva en première ligne, contre les Français, au cours de la campagne Humbert. Au fur et à mesure des années, et dans la perspective d’une fuite de Samory vers l’est, le prince se trouva, bon gré, mal gré, le représentant des pacifistes dans la cour de l’Almamy.

            Il n’était plus l’héritier désigné de Samory.   

            Dans les années 1893-1894, il eut des contacts avec les postes français, des lettres ont été ou auraient été échangées, d’après lesquelles Karamoko envisageait de rallier le camp français. Il est avéré que ces contacts existèrent et que Samory fut informé d’une partie d’entre eux. Le prince fut convoqué à la cour et son procès instruit.

            L’Almamy ordonna de « l’emmurer dans une case et de l’affamer progressivement. Au bout d’un mois, il trouva son fils toujours aussi obstiné et le laissa mourir de faim. » (p,1 506)

L’historien Person intitule très curieusement l’avant  dernier paragraphe de son chapitre, « Mort d’un orgueilleux », et celui du dernier paragraphe, « Refus des compromis. »

Je ne suis pas sûr que le premier sous-titre donne la bonne dénomination de la décision de Samory, alors qu’elle ajoute un élément à charge dans le dossier de la cruauté de l’Almamy.

                J’ai raconté ailleurs, dans un livre consacré à Péroz, cet épisode historique tout à fait intéressant, d’autant plus qu’il illustrait une démarche politique et culturelle qui avait évidemment beaucoup d’affinités avec les démarches anglaises dans leurs territoires, c’est-à-dire ne pas toucher, autant que faire se peut, aux institutions politiques locales, même imparfaites.

Jean Pierre Renaud  –  Tous droits réservés

La Voix du Grand Débat ? Les voix ou les algorithmes politiques de Jeanne d’Arc entre 2016 et 2019 !

La fête de Jeanne d’Arc vient bien trop tard cette année pour le Président actuel, et c’est bien dommage, car il aurait pu  revenir, à l’occasion de sa campagne électorale permanente avec un bon algorithme politique, celui de Jeanne d’Arc.

      Comme en 2016, alors qu’il était encore un ministre de l’ancien président, il avait campé son personnage dans l’héritage de notre héroïne nationale.

 Il s’agissait alors d’inscrire sa candidature, et la suite de son élection, en choisissant  pour ennemi politique N° 1, le Front ou le Rassemblement National : nul besoin de jouer le jeu de la démocratie représentative et de notre République, car la peur du « loup » y pourvoirait toujours, avec le concours toujours bienveillant des médias, des belles âmes, et bien sûr des algorithmes.

       Il n’est pas sûr que le Président actuel entende à nouveau des voix, même après avoir consulté un Grand Sorcier africain du Kenya.

    Dans l’ancien siècle, celui des « Voix du Silence » de Malraux, le Général de Gaulle n’aurait jamais osé mettre une main aussi personnelle sur les pouvoirs du Président de la République.

         Jean Pierre Renaud

Mmes de… France 5 – « L’émission politique » de Léa Salamé sur France 2

Mmes de… sur C de France 5 (16-17 mars)

« L’émission politique » du 14 mars 2019 »

Présentation Léa Salamé,  Thomas Sotto

            Un bel aréopage de femmes journalistes connues commentant la mise en retrait de la journaliste !

      Il s’agissait des suites de l’émission du 14 mars, après la large diffusion faite dans les médias de la vie en couple de la journaliste avec le nouveau candidat de gauche, M.Glucksmann.

       Il est évident que la programmation de la première émission avec Mme Le Pen dans la perspective des élections européennes ne pouvait que susciter beaucoup de questions sur l’indépendance et l’impartialité des journalistes, en tout cas de France 2, l’une de nos chaines publiques.

       Les femmes journalistes ont abordé le sujet avec beaucoup de précautions, en débattant sur la question de savoir dans quelles conditions le métier de journaliste, et plus largement d’une femme de… pouvait s’exercer sans être aussitôt stigmatisée et pénalisée.

       Cette question mérite d’autant plus d’attention qu’il existe dans notre pays un problème de soupçon de connivence, quand M de… ou Mme de exercent des métiers, ont des responsabilités dans des chaines de pouvoir dont la complémentarité ou la concurrence soulèvent une question d’incompatibilité : tel est le cas entre une personnalité politique et un ou une journaliste, acteurs du quatrième pouvoir, celui des médias, d’autant plus quand leur spécialité est la politique.

        Il existe beaucoup de cas chez nous d’incompatibilités clandestines de ce type, sous le prétexte souvent invoqué de respect de la vie privée, mais que penserait-on par exemple d’un tribunal présidé par un magistrat dans une affaire plaidée par un avocat, époux ou compagnon de route ?

       Que penserait-on d’un ministre prenant une décision concernant une entreprise dirigée par son épouse, encore plus lorsque cette entreprise est étrangère ?

       Jean Pierre Renaud

L’Église catholique, apostolique et romaine face au sexe !

      Afin d’apporter un modeste éclairage sur la crise actuelle que traverse l’Eglise, les affaires de mœurs qui défrayent la chronique depuis quelques années, je vous propose de lire ces quelques lignes d’Henri Vincenot tirées du livre « Je fus un saint ».

L’auteur a écrit d’excellents livres sur le terroir bourguignon, sa géographie, ses mœurs, et sur son peuple, un terroir qu’il adorait.

            Le ,jeune Vincenot, fils de cheminot est admis dans une institution scolaire, religieuse, et bourgeoise bien-pensante, Saint Pancrace à Dijon.

            L’auteur décrit une de ses premières retraites :

   « La retraite s’écoula donc trop vite à mon gré. C’était la première fois que l’on me décrivait le péché avec tant de raffinement : chaque journée était consacrée à l’étude approfondie d’un commandement de Dieu.
            On ne saurait nier que tous ces commandements soient pleins d’intérêt, mais certains, il faut bien le dire, sont particulièrement conçus pour attirer l’attention des jeunes gens. Dans tous nos missels par exemple, le sixième et le neuvième étaient marqué d’un coup d’ongle. Comme nous avancions dans l’étude de nos turpitudes, à raison d’un commandement par jour, on conçoit que le début de la première semaine nous parut long. Mais le sixième jour vint enfin.

       Dès le matin, il régnait dans la maison une lourde atmosphère de cataclysme et l’arrivée des élèves à la chapelle se fit dans un calme inaccoutumé.

      Lorsque le prédicateur monta en chaire, un frisson nous parcourut tous. Avec onction d’abord, avec fougue ensuite, enfin avec véhémence, il parla de la luxure.

       L’évêque de Tibériade dépassa de bien loin tout ce que j’avais pu imaginer à ce sujet à tel point que dès les premières phrases, ma gorge se contracta, mes mains devinrent moites alors que mes pieds se refroidissaient. J’aurais voulu sortir, me promener dans le parc au grand air, mais ce n’était pas possible, car j’étais délicieusement prisonnier de ce  regard qui, du haut de la chaire, nous paralysait tous. Le sang cognait à mes tempes, alors que la voix du prédicateur martelait :

       « Il est là, l’impur, il est là, là encore (et il montrait du doigt l’assistance), il est là le luxurieux, assis  au milieu de nous ? Je le vois ! »

       Ah ! non, décidément, cette voix, ces paroles étaient  tellement insupportables que j’aurais voulu que ce sermon durât des heures.

      « Il est là, reprenait la voix, déjà mort pour la vie du ciel ! Qu’un malaise inopiné le terrasse à l’instant et il est mort pour l’éternité ! »

      On entendait dans l’assistance des soupirs qui étaient presque des  sanglots. Certains grands, la tête haute, pâles comme des cadavres, affectaient de sourire vaguement, mais les coins de leurs bouches tombaient en frémissant et leur sourire se figeait. C’était intolérable…

      C’est un cadavre qui est auprès de vous, sur votre banc de collège, un cadavre de quatorze, quinze, de seize ans, un cadavre de jeune homme ! le cadavre d’un jeune homme qui s’est suicidé. »…

       Et le prédicateur continuait :

      «  Heureux encore si Dieu lui accorde de vivre jusqu’à sa confession prochaine ! Car alors lavé de toute l’horrible fange du plus odieux des péchés, il pourra rejoindre la phalange des élus. Ainsi soit-il. ! » (pages 29 et 30)

      Le texte ci-dessus est un peu caricatural, mais il rend assez bien compte du sort qui était alors promis aux pécheurs de la chair.

        Cette évocation me parait bien décrire  l’état d’esprit que beaucoup de jeunes enfants ont connu dans leur fréquentation des milieux religieux catholiques d’il y a plus d’un demi-siècle, la peur de la chair, du péché mortel de la chair.

            Ce type d’éducation religieuse ne laissait pas indemnes beaucoup de ces jeunes chrétiens qui, devenus adultes, ont souvent regretté l’anathème qui avait été jeté sur tout ce qui touchait à la chair et au sexe.

            Ceci dit, et en ce qui me concerne, je puis témoigner qu’au cours des nombreuses années de ma participation à des mouvements de jeunesse, je n’ai conservé aucun souvenir d’un quelconque écart de conduite ou de langage de la part des prêtres dévoués et intelligents qui nous accompagnaient

      Ce texte éclaire sans doute aussi la position intenable de l’Église sur le mariage des prêtres – on ne peut pas leur demander à tous d’être des saints- et sur la participation des femmes dans la vie sacerdotale de l’Eglise, de peur d’y introduire la « tentation ».

      Jean Pierre Renaud

Economie politique pour les Nuls! Les déboires de la start-up Macron – Cessez le feu!

Questions :

            Vous avez lancé votre nouveau produit politique « en même temps » sur un « nouveau marché politique » qui fond au soleil : que faites-vous ? Vous revenez à la source de la démocratie représentative ou vous mélangez les genres entre suffrage universel  et réseaux sociaux ?

            Après avoir mis le feu pseudo-démocratique au pays tout entier, comment allez-vous, quatre mois plus tard, obtenir un cessez le feu, alors que vous avez « en même temps » libéré toutes les formes de la violence politique ?

            Sur ce « nouveau marché politique » éphémère, et en votre qualité de « chef » que faites- vous ? Vous réunissez l’assemblée générale de vos « actionnaires » politiques, c’est-à-dire les « Marcheurs », pour leur demander de vous recapitaliser, faute de quoi la start-up sera retirée du « nouveau marché politique », une fin de vie malheureusement très répandue dans les start-up.

            Ou vous continuez à croire que le « chef », faute de stratégie, est le seul à pouvoir la tirer d’affaire en jouant sur les deux tableaux du suffrage universel  et des « marchés ».

           La France n’est pas un terrain d' »expériences pseudo-démocratiques » avec le secours des  réseaux sociaux, et au secours d’une « start-up » en perdition!

            Jean Pierre Renaud

            Le feuilleton continue, après les « transes « de la start-up Macron et le « grand sorcier d’Afrique » de l’Homme Blanc… Patatras ! La France est dans « les transes » mais sans « grand sorcier d’Afrique » !