Le film « Camille Claudel » de Bruno Dumont

   Juliette Binoche incarne parfaitement cette grande sculptrice, dont la destinée fut à la fois exceptionnelle dans l’art et dans son malheur privé.

         Cette dernière fut internée dans l’asile psychiatrique de Montfavet, dans le Vaucluse, à la demande de sa famille, et c’est toute l’énigme du film et de la vie de Camille Claudel : internement de convenance pour une jeune femme dont la vie avait défrayé la chronique en raison de sa liaison avec le grand sculpteur Rodin ? Jalousie professionnelle ? Etat de santé mental réel ?

            Pourquoi ne pas rappeler en effet que dans la bonne  bourgeoisie française de l’époque, on n’hésitait pas dans un certain nombre de cas à faire interner tel fils de famille trop dispendieux, ou telle fille de famille trop délurée ? Il n’est d’ailleurs pas du tout assuré qu’il n’en soit pas encore ainsi, quelquefois, et de nos jours.

          Le film propose en parallèle de son histoire un véritable documentaire sur la vie d’un hôpital psychiatrique, et cela ne fait qu’accroître son intérêt.

        En revanche, la visite du « grand » Paul Claudel à sa sœur, son arrivée en vieille voiture d’époque, dans un beau décor méditerranéen, sonne complètement faux et creux.

        Les tirades à la fois poétiques et religieuses qu’il déclame sont tout à fait incompréhensibles et la scène de la chambre d’hôtel où la caméra s’attarde longuement sur un Claudel au torse blanc et dénudé, paraît à la fois surréaliste et ridicule.

            Ce film mérite néanmoins d’être vu !

JPR et MCV

« Des abeilles et des hommes », un documentaire de Markus Imhoof

Trois ou quatre amateurs perdus dans une salle d’art et d’essai pour voir cet intéressant documentaire !  A se demander si les pesticides n’avaient pas commencé à faire leurs ravages dans les rangs des cinéphiles !

            Passant des Alpes suisses au continent américain, de l’élevage encore « artisanal » des ruches d’abeille à une véritable industrie américaine de la ruche, à la fois pour produire du miel et pour féconder  les fleurs, le risque est grand de voir le monde privé de l’extraordinaire ressource de vie que représente l’abeille.

            L’abeille est effectivement un trésor de l’humanité.

            Le reportage sur la fécondation industrielle de milliers d’hectares d’amandiers en Californie, et des traitements chimiques qui entourent cette opération est tout à fait impressionnant et tout autant inquiétant.

            La leçon la plus démonstrative du propos, parce qu’elle s’inscrit déjà dans la disparition de ce trésor, est celle donnée par des Chinois qui sont dans l’obligation de féconder à la main des champs de fleurs, l’une après l’autre, faute d’abeilles et grâce à Mao !.

            Et en dernière nouvelle des bourdons non pollinisateurs de l’Union Européenne, l’institution n’a pas eu le courage d’interdire trois insecticides qui tuent nos abeilles ! Drôle de ruche que cette Europe- là !

JPR et MCV

France 3 et « histoires » d’Indochine (20 février 2013)

France 3 et « histoires » d’Indochine (20 février 2013)

 « Histoire immédiate- Aventures de guerre – Aventure en Indochine 1946-1954 »

Quelle salade historique !

            Première remarque : ou le titre du programme de Télévisons paru dans le journal Le Monde est faux, ou le contenu ne correspond pas à ce titre, car il s’agit plus d’une fiction, d’un montage cinématographique, sur le terrain effectif d’une ou de plusieurs aventures, mêlées à celle du héros de ce documentaire, l’aventurier Jean, lequel a débarqué en Indochine après la deuxième guerre mondiale et de son histoire, que d’histoire, avec un grand H !

            Deuxième remarque qui touche à l’ensemble du documentaire : quel embrouillamini à la fois historique et géographique !

            On passe du Fleuve Rouge à la Rivière Noire, et au Mékong, des rizières de Cochinchine à la baie d’Along. On s’attarde à juste titre sur les Méos, on nous donne quelques images de colons qui, comme par hasard, visitent Angkor, et le documentaire brode une sorte de leitmotiv historique sur la guerre d’Indochine, mais dans une très grande confusion chronologique.

            Que de héros dans ce film, l’un aviateur, l’autre pirate du fleuve, en ombre chinoise (pâle) d’un Crabe Tambour, et aussi une héroïne perdue dans l’entre-deux guerres, dans l’ombre chinoise (pâle) d’une Marguerite Duras !

            Quel galimatias littéraire et quel salmigondis historique, que les belles photographies et dessins ont beaucoup de peine à sauver du désastre !

            C’est à se demander ce que vient faire l’EPCAD dans cette fiction !

            C’est à se demander également ce qu’un téléspectateur peut comprendre dans cette histoire.

C’est bien dommage.

Jean Pierre Renaud

Le film « Rendez-Vous à Kiruna » d’ Anna Novion

Peu de Français connaissent sans doute le nom de Kiruna, et peu d’entre eux, non plus,  ont déjà fréquenté  la Suède.

            Ce film peut en donner l’occasion, en compagnie de Darroussin, l’un des deux héros du film, toujours aussi déroutant qu’attachant.

Il part en Suède pour reconnaître le cadavre d’un fils qu’il n’a jamais connu

            On le suit dans son long, trop long voyage en voiture, pour le cinéphile, car on ne peut pas dire que les paysages soient toujours enchanteurs, en compagnie d’un jeune auto-stoppeur suédois  qui aurait pu être son fils, avec pendant de trop longues minutes, le viseur de la caméra fixé sur la « médaille sainte » au centre  du volant, celle de BMW. Combien d’euros à la clé et à ce prix de la caméra ?

            Arrivé à destination, dans le but de reconnaître le cadavre d’un fils qui s’est noyé et qu’il n’a jamais connu, et en compagnie d’un jeune homme qui aurait pu être ce fils, ce père qui s’ignorait ou qui voulait l’ignorer, découvre la véritable histoire de la femme qu’il a  aimée et qu’il a quittée parce qu’il ne voulait pas avoir d’enfant.

            L’histoire d’un couple qui s’aime, avec une femme qui veut un enfant et un homme qui n’en veut pas, une histoire humaine qui ne dit pas souvent son nom !

L’histoire aussi d’un jeune stoppeur qui est rejeté par son père et qui trouve à travers de ce voyage l’esquisse d’une nouvelle affection

Deux destins croisés qui se rencontrent au détour d’une improbable aventure

            JPR et MCV

Le film « Alceste à bicyclette » de Philippe Le Guay

Un très bon divertissement théâtral animé par deux grands acteurs, Fabrice Lucchini et Lambert Wilson, sur le thème du Misanthrope, avec un Alceste perdu dans l’île de Ré, en la personne de Fabrice Lucchini.

            Très curieux refuge que cette île chérie par les bobos intellectuels pour fuir le monde ! Il est vrai que c’est le fruit d’un héritage et que la chaumière manque de commodités !

On se demande d’ailleurs pourquoi les paysages plutôt ternes de l’île de Ré attirent autant de gens du même monde, un monde où on se regarde volontiers le nombril, tel qu’on le voit dans le film, peut-être et précisément pour cette raison.

Les répétitions et les dialogues d’Alceste et de Philante, interchangeables, suffisent largement  à donner tempérament et saveur au film.

Avec quelques intermèdes drôles de vélocipède sur les digues et de bains forcés!

            JPR et MCV

Le film « Le Fleuve » de Jean Renoir

Le scenario de ce film a la particularité d’avoir été tiré d’un livre de Mme Rumer Godden, laquelle  avait déjà fourni, avec un autre livre,  le sujet d’un film précédent intitulé « Le narcisse noir » de Michael Powel.

            Le 22 décembre 2010, sur ce blog, nous avons proposé une lecture de ce dernier film qui se déroulait également dans l’Inde coloniale, mais dans l’Himalaya, avec un cortège de bonnes sœurs chargées d’y installer un couvent dans l’ancienne résidence d’un maharadjah.

Un film complètement truqué, servi par la merveilleuse actrice Deborah Kerr. Ce n’est pas uniquement sa présence qui rendait le film intéressant, mais sa manière de faire ressortir tout le mystère et toute l’ambiguïté d’une rencontre entre cultures et religions différentes à l’époque coloniale considérée, d’autant plus qu’il s’agissait de femmes, ce qui n’était pas alors très courant.

Un film tout à fait remarquable !

D’après la chronique, le premier film n’avait pas plu à l’auteur du livre, et ce fut la raison du choix de Jean Renoir pour mettre en scène son autre livre.

L’histoire se déroule au bord du Gange, dans la propriété d’un industriel du jute et dans la cité hindoue qui la jouxte.

. Elle met en scène une famille anglaise et repose essentiellement sur la découverte de l’amour par trois jeunes filles en présence d’un ancien officier américain venu voir un de ses anciens amis.

Est à peine abordée, par allusions, l’histoire d’un autre homme qui avait épousé une femme d’origine hindoue, décédée, dont la fille métisse continue à vivre sous son toit, à la mode indienne.

De très belles images du Gange, des embarcations, des temples, des cérémonies religieuses et des marchés, tournées en technicolor, une des nouveautés de ce film !

Au résultat, les couleurs de ce film sont chatoyantes, mais elles ont beaucoup de mal à masquer la couleur terne d’un navet, jugement qui va à rebours de beaucoup de critiques professionnelles qui y voient une vraie merveille.

D’autant plus décevant, qu’avec un film où tout le monde est bon et gentil, vous ne comprendrez rien à l’Inde coloniale, alors qu’elle venait de traverser une période d’indépendance sanglante, avec de gigantesques transferts de population.

Fort heureusement, le réalisateur s’est illustré, comme chacun sait, par de grands films, sans qu’il ait cru bon alors de s’égarer dans un exotisme de pacotille.

Jean Pierre Renaud

Le film « Royal Affair » de Nicolaj Argel

 Un film historique tout à fait intéressant, même s’il frise quelquefois la bluette ou le mélo, mais qui nous remémore une des révolutions démocratiques les moins connues d’Europe, celle du Danemark.

Sous l’impulsion d’un roi étrange et que l’on disait fou, Christian VII , mais avant tout  de  Caroline  Mathilde de Bavière, reine du Danemark, avec l’appui du médecin du roi, Johann Struensee devenu son amant, le Danemark fit sa révolution, dans l’Esprit des Lumières du XVIIIème siècle.

L’heure n’était toutefois pas encore propice et le poids de la monarchie conservatrice ainsi que l’inconstance du roi ont eu raison des velléités démocratiques  de  ce « couple » qui fut, pour le médecin, décapité, et pour la reine, exilée.

Cette expérience éphémère et tragique eut néanmoins le mérite de jeter les bases de la deuxième révolution, accomplie, celle-là, par le fils de la reine.

              Alors que nous avons souvent tendance en France, à considérer que le révolution de 1789 fut le fer de lance de l’évolution démocratique du monde occidental, en dépit de tous ses excès, ce film nous rappelle que trente ans avant, .une reine  à peine âgée de 20 ans  avait tenté d’offrir à son pays les bases de la démocratie.

Un film qui donne de « l’hygiène » à notre culture historique, tout en nous distrayant du début à la fin. Un film qu’il faut voir  pour ses décors et ses costumes, mais avant tout pour le message qu’il délivre sur les intrigues de la cour afin de conserver à tout prix pouvoir et privilèges.

Avec sa concubine préférée

Le film « Argo » de Ben Affleck

Je ne suis pas un fanatique du thriller, mais le film est intéressant, tout à la fois en raison de son rythme haletant, un Hitchock de type international, du sujet historique  qu’il met en scène, l’exfiltration réussie de six otages de l’ambassade des Etats Unis à Téhéran en pleine révolution  Khomeiny, en 1979, grâce au concours de l’ambassade du Canada, et donc du Canada, et enfin, cerise sur le gâteau,  de la collaboration d’Hollywood à la fabrication d’un film leurre.

            Les images montrent bien la foule révolutionnaire, fanatique, qui part à l’assaut de l’ambassade, y pénètre et prend plusieurs dizaines de diplomates américains en otage, 56 au total. L’épisode se situe sous la présidence d’un Carter plutôt falot.

            Et il faut reconnaître que l’agent de la CIA qui est au cœur de l’exfiltration a été tout à fait exceptionnel.

            Il est dommage que ce film n’ait pas fait l’objet d’un cadrage historique minimum, et notamment de rappeler que la France, sous la Présidence Giscard d’Estaing, a donné l’hospitalité à l’ayatollah Khomeiny à Neauphle – le Château.

            Jean Pierre Renaud

Le film « Les saveurs du Palais » de Christian Vincent

Une cuisinière réputée du Périgord est appelée, sur un caprice du Président de la République, au service exclusif d’une cuisine traditionnelle qu’il voudrait à nouveau goûter : .Mitterrand à l’égal d’un Louis XIV ?

            Le Canard Enchaîné trousse une belle volaille de compliment pour ce film : «  Disons-le tout net : le film de Christian Vincent est un régal »

            Passons donc au menu : beau travail de cuisine de Catherine Frot qui fait merveille aux fourneaux, et fidèle portrait des mœurs serviles qui règnent dans les allées les plus proches du pouvoir !

            Pour autant, est-ce que les citoyens qui ont vu ce film ont vraiment cru qu’un tel esprit de courtisanerie ait pu exister de la sorte à l’Elysée ? Sommes-nous encore au siècle des rois de France ?

            Et puis étrangement, ce contraste que nous ménage le réalisateur d’une cuisinière devenue célèbre partant se refaire une santé dans le froid des mers de l’Antarctique !

            Film au moins aussi intéressant par son sujet et sa cuisinière, que par le portrait qu’il nous brosse des mœurs qui règnent dans les hauts lieux de la République Française.

            Jean Pierre Renaud et sa concubine préférée

Le film « La Vierge, les coptes et moi… » de Namir Abdel Messeeh

Le titre du film est un peu long, et le film lui-même est déroutant, mais il est fort intéressant.

            Une idée cinématographique complètement délirante, celle de vouloir filmer une apparition de la Vierge en Egypte, en pays musulman !

            Le réalisateur veut filmer les apparitions vraies ou supposées de la Vierge qui auraient eu lieu au Caire et à Assiout, en Haute Egypte, région au sein de laquelle la communauté chrétienne copte est encore importante.

            Il doit surmonter de nombreuses difficultés pour obtenir des images, des témoignages, des moyens financiers, et dans l’impossibilité de filmer au Caire, le réalisateur se tourne naturellement vers la communauté copte d’Assiout où réside encore une partie de sa famille maternelle.

Le spectateur participe à la fabrication d’un film original, rempli de situations extravagantes auxquelles participent tous les membres de la communauté chrétienne copte.

Et nous partons à la découverte des paysages et de la communauté copte d’Assiout, et du village de sa famille, dans le courant d’une relation affectueuse et tumultueuse du réalisateur avec sa mère venue de France, et qui finit par se laisser prendre au jeu.

Un film qui, au-delà de sa drôlerie apparente incite à la réflexion sur les relations inter-religieuses, les relations familiales, le poids de l’Occident dans les communautés agraires de cette haute Egypte.

Avec ma concubine préférée