Humeur Tique: Retraites et Parti Socialiste – Est-il un parti de gouvernement? Non

Humeur Tique : Retraites et Parti Socialiste – Le Parti socialiste est-il un parti de gouvernement : la réponse est non !

            Qui, aujourd’hui,  aurait l’audace d’affirmer que le Parti Socialiste est un parti de gouvernement ?

            Le dossier des retraites est ouvert depuis des années et des années, et cette année, depuis de longs mois : est-ce que le Parti Socialiste avait dans ses tiroirs son projet de réforme des retraites, alors que tout le monde sait qu’il n’était pas possible de maintenir ce dossier en l’état ? Non !

            Etant donné qu’il n’a pas déposé son propre projet (mesures et financement) à l’Assemblée Nationale en le faisant connaître aux Français ! Au lieu de cela, une position ambigüe, flottante, qui, au fur et à mesure des journées de grève et des mois, ne sert aucunement le bien commun du pays.

            Même constat sur la sécurité des Français, sur l’école, et plus généralement sur le projet socialiste proposé aux Français dans 18 mois, en 2012 !

            A croire que le Parti Socialiste a passé plus de temps à organiser des arbitrages entre ambitions personnelles, qu’à définir son programme politique !

Un processus de choix de son candidat à l’élection présidentielle très étrange,  de la part d’un grand parti politique qui confierait à un corps électoral national flottant, également, la responsabilité de ce choix.

            Mais alors un grand parti politique n’assumerait plus la responsabilité du choix du candidat chargé de défendre son programme devant les électeurs ?

La France Multiculturelle de 2010: le cas d’une jeune femme française musulmane

La France multiculturelle de 2010 : un cas concret de problématique familiale, sociale et religieuse. Quelle réponse ?

            Dans un département de la petite couronne parisienne, une jeune femme française d’origine maghrébine, musulmane,  agent de collectivité territoriale, trois jeunes enfants, un mari, également français, d’origine maghrébine, musulman, salarié d’entreprise.

             Ces dernières années, le mari a fait un choix de pratique religieuse radicale :il a obligé son épouse à mettre le voile, à adopter un style de vie austère, plus de télévision par exemple, et ne s’est pas privé de la battre.

            L’épouse a décidé de quitter clandestinement son époux en emmenant ses trois enfants et de s’installer dans une autre ville de France.

            Question : que pouvait proposer la société française et les pouvoirs publics à cette femme désemparée ?

            Mettre le voile ou mettre les voiles ? Mais où et avec quel soutien ?

La revue du 14 juillet 2010 et l’Europe en cachette

La revue du 14 juillet 2010

L’Europe en arrière-plan, plus que les « indépendances » !

            Je n’avais plus remis les pieds sur les Champs Elysées pour assister au défilé du 14 juillet depuis de longues années. Cette année, je voulais, donner la possibilité d’en faire voir, au moins un, à mes petits enfants.

            Je n’ai jamais été militariste, mais j’ai toujours respecté l’Armée, et j’ai regretté la suppression du service militaire par Chirac, un des rares outils qui existait pour brasser les Français issus de toutes les classes sociales, formidable instrument de prévention qui manque tant dans certains de nos quartiers.

            Je n’ai, jamais, et non plus, sous-estimé l’importance des forces armées dans les relations internationales.

            Vous dirai-je que j’ai été impressionné par la démonstration militaire à laquelle j’ai assisté ? Mais en même temps, je me suis une fois de plus interrogé sur notre capacité à soutenir un tel effort, surdimensionné par rapport à celui de nos voisins européens, anglais mis à part.

            C’est donc bien vers une armée européenne qu’il faut aller en donnant toute sa puissance aux accords de défense déjà passés en Europe.

L’Europe en cachette

            Il ne se passe pas une semaine, sans qu’un journal n’évoque le projet d’une nouvelle adhésion d’un pays à l’Union Européenne, le Monde du 28 juillet pour l’Islande, celui du 29 juillet pour la Turquie avec l’intervention tonitruante du Premier Ministre Britannique en faveur de l’entrée de la Turquie, ou enfin le Figaro du 12 août dernier, avec la décision qu’ont prise certains de nos partenaires d’accorder un passeport européen aux millions de leurs ressortissants qui n’habitent pas dans l’Union.

            Est-ce bien sérieux ? Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe sans limite ?

            Le Monde du 28 juillet évoquait le dossier de l’Islande, mais sans nous éclairer sur les conséquences de son adhésion éventuelle sur la nature et le fonctionnement des institutions. L’Europe, nouveau « machin » international, pour reprendre un des mots de de Gaulle au sujet de l’ONU ? Une Europe qui n’est pas efficace à 27, et qui voguerait vers les 30 et plus ?

            Décidément, nos responsables politiques sont devenus fous : les Anglais auront réussi  à faire de l’Europe un grand marché libéral, mais alors, il faut repenser  les objectifs et tailler dans la machine administrative et politique qui parait déjà fonctionner comme une usine à gaz.

Humeur Tique: burqua à l’hôpital, langue chinoise dans nos lycées, nez et oreilles coupés d’une jeune femme afghane

Humeur Tique : voile à l’hôpital, langue chinoise à l’école, nez et oreilles coupés d’une jeune Afghane

            Le voile à l’hôpital : (Libé du 7/07/10- entretien Coroller Lévy)

            « Une femme a fini par descendre au bloc avec son voile »

            « Le port du voile intégral par certaines femmes pose-t-il problème ?

             Il  y a un gros malaise. Est-il normal qu’une infirmière passe trois quarts d’heure pour convaincre une femme qui a mal aux oreilles d’enlever son voile ? Ou qu’une autre refuse de dégager son cou alors qu’on doit lui faire une radio panoramique dentaire ? Quand on sait à quel point l’hôpital souffre de pénuries de personnel, ça n’est pas normal. C’est inadmissible.

            S’agit-il de cas isolés ?

            Je peux vous en citer des dizaines. Ainsi cette femme hospitalisée en ambulatoire pour un examen ou une petite opération, je ne m’en souviens plus. Elle a été prévenue, avant son arrivée qu’elle devra se doucher à la bétadine et enfiler une tenue opératoire. Elle est intégralement voilée. L’infirmière lui redonne les consignes. La patiente dit : Non, je ne prends pas de douche à l’extérieur de chez moi, et je descendrai au bloc avec mon voile…Le chirurgien, déjà en retard, a refusé de la prendre. »

            Sans commentaire !

            Mais une invitation à goûter les caricatures régulières, et toujours dévastatrices, de Plantu, sur le voile intégral, la dernière (Monde du 10 août dernier) intitulée « Est-ce que vous reconnaissez la femme que vous avez agressée ? », l’homme, qui est accusé, étant interrogé en présence de trois femmes en burqua.

            La langue chinoise à l’école

            « Nous devons enseigner le chinois dans nos écoles », Jean-Pascal Tricoire, président du directoire de Schneider Electric (La Tribune du 24/07/10)

            Pour avoir travaillé en Chine pendant cinq années, M.Tricoire parle en connaissance de cause : un gouvernement sérieux et responsable ne peut continuer à parler Chine, investissements et exportations en Chine, sans donner un vrai coup de pouce à l’enseignement de la langue chinois dans nos lycées.

            Et en prime, comprendre le chinois, c’est aborder, sans truchement,  une autre culture du monde, au moins, et sinon plus riche, que la nôtre.

            Nez et oreilles coupés d’une jeune Afghane

         Ces dernières semaines, de très nombreux Français ont eu l’occasion de voir à la télévision une jeune femme afghane punie par les talibans, nez et oreilles coupés, pour avoir osé enfreindre leur interdiction faite aux filles de fréquenter une école.

            Une telle séquence télévisée suffit à répondre à la question : pourquoi la France est en Afghanistan ?

            Renouvelons à ce sujet le conseil qui avait été donné il y a quelques mois de voir le film intitulé « Le cahier », consacré précisément à la scolarisation des jeunes filles afghanes.

Humeur Tique: Paris Plage et Paris Garde à Vue

Humeur Tique Judiciaire

Paris Plage et Paris Garde à vue !

Un billet d’humeur républicaine !

            Un beau soir d’été, à Paris : quatre jeunes de 18 à 22 ans sont arrêtés par la police pour tapage nocturne dans un hall d’immeuble. Il est près de 23 heures. Ils sont placés en garde à vue pendant 24 heures et déférés au Parquet le lendemain, et entendus le surlendemain.

            Les quatre jeunes, dont trois nés Français, effectuent des études et certains d’entre eux travaillent en parallèle. Ils sortent du Palais de Justice presque 48 heures après.

            Aucun d’entre eux n’a de casier judiciaire !

            Motif de leur arrestation : tapage nocturne et réunion dans un hall d’immeuble, et une première sanction, un timbre amende.

            Après audition chez un procureur, et passage chez le juge des libertés, ils seront convoqués à une audience du tribunal après les vacances.

            Conclusion : la police réprime à plein régime, la justice suit, s’épuise à instruire et à juger des infractions qui, dans notre bonne République, mériteraient des réponses beaucoup plus intelligentes, et surtout proportionnées.

            Est-ce que les autorités de la République croient qu’on fabrique de bons petits Français en les soumettant à des procédures policières et judiciaires stupides ?        Est-ce qu’un passage obligatoire en garde à vue, toujours humiliante, est de nos jours considéré comme la condition à remplir pour devenir un bon citoyen ?

            Paris Plage et Paris Garde à vue, vous avez aimé ? Vous aimerez ?

            Et notre belle République Française devenue folle ?

Humeur Tique : devoir de vacances avec les gens du voyage

Information critique et amalgame ?

Gens du voyage, Roms, information critique du Monde ? Editorial du 30/07/10, article du 29/07/10 – l’amalgame ?

            Aux yeux d’un fidèle et ancien lecteur du Monde, la façon dont le journal a traité le sujet sensible des gens du voyage ne peut pas donner satisfaction, et  beaucoup de lecteurs du journal ont été habitués, dans leur vie professionnelle, à beaucoup plus de rigueur intellectuelle.

            Sur un autre sujet sensible, l’immigration, le Monde n’avait pas, au cours des mois précédents, fait preuve, non plus, de la plus grande rigueur intellectuelle, et statistique.

            Des chiffres incertains, 400 000 ou 600 000 gens du voyage ? (le29/07/10).

           « Plus de 400 000 gens du voyage sont officiellement recensés en France. »

            Pourquoi ne pas donner le chiffre précis ?

            Le journal ne nous explique pas pourquoi 95% de ces personnes qui auraient la nationalité française, occuperaient donc pour beaucoup d’entre eux des campements illégaux, étant donné qu’on en compterait 300 sur 600.

            Libé du 11 août 2010 cite, de son côté, le chiffre de 600 camps roms illégaux, selon le ministère de l’intérieur.

            Les autorités auraient donc, depuis de nombreuses années, accepté que ces nationaux occupent des campements illégaux ?

            L’éditorial du Monde du 30 juillet dernier avait pour titre : « Gens du voyage : la tentation de l’amalgame ».

            Très bien, mais est-ce que la meilleure façon d’éviter cet amalgame ne serait-il pas de bonne pratique républicaine de donner aux lecteurs citoyens une information rigoureuse et critique sur un sujet aussi sensible, qui continue d’ailleurs à faire la Une de l’actualité.

            Et de donner la carte ou la liste des grandes communes qui n’ont pas respecté, jusqu’à présent, l’obligation qu’elles ont de créer des espaces de stationnement pour les gens du voyage!

            La ville de Bordeaux est-elle dans ce cas ?

            Sans partager les propos démagogiques de BHL, lequel écrivait dans un style qui lui est propre : « quant aux intéressés, quant aux honnêtes gens (puisque c’est, semble-t-il, le mot du jour) qui vivent dans une précarité honnête ou une opulence fiscalisée leur culture nomadisée… »

            Opulence fiscalisée, quel magnifique mot du jour !

Madagascar: comprenez-vous les vraies raisons des malheurs de Madagascar? En contrepoint français! Sans Fady! Sans Tabou! (Suite)

L’honnêteté intellectuelle d’un citoyen français le conduit tout naturellement à s’interroger sur la politique de la France à l’égard de la Grande Ile, après le coup d’état du président de la Hat actuelle, qui demeure un coup d’état!
Je ne suis pas sûr du tout, qu’elle soit claire dans ses objectifs, et qu’elle soit toujours servie par de bons truchements, notamment dans le domaine parlementaire. Et il y aurait sans doute beaucoup à dire sur les truchements, à partir de ceux, des femmes, de la côte orientale de l’Ile, au temps du roi Radama I, et partout dans le monde, et jusqu’à l’époque moderne. 
Le problème est, qu’avec une toujours belle continuité, tout au long des trois Républiques, Troisième, Quatrième, et aujourd’hui Cinquième, la politique de l’Outre Mer a souvent été celle du fait accompli.
Le peuple français n’a jamais été un peuple colonial, en dépit de ce que certains racontent, et son histoire coloniale ne l’a jamais vraiment intéressé. L’immense majorité des citoyens français  ignore presque tout de Madagascar, à part peut-être ses lémuriens!  Je mets au défi quiconque de démontrer, sérieusement,  le contraire.
Une petite anecdote, qui n’est pas nécessairement représentative, au cours d’un voyage récent, je fus tout à fait surpris d’entendre; à l’aréoport d’Antananarivo, deux touristes français de la quarantaine d’âge, s’étonner d’y entendre parler français.

Madagascar Comprenez-vous les vraies raisons des malheurs de Madagascar ?

Question difficile pour un interlocuteur toujours attentif à son destin, mais disposant d’une approche insuffisante de l’actualité et des acteurs de sa vie politique d’aujourd’hui, mais je vais tenter d’y répondre.

            Pourquoi votre vie nationale est régulièrement ponctuée par des coups d’Etat, dont le dernier, celui de l’actuel « président » d’une transition qui dure et dont on ne connaît pas encore le débouché ? « L’immature » !

            La première raison est liée, à mes yeux, au manque de sens de l’intérêt général de toute une partie de votre personnel politique, à sa morale élastique, plus soucieuse de fric, de places, que de servir son pays, sans doute aussi gangrenée par de la corruption. Notre personnel politique a démontré, lui aussi, qu’il n’était pas indemne de corruption, d’avidité de fric, et de pouvoir, mais la richesse du pays et l’important réseau de contre-pouvoirs en place, atténue cet handicap, qui me parait, chez vous, majeur.

            Morale élastique d’une partie de votre haute fonction publique, dont la judiciaire, si je ne m’abuse, a vite trouvé des accommodements constitutionnels, pour légitimer, chemin faisant, les entorses successives à la loi fondamentale

            Deuxième raison, des institutions qui ne favorisent pas le sain exercice du pouvoir, démocratiquement contrôlé, et sur ce point, je n’ai pas de solution, sauf à renvoyer sur le discours d’Obama qui a dit des choses très sensées à ce sujet.

            Troisième raison, le rôle inacceptable de votre armée, interférant en permanence dans le fonctionnement des pouvoirs publics. Et comment ne pas avoir été surpris d’avoir vu vos généraux disposant des plus grands pouvoirs à la tête des armées, se défiler, pour avoir peut-être éprouvé une peur physique, en n’ayant pas le courage de remettre le pays sur la bonne voie, au lieu de laisser faire de jeunes officiers, aussi incapables que le « président » actuel d’avoir une vision nationale de l’intérêt général du pays ? En résumé, le pouvoir remis à des porteurs de kalachnikov !

            Quatrième raison, l’interférence permanente de vos églises dans le fonctionnement des pouvoirs publics : leur intervention n’a pas été de nature à faire avancer une véritable solution de réforme. Et j’ai vu récemment, sur une de nos chaînes, un documentaire sur Madagascar où l’on voyait le « président » en compagnie du père Pedro qui se félicitait, sauf erreur de ma part, de la visite du « président » dans son institution : enfin « un président » qui s’intéresse aux pauvres !.

            Et c’est là une cinquième raison des malheurs actuels, la présence de plus en plus importante de pauvres qui, au fur et à mesure des années, se sont agglutinés dans votre capitale ingérable, et que votre personnel politique ne se prive pas de manipuler. Cette masse de prolétaires est à la merci de n’importe quel efficace et rémunérateur agitateur. Donc pas de solution en profondeur avant la mise en œuvre d’un très gros programme de développement, de meilleure répartition des richesses, car les inégalités sont beaucoup trop importantes et criantes, et sur une longue durée, de cinq à quinze ans.

            Tout cela fait beaucoup, mais la priorité me semble être celle de faire revenir l’intérêt général et la morale publique au sein de vos institutions, et peut-être faut-il les changer, mais je n’en sais rien.

            Pour conclure, vous ne pouvez imaginer les déceptions que cause la nouvelle crise à tous ceux qui aiment la grande île et qui sont persuadés qu’elle peut avoir un grand avenir, à la condition d’y faire revenir à la fois le bon sens et la vertu.

Et que la force soit enfin au service du droit !

Sarkozy et sa remise à niveau ! Le Livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du Président Sarkozy »

Comme beaucoup d’autres l’ont fait avant moi, on peut s’interroger sur la qualité du véritable auteur du discours de Dakar, car ce texte manifeste une grande méconnaissance de l’histoire, de la culture, et de la sensibilité africaines. 

            Est-ce le signe, aujourd’hui, du manque de culture générale d’une partie de l’élite politique ? C’est en tout cas ma conviction.

            Ce livre est incontestablement intéressant pour un lecteur  averti, mais utile aussi pour un lecteur néophyte curieux de connaître un peu mieux le passé de l’Afrique. Nous verrons toutefois que certaines des analyses ou affirmations des différentes contributions, il y en a vingt et une au total, soulèvent quelques questions, réserves, ou même objections.

            J’examinerai, dans l’ordre, les quatre parties de ce livre, en indiquant que mes remarques porteront bien sûr sur les quelques pans de cette histoire que je connais et notamment, sur quelques points historiques sensibles, analysés dans quelques unes des contributions :

            Qui a dit que l’Afrique n’avait pas d’histoire ? (Partie 1)

            La contribution (p. 71) sur l’universalité des « valeurs sous-tendues par l’idéal d’humanité » en Afrique, constatée par des témoignages des quelques explorateurs cités, est éclairante, et mes lectures nombreuses de ces récits, (Mage, Gallieni, Vallière, Péroz, Binger, Toutée, Monteil…), en apportent une ample confirmation dans l’Afrique occidentale, mais elle fait, curieusement, l’impasse pudique sur certains aspects négatifs des sociétés qu’ils découvraient, fréquentaient, et racontaient,  tel l’esclavage.

            Ce thème est visité par plusieurs des contributions de la deuxième partie en réponse à la question : « Qui est responsable des « difficultés actuelles » de l’Afrique ?

            Ces analyses proposent une vue kaléidoscopique de l’esclavage, allant de la « traite négrière atlantique » (p.189)), à « L’esclavage et les traites en Afrique occidentale : entre mémoire et histoire. » ( p.201)

            A la lecture de ces analyses, on voit bien que le sujet embarrasse certains historiens, quelquefois tentés de renvoyer toute la responsabilité de la traite sur les blancs, alors que d’autres reconnaissent bien la réalité de l’esclavage intérieur,  de ce que l’un d’entre eux appelle « l’esclavage domestique ».

            Le premier auteur fait état de résistances africaines à la traite et note :         « Toutefois ces résistances montrent que la TN n’était pas le prolongement du système d’esclavage interne à la société africaine dont elle a en revanche décuplé l’ampleur. » (p.197)

            La conclusion de l’auteur, citée ci-dessous,  peut, au minimum, prêter à discussion, et assurément à contestation, tant le rapprochement  historique est hardi, pour ne pas dire plus:

            « La question de la responsabilité africaine dans la TN est en conséquence posée : peut-on affirmer que la France est responsable du nazisme qui s’était imposé au pays dans les années 1940 et auquel des collaborateurs français ont pris part, malgré les vives résistances au système ? » (p.199)

            Le roi Béhanzin est cité comme résistant : on peut s’interroger à son sujet, compte tenu de ses pratiques sacrificielles et esclavagistes connues, et alors que ses rois voisins se félicitèrent de sa disparition.

            L’autre contribution relève précisément la quasi-absence d’études sur l’esclavage domestique et les traites dans l’historiographie africaine : 6 références seulement  de travaux universitaires sur 884 portent sur l’esclavage domestique. (p.207)

            Le même auteur propose toutefois une citation de M.Bazémo,  qui peut susciter beaucoup de questions sur l’analyse et l’interprétation du phénomène :

            « Au-delà de la documentation, c’est l’historicité même de l’objet qui est : « Dans son essence, l’organisation de la famille africaine exclut l’isolement et l’individualisme… Dans ces conditions un homme isolé n’avait aucune chance de survie. L’esclavage des populations dispersées à la suite de calamités accidentelles ou naturelles constituait un moyen à la fois commode et humain de leur donner un nouveau cadre de vie accordé à leurs espérances temporelles. » (Séminaire du Burkina Fasso-1999). (p.208)

            Le lecteur aura noté l’expression « espérances temporelles ».

            Ces analyses montrent bien la complexité du concept et du fait  « esclavage », mais je serais tenté d’inviter, si besoin était, les historiens africains à relever le défi intellectuel de son histoire, car, comme ces contributions le montrent,  l’historiographie actuelle est insuffisante, et cette carence ne permet pas de se faire une opinion fondée, en ce qui concerne une responsabilité partagée ou non, de l’Afrique, dans une chronologie prolongée, une fois que la traite atlantique a été supprimée au dix neuvième siècle.

            En ce qui concerne la contribution sur les sociétés précoloniales du Sahel (p.83), n’est-il pas difficile de traiter ce sujet, sans évoquer les incursions fréquentes des Maures au-delà du fleuve Sénégal, et des tribus Touaregs au nord du Soudan ? Ces interventions prédatrices sur les villages africains ont sans doute beaucoup compté dans la problématique de la gestion des crises de subsistance. Ceci dit, une analyse intéressante.

            La contribution  intitulée « Le paradigme de l’opposition tradition / modernité comme modèle d’analyse des réalités africaines » (p.95) ouvre un vrai débat sur les causalités de la situation moderne de l’Afrique, vaste chantier de recherche, d’une recherche d’autant plus difficile que le concept de modernité a inévitablement, en histoire, des contenus à la fois divers et chronologiquement relatifs, et qu’aujourd’hui aussi, il serait possible de disserter à loisir sur le contenu du concept.

            La contribution relative au « Rôle de la colonisation dans l’immobilisme des sociétés africaines » (p.215) ouvre un certain nombre de pistes fructueuses à ce sujet.

            D’après l’auteur, la colonisation aurait désorganisé les sociétés africaines, créé des ruptures qui seraient donc « les causes profondes de ce que l’on présente comme l’ « immobilisme » africain » (p.225)

            En ce qui concerne le bouleversement des organisations politiques de l’hinterland, notamment celles du bassin du Niger, n’était-il pas inévitable, compte tenu du choc de la modernité portée par les technologies nouvelles, véritables technologies de rupture, et d’une façon générale, du « choc de civilisation »  qu’a été l’irruption de la colonisation occidentale ?

            Enfin, est-il possible de démontrer que la colonisation a plus désorganisé les sociétés traditionnelles que « l’état de guerre endémique », antérieur, qu’évoque la contribution de Mme Ba Konaré (p.313)?

            Le concept de « modernité » ouvre de vastes horizons d’analyse et de discussion. Et pour faire une comparaison, d’un autre temps, et à une autre échelle, la France a toujours éprouvé une certaine difficulté à s’accommoder d’une modernité venue bien souvent du monde anglo-saxon ? Avec une réussite mitigée, et avec des jugements souvent opposés sur les résultats. Et encore plus le monde rural immobile de nos villages avec l’irruption des révolutions politiques et industrielles successives des dix neuvième et vingtième siècles.

            Un discours d’un autre âge (Partie 2-p.113)

            Sur l’ensemble des cinq contributions, la dernière sur le « retour du catéchisme impérial » m’a un peu étonné, même en tenant compte de sa signature politologique, et la première suscite des réserves de ma part.

            L’auteur observe tout d’abord : « Le discours de Dakar n’est-il pas tout bonnement inscrit dans une vision française de l’Afrique largement partagée par nos concitoyens ? «  (p.113)

            Et d’ajouter « cette vision d’un continent peuplé d’une humanité infériorisée » (p.115), « Cette façon de voir les Africains est bien présente dans la mentalité française » (p.116), « une collection de stéréotypes » (p.117), « combien le discours de Dakar « colle » à une opinion majoritaire en France » (p.122).

            Et l’auteur de proposer une mission tout à fait honorable à l’histoire, la mettre « au service de l’anéantissement de ces clichés et stéréotypes si profondément ancrés dans une certaine vision de l’Afrique. » (p.123)

            Le problème est qu’en dépit de ma curiosité naturelle et de toutes mes recherches actuelles, sans doute imparfaites, je n’ai pas encore mis la main sur une enquête d’opinion et de mémoire collective sérieuse sur le sujet. Il serait peut être temps pour la puissance publique et pour les historiens de procéder à la vérification scientifique, statistique, et publique, de ce type d’assertion.

            Le retour à la source de la définition de la mémoire collective, c’est-à-dire Halbwachs, et aux travaux des sociologues qui ont permis de définir des outils de mesure, lèverait, j’en suis sûr, la plupart de ces ambiguïtés.

            Qui est responsable des « difficultés actuelles » de l’Afrique ? (Partie 3-p.177)

            Nous avons déjà proposé un certain nombre de réflexions sur certaines des contributions de cette partie, en tant que leur contenu pouvait se rattacher à celles de la première partie. Ont déjà été évoquées les analyses relatives aux traites négrières et à la colonisation, en tant que responsables de l’immobilisme supposé de l’Afrique

            Il convient de remarquer que le terme de responsabilité, renvoie plus à une notion de procès que de détermination d’un processus historique conduisant à tel ou tel résultat.

            Indiquons enfin qu’une des causes  de l’ « immobilisme » supposé de l’Afrique est sans doute à rechercher dans la désagrégation qu’a causée la colonisation dans des sociétés de culture collective, légitimement réticents, et donc inaptes à passer du collectif à l’individuel des occidentaux.

            Qui a parlé de Renaissance africaine ? (Partie 4-p.255)

            Sont intéressantes les contributions sur la « philosophie négro-africaine » (p.255)),   sur « la Renaissance africaine : un défi à relever » (p.293)), mais c’est surtout celle intitulée «  Gouvernance et expérience démocratique en Afrique : l’éclairage de la culture et de l’histoire » (p.305) qui me parait ouvrir les voies de recherche les plus fécondes, inscrites effectivement dans l’histoire précoloniale, coloniale, et post coloniale, qu’elle rappelle.

            Rappel d’un grand passé des royaumes du bassin du Niger, mais aussi de leurs caractéristiques guerrières et esclavagistes, de leur profonde insertion dans la culture populaire d’hier et d’aujourd’hui.

            L’auteur écrit :

            « Il est symptomatique que les héros de référence d’aujourd’hui restent encore ceux d’hier et d’avant-hier, ces seigneurs de la guerre qui ont dompté leurs ennemis et courbé le Mali pour le redresser ensuite. » (p.310)

            Ajouterais-je qu’il serait possible de substituer à l’adjectif « dompté », l’adjectif « tué », et même « exterminé » !  Et que contrairement à ce que certains chercheurs tentent de nous faire croire, avant que la France, et d’autres pays, ne conquièrent l’Afrique occidentale, la paix civile n’y régnait ni toujours, ni partout. Beaucoup de ses royaumes ne se prélassaient pas dans le climat idyllique de Paul et Virginie.

            Citons un exemple tiré du témoignage de Mage qui assista à une des batailles entre Talibés d’Ahmadou et Bambaras de Sansanding, celle de Toghou, le 28 janvier 1865 : Ahmadou, vainqueur, fit exécuter les chefs et les combattants prisonniers vaincus (p,97,Tour du Monde)). Mage chiffrait le total des morts à 2 500, et le nombre de captifs, femmes et enfants à 3 500.

            Car, comme l’indique aussi l’auteur, la guerre était « une guerre prédatrice » (p.313).

            Pourquoi ne pas citer également le témoignage d’un grand savant africain, Hampaté Bâ, qui dans son livre « Amkoullel, l’enfant Peul » évoque aux pages 36,45,49, les exécutions massives de la période Tidjani ?

            L’analyse consacrée à la corruption m’a particulièrement intéressé, relative au rôle de la famille, des proches, mais aussi, et au fur et à mesure, de celle de la colonisation.

            Les récits des premiers blancs sur leurs premiers contacts avec chefs de village, rois, ou almamys, font tous état de l’importance de l’échange des cadeaux entre blancs et noirs, et entre noirs eux-mêmes. En 1864, Mage emporte des cadeaux pour El Hadj Omar ; en 1880, Gallieni emporte également des cadeaux pour son fils Ahmadou. Comment fallait-il interpréter ces cadeaux, alors que leurs hôtes leur faisaient également des cadeaux, lait, viande, ou mil ?

            Il est possible que le développement des structures intermédiaires, notamment des interprètes et des gardes de cercles, véritables truchements entre blancs qui parlaient rarement la langue du pays, et qui n’en connaissaient pas bien les mœurs, et noirs, ait fourni l’occasion d’une nouvelle corruption.

            Le grand historien Henri Brunschwig en a fait également une analyse dans son livre « Noirs et Blancs dans l’Afrique noire française », ceux qu’il appelle les « nègres blancs », les mêmes qu’Hampâté Bâ dénomme les « blancs noirs ».

            Un vrai sujet de recherches : le fonctionnement historique du truchement, de l’interface entre deux mondes, deux cultures, avec une incompréhension fréquente entre leurs codes culturels et sociaux respectifs.

            Le livre « Oui, mon commandant », nous propose un certain nombre d’exemples de corruption, mettant en cause aussi bien des commandants que des interprètes, et le magnifique roman « L’étrange destin de Wangrin » n’est-il pas à ranger au nombre des pièces à conviction ?

            Il conviendrait donc d’aller dans les archives de ces personnels intermédiaires qui jouèrent un rôle essentiel dans la colonisation française, entre 1890 et 1920,   « le commandant passe, l’interprète reste », afin de pouvoir mesurer l’étendue de ce type de corruption. De toutes les façons, et presque inévitablement, la position de l’interprète ne pouvait être qu’ambiguë.

            Ceci dit, l’auteur rappelle que dans la culture politique du Mali, le rôle des mansas était capital, compte tenu de leur pouvoir sacré et héréditaire, et que la Charte dite du  Mandé contenait toutes les valeurs civiques traditionnelles de ses communautés.

            En résumé, beaucoup de ces contributions éclairent le passé et le présent de l’Afrique, nous invitent à sortir, si besoin était de notre ethnocentrisme, et ouvrent des voies intéressantes pour faire encore avancer la connaissance du passé de l’Afrique, en oubliant jamais qu’il s’agit d’un vaste continent, et que la prudence la plus grande doit être observée, quand il s’agit de généraliser une situation historique.

            En évoquant la France, de quelle France parlons-nous, et en évoquant l’Afrique, de quelle Afrique parlons-nous ?  

Jean Pierre Renaud le 15 décembre 2009