Je fais joujou avec mes armes nucléaires…
Poutine, Raspoutine…
Au fur et à mesure des années, j’ai publié quelques chroniques de critique de ce personnage hors du temps, en 2011, en 2013, en 2014, en 2015, en particulier avec la Crimée, le Mistral, et aujourd’hui avec l’invasion de l’Ukraine.
La Russie de Poutine n’est pas très éloignée de la Russie décrite par le Marquis de Custine dans ses « Lettres de Russie ».
Dans leur quatrième de couverture, les Editions Folio (1975) écrivaient à l’époque de la Guerre Froide :
« …Best-seller tombé dans l’oubli et redécouvert en URSS par l’édition clandestine et en Occident au moment de la guerre froide, « La Russie en 1839 » a, si l’on veut comprendre celle d’aujourd’hui, la même importance que pour les Etats-Unis « La Démocratie en Amérique de Tocqueville… »
Deux extraits de ce livre pour tenter de comprendre la Russie profonde, celle du jour, qui n’a pas encore réussi, semble-t-il, à choisir entre l’est et l’ouest, entre la liberté et le servage !
« Ce n’est pas d’aujourd’hui que les étrangers s’étonnent de l’amour de ce peuple pour son esclavage : vous allez lire un extrait de la correspondance du baron d’Herberstein, ambassadeur de l’empereur Maximilien, père de Charles V, près du czar Vassili Iwanowitch. J’en ai la mémoire fraiche, car j’ai trouvé ce passage dans Karamsin, que je lisais hier sur le bateau à vapeur. Le volume qui le contient a échappé à la police dans la poche de mon manteau de voyage, les espions les plus fins ne le sont jamais assez ; je vous ai dit qu’on n’a point fouillé ma personne.
Si les russes savaient tout ce que des lecteurs un peu attentifs peuvent apprendre de l’historien flatteur dont ils se glorifient, et que les étrangers ne consultent pourtant qu’avec une extrême défiance, à cause de sa partialité de courtisan, ils le prendraient en haine, et, se repentant d’avoir cédé à la manie des lumières, dont l’Europe moderne est possédée, ils supplieraient l’empereur de défendre la lecture de tous les historiens de la Russie, Karamsin à leur tête, afin de laisser le passé dans les ténèbres également favorables au repos du despote et à la félicité des sujets qui ne sont jamais si à plaindre que lorsqu’on les plaint. Les pauvres gens se croiraient heureux si nous autres étrangers nous ne les qualifions imprudemment de victimes. Le bon ordre et l’obéissance, les deux divinités de la police et de la nation russes, exigent, ce me semble, ce dernier sacrifice.
« Voici ce qu’écrivait Herbertstein en se récriant sur le despotisme du monarque russe : « Il (le czar) dit et tout est fait : la vie, la fortune des laïques et du clergé, des seigneurs et des citoyens, tout dépend de sa volonté suprême. Il ignore la contradiction, et tout en lui semble juste, comme dans la Divinité ; car les Russes sont persuadés que le grand prince est l’exécuteur des décrets célestes : ainsi l’ont voulu Dieu et le Prince, Dieu et le Prince le savent, telles sont les locutions ordinaires, parmi eux, rien n’égale leur zèle pour son service ; un de ses principaux officiers, vieillard à cheveux blancs et autrefois ambassadeur en Espagne, vint à notre rencontre lorsque nous entrâmes dans Moscou ; il courait à cheval, et s’agitait comme un jeune homme, la sueur découlait de son visage, et comme je lui en témoignais ma surprise : « Ah monsieur le baron, me répondit-il tout haut, nous servons notre Monarque d’une tout autre façon que vous. »
« J’ignore si c’est le caractère de la nation russe qui a formé de tels autocrates, ou bien si les autocrates eux-mêmes ont donné ce caractère à la nation .»
« Cette lettre écrite depuis près de trois siècles vous peint les Russes d’alors, absolument tels que je vois les Russes d’aujourd’hui. A l’instar de l’ambassadeur Maximilien, je me demande encore si c’est le caractère de la nation qui a fait l’autocratie, ou l’autocratie qui a fait le caractère russe, et je ne puis résoudre la question non plus que ne le pouvait le diplomate allemand. »
(Pages 86,87)
Autre extrait :
«… Ce qu’on voit du premier coup d’œil en entrant au pays des Russes, c’est que la société telle qu’elle est arrangée par eux ne peut servir qu’à leur usage : il faut être russe pour vivre en Russie : et pourtant en apparence tout s’y passe comme ailleurs il n’y a de différence que dans le fond des choses.
…Un peuple sans liberté a des instincts, il n’a pas de sentiments ; ces instincts se manifestent souvent de manière inopportune et peu délicate : les empereurs de Russie doivent être excédés de soumission ; parfois l’encens fatigue l’idole. A la vérité ce culte admet des entractes terribles. Le gouvernement russe est une monarchie absolue, tempérée par l’assassinat ; or quand le prince tremble, il ne s’ennuie plus ; il vit donc entre la terreur et le dégoût.
Si l’orgueil du despote veut des esclaves, l’homme cherche des semblables : mais un Czar n’a point de semblables ; l’étiquette et la jalousie font à l’envi la garde autour de son cœur solitaire ; il est à plaindre plus encore que ne l’est son peuple, surtout s’il vaut quelque chose… » (page 106)
Les folles initiatives criminelles de l’ancien officier du KGB, ses déclarations délirantes, comme celles de Lavrov à l’ONU, semblent loin des préoccupations des Russes de notre siècle.
Il s’agit d’une guerre de conquête et non « d’une opération spéciale ! Spéciale ? Vraiment ? Très spéciale !
Retour vers le goulag et un retour historique vers le servage ?
La mobilisation « partielle » des jeunes russes et leur exil massif vers l’étranger ? Le refus du servage sous l’emblème du livre de Kravchenko « J’ai choisi la liberté », en 1946.
Dernier avatar : la singerie démocratique des référendums organisés dans les territoires occupés de l’est de l’Ukraine ! Avec un Poutine qui ridiculise cette démocratie bidon !
Jean Pierre Renaud