III
Commémoration du 11 novembre 2018
Armistice du 11 novembre 1918 et Accords d’Evian du 18 mars 1962 : France, Allemagne et Algérie ?
Pourquoi un tel rapprochement, alors que les deux événements ne sont évidemment pas comparables, sur le plan historique, compte tenu de leurs enjeux, des parties concernées et du nombre de victimes ?
Une raison avant tout personnelle, mais que d’autres français, et sans doute d’autres algériens partagent aussi, celle de l’incompréhension.
A cette occasion, je voudrais revenir sur l’histoire de mon pays, et précisément sur la guerre d’Algérie dont le souvenir est encore exploité par tout un ensemble de groupes de pression animés par un esprit de vengeance, de repentance, de victimes en quête de réparation sonnante et trébuchante…. Plus de soixante ans après la fin de cette guerre !
Qui sont les responsables de cette situation ? A mes yeux, le FLN qui gouverne ce pays depuis son indépendance et qui n’a jamais su ou pu trouver le chef d’État (homme ou femme) capable d’assumer cette réconciliation. (De Gaulle et Adenauer 22/01/1963- moins de vingt ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale)
La dictature du FLN algérien, le champion des haines recuites, a besoin d’un ennemi héréditaire pour continuer à exister, une recette historique assez connue et mondialement pratiquée.
Comment expliquer en effet une telle situation entre nos deux pays ? Des facteurs de religion, de culture, de traditions, ou plus simplement le besoin de cultiver toujours le même adversaire, pour consolider l’autorité politique toujours fragile d’une nomenklatura dont beaucoup soupçonnent l’intégrité ?
Le moment est venu de procéder à une enquête sérieuse sur la mémoire collective de notre peuple, afin de savoir ce qu’il a conservé de ces guerres, et dire le vrai ou le faux en particulier sur cette guerre d’Algérie.
Je proposerais volontiers :
1°) que les classes terminales de nos collèges et lycées soient conviés à faire une dissertation sur le sujet suivant :
Depuis la fin de la guerre d’Algérie, la France et l’Algérie n’ont pas encore trouvé un chemin de réconciliation : quelles en sont à votre avis les raisons, culturelles, politiques… ?
2°) que les pouvoirs publics lancent une grande enquête publique, comme on sait en faire, sur l’existence et le contenu a) d’une mémoire de la guerre d’Algérie qui existerait encore en France très vivace,
b) d’une mémoire coloniale qui infuserait encore dans l’opinion publique.
Certaines voix postcoloniales ont cru bon de comparer la guerre d’Algérie à la guerre franco-allemande, évidemment dans tous les attributs dont le nazisme a su faire profiter le peuple français.
Puis-je témoigner, aux côtés de très nombreux soldats du contingent ou de carrière, que la plupart d’entre nous ont alors œuvré pour que l’Algérie connaisse un sort meilleur que celui qu’ils découvraient, le constat que l’Algérie n’était pas la France ?
Les comparaisons proposées entre la France des années 1954-1962 et la France des années 1939-1945 sont la plupart du temps outrancières ou hors de propos, alors que toute guerre n’a jamais été à l’abri de saloperies et de violences dans les deux camps.
Dans l’un de mes livres consacré à ce conflit, je concluais chacune de mes chroniques de guerre avec une rubrique intitulée :
« Morts ou vivants, ils auraient dit ou ils diraient » et dans l’une d’entre elles, j’écrivais :
« Le douar reprenait une vie normale, il y avait un café maure, et même un cinéma. Les écoles avaient rouvert leurs portes. Tout semblait dire : la pacification a réussi, on pouvait la toucher du doigt. Déjà on voyait colonel et sous-préfet, colonelle et sous-préfète, venir en touristes admirer les beaux paysages du douar.
Juste une illusion, car le mal était fait. L’histoire avait effectivement franchi ici un pas elle ne reviendrait pas en arrière.
Notre merveilleuse intelligentsia avait vu juste, mais elle avait beaucoup contribué pour qu’il en soit ainsi.
Le sourire hygiénique de la pacification avait remplacé le sourire hygiénique du lieutenant de la SAS. » (page 94)
Dans une des lettres que m’adressa, l’ancien lieutenant de Chasseurs Alpins, ancien normalien, et comme moi, ancien élève de l’Ecole Militaire de Saint Maixent au titre du contingent, Georges Durand, concluait :
« Quel dommage que la violence ait gâché notre présence, notre départ et notre absence ! La paix ne refleurira-t-elle jamais dans les oueds envahis par les lauriers roses s’éveillant sous la caresse des doigts de l’aurore, pareils à ceux d’où nous revenions au petit matin soulagés d’une nuit d’embuscade vaine. »
Georges Durand crapahuta avant moi, et comme moi, dans le djebel de Petite Kabylie, en surplomb de la belle vallée de la Soummam dans les années 1958-1959.
Avec Albert Camus en point final, dans son livre algérien « La peste » :
« Le soleil de la peste éteignait toutes les couleurs, et faisait fuir toute joie.
C’est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté. »
Jean Pierre Renaud