L’histoire coloniale ou postcoloniale ? Contextes historiques et histoire quantitative ?

L’exemple de l’ouvrage Images et Colonies publié en 1993 !

            Les lecteurs savent que j’ai consacré beaucoup de temps à l’analyse et à la critique de cet ouvrage et aux livres qui ont été élaborés en grande partie à partir de cette source « historique », à l’initiative du groupe de chercheurs que j’ai classé dans le nouveau « modèle de propagande Blanchard and Co ».

            Au-delà des critiques de base que j’ai développées en ce qui concerne les carences d’histoire quantitative de ces thèses portant sur des vecteurs de propagande très imparfaitement évalués, autant dans leur importance physique que dans leurs effets éventuels, j’aimerais revenir sur une des contributions portant sur l’analyse proposée concernant la propagande économique entre 1945, date de la Libération, et 1962, date des Indépendances. L’historien Nicolas Bancel s’est illustré sur ce terrain historique (voir Images et Colonies pages 219- 232).

            Il apparait clairement 1) que cette analyse ne tient pas assez compte du contexte historique de la France d’après la deuxième guerre mondiale, et du nouveau monde d’alors, 2) qu’elle manifeste une carence manifeste de l’analyse statistique, économique et financière de la propagande économique de la période 1945-1962.

            1 – En 1945, la France était ruinée, ses usines avaient été dévalisées, beaucoup de villes avaient été détruites, et l’alimentation des français et des françaises était encore rationnée par les tickets d’alimentation, jusqu’en 1947.

            L’année 1947 constitue par ailleurs une date clé, puisqu’il s’agit du  début de la guerre froide, avec l’enchainement des conflits secondaires notamment en Asie, en Indochine et en Corée, puis en Afrique.

            Oublierait-on que les chars russes n’étaient pas très loin de la frontière française, et que la France avait bien du mal à sortir de la guerre d’Indochine 1945-1954, même avec l’aide financière américaine de plus en plus importante à partir de l’année 1951, la guerre d’Algérie lui succédant entre 1954 et 1962 ?

            Je serais tenté de dire très vulgairement, Français et Françaises se « contrefoutaient » alors, et comme avant, du monde colonial.

            L’historien Robert Ageron a publié au titre du CNRS un important travail d’analyse de l’opinion publique sur l’outre-mer de cette période, avec l’exploitation des nombreux sondages qui ont suivi la fin de la guerre, et ses conclusions infirment le discours tenu par l’historien. ( CNRS Colloque « Les prodromes de la décolonisation de l’Empire Français ». (4,5 octobre 1984/p,3)

            Citons une de ses conclusions : «  La connaissance de l’Outre-mer et l’intérêt porté au destin de l’Union française sont toujours restés de 1946 à 1962 le fait d’une minorité. Un quart seulement des Français portaient quelque intérêt aux informations concernant leurs territoires d’outre-mer et plus de la moitié d’entre eux ne pouvaient en 1949, donner une définition même inexacte de l’Union française. En 1962, malgré les guerres coloniales, et les indépendances, un quart de la population restait incapable de citer un seul des quinze Etats d’Afrique noire d’expression française…. »

            2 – Carence de l’analyse statistique, économique et financière :

            A lire la contribution Bancel sur la propagande économique coloniale dans les années 1945-1962, on ne peut manquer d’être frappé   par ses carences statistiques, tant sur la mesure des vecteurs de propagande  analysés (clichés et brochures) que sur les budgets de l’Agence de la France d’Outre-Mer ou que sur les procédures, mécanismes financiers, et volumes des crédits attribués aux plans de développement de l’outre-mer.

Les lecteurs pourront se reporter aux analyses que j’ai proposées à ce sujet à partir du livre de François Bloch Lainé.

            Il est évident que ce type d’analyse manque de pertinence historique et que l’auteur n’a pas su résister à ses pulsions idéologiques postcoloniales.

            Un seul petit exemple, à la page 224 de ce livre d’images, un paragraphe intitulé :     « La propagande comme masque »

                                   « L’hégémonie de la propagande coloniale »

            Comment est-il possible d’oser proposer de tels titres, alors qu’il s’agit cette fois de vraie propagande postcoloniale made in Blanchard and Co ?

             Jean Pierre Renaud