Propagande postcoloniale contre propagande coloniale: le livre « Images et Colonies (1993)

Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ?

 Le livre « Images et Colonies » (1993)

Avec l’aide d’un petit carnet de notes rapides d’un non-enseignant !

          Après avoir publié un résumé de lecture décryptée de la première source savante, les Actes du Colloque de janvier 1993, je propose un résumé de lecture décryptée de la deuxième source savante, le livre en question.

         Il s’agit de la deuxième partie du deuxième mouvement de réflexion annoncé sur les caractéristiques de ce modèle de propagande postcoloniale.

       Seront ensuite publiés, au titre du troisième mouvement de réflexion critique,  trois extraits de textes d’origine universitaire, puis le résumé du quatrième mouvement de réflexion critique sur la propagande postcoloniale de ce collectif de chercheurs à partir des livres qu’ils ont publiés sur la Culture coloniale et impériale, sur la Fracture coloniale, et sur la République coloniale, ou encore sur l’Illusion coloniale.

Cadrage historique de l’ouvrage

       Les images et commentaires de ce livre concernent avant tout l’Afrique noire française, et leur présentation est effectuée dans une chronologie qu’il convient de rappeler – 1880-1914 – 1914-1919 – 1919-1939 – 1939-1945 – 1945- 1962 -, car elle constitue en elle-même une contrainte d’interprétation historique du sujet.

      Précisons que dans leurs livres « Culture coloniale » et « Culture impériale », le collectif de chercheurs Blanchard-Lemaire-Bancel a opté pour un autre découpage chronologique.

         En 1914, la Côte d’Ivoire, nouvel état créé en 1893, était à peine pacifiée, et mis à part le Sénégal, un cas tout à fait particulier, la paix civile était loin d’être instaurée dans la plupart des autres colonies, pas plus que la nouvelle organisation administrative coloniale. La Fédération de l’AOF fut créée en 1895 : elle était alors constituée de colonies très récentes dont les structures administratives étaient encore dans les limbes. Certaines parties de leur territoire se trouvaient en état d’insécurité ou d’inconnu, avec une absence quasi-complète de voies de communications.

        Rappelons également que le Togo et le Cameroun étaient des colonies allemandes.

         En ce qui concerne la période 1914-1918 Il convient de rappeler également que, sans l’intervention et les initiatives du député sénégalais Diagne, la France aurait eu beaucoup de peine à enrôler des tirailleurs africains, alors que des révoltes éclataient dans le bassin du Niger.

        Nous verrons par ailleurs ce qu’il convient de penser quant à la représentativité historique de cette période pour le sujet ici traité.

          La seule période au cours de laquelle la France coloniale eut à peu près le contrôle de la situation se situa entre 1919 et 1939, une courte durée de vingt années (l’après 14-18, la dévaluation Poincaré de 80% du franc en 1928, la crise de 1929, l’Allemagne d’Hitler…) qu’il convient d’avoir en tête lorsqu’on parle de la colonisation française en Afrique noire.

          A partir de 1939, avec la guerre, puis la guerre froide, et les révolutions de toute nature qu’elles provoquèrent sur la planète, plus rien n’était comme avant.

      Enfin, au-delà des questions qui ont déjà été posées sur la nature scientifique de l’échantillon que propose cet ouvrage, je crois pouvoir indiquer que tous les récits et images, venant du « terrain », ceux des « acteurs » des « situations coloniales concrètes » que j’ai consultés sur la période coloniale sont loin de démontrer la pertinence de l’interprétation qu’en donnent les animateurs de l’Achac.

     Rappelons que l’objet de ce livre est de démontrer que les images coloniales qui avaient pour cible la métropole, choisies et publiées par le couple Achac-BDIC ont marqué profondément  les mentalités françaises de leur époque, jusqu’à nos jours

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       Cet ouvrage de 304 pages, richement illustré, a été en effet publié sous l’égide de l’association ACHAC, Association pour la connaissance de l’Afrique contemporaine, et de la BDIC Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (elle vient de changer de nom).

Cadrage de l’ouvrage en signatures

       Le livre ne contient pas toutes les signatures des communications du Colloque : sont absentes celles de Catherine Coquery-Vidrovitch, d’Annie Rey-Goldzinger, de Daniel Rivet, et de Marcel Oms, soit quatre sur douze.

        Il convient de noter en revanche qu‘y figure une longue communication de Charles Robert-Ageron, qui ne participait pas au Colloque, et qu’au total, dix-sept des participants à ce Colloque sur 39 y ont signé une contribution, soit à peu près la moitié du total.

Cadrage d’interprétation historique

        Afin de  tenter d’éclairer le sens de l’ensemble des contributions publiées, j’ai pris l’initiative de procéder à une sorte d’exercice d’évaluation en leur attribuant un code d’interprétation de ces communications de la façon suivante : Intérêt : oui –non – Exotisme : oui – non – Propagande : oui – non – ?

       Il s’agit du carnet de notes d’un non-enseignant annoncé dans le sous-titre.

      Chaque lecteur de ce livre est bien entendu en mesure de tenter d’interpréter ces communications de la façon proposée, ou d’une autre, afin de pouvoir avoir une opinion sur  le sens historique des contributions publiées, notamment sur la propagande coloniale, cœur de cible historique de ce collectif.

       D’après ces pointages, le thème de la propagande coloniale n’a  imprimé sa marque sur les situations décrites en métropole que de façon marginale, et plus de la moitié d’entre elles soulèvent plus d’interrogations que de réponses sur la réalité de cette propagande.

       Toutes les lectures et interprétations des images et messages de cette période posent, en tout cas pour l’instant, de redoutables problèmes d’évaluation, de méthode historique et statistique, quant à la représentativité des analyses proposées, avec une question lancinante qui revient dans un tel débat : s’agit-il d’une histoire des idées ou d’une histoire quantitative ?

        Nous y reviendrons dans notre conclusion.

        Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés