Propagande postcoloniale contre propagande coloniale ? Conclusion – Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?’interprétation

Conclusion

Le vrai du faux ou les biais et détournements historiques d’interprétation des images coloniales ?

Les « manipulations historiques » ?

       A la lecture des discours des deux historiens Blanchard et Bancel, pourquoi ne ferais-je pas part d’un aveu, celui de l’impression que je ressens en permanence, celle du souvenir lointain de mes études, en particulier celui des lectures de  Pascal sur les fausses sciences, tout autant que celui de la discipline intellectuelle de mon ancien métier, car sous couleur d’affirmations gratuites, quelquefois de doute, leur prose avance masquée ?

Le débat de fond : s’agit-il d’histoire des idées ou d’histoire quantitative ?

        Il s’agit d’un thème historique que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog notamment à deux occasions, l’analyse du livre de Sophie Dulucq « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale », et auparavant, des livres d’Edward Said « L’Orientalisme », « Culture et Impérialisme », notamment avec le concept séduisant de « structures d’attitudes et de références ».

        Dans l’histoire coloniale, Jacques Marseille avait fait faire un bond de méthode historique dans ce domaine avec les livres qu’il avait publiés sur l’impérialisme français et ses résultats, et ici même Charles-Robert Ageron a introduit la mesure des premiers sondages d’opinion dans ses analyses.

         Le problème que posent à la fois les Actes du Colloque de janvier 1993 et ce livre est que leurs animateurs posent comme principe de leurs analyses et discours, un concept de postulat d’échantillon représentatif dont on ne connait ni la méthode ni les résultats : à cette lecture, on en retire évidemment l’impression qu’on « joue » avec les chiffres, car il y en a, mais sans que l’on puisse les considérer le plus souvent comme des sources d’accréditation.

     Au Colloque lui-même, deux historiennes réputées et un historien également réputé, bons connaisseurs de l’histoire algérienne et coloniale, ont avancé  comme clé d’interprétation historique « l’inconscient collectif ».

         Dans de telles conditions, un doute sérieux plane sur le caractère historique et scientifique de ces démonstrations, d’autant plus que les animateurs de l’Achac ont proposé, comme argent historique comptant des interprétations qui se sont écartées du contenu des communications publiées

Ecarts ou biais d’interprétation

Le cas des Actes du Colloque de janvier 1993

       Afin  de pouvoir apprécier la cohérence « scientifique », ou en tout cas statistique ou historique, des discours de propagande postcoloniale du modèle de propagande Blanchard end Co dans les nombreux livres qu’ils ont publiés quelques années après ce Colloque de 1993, et la publication du livre « Images et Colonies », il n’est pas inutile de rappeler en effet que dès la publication des Actes du Colloque et celle de ce livre, les animateurs de l’Achac avaient pris quelques libertés  d’écriture dans la présentation et l’interprétation de ces travaux.

       Si le lecteur a pris la peine de prendre connaissance de la sorte d’inventaire que nous lui avons proposé pour la lecture de ce livre, comme de celle des Actes du Colloque de 1993, il a  pu se rendre compte que le rôle prêté à une propagande anémique ne pouvait suffire à démontrer  qu’elle avait marqué, réussi à imprégner le fameux « imaginaire » des Français et des Françaises, à la fois pendant la période coloniale et de nos jours.

       Il faut ouvrir ce débat sur le fameux « imaginaire » cher à Benjamin Stora, entre autres, que personne n’a eu le courage de mesurer, s’il est possible de le mesurer, mais pourquoi pas ?

      J’attends toujours qu’on nous propose une analyse scientifique et statistique de notre imaginaire colonial et de notre mémoire coloniale, tout autant que de notre ça colonial, « l’inconscient collectif ».

       Revenons aux textes qui caractérisent les écarts entre la présentation et les contenus:

Dans leur introduction des Actes du Colloque de 1993, Pascal Blanchard et Armelle Chatelier, distribuaient déjà quelques-unes de leurs cartes.

       Citons quelques-unes de leurs assertions – j’ai souligné quelques mots  qui ne reflétaient ni le contenu des communications, ni les conclusions de ce colloque :

       L’image ? « Elle fut l’allié puissant du colonialisme – en tant que système et structure idéologique, économique et politique – et fut en France, le miroir dans lequel celui-ci put admirer son œuvre en même temps qu’il l’élaborait… Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images…» (p,12)

      Les deux auteurs notent que « L’étude du thème colonial dans la production  iconographique du XX°siècle révèle un volume très important d’images dont l’estimation reste à faire… Nous nous attacherons ici à ne présenter que des images dont on peut évaluer la diffusion (faux ) et qui, par conséquent (faux), ont été vues par les Français… Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports évoquent un véritable bain colonial »  (p, 13)

      .. Ce bain colonial est-il le fruit d’une volonté politique. Comment les images s’inscrivent-elles dans le cadre colonial français ? Comment ont elles fonctionné jusqu’aux indépendances ? En quoi ont elles contribué à fabriquer une certaine représentation de l’ « indigène » ou pour la période actuelle, de l’« immigré… » ?

      Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne doutent pas de leur véracité. » (p,15)

      Nous y voilà ! J’ai envie de dire, Maréchal nous voilà ! Comme dirait un spécialiste de Vichy !

Le cas du livre «  Images et Colonies »

Examinons successivement les biais relevés :

        D’entrée de jeu, les animateurs du binôme Achac-BDM posent leurs jalons idéologiques, avec le but évident d’orienter la lecture des contributions savantes qui y figurent dans le sens souhaité.

1 – Au dos de la couverture, une présentation générale :

       « Trente ans après les indépendances, cet ouvrage fait le bilan de l’histoire coloniale de la France à travers l’extraordinaire diversité de l’iconographie produite de la fin du XIX°siècle aux années 60…

       Rien que cela ? Le bilan de l’histoire coloniale de la France ?

       Ces images ont profondément marqué les mentalités et forgé la conscience coloniale des Français. Dès les années 20, s’organise une véritable propagande sur l’Empire : convaincre les Français du bien-fondé de la mission civilisatrice, comme lors des fastes de l’Exposition coloniale en 1931, ou magnifier le goût du raid Citroën, deviennent une priorité. L’Afrique fut essentiellement connue durant ces années à travers ces images. Les découvrir aujourd’hui, permet de réfléchir sur les rapports complexes que l’Occident entretient avec ce continent. »

      A la lecture   attentive de cet ouvrage intéressant, il est difficile d’entériner le propos que j’ai souligné.

       Autre exemple d’écriture « historique » biaisée à la page 8, sous la signature de Pascal Blanchard, sous le titre qu’appréciera sans doute tout historien qui se respecte :

2 – AVANT

« IL EST TEMPS DE DECOLONISER LES IMAGES » (page 8)

       « Pour aborder cette question nous avons travaillé sur les images vues par un large public français à l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle aux indépendances et qui s’immisçaient dans la vie sociale d’alors… Des images qui entretenaient un rapport étrange entre la fiction, la symbolique et le réel, et devenaient à force de diffusion et de matraquage, un message de propagande capable de séduire un large public. Dans la continuité des écrits de Gustave Le Bon et de sa « Psychologie des foules », les propagandistes d’alors ont largement repris son slogan : « La foule pense par l’image ».

        Le nouveau roman postcolonial enchaîne : « la négation de l’autre »… le « héros blanc ». Aujourd’hui encore, ces images restent présentes dans la production iconographique. Il faut donc s’attacher à mieux connaître ces images d’hier et décoder leur pouvoir de séduction et de conviction, pour appréhender différemment les représentations actuelles de l’Afrique et des Africains….

     En effet, la majorité des métropolitains ont connu le fait colonial et les Africains à travers le prisme déformant de cette iconographie…

Des images du passé qui interpellent aujourd’hui notre conscience et qui soulignent explicitement comment les Français ont pu être séduits et/ou trompés par ce qui fut pendant près d’un siècle une véritable propagande…

Mais notre réflexion ne porte pas uniquement sur le passé. Née d’une interrogation sur le présent, elle passe par l’analyse de représentations anciennes pour comprendre des phénomènes contemporains…

      Et grâce à ce tour de passe-passe, à des cartes biseautées, le nouveau roman postcolonial mêle habilement fausse science et interrogation de frère prêcheur !

3 – INTRODUCTION

Nicolas Bancel Laurent Gervereau (page 10)

       « Douze mille images sélectionnées ont permis une clarification méthodique des thèmes et des supports, étape indispensable pour dresser une histoire des représentations coloniales… (page 10)

    … ce travail permet de souligner le passage entre des images « spontanées » sur l’Afrique, à l’ère de la colonisation et des explorations, et une véritable propagande organisée après la Première Guerre  mondiale…

      … Sans chercher, ni à perpétuer une quelconque nostalgie, ni à dresser un simple procès de la colonisation, nous souhaitons que ces réflexions, ces rappels historiques, et ces décryptages d’ensembles iconographiques, permettent au-delà des outrances, une meilleure compréhension de chacun. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais indispensable de poursuivre ces recherches, afin de défricher le large champ des questions qui s’est ouvert devant nous. »

Commentaire : le contenu de cette introduction dénote incontestablement avec celui de la page 8 sous deux réserves méthodologiques liées au premier postulat d’une propagande coloniale organisée, et au deuxième postulat d’un décryptage des « signes » qui puisse accompagner l’analyse historique.

Conclusion générale :

     1) Les synthèses de présentation proposées ne correspondent pas au contenu des deux sources citées,

      2) Les contenus des deux sources citées correspondent à un échantillon supposé représentatif dont on ignore la méthode d’élaboration, sur la base de chiffres et de données variables et mal établis,

         3) A supposer même que cet échantillon soit effectivement représentatif, l’analyse des contenus et des statistiques d’évaluation des vecteurs de propagande et de leurs effets ne permettent pas de conclure à la pertinence des discours pseudo historiques de ce modèle de propagande.

        Cette analyse montre donc qu’en raison, soit de la carence des sources consultées et des évaluations faites, soit des biais  d’interprétation historique relevés, il existe à l’évidence un soupçon grave et concordant de manipulation historique, c’est-à-dire de propagande postcoloniale !

                Jean Pierre Renaud    –    Tous droits réservés