« Carnets politiques de la guerre d’Algérie » Robert Buron- Citations et commentaires

Jour anniversaire de mon fils Hugues

 « Carnets politiques de la guerre d’Algérie » (Plon 1965)

Robert Buron

Ancien ministre du Général de Gaulle, et signataire des accords d’Evian »

Citations et commentaires de Jean Pierre Renaud, ancien combattant appelé de la guerre d’Algérie – Tous droits réservés

Prologue

            Ainsi que je l’ai déjà écrit, après avoir quitté l’Algérie, à la fin de l’année 1960, j’ai tiré un trait sur cette période sans doute inutile de ma vie.

         Je suis revenu bien longtemps après sur ce passé, après avoir lu quelques livres de souvenirs, participé à quelques réunions d’anciens combattants, notamment ceux du 28ème Bataillon de Chasseurs Alpins, et publié une sorte de version de « ma guerre à moi », sorte de compte rendu de mon expérience d’officier SAS en Petite Kabylie dans les années 1959-1960.

        Ce livre, publié en 2002, était intitulé « Guerre d’Algérie – Années 1958-1959-1960 –Vallée de la Soummam ». Plus de trente années avant, j’avais rédigé des brouillons, et dans l’un dans d’entre eux, j’avais eu la curieuse ambition de tenter de donner la parole à quelques-uns de nos adversaires.

            Les sources de mon récit étaient avant tout celles de mes notes et souvenirs, des lettres qui ont été publiées dans les Bulletins de la promotion  Communauté, et surtout des lettres que j’avais adressées à mon épouse.

            Je n’accorde en effet pas une grande confiance à tous les récits, et il y en a beaucoup,  fondés uniquement sur la mémoire, que leurs auteurs proposent  plusieurs dizaines d’années  après les faits.

            Il y a en effet pléthore de récits mémoriels, cédant à une certaine mode historique encore en vogue, le mémoriel se substituant très largement à l’historique, ou encore tout simplement le romanesque.

            C’est d’ailleurs à l’occasion de la lecture du livre de M.Ferrari « Le sermon sur la chute de Rome », qu’il m’est arrivé de réagir sur les interprétations idéologiques de cette guerre, plus de cinquante après, sans rien connaître de l’expérience d’une guerre.

            Il y a quelques années, je suis tombé sur les « Carnets politiques de la guerre d’Algérie »  de Robert Buron, un homme politique que j’estimais. J’ai lu ce livre pour avoir une version que je qualifierais d’honnête sur les tenants et aboutissants de la négociation des Accords d’Evian, en 1962.

            J’ai lu ces carnets pour tenter de comprendre par quel processus « diplomatique » la France s’était résolue à reconnaître l’indépendance de l’Algérie.

            Les extraits de carnets et mes commentaires seront présentés en deux parties : la première, détaillée,  correspond à mon vécu algérien (avril 1959 -décembre 1960) ; la deuxième esquisse une synthèse des notes de Robert Buron consacrées aux négociations qui ont abouti, après la fin de l’année 1959, terme d’un plan Challe qui avait pacifié militairement le territoire algérien,  aux accords d’Evian de 1962.

        J’invite les lecteurs qui souhaitent aller plus loin dans la compréhension de cette période historique à se reporter aux carnets eux-mêmes, ou au livre que l’historien Guy Pervillé a consacré aux mêmes  accords d’Evian.

         Le lecteur trouvera donc dans la première partie quelques extraits des carnets qui me paraissent bien illustrer les positions successives de la France sur le dossier algérien, jusqu’aux barricades d’Alger de janvier 1961, juste après mon départ d’Algérie.

        En parallèle de ce  récit, j’ai cru bon de rappeler quelques extraits de mon propre récit, effectué souvent au jour le jour,  dans l’état d’esprit qui était le mien à cette l’époque. Cette démarche s’inspirerait de celle d’un Fabrice del Dongo : dans la Chartreuse de Parme, Stendhal, décrit le même type d’expérience décalée de la guerre, dans un contexte naturellement très différent, à Waterloo, en 1815.

         La situation de beaucoup de jeunes appelés du contingent envoyés faire la guerre en Algérie, entre 1954 et 1962, ressembla beaucoup, naturellement transposée, un siècle et demi plus tard, à celle de Fabrice à Waterloo.

      Il s’agira donc quelquefois, mais de façon anecdotique, d’une sorte de dialogue  historique à deux voix, avec une voix d’en haut, celle de Robert Buron, le ministre et celle d’en bas, un soldat du contingent.

       A la fin de l’année 1960, date de ma libération militaire, ne seront citées que les quelques notes qui ont l’ambition de résumer les extraits de ce carnet relatifs aux négociations qui débouchèrent sur les accords  d’Evian

     J’ai beaucoup hésité à revenir sur ces sujets, car l’histoire de la guerre d’Algérie reste à mes yeux un dossier pourri par tout un ensemble de groupes de pression dont la vérité n’est pas le premier des soucis, des deux côtés de la mer Méditerranée.

      Rappellerais-je simplement qu’à partir de 1956, date de l’entrée en scène du contingent, les centaines de milliers de bons petits soldats ne connaissaient quasiment rien du passé de l’Algérie, et qu’au-delà de la côte européanisée, ils réalisaient vite qu’ils débarquaient dans un pays pauvre qui n’était pas la France, sauf peut-être, et encore, sur la côte ?

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            Rien de mieux pour le citoyen d’aujourd’hui dont l’ambition est de mieux comprendre le pourquoi, le comment, et la « fin » de la guerre d’Algérie, que de lire ces carnets d’un homme politique qui fut, auprès du Général de Gaulle, un des acteurs majeurs des Accords d’Evian en 1962.

            Robert Buron n’était pas un perdreau de l’année dans le monde politique : chrétien de gauche, et alors MRP, il avait déjà exercé des responsabilités ministérielles, notamment dans le gouvernement Mendès-France qui avait mis « fin » à la guerre d’Indochine. Cet engagement hors norme lui avait valu des inimitiés.

     Robert Buron faisait partie  d’une petite cohorte d’esprits libres, relativement bien informés, ouverts au processus d’une décolonisation pacifique construite sur les indépendances et la coopération technique.

     Le livre de Guy Pervillé « Les Accords d’Evian (1962) » en propose par ailleurs une version historique de référence, rigoureuse, complète, et bien documentée.

      Mes études avaient été complètement perturbées par les questions de décolonisation, la guerre d’Indochine, le début de la guerre d’Algérie, et la perspective d’y aller, étant donné la décision qu’avait prise l’Assemblée Nationale, en 1956, sur la proposition de Guy Mollet, Président du Conseil SFIO, d’y envoyer le contingent.

      En ce qui me concerne, après une formation de six mois à Ecole Militaire de Saint Maixent, je fus affecté en 1959-1960 dans une SAS de Petite Kabylie, dans la belle vallée de la Soummam.

     Les carnets rendent bien compte de l’état d’esprit des gouvernements de la Quatrième République, que, nous, étudiants jugions alors complètement dépassés par les événements, et bien incapables d’engager la France et l’Algérie dans une voie nouvelle.

      Les Carnets font un peu plus de 260 pages, avec trois parties : I Le drame algérien et la fin de la IVème République (p, 9-97) – II Vers l’autodétermination (p, 97-175) – III Les Rousses et Evian (p, 175-267)

       Je n’ai pas l’intention d’en faire un commentaire détaillé et je me contenterai de proposer les quelques extraits de texte qui me paraissent bien éclairer les tenants et les aboutissants de cette guerre absurde, mais tout à fait représentative du fonctionnement de la détestable gouvernance politique de la IVème République et des cheminements tortueux de la Vème République pour aboutir à une certaine paix.

      Robert Buron avait su nouer de nombreuses relations amicales au Maghreb et en Afrique noire qui lui donnaient la possibilité de prendre le pouls de ces pays.

     Le procédé d’écriture que je vous propose donc consiste à illustrer  et commenter en parallèle, lorsqu’une source est disponible, – voix d’en haut, le ministre, et voix d’en bas, le soldat projeté dans le douar des Béni Oughlis, dans la vallée de la Soummam.

     Ce douar était considéré comme pourri sur le plan militaire et politique, en raison notamment de l’évolution culturelle de sa population, de sa position dans la willaya III, en bordure de la forêt d’Akfadou et du massif Djurdjura.

        Afin de mettre un peu de clarté dans les dates, j’ai souligné les années.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés