SUBVERSION ET POUVOIR – I – Une question ?

I – Question : la France est-elle l’objet d’une subversion, et si oui, laquelle ? Par rapport au passé ?

Le diagnostic est difficile à établir, car, à la différence des guerres révolutionnaires les plus récentes, marxistes, nazies, fascistes, ou nationalistes, comme ce fut le cas dans les guerres de décolonisation, notre ou nos adversaires avançaient souvent à la fois masqués et à visage  découvert.

       De nos jours, il s’agit de toute autre chose : adversaire, objectif poursuivi au plan national ou international, stratégies clandestines, notamment dans les domaines religieux, culturel, ou social, presque tout nous échappe, avec le sentiment, sinon la conclusion,  qu’aucune autorité ne maîtrise le sujet, le ou les problèmes, et les solutions.

         A quel adversaire avons-nous affaire ? Quelle peut ou doit être notre défense, et sur quel terrain ?

Depuis de nombreuses années, un certain nombre de troubles agitent notre pays en profondeur, différents de ceux qui l’agitaient dans les années 1970.

            Mis à part le cas de l’Algérie, compte tenu du poids qu’y avait la population européenne, la France s’était délestée sans beaucoup d’états d’âme de ses possessions coloniales, car contrairement à ce que certains commentateurs patentés racontent, la France n’a jamais eu l’âme coloniale.

            Le cas de l’Indochine fut différent, le capitalisme y était puissant, la population européenne peu nombreuse, mais très rapidement le communisme international y avait mis la main avec la guerre froide. Le lobby colonial y fut actif et influent, notamment la Banque d’Indochine, compte tenu des richesses de ce pays, et de la position de cette banque en Asie.

          La fin de la guerre d’Algérie est par ailleurs intervenue chez nous avec un gros ouf de soulagement.

           Qu’a-t-il bien pu se passer depuis les années 1970 ?

            Dans les années 1970, les populations d’origine maghrébine, africaine, ou asiatique, étaient quasiment inexistantes en France métropolitaine, de même que l’Islam : si vous relisez deux ouvrages de l’époque, « Choisir » de Pierre Mendès-France (1974), et « Le Mal Français » d’Alain Peyrefitte (1976), vous pourrez  constater que les deux hommes politiques en question n’abordaient pas ces deux sujets aujourd’hui sensibles.

            Le livre de Mendès-France était essentiellement tourné vers l’international, sur le terrain européen, économique et financier, celui d’Alain Peyrefitte, était comme obsédé par les problématiques de la bureaucratie française.

            Mendès-France y exposait ses idées, ses convictions européennes, y disait aussi des choses intéressantes sur la décolonisation nécessaire, la paix qu’il avait réussi à ramener en Indochine et en Tunisie, et l’espoir qu’il avait alors d’engager, en Algérie,  une autre politique que celle choisie :

       « Je regretterai toujours que le temps ne m’ait pas été donné d’entreprendre une politique algérienne libérale et loyale. Après l’Indochine et la Tunisie, c’était possible et beaucoup d’hommes de là-bas me l’ont dit, musulmans et Français. Nous aurions évité huit années d’une guerre affreuse avec toutes les conséquences qu’elle a eues, aussi bien en Algérie que dans la métropole ; aussi bien sur la politique française que sur la psychologie de beaucoup de nos garçons, expédiés en Algérie pour la plus basse besogne. » (p,82)

         Plus loin, Mendès-France mettait en cause les grands lobbys qui avaient bloqué cette évolution :

        « … les grands intérêts financiers, le lobby colonial, celui d’Afrique du Nord qui alimentaient la presse, noyautaient les couloirs, répandaient fausses nouvelles et faux documents. Il y en a eu de graveleux » (p,84)

       Ajoutons qu’un lobby politique des Européens d’Algérie, actif et influent, agissait au sein des Assemblées, d’autant plus puissant que la Quatrième République s’était illustrée par une succession de combinaisons parlementaires, dans lesquelles les groupe charnière jouaient un rôle tout à fait disproportionné, avec la présence de François Mitterrand, d’Edgard Faure, et d’élus d’Algérie influents.

      Le Tiers Monde s’est libéré de ses « chaines », la chute du Mur de Berlin a sonné le glas du marxisme, en tout cas, du communisme, avec l’explosion de l’Empire soviétique.

      Le monde est passé d’un état bipolaire à un état multipolaire. De nouvelles puissances ont connu une renaissance, ou sont apparues, la Chine, l’Inde, ou le Brésil, avec une mondialisation souvent sauvage qui a fait éclater les frontières et permis de diffuser, pour le meilleur et pour le pire, toutes sortes de cultures, de modes de vie, une mondialisation qu’a beaucoup facilitée l’explosion d’internet, des réseaux sociaux, des téléphones portables, tout autant que celle des transports.

      Jusqu’à la chute de l’Empire soviétique, Occident et URSS se sont combattu par personnes interposées, notamment en Afrique.

      Depuis, d’autres facteurs ont complètement changé la donne,  des crises successives en Europe, dans beaucoup de pays d’Afrique, des insurrections continues au Moyen Orient, dans le Golfe, en Afghanistan, de nombreuses guerres fratricides entre musulmans, sunnites contre chiites, l’instabilité des relations entre Israël et les pays arabes, le rôle messianique que certains courants de l’Islam entendent assumer à l’encontre des infidèles, des mécréants, hier Al Quaida, aujourd’hui Daech.

       Face à ce qu’il faut bien appeler un nouveau désordre du monde, l’Europe a été plutôt aux abonnés absents : la construction d’une première Union Européenne a été  difficile, et les Européens n’ont pas été encore capables de se doter d’une véritable union, politique, militaire et économique, cette nouvelle puissance du monde qui fait cruellement défaut.

     Après la création de l’euro, son élargissement à l’est, en 2002, avec la cohabitation politique Jospin Chirac (PS-RPR), a été une erreur.

      Au-delà de tout un ensemble de désordres humains, politiques, ou économiques, cet élargissement démagogique a contribué à faire encore plus de l’Europe, un ventre mou.

      L’évolution récente des grandes puissances actuelles du monde a fait redécouvrir l’importance capitale des patrimoines culturels et religieux, origines ou racines qu’il convient de rappeler sans « tabou », comme ce fut le cas en Russie après l’échec du communisme avec la religion orthodoxe, et de nos jours, en Chine, avec le confucianisme : comment ne pas y voir une forme de renforcement de la résistance à l’encontre de l’affaissement des valeurs portées par les cultures d’origine, à l’encontre de la subversion d’un consumérisme, à n’importe quel prix, d’un laisser-aller généralisé, du tout image, du tout fric, ou d’un nouvel islamisme  militant, qui surfe sur le même terrain, de toutes les addictions qui pèsent aujourd’hui sur notre destinée?

      Il faut dire sans hésiter qu’il s’agit d’une résistance de bonne « hygiène mentale » contre la sorte de nivellement multiculturel des valeurs, pour lequel toute valeur serait au moins égale à n’importe quelle autre valeur !         

Jean Pierre Renaud  – Tous droits réservés