Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, ou en journalisme

Lettre aux Psy, docteurs en histoire coloniale, postcoloniale, ou en journalisme

Adaptation libre, mais « savante », de la BD « Les psy » de Bedu-Cauvin, avec les docteurs Médard, Pinchart et Julie Clément

            Pour avoir lu beaucoup d’ouvrages ou de récits d’histoire coloniale ou postcoloniale, grande fut, trop souvent, ma surprise et ma perplexité, de  buter sur des mots qui relevaient, sans aucun doute possible, de la psychanalyse.

            De quelle maladie psychique pouvaient souffrir tous ces Français dont les «  psy » relevaient autant de de signes cliniques ? Qui étaient les malades ?

Le florilège savant des mots « psy », soi-disant symptômes de la maladie : les mots de la maladie

         La première fois, sans aucun doute, que j’ai rencontré ces mots psy fut, lorsque je m’attaquai à la lecture des ouvrages savants publiés par le collectif, non moins savant de chercheurs de l’équipe Blanchard and Co sur la culture coloniale ou impériale, à la suite d’un Colloque Images et Colonies, encore plus savant, tenu en janvier 1993, sur les images coloniales.

        Je me souviens de l’expression qu’une historienne bien connue de ce monde savant utilisait alors, à plusieurs reprises dans ses contributions, « l’inconscient collectif », aux côtés d’ailleurs d’une autre historienne spécialisée sur l’Afrique du Nord.

       De quoi s’agissait-il ? A quelle source faisaient-elles référence ? Comment mesurer cet inconscient ? Avec quels instruments historiques et scientifiques ?

       Madame Coquery-Vidrovitch faisait l’aveu qu’elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, en indiquant « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien ».

          Les chercheurs eux-mêmes de ce collectif faisaient appel à tout un ensemble d’expressions de type psy, au choix de quelques-uns d’entre eux.

            Dans « Culture coloniale : « … comment les Français sont devenus coloniaux sans le savoir … coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel…

          L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… Une culture au sens d’une imprégnation populaire… une culture invisible…dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux.

       Dans Culture Impériale, deux citations :

     « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale… Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’ a prise l’empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient des Français ».

            Dans La République coloniale, quelques-uns des mots psy choisis :

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale… de façon souterraine… Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial »

            Dans La Fracture coloniale :

            « les archétypes relatifs aux populations coloniales … les réminiscences restent palpables »

            Au Colloque de 1993, l’historien Meynier avait posé la question :

      «  Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière- plan lorsque l’on évoque les colonies :

   Imaginaire colonial et inconscient colonial

   Inconscient français et mythes colonisation : salvation et sécurisation »

   Plus de vingt ans plus tard, les docteurs psy n’ont jusqu’à présent apporté aucune réponse qui démontre la pertinence scientifique de leur discours psy.

        Le mémorialiste et historien Stora a, de son côté, lui-même contribué à renforcer l’audience de l’école des docteurs psy, notamment dans le petit livre « La guerre des mémoires ». (2007)

      Le journaliste Thierry Leclère commence à interroger M.Stora en faisant un constat : « La France est malade de son passé colonial », et M.Stora d’enchaîner sur « le deuil inachevé », le rôle d’une « Algérie centrale » », « une mémoire de vaincus », la « bataille mémorielle », « une grande blessure narcissique », « dans sa mémoire collective », « les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale de leurs pères », « Mais c’est la guerre d’Algérie qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années », « cette mémoire blessée ».

            L’auteur note toutefois que « Vu d’Algérie » au sujet de Boudiaf : «  il est revenu d’un long exil ; les jeunes Algériens ne connaissaient pas son nom » .

            Et plus loin, « les mémoires bafouées », « ces saignements de mémoire », « des ruminations  secrètes »…

            Ne s’agirait-il pas de la maladie « narcissique » d’un enfant, pied noir d’Algérie, né à Constantine, qui fut rapatrié à l’âge de douze ans ?

          Les symptômes de la maladie ainsi décrite dataient de l’année 2007, mais un nouveau petit livre publié par l’intéressé a valu à son auteur un commentaire d’approbation, pour ne pas dire de bénédiction, de la part de M.Frappat, ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix.

         Cette critique était intitulée « Souvenirs longue portée » dans le journal La Croix du 31 décembre dernier (1).

         L’ancien journaliste et directeur de référence brode une critique qui fait appel aux mêmes signes cliniques de maladie postcoloniale que ceux de M.Stora.

         « Il y a un refoulé qui revient de loin », « l’effet retard du passé », « « Et sans le retour violent du refoulé comment expliquerait-t-on la haine que tant d’anciens peuples colonisés éprouvent à l’égard de tout ce qui peut rappeler le temps des colonies et de leur servitude ?…

     « Dernier exemple en date : la mémoire de la guerre d’Algérie… l’effet retard du passé. D’abord nous avons été interloqués d’apprendre que beaucoup de terroristes qui, depuis des mois, ont entrepris de saigner la France étaient des jeunes Français vivant parmi nous depuis leur naissance »…,

     « Ce lien est peut-être la persistance, dans l’âme française, d’une question  non résolue, d’un traumatisme non digéré qu’est la guerre d’Algérie »

        En oubliant sans doute la guerre civile des années 1990 qui a ensanglanté ce pays et qui a incité de nombreux Algériens à venir en France, et qui a succédé, plus de trente ans plus tard, à une autre guerre civile, qui ne disait pas son « nom » !

       Il convient de rappeler que M.Stora a évoqué aussi le camp des « Sudistes » qui existerait dans notre pays : après le rapprochement avec la mémoire de Vichy, notre mémorialiste national n’hésite pas à trouver une comparaison historique, non moins hardie, avec le Vieux Sud des Etats Unis, le Sud esclavagiste.

        L’ancien journaliste de référence note toutefois plus loin :

       « De l’autre côté de la mer, de l’autre côté des peuples, on connait mal les effets de la mémoire de la guerre d’Algérie sur les populations de ce pays »,  avec une phrase de conclusion effectivement explosive : « Les mémoires sont parfois bourrées d’explosifs. »

      Comment ne pas être étonné que l’honorable Monsieur Frappat mette les attentats de Daech sur le compte de la mémoire coloniale, ou plutôt algérienne ?

Le diagnostic de la maladie, par les Psy, docteurs en histoire ou en journalisme.  

     Ce diagnostic vaut largement celui des médecins de Molière !

     « Serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ? »  – « Sganarelle, dans Le médecin malgré lui  »

       Dans quel domaine sommes-nous ? Médecine ? Psychanalyse ? Journalisme ? Littérature ? Histoire ? Idéologie ?  Politique ? Repentance religieuse ?

       Quelles sont les preuves de la maladie psy ainsi décrite ?

       Avez-vous effectué des enquêtes statistiques sérieuses qui vous permettent d’accréditer votre diagnostic sur la maladie dont la France souffrirait ?

       A les écouter : « Je suis malade, complètement malade » pour reprendre un refrain populaire des années 1970, de Serge Lama, mais de quoi précisément suis-je malade ?

      De quelle maladie les Français souffrent-ils ? Quels Français ? Quels peuples anciennement colonisés ? Les docteurs Psy eux-mêmes ou les Français en général ?

     Une maladie tout à fait étrange qui n’a pas dissuadé beaucoup de maghrébins, dont une grande majorité d’Algériens, et d’Africains, de venir émigrer massivement dans une France qui s’est transmise clandestinement les poisons du colonialisme, pour autant qu’ils aient toujours et partout existé.

      Cette immigration régulière et irrégulière n’a pas été négligeable, même si les spécialistes ont de la peine à se mettre d’accord sur les vrais chiffres.

       Monsieur Stora cite ses propres chiffres : «  la France se découvre aujourd’hui avec cinq à six millions de musulmans »

      Des immigrés masochistes à ce point ?

      Ou plus vraisemblablement des docteurs Psy effectivement masochistes, toujours prêts à sacrifier à leurs exercices habituels d’autoflagellation nationale, d’une repentance de nature ambiguë, des adeptes d’une nouvelle congrégation de flagellants ?

      Je suis issu d’une famille de l’est de la France qui a connu trois invasions allemandes en moins d’un siècle, une invasion, dont les ambitions et la réalité ne soutenaient aucune comparaison avec la colonisation, j’espère que les docteurs Psy en conviendront. Je n’ai jamais entendu dans ma famille ce type de discours mémoriel, à l’égard de nos amis allemands, un discours que je classe donc dans la  catégorie de la toute nouvelle propagande « made in France », une nouvelle propagande tout à fait subversive.

          Je crois avoir démontré ailleurs que la propagande coloniale n’a jamais eu l’importance et l’efficacité faussement décrites dans les ouvrages du collectif Blanchard and Co.

          Cela fait des dizaines d’années que ma famille prône la réconciliation de la France et de l’Allemagne, sans rien demander.

      J’ai donc le droit de me poser la question du bien-fondé de ces discours psy de nature mémorielle, indépendamment du fait que jusqu’à présent personne n’a eu le courage de vérifier si des enquêtes statistiques sérieuses sur la ou les fameuses mémoires existaient et avec quel contenu ?

         Mon propre diagnostic repose plutôt sur l’ambition qu’ont ces docteurs psy de complaire à une partie par trop « apatride » de notre bel establishment, à un électorat que les politiques cherchent à séduire, ou à un public éditorial qui raffole de l’autoflagellation nationale, au prix de mettre en danger notre unité nationale sacrifiée à un cosmopolitisme propre à encourager toutes les anarchies, et la prospérité d’une « multinationale » française que personne n’a le courage de contrôler.

          N’existerait-il en effet pas d’autres explications sur les raisons des malaises sociaux dont la France souffrirait ? Une immigration mal contrôlée qui bouleverse les conditions de vie dans certains de nos territoires ? L’arrivée d’un Islam dont les Français ignoraient tout de son existence ?

          Quant à « notre ancien outre-mer », encore plus malins seraient les docteurs psy qui pourraient décrire les souffrances de leur mémoire coloniale, pour autant qu’ils connaissent mieux leur histoire coloniale que les Français !

       M.Stora citait le cas de Boudiaf pour l’Algérie, mais quand Chirac, dans la même veine de mémoire, est venu à Madagascar, en 2004,  pour y faire entre autres, repentance de la répression violente de  1947, les observateurs les plus objectifs ont pu noter que ce type de couplet avait fait un grand flop !

        Ma conclusion sera que les docteurs psy, en tout genre, et de tout acabit, parce qu’ils sont les véritables responsables du type de mémoire décrit mais jamais évalué, d’une mémoire d’autoflagellation, ont fait prendre un véritable risque national à notre pays, celui d’une autoréalisation, quelquefois « explosive » de cette mémoire trafiquée parmi certains jeunes de France.

      Pourquoi ne pas constater en effet, avec de la tristesse, en effet qu’un des représentants de notre bel establishment, l’honorable Monsieur Frappat a prêté sa voix à ce nouveau chœur de « repentants» ?

       Un establishment qui marie paradoxalement son goût de la grandeur passée, (voir Libye, Mali, Centrafrique, Syrie…), la France gendarme du monde ou centre du monde, au choix, et son penchant psy pour un passé encore inexplicable et inexpliqué pour les ignorants.

      Alors oui, pourquoi ne pas revenir au grand Molière, une valeur sûre, et terminer mon propos par une citation « médicinale » tirée de Monsieur de Pourceaugnac ?

     « Second médecin

     « A Dieu ne plaise, Monsieur, qu’il me tombe en pensée d’ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il  le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait »

Molière, Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, Scène VIII »

          Et pour mot de la fin du fin, les docteurs psy n’auraient pas pu s’emparer d’un  tel sujet, notamment dans le cas de l’Algérie, si les Accords d’Evian n’avaient pas acté que les crimes de guerre, donc commis dans les deux camps, seraient amnistiés ! En ouvrant tout grand le champ de toutes les hypothèses, même les plus scabreuses !

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

  1. Ci-après le texte du courrier que j’ai adressé au journal La Croix le 31 décembre 2015 :

      «  Bonsoir, il est sans doute dommage de commencer la nouvelle année, mais je voudrais dire à Monsieur Frappat tout le mal que je pense de sa chronique sur les souvenirs longs et sur ses références aux écrits Stora, et encore plus sur le rapprochement très douteux qu’il propose entre Daech et la guerre d’Algérie, pour ne parler que de ce conflit.

         Monsieur Frappat ferait bien de suggérer ou de financer lui-même une enquête de mémoire collective sérieuse sur le passé colonial et sur le passé algérien, dont s’est emparé son auteur de référence, car, jamais, sauf erreur, Stora n’ a accrédité sa thèse en fournissant la moindre preuve statistique de sa thèse mémorielle. Récemment la Fondation Jean Jaurès associée à un journal que Monsieur Frappat a dirigé un temps, a proposé une enquête sur ce type de sujet, mais une enquête très mal ficelée statistiquement, avec une batterie de questions très imparfaite.

         Je dirais volontiers à monsieur Frappat que ce sont plutôt, à l’inverse de ce qu’il croit et écrit, des gens comme Stora qui ont accrédité auprès de certains jeunes l’existence les souvenirs de longue portée dont il parle.

        Il s’agit d’un sujet que je crois connaître assez bien, celui d’une nouvelle propagande beaucoup plus insidieuse que la propagande coloniale, quand elle exista, la nouvelle propagande de l’autoflagellation historique et de la repentance : non, Monsieur Frappat, tous les petits Français qui ont servi la France en Algérie ne furent pas de petits ou grands salauds, des colonialistes de tout crin, pour ne parler que de ceux qui luttèrent, nombreux, pour que la paix revienne dans une Algérie nouvelle, celle de l’indépendance.      Quant au bouquin de Monsieur Jenni sur l’art de la guerre, je dirais qu’il sue par toutes les pores de ses lignes d’écriture talentueuse le même type de discours sirupeux. Bonne année pour une enquête mémorielle enfin sérieuse que pourrait lancer notre beau journal assomptionniste. »

Humeur Tique Egalité! Egalité! Egalité! Europe! Europe! Europe!

« Echos de la brousse de France »

            Ne vous y fiez pas trop, petits marquis et petites marquises de notre  intelligentsia, avant tout parisienne, il y a de plus en plus de citoyens simplets qui ne prennent pas vos vessies pour des lanternes !

            Egalité ! Egalité ! Egalité !

         Qu’est-ce à dire ? Ou le poker menteur !

          Dans notre beau pays, n’êtes-vous pas un peu surpris de voir, une certaine gauche surtout, mais face à une droite qui n’a pas le courage d’aller au fond des choses, dénoncer la grave violation d’égalité des droits que représenterait le projet actuel de déchéance de nationalité.

          Mais, Monsieur et Madame, mon voisin a deux nationalités, la Française et l’Algérienne, mon toubib a deux nationalités, la Française et l’Israélienne, ma collègue de bureau a deux nationalités, la Française et la Norvégienne…

        Ils ont deux passeports et bénéficient donc de droits qui ne les rendent pas égaux à nous autres simples citoyens d’un seul pays, la France.

        La rupture d’égalité est bien celle-là, non ?

        Que dire aussi des binationaux ou binationales qui exercent les pouvoirs de la République, ministres, députés ou sénateurs ? Comment font – ils pour arbitrer quelquefois entre leurs deux casquettes, entre les intérêts des deux pays dont ils sont ressortissants ?

        Une rupture d’égalité encore plus grave, vous ne trouvez pas ? Laquelle devrait conduire, à l’interdiction de jouir de deux nationalités, quand on siège à l’Assemblée ou au Sénat, ou quand on exerce des fonctions de nature régalienne.

       Puisqu’elle met en cause l’exercice du suffrage universel de la République Française et l’exercice de notre indépendance nationale !

Une Europe irresponsable, mais la faute à qui ? A l’autruche !

     A voir ce qui se passe, on trouve plus de responsables politiques, en France même et dans l’Union, pour détricoter les institutions européennes que pour renforcer la gouvernance des pays qui sont prêts à aller plus loin dans la solidarité et le partage des responsabilités, au cœur de la zone euro.

     Depuis plusieurs années, Cameron fait campagne pour détricoter les institutions de l’Union, et en face, qui a le courage de proposer aux Européens le contenu et le contour de celles qui garantiraient l’exercice d’une puissance mondiale qui n’existe pas encore en tant que telle ?

     Citez- moi quelques noms !

       Face aux vagues massives de migrants, réfugiés et non réfugiés, l’Union Européenne s’est montrée d’une incapacité dénoncée de toutes parts, et a montré en toute clarté les limites de ses ambitions.

      Les pays de l’Europe de l’Est continuent à faire beaucoup plus confiance au grand protecteur américain qu’à l’Union, et les autres, sans le dire ou l’avouer, font comme si ce n’était pas leur cas aussi.

      US GO Away ! Mais en même temps, l’Europe et l’Union n’existeraient plus si les Etats-Unis n’avaient pas eu le courage de venir la libérer une première fois en 1917, et une deuxième fois en 1944.

      Alors, chers amis d’Europe, courage fuyons ! Alors que la paix au Moyen Orient ne reviendra qu’à la condition que l’Union mette à la disposition des adversaires de  Daech, un corps expéditionnaire, sorte de préfiguration de l’armée européenne qu’il faut mettre sur pied.

     Que l’Allemagne le veuille ou non, en ouvrant ses frontières à des vagues de migrants mal contrôlées, ce pays est entré dans l’engrenage d’un engagement militaire de type européen.

     Même s’il est possible de se demander si Merkel n’a pas ouvert les portes de son pays, afin de le racheter de son passé nazi.

     Avez-vous entendu les politiques mettre sur la table un projet de nouvelle union européenne qui tienne la route, car composée des pays qui ont l’ambition de partager les destinées de la nouvelle puissance qu’elle pourrait être mais qu’elle n’est pas ?

     Non ! Mille fois non !

Mémoire collective et mémoire coloniale: ont-elles été mesurées? « La guerre des mémoires » par M.Stora

Mémoire collective et mémoire coloniale : ont- elles jamais été mesurées ? Quand ? Et par qui ?

Par Monsieur Stora ?

« La guerre des mémoires La France face à son passé colonial » par Benjamin Stora

Ce texte a été publié sur le blog Etudes coloniales

            « Pourquoi ne pas avouer que j’ai éprouvé un malaise intellectuel à la lecture de beaucoup des pages de ce livre, crayon en mains, alors que j’ai  aimé l’article du même auteur à la mémoire de Camus (Etudes coloniales du 30 septembre 2007). Albert Camus a été un de mes maîtres à penser,  à agir, et à réagir,  avant, pendant la guerre d’Algérie, et après. J’y ai servi la France et l’Algérie, en qualité d’officier SAS, en 1959 et 1960, dans la vallée de la Soummam, entre Soummam et forêt d’Akfadou.

              Un historien sur le terrain mouvant des mémoires chaudes, pourquoi pas ? Mais est-ce bien son rôle ? Dès l’avant- propos, le journaliste cadre le sujet de l’interview de M.Stora : « La France est malade de son passé colonial », mais sur quel fondement scientifique, le journaliste se croit-il permis d’énoncer un tel jugement ?

            Il est vrai que tout au long de l’interview l’historien accrédite cette thèse et s’attache à démontrer l’exactitude de ce postulat : les personnes issues des anciennes colonies, première, deuxième, troisième génération (il faudrait les quantifier, et surtout les flux , les dates, et les origines) «  se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale » (p.12), « la guerre des mémoires n’a jamais cessé » (p.18), la « fracture coloniale », « c’est une réalité » (p.33), « l’objectif est d’intégrer, dans l’histoire nationale, ces mémoires bafouées » (p.81), « saisir comment s’élaborent en permanence les retrouvailles avec un passé national impérial » (p.90)

            Et l’auteur de ces propos, qui se veut « un passeur entre les deux rives », incontestablement celles de la Méditerranée, accrédite le sérieux des écrits d’un collectif de chercheurs qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, par le sérieux et la rigueur de leurs travaux historiques, à démontrer la justesse de la thèse qu’ils défendent, fusse avec le concours bienveillant de certains médias, quant à l’existence d’une culture coloniale, puis impériale, qui expliquerait aujourd’hui la fameuse fracture coloniale.

            Et le même auteur de reprendre le discours surprenant, de la part d’historiens de métier, sur la dimension psychanalytique du sujet : « la perte de l’empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français » (p.31), pourquoi pas ? Mais à partir de quelles preuves ? « Refoulement de la question coloniale » (p.32). « Pourtant la France a conservé dans sa mémoire collective, jusqu’à aujourd’hui, une culture d’empire qu’elle ne veut pas assumer » » (p.32). « Les enfants d’immigrés sont porteurs de la mémoire anticoloniale très puissante de leurs pères » (p.40).

            « Pourquoi cette sensation diffuse d’une condition postcoloniale qui perdure dans une république où les populations issues des anciens empires n’arrivent pas à se faire entendre ? » (p.90).

            Comment ne pas souligner le manque de clarté des propos de l’auteur, lequel écrit page 11 que la population issue des anciennes colonies a doublé entre les années 1980 et 2007, et les propos qu’il tient parallèlement sur les « mémoires bafouées » : mais les colonies sont indépendantes depuis le début des années 60, et l’Algérie depuis 1962 !

            De quelles générations s’agit-il ? Des enfants d’immigrés du travail venus en France avant 1962 ? Ou pour l’Algérie, importante source d’immigration, des enfants de pieds noirs, de harkis, ou d’enfants de citoyens algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, notamment en raison de ses échecs économiques, puis de sa guerre, à nouveau civile ? Pour ne citer que l’exemple de l’Algérie qui est le postulat de la plupart de ces réflexions.

            L’auteur cite le cas de Boudiaf, un des principaux fondateurs du FLN, lequel revenu d’exil dans son pays en 1992, était inconnu des jeunes Algériens : « Les jeunes Algériens ne connaissaient même pas son nom » (p.60).

            Quant au propos tenu sur Madagascar, pays avec lequel j’entretiens des relations particulières, « Dans cette ancienne colonie française, les milliers de morts des massacres de 1947 restent dans toutes les mémoires »

            Je ne suis pas le seul  à dire que la repentance de Chirac, lors de son voyage de   2005,  est tombée à plat, parce que ce passé est méconnu des jeunes générations, un propos complètement faux.

            L’auteur de ces lignes est-il en mesure de justifier son propos ?

            Les Malgaches ne connaissent pas mieux leur passé colonial que les Français, car pour ces derniers, ce n’est pas l’enquête de Toulouse, faite en 2003, par le collectif de chercheurs évoqué plus haut, qui peut le démontrer. Cette enquête va clairement dans un tout autre sens, celui de la plus grande confusion qui règne actuellement sur tout ce qui touche le passé colonial, la mémoire, et l’histoire coloniale elle-même, et la réduction de cette histoire à celle de l’Algérie. Cette enquête révélait en effet l’importance capitale de la guerre d’Algérie dans la mémoire urbaine de Toulouse et de son agglomération.

            Et ce constat avait au moins le mérite de corroborer deux des observations de l’auteur, celle relative à « l’immigration maghrébine » qui « renvoie à l’histoire coloniale », et l’autre quant à l’importance de la guerre d’Algérie dans cette « guerre des mémoires » : « Mais, c’est la guerre d’Algérie, qui est le nœud gordien de tous les retours forts de mémoire de ces dernières années. » (p.50)

            L’obsession de l’Algérie

            Et c’est sur ce point que le malaise est le plus grand, car comment ne pas voir, que pour des raisons par ailleurs très estimables, l’auteur de ces lignes a l’obsession de l’histoire de l’Algérie, et qu’il a tendance à analyser les phénomènes décrits avec le filtre de l’Algérie, son histoire familiale aussi, à Constantine, pour ne pas dire la loupe, avec toujours en arrière- plan, le Maghreb.

            Le tiers des pages de ce livre se rapporte à l’Algérie, et beaucoup plus encore dans l’orientation des réflexions qui y sont contenues. Les autres situations coloniales ne sont évoquées qu’incidemment, alors que l’histoire coloniale n’est pas seulement celle de l’Algérie, quelle que soit aujourd’hui l’importance capitale de ce dossier.

            Un mot sur la mémoire ou les mémoires de l’Algérie et de la guerre d’Algérie. Pour en avoir été un des acteurs de terrain, je puis témoigner qu’il est très difficile d’avoir une image cohérente et représentative de la guerre d’Algérie vécue par le contingent. Chaque soldat, chaque sous-officier, et chaque officier, a fait une guerre différente selon les périodes, les secteurs, les postes militaires occupés, et les commandements effectifs à leurs différents niveaux (sous quartiers, quartiers, secteurs, et régions).

          Si beaucoup d’anciens soldats du contingent ont écrit leurs souvenirs, peu par rapport à leur nombre, mon appartenance à ce milieu me conduit à penser que beaucoup d’entre eux se réfugient toujours dans le silence, mais pas obligatoirement pour la raison qu’ils auraient commis des saloperies, ou assisté à des saloperies. Un silence qui pourrait s’expliquer par un fossé immense d’incompréhension entre leur vécu, l’attitude des autorités d’hier ou d’aujourd’hui, et celle du peuple français

            M.Rotman a parlé de guerre sans nom. Je dirais plus volontiers, guerre de l’absenceabsence d’ennemi connu, absence du peuple dans cette guerre, sauf par le biais du contingent qui, à la fin de ce conflit, s’est trouvé tout naturellement en pleine communauté de pensée avec le cessez le feu du 19 mars 1962. Et c’est sans doute le sens profond de sa revendication mémorielle.

            Pour la grande majorité des appelés, l’Algérie n’était pas la France.

            Les appelés ne savent toujours pas, pour ceux qui sont encore vivants, quelle guerre on leur a fait faire : guerre de l’absence et du silence, et le remue-ménage qui agite en permanence, à ce sujet, certains milieux politiques ou intellectuels leur est étranger.

            Il convient de noter que pour un acteur de ce conflit, ou pour un chercheur marqué dans sa chair et dans son âme par celui-ci, c’est un immense défi à relever que de vouloir en faire l’histoire.

            Et sur au moins un des points évoqués dans le livre, je partage le constat qu’il fait sur l’effet des lois d’amnistie « personne ne se retrouvera devant un tribunal » (p.18), et personnellement je regrette qu’il en soit ainsi, parce qu’il s’agit là d’une des causes du silence du contingent, et de cette conscience d’une guerre de l’absence. A quoi servirait-il de dénoncer des exactions injustifiables si leurs responsables, c’est-à-dire les salauds inexcusables n’encourent  aucune poursuite judiciaire ? Cette amnistie n’a pas rendu service à la France que j’aime et à son histoire.

            Le métier d’historien

            Ma position de lecteur, amateur d’histoire, assez bon connaisseur de notre histoire coloniale, me donne au moins la liberté de dire et d’écrire ce que je pense des livres qui ont l’ambition de relater ce pan de notre histoire.

            Ce passage permanent de la mémoire à l’histoire  et inversement, est très troublant, sans que l’intelligence critique y trouve souvent son compte! Et beaucoup d’affirmations ne convainquent pas !

            Est-il possible d’affirmer, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale et sa composition : « C’est d’ailleurs une photographie assez fidèle de cette génération qui a fait la guerre d’Algérie ou qui a été confrontée à elle. »

            Une analyse existe-t-elle à ce sujet ? Et si oui, serait-elle représentative de l’opinion du peuple français à date déterminée ?

            Tout est dans la deuxième partie de la phrase et le participe passé « confrontée »qui permet de tout dire, sans en apporter la preuve.

            La mise en doute du résultat des recherches qui ont été effectuées sur l’enrichissement de la métropole par les colonies : mais de quelle période parle l’auteur et de quelle colonie ? (p.20)

            L’affirmation d’après laquelle la fin de l’apartheid aurait été le  « coup d’envoi » mémoriel mondial (p.41) : à partir de quelles analyses sérieuses ?

            L’assimilation de l’histoire coloniale à celle de Vichy, longtemps frappée du même oubli. (p.21,50, 96).  Non, les situations ne sont pas du tout les mêmes !

            Et ce flottement verbal et intellectuel entre mémoire et histoire, une mémoire partagée ou une histoire partagée ? (p.61,62, 63). Outre la question de savoir si une histoire peut être partagée.

             Et pour mettre fin à la guerre des mémoires, un appel à la reconnaissance et à la réparation (p.93), ou en d’autres termes, à la repentance, que l’historien récuse dans des termes peu clairs dans les pages précédentes (p.34), une récusation partielle répétée plus loin (p.95).

            Et d’affirmer qu’il est un historien engagé (p.88) et d’appeler en témoignage la tradition dans laquelle il inscrit ses travaux, celle des grands anciens que sont Michelet, Vidal-Naquet et Vernant. Pourquoi pas ? Mais il semble difficile de mettre sur le même plan périodes de recherche et histoires professionnelles et personnelles des personnes citées.

            Le lecteur aura donc compris, en tout cas je l’espère, pourquoi le petit livre en question pose en définitive autant de questions sur l’historien et sur l’histoire coloniale que sur les mémoires blessées ou bafouées qui auraient été transmises par je ne sais quelle génération spontanée aux populations immigrées, issues des anciennes colonies.

            Pourquoi refuser de tester la validité « scientifique », et en tout cas statistique, de ce type de théorie historique ?

            Nous formons le vœu qu’une enquête complète et sérieuse soit menée par la puissance publique sur ces questions de mémoire et d’histoire, afin d’examiner, cas par cas, l’existence ou l’absence de clichés, des fameux stéréotypes qui ont la faveur de certains chercheurs qui s’adonnent volontiers à Freud ou à Jung, la connaissance ou l’ignorance de l’histoire des colonies, et donc de mesurer le bien fondé, ou non, des thèses mémorielles et historiques auxquelles l’historien a fait largement écho.

            Alors, histoire ou mémoire ?

            La nouvelle ère des historiens entrepreneurs

             L’histoire est-elle entrée dans un nouvel âge, celui de « l’Historien entrepreneur » selon l’expression déconcertante de Mme Coquery-Vidrovitch (Etudes coloniales du 27/04/07), ou celui de l’histoire devenue « bien culturel » selon l’expression de l’auteur ? Mais en fin de compte, sommes-nous toujours dans l’histoire ?

            Et à ce propos, nous conclurons par deux citations de Marc Bloch, évoquant dans un cas Michelet et ses  hallucinatoires résurrections, et dans un autre cas,  le piège des sciences humaines :

            «  Le grand piège des sciences humaines, ce qui longtemps les a empêchées d’être des sciences, c’est précisément que l’objet de leurs études nous touche de si près, que nous avons peine à imposer silence au frémissement de nos fibres. » (Fustel de Coulanges-1930)

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés – le 11 novembre 2007          

Le ça colonial ! L’inconscient collectif ! Supercherie coloniale, chapitre 9

Comme annoncé dans ma chronique sur « Le fer à repasser colonial ou postcolonial », le lecteur trouvera ci-après le texte intégral du chapitre 9 que j’avais publié dans le livre « Supercherie coloniale »

Chapitre 9

Le ça colonial ! L’inconscient collectif !

Freud au cœur de l’histoire coloniale

Avec l’Algérie, l’Alpha et l’Omega de la même histoire coloniale !

            Il est tout à fait étrange de voir des historiens, normalement adeptes du doute, de la méthode scientifique de reconnaissance des faits, des dates, des preuves, s’adonner, ou s’abandonner aux délices, ou aux délires, de l’inconscient, le ça du célèbre docteur Freud.

            Car les chiens de l’inconscient ont été lâchés dans l’histoire coloniale !

            Nous sommes arrivés presque au terme de l’analyse et de la contestation du discours de ce collectif de chercheurs et nous espérons que le lecteur aura eu le courage d’en suivre les péripéties au fil des chapitres qui avaient l’ambition d’examiner, un par un, les grands supports d’une culture coloniale posée comme postulat, et d’apprécier le bien fondé de la démonstration historique qui leur était proposée. Au risque d’avoir très souvent éprouvé une grande perplexité devant le flot des mots, des approximations, et des sentences historiques

            Notre conclusion est que cette démonstration n’a pas été faite, et reste éventuellement à faire. Ce n’est pas en invoquant à tout bout de champ le refoulement, les stéréotypes, l’imaginaire et l’inconscient collectif, les imprégnations, les schèmes, les fantasmes, les traces et les réminiscences, et bien sûr l’impensé, que leur discours trouve un véritable fondement scientifique.

            L’inconscient collectif est incontestablement un concept à la mode, avec d’autant plus de succès que personne ne sait exactement ce que c’est !

            Il est vrai qu’au Colloque de janvier 1993, sur le thème Images et Colonies, l’historienne Coquery-Vidrovitch avait fait une communication intitulée Apogée et crise coloniales et fait remarquer que pour des raisons personnelles, elle n’avait pas eu envie de venir à ce colloque, indiquant : « Pour comprendre un réflexe de ce type, il faut faire la psychanalyse de l’historien » (C/30).

Confidence d’une historienne confirmée confrontée par son passé à ce type de question.

            Nous proposons donc au lecteur de faire un voyage initiatique dans le labyrinthe du nouveau Minotaure colonialen quête d’un des dieux de l’Olympe ou de Delphes, d’un papa Lemba du culte Vaudou, ou encore d’une nouvelle pierre philosophale de l’histoire, qui va transformer l’inconscient collectif en histoire. Et pour ce faire, et pour doper sa quête de l’inconscient colonial, qu’il n’hésite donc pas à faire appel aux racines hallucinatoires de l’iboga gabonaise.

            Ou encore à s’immerger dans le grand secret des familles coloniales, théorie psychologique et psychanalytique à la mode, puisqu’au même colloque, un historien distingué n’a pas hésité à appeler la génétique à l’aide de sa démonstration.

            On voit déjà que certains historiens, chevronnés et réputés, avaient ouvert une belle boite de Pandore au profit de jeunes chercheurs, sans doute émoustillés par la nouveauté, comme par du champagne, et à l’affût de trésors éditoriaux.

            Le discours du collectif de chercheurs sur le ça colonial.

            L’ensemble des livres rédigés par le collectif de chercheurs fait constamment appel à l’inconscient.

            Dans le livre Culture coloniale, et dès l’introduction, les auteurs écrivent : « comment les Français sont devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper. Non pas coloniaux au sens d’acteurs de la colonisation ou de fervents soutiens du colonialisme, mais coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel. »(CC/8)

            « L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur en ancrant profondément dans les consciences la certitude de la supériorité du système colonial français… le bain colonial… »(CC/13)

            « Une culture au sens d’une imprégnation populaire et large. …une culture invisible. » (CC/15,16)

            « La colonisation « outre-mer » n’est donc pas en rupture avec le passé, elle s’inscrit au contraire dans un continuum consubstantiel à la construction de la nation française, puis par héritage, à la république. « (CC/25,26)

            Après la fameuse et grande exposition de 1931 :

             « La France semble s’être imprégnée alors en profondeur de l’idée coloniale et de cette puissance retrouvée grâce à l’empire » (CC/36)

            Le lecteur aura pu se rendre compte, notamment dans le chapitre consacré aux expositions coloniales, de la réalité de cette imprégnation, partie rapidement en fumée.

            « Les conquêtes coloniales sont un des ciments de la société française en ce sens qu’elles renforcent, légitiment et alimentent le régime dans sa dynamique interne. »(CC/39)

            « Une culture coloniale encore rémanente plus de quarante après les indépendances dans la France du XXIème siècle. » (CC/91)

            « Le discours fut véhiculé par des médias touchant des millions d’individus, permettant de répandre et d’enraciner le mythe d’une colonisation « bienfaisante et bienfaitrice » et surtout légitime, dans l’inconscient collectif. » (CC/143)

            « Dans le cadre d’une société française totalement imbibée de schèmes coloniaux. »(CC/160)

            Le livre suivant, Culture impériale (1931-1961), développe le même type d’explication.

            « Pour la grande majorité des Français de cette fin des années 1950, imbibés consciemment ou pas de culture impériale, le domaine colonial est effectivement une utopie parfaite. » (CI/26)

            Alors que nous avons vu qu’il en était très différemment dans le résultat des sondages d’opinion publique.

            « Ces éléments marquent sans aucun doute l’importance qu’a prise peu à peu l’Empire dans les consciences tout autant que dans l’inconscient français. » (CI/54)

            Sa force réelle (la propagande) réside alors dans la constitution véritable d’une culture impériale sans que les français en soient forcément pleinement conscients. C’est tout le succès de la propagande coloniale au cours de ces années qui parvient à banaliser le thème colonial. C’est bien le concept de colonisation « modérée » qui fut ancré par ce biais dans les esprits. (CI/57)

            Et pour couronner le tout des citations, et à propos des effets du scoutisme sur l’inconscient colonial des Français :

            « L’étude de ces deux médiations  singulières (qu’ont été l’école et l’action extrascolaire) permet, d’une part, de rendre compte de la complexité et de la profondeur de l’éducation à la chose coloniale à laquelle a été soumise la jeunesse durant l’entre-deux guerres ; d’autre part, d’approfondir la compréhension du jeu subtil qui s’instaure entre l’ordre de la transmission raisonnée des connaissances (dans l’institution scolaire), et celui de l’incorporation inconsciente des valeurs –(au sein des mouvements de jeunesse issus du scoutisme). »(CI/93,94)

            Cher lecteur, pour rien au monde, je n’aurais voulu vous priver de cette belle citation ! Car elle valait le détour littéraire ! Elle mériterait de figurer dans un livre des records de bêtise intellectuelle !

            Le livre La République coloniale s’inscrit dans la même démarche de pensée :

« Il existerait un impensé dans la République (RC/III). Notre rapport à l’Autre serait travaillé par le colonial (RC/21)

            « Nous avons donc choisi de revenir à l’héritage, de comprendre comment se construit la généalogie moderne de la république, et comment cette généalogie lie en profondeur lie l’héritage républicain à la dimension coloniale. » (RC/40)

            « Ces éléments nous conduisent à établir une généalogie républicaine de l’intrication national/colonial. »(RC/103)

            « La France s’est imprégnée en profondeur de l’idée coloniale (RC/108)…Lorsque l’on veut comprendre la profondeur de l’imprégnation sociale du colonial en France. » (RC/117)

            « Long serait le florilège de ce qui, dans les discours, poursuit de façon souterraine des régimes d’énonciation structurés durant la période coloniale. »(RC/144)

            « Car la France continue de se voir à travers l’impensé colonial. » (RC/150)

            « L’omniprésence souterraine de ce passé. »(RC/160)

            Alors un bon conseil : chers historiens ! Il vous faut aller consulter les psy !

            Le livre suivant, La Fracture coloniale, ne fait pas non plus dans le détail à ce sujet.

            Dans l’introduction, signée Bancel, Blanchard, Lemaire, les trois animateurs du collectif de chercheurs que nous incriminons, ils écrivent :

            « Une littérature récente a d’ailleurs montré que la colonisation a imprégné en profondeur les sociétés des métropoles colonisatrices, à la fois dans la culture populaire et savant (ce que l’on nommera ici une culture coloniale), dans les discours et la culture politique, le droit ou les formes de gouvernance. Il est par ailleurs légitime d’excéder les chronologies politiques qui rythment notre appréhension de la période coloniale : il serait trop simple de croire que les effets de la colonisation ont pu être abolis en 1962, après la fin de la guerre d’Algérie marquant celle de l’Empire français. Dans tous les domaines que l’on vient d’évoquer – représentations de l’Autre, culture politique, relations intercommunautaires, relations internationales, politique d’immigration, imaginaire …- ces effets se font toujours sentir aujourd’hui. » (FC/13,14)

            Le problème est que les trois auteurs renvoient dans la note 15, évidemment à leurs livres, c’est-à-dire ceux qui ont fait l’objet de notre analyse critique.

            Comment appeler en bonne logique ce type de raisonnement, sinon un cercle vicieux. ?

            Plus loin, les historiens Bancel et Blanchard écrivent :

            « Incontestablement, la République a contribué à forger politiquement les archétypes relatifs aux populations coloniales, en légitimant sur la longue durée leur subordination – le Code de l’indigénat étant la plus évidente expression de cette domination légalisée sous cette forme à partir de 1881 –selon un principe originellement racial, jusqu’à inventer culturellement l’ « homme/non homme » et le « citoyen/non citoyen » qu’est l’indigène. (FC/41)

            Est-ce que ces deux historiens croient et peuvent apporter la preuve historique que les Français, mis à part quelques spécialistes et une minorité de Français expatriés, aient jamais connu l’existence  du fameux code ?

            Mais le pire est encore à venir, lorsqu’on lit que « la mesure des discriminations et des vexations qu’ils subissent se trouve dans leur corps, que les réminiscences restent palpables, et que le déni du droit et les discriminations qu’ils subissent comme la persistance d’une figure de l’indigène logée dans leur corps. » (FC/200)

            Une histoire donc en mal d’exorcisme ou de recette fétichiste capable de faire sortir du corps le mauvais esprit !

            Le même auteur, sociologue, n’hésite pas à écrire que les femmes indigènes ont eu à subir une double oppression qui ne fut jamais dénoncée, et que l’érotisation et la prédation sexuelle accompagnèrent toute l’histoire coloniale, en ce qui concerne les deux sexes pour faire bonne mesure. (FC/202) Est-ce que cet auteur a jamais fréquenté des récits d’explorateurs, pas uniquement colonialistes, ou des analyses des sociétés et des cultures africaines rencontrées ?

            Je renverrais volontiers l’auteur à la réflexion du début, celle de l’historienne Coquery-Vidrovitch quant à l’opportunité, dans le cas présent, d’une psychanalyse, et à une invitation à mieux connaître la condition de la femme dans certaines cultures maghrébines ou africaines.

            Mais le pire est encore à venir dans un propos d’un jeune de banlieue, rapporté par un autre sociologue :

« Quand j’étais dans les couilles de mon père, j’entendais déjà ces mots. « (FC/215) C’est-à-dire les mots de République, citoyen ou intégration.

            Comme quoi, la généalogie coloniale fonctionne effectivement !

Les sources historiques du ça colonial

            Et pour cela, il nous faut revenir au fameux Colloque de janvier 1993 dont le thème était Images et ColoniesCe colloque savant a ouvert la boite de Pandore du ça colonial, ainsi que celle des envolées éditoriales que nous connaissons.

            Le ton est donné dès l’introduction aux Actes de ce colloque (Blanchard et Chatelier) :

            « Ce qui frappe, après un période de refoulement du passé colonial, c’est le retour ces dernières années à l’exotisme. » (C/11)

            « Mais surtout, il faut maintenant exploiter les images, non comme simple illustration de la période coloniale, mais bien comme une représentation. Car l’image est, comme il a été montré au cours du colloque, un élément important de la diffusion de l’idéologie coloniale en France au XXème siècle. Elle fut l’allié puissant du colonialisme…Aujourd’hui encore elle est présente, comme par exemple dans le numéro spécial de mars 1993 « Faut-il avoir peur des Noirs ? » de la revue Max…

            Ces représentations, véhiculées par une multitude de supports, se sont immiscées tant dans la vie quotidienne que dans la vie publique. Leurs influences nous semblent prépondérantes, puisque la grande majorité des Français n’a connu le fait colonial et le colonisé que par le prisme déformant de ces images. » (C/12)

            « Cette multiplication d’images coloniales et la variété de leurs supports, évoquent un véritable bain colonial. » (C/14)

            « Il semble que ces images soient devenues des « réalités » pour une majorité de Français, qui ne se doutent pas de leur véracité. » (C/15)

            La synthèse de la partie Mythes, Réalités et Discours, reprend brièvement les évocations et invocations d’un inconscient auxquelles se sont livrés quelques uns des hommes et femmes de science participant à ce colloque.

            Tout d’abord celle déjà citée de l’historienne Coquery-Vidrovitch. Dans sa communication Apogée et crise coloniale, elle déclare :

            « C’est d’ailleurs pourquoi je ne présenterai pas d’images. Comment s’est constituée cette collection d’images, souvent très belles, qui n’en sont pas moins des stéréotypes qui ont marqué de leurs préjugés l’imaginaire français ? » (C/27)

            A propos de l’exposition de 1931 :

            « Il s’agit de la naissance volontaire et inconsciente mais définitive de stéréotypes coloniaux qui sont construits et systématisés. » (C/29)

            Et d’évoquer le rôle du Petit Lavisse et d’écrire : « Cette iconographie a eu la vie longue, et combien d’adultes d’aujourd’hui la portent-ils encore en eux. » (C/30)

            Est-ce qu’à part son cas personnel, l’historienne a apporté la moindre preuve de ce propos ? Non ! Alors que cette historienne s’est illustrée, tout au long de sa carrière, par des travaux historiques très sérieux, en apportant une contribution importante à l’historiographie coloniale française.

            « Auraient-elles disparu d’ailleurs, les images n’en demeurent pas moins dans les esprits qu’elles ont contribué à façonner. » (C/31)

            « Les images vont nous apprendre énormément sur l’idéologie coloniale française, mais peut être plus encore sur l’image que nous portons, consciemment ou inconsciemment, en nous. »

            L’historienne Rey-Goldzeiger, (Aux origines de la guerre d’Algérie-2002 – Le Royaume Arabe- Politique algérienne de Napoléon III-1977) écrivait :

            « A partir de 1918 l’image du Maghrébin et du pays se modifie et va définitivement amener les stéréotypes maghrébins dans le conscient et plus grave, dans l’inconscient collectif. Pourquoi et comment ? » (C/37)

            Et dans le passage l’Impact de l’image, l’historienne de noter que :

             « L’étude en est beaucoup plus difficile et demande une recherche méthodologique nouvelle. Car la perception ne suffit pas pour faire entrer l’image dans le champ du conscient et de l’inconscient de ceux à qui elle est destinée. »

            Et de philosopher sur le déroulement du temps à propos de l’intrusion de plus en plus prégnante de l’image dans le domaine idéologique :

            « Les événements vont vite dans le temps court cher à Braudel, la conscience est plus lente et se situe dans le temps moyen ; quant à l’inconscient, il suit le temps long. Entre ces trois temps, il y a décalages. »(C/38)

            Les temps longs de l’histoire relèvent-ils du domaine de l’inconscient ? Est-ce qu’il ne faut pas manifester une certaine inconscience pour énoncer ce type de propositions ? S’agit-il d’histoire, de littérature, de psychologie, de psychanalyse, ou encore de philosophie ?

            Et de rattacher ses réflexions à la guerre d’Algérie, et à la difficulté que la France a rencontrée pour aboutir à une paix négociée en raison d’un décalage : « Question de décalage de temps ! »(C/38)

            Ou tout simplement en raison du décalage qui a toujours existé entre les ambitions de la France officielle, celle des pouvoirs établis, obnubilés de grandeur, toujours la grandeur, et toujours l’aveuglement, et celles du peuple français.

            Et plus loin : « Aussi l’image se fait vie et va alimenter jusqu’à l’inconscient qui s’appuie sur une symbolique de virilité, de chasse, et d’érotisme. »(C/39)

            « En quelques années, la conscience française, ainsi préparée est capable de percevoir l’image de la colonisation française, miracle qui a créé le Maghreb et le Maghrébin, d’intégrer à sa conscience la notion de supériorité de la civilisation française qui fait le bonheur des autres, de faire passer dans l’inconscient toute la puissance des mythes, qui bloque les actions rationnelles pour donner l’avantage à la passion. » (C/40)

            J’avoue que je n’avais jamais trouvé, jusque là, une explication du drame algérien par le rôle de l’inconscient colonial. Et d’expérience concrète de la guerre d’Algérie, j’ai souvent rencontré des soldats du contingent qui répugnaient, en toute conscience, à faire la guerre que la France officielle, celle des pouvoirs constitués légitimes, leur faisait faire, et qui n’était ni la leur, ni en définitive celle du peuple français. A l’expérience de leur épreuve, l’Algérie française n’était qu’un mythe, le contraire de celui que diffusait la propagande, mais malheureusement, il y vivait plus d’un million de Français.

            Continuons l’inventaire avec la communication de l’historien Meynier.

            Le titre de sa contribution a le mérite de la clarté en affichant : Volonté de propagande ou inconscient affiché ? Images et imaginaires coloniaux français dans l’entre-deux-guerres

            L’historien établit un constat qui ne va pas dans le sens des analyses de notre collectif, comme nous l’avons déjà noté, mais il pose la question :

            « Compte tenu de ce constat et des images officielles propagées, comment réagissent les Français ? Quels sont les référents inconscients qui se trouvent à l’arrière-plan lorsque l’on évoque les colonies

            Imaginaire colonial et inconscient colonial

            Inconscient français et mythes coloniaux : salvation et sécurisation. » (C/45)

            L’auteur n’hésite pas à rapprocher le mythe de Jeanne d’Arc à celui de Lyautey, ce qui est plutôt très hardi.

            Et dans sa conclusion :

            « Le Centenaire de l’Algérie française et l’Exposition coloniale de Vincennes confortent les stéréotypes que le discours savant lui-même avalise et pérennise. Le drame est que ces images des colonies, répondant prioritairement à un inconscient français prioritairement hexagonal, sont émises au moment même des prodromes de la « décolonisation ».

            Quoiqu’il en soit, l’imaginaire même de la France coloniale et impériale ramène d’abord au pré carré français et doit très peu au grand large. » (C/48)

            Alors cher lecteur, si on y trouve les concepts de stéréotypes, d’inconscient français et d’imaginaire, incursion scientifique plutôt surprenante de la part de l’historien, elle concerne beaucoup plus l’inconscient français, prioritairement hexagonal,  que l’inconscient colonial.

            Les conclusions de ce colloque étaient ambiguës, et ne pouvaient éviter de l’être, compte tenu de l’impasse faite sur les questions préalables de méthode, sur lesquelles nous reviendrons dans les conclusions.

            Il faut avancer dans la maîtrise de la méthodologie de lecture de l’image, qui est à la fois représentation figurative et forme de discours. D’une manière générale, peu d’historiens ont écrit sur les méthodes d’analyse et d’interprétation de l’image. Comme l’a montré Jean Devisse, il reste énormément à faire : ouvrir le chantier de la méthode mais également celui de la constitution d’un corpus. » (C/148)

            On peut effectivement se poser la question de la validité scientifique du corpus, car nous avons vu que son élaboration souffrait d’une grave carence d’évaluation quantitative  et qualitative, mais aussi de la capacité de la discipline historique à interpréter une image historique, sans faire appel au sémiologue.

            Ce qui n’empêcha pas les auteurs de la conclusion d’écrire :

            « La réflexion entamée  par ce colloque a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Elle doit donc se poursuivre par un débat international dont l’objectif n’est rien moins que, aussi bien dans l’Europe colonisatrice que dans ses anciennes colonies, la déconstruction d’un imaginaire que ces images, pendant des décennies, ont contribué à édifier. « (C/148)

            Il faut donc tout à la fois, ouvrir le chantier de la méthode, mais aussi chercher à déconstruire l’imaginaire édifié pendant des décennies !

            Tout cela est-il bien sérieux ?

            Le collectif de chercheurs dont nous avons dénoncé le discours s’est engouffré dans les voies obscures de l’inconscient collectif encensé par des historiens confirmés et aussi dans celles d’une célébrité médiatique provisoire.

            Il est tout de même difficile de fonder une interprétation de notre histoire coloniale, pour le passé et pour le présent de la France, sur le fameux ça, avec en arrière-plan l’obsession permanente de l’Algérie.

            Comment laisser croire aux Français qu’ils sont imbibés de culture coloniale, alors qu’elle leur a été étrangère, même au temps béni des colonies ?

                        L’analyse critique

            Je me demande s’il ne faut pas parler de constat plutôt que d’analyse, à partir du moment où l’objet de la connaissance historique se dérobe, pour se réfugier dans un inconscient jamais défini, et sans doute indéfinissable.

            Des historiens s’intéressent donc à l’imaginaire, pourquoi pas ?

            L’inconscient collectif du docteur Jung ? Pourquoi pas ? Alors que le docteur Jung avait déjà bien du mal à définir ce nouveau concept, structures héritées du cerveau, mais plus en termes de capacité à penser, à réagir, qu’en termes de transmission elle-même d’images, de stéréotypes, mais je ne veux pas m’avancer plus loin sur ce terrain des spécialistes qui ne sont d’ailleurs pas d’accord entre eux.

            Lorsque les historiens invoquent l’inconscient collectif, les stéréotypes, les archétypes, il conviendrait qu’ils définissent ces termes, leur contenu, leur champ d’application, et qu’ils nous expliquent par quel processus de pensée et de raisonnement ils sont arrivés à cette conclusion, ce qui n’est pas le cas.

             Il conviendrait de l’explorer et le définir avec un minimum de prudence scientifique, et avec une méthode éprouvée, qui ne parait pas avoir été trouvée.

.

            Les travaux effectués par l’historien Ageron sur les sondages de l’opinion publique montrent incontestablement la voie à ce sujet, et il ne suffit pas, pour énoncer un discours convaincant sur l’imaginaire colonial des Français d’adosser une réflexion historique sur une psyché personnelle, ou un inconscient individuel.

            Il est possible de nos jours, les outils de la connaissance existent, d’identifier et de dépeindre l’imaginaire moderne des Français. Encore faut-il s’en donner les moyens, et dépasser le stade artisanal de l’étude de Toulouse ! On serait peut-être surpris par les résultats d’une étude scientifique sérieuse.

            Quant à l’imaginaire du passé, celui postérieur à la première guerre mondiale de 1914-1918, ou à la deuxième guerre mondiale, qui peut avancer des hypothèses sérieuses ?

            Je fais partie d’une génération qui aurait été marquée par le Petit Lavisse, par la propagande coloniale de Vichy, puis par celle que le collectif de ces chercheurs qualifie d’impériale. J’ai eu beau creuser dans ma mémoire, je n’y rien trouvé de tout cela, mais j’avoue que je n’ai jamais été confessé sur un divan.

             Ma mémoire a été marquée par l’exode sur les routes, puis l’occupation allemande, et toute ma famille originaire de l’est a entretenu un imaginaire anti-allemand, avec la succession des guerres,  celle de 1870, la première guerre mondiale de 1914-1918, avec nos blessés et nos morts, puis la deuxième guerre mondiale, et dans la foulée, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, la menace de l’empire soviétique, à quelques marches de notre province. L’insurrection malgache de 1947 et la guerre d’Indochine appartenaient à une autre planète.

            Un imaginaire colonial réduit donc à sa plus simple expression, qui aurait explosé avec la guerre d’Algérie ? Mais est-ce qu’il est possible de réduire l’imaginaire colonial à l’Algérie ?

            Comment l’historien va-t-il procéder pour démêler tous ces imaginaires dans une chronologie déterminée, soupeser l’un et l’autre, souvent confondus, ou oubliés, tout en se gardant de tout regard anachronique, le plus grand danger de ce type d’exercice ?

            L’historien fera mieux que le psychanalyste de l’inconscient collectif ?

            Et pour que le lecteur comprenne bien notre propos, parce que ces chercheurs abritent leurs concepts sous l’ombrelle de la psychanalyse, il n’est pas superflu de rappeler quelques notions de la théorie freudienne sur le rêve et le fonctionnement de l’inconscient.

            L’inconscient, cette zone du cerveau toujours obscure- mais gît-elle vraiment dans le cerveau ?- serait à la racine de tous les phénomènes psychiques, l’inconscient des profondeurs psychiques, insondables, c’est-à-dire le ça, puis le moi avec son monde extérieur, et enfin le surmoi social. Le ça n’est jamais très loin de la libido, de la sexualité, une des clés centrales de la théorie de Freud, avec son refoulement, cause de toutes sortes de traumatisme psychique.

            Comme nous avons eu l’occasion de le constater, à la lecture de certains travaux, sur les cartes postales ou les affiches,  on n’est jamais loin de cette fameuse libido.

            Le ça est inaccessible à la conscience, et il n’est possible de le voir qu’à travers le rêve ou de symptômes, le rêve étant la voie royale d’accès à l’inconscient.

            On peut donc imaginer la difficulté que peut rencontrer un historien pour explorer l’inconscient collectif du peuple français, alors que le psychanalyste est déjà obligé de ruser avec la psyché individuelle pour apercevoir des lueurs du ça individuel, à travers les rêves.   Existerait-il des rêves coloniaux, des actes manqués, susceptibles d’être auscultés et interprétés ? Que le collectif de nos chercheurs aurait omis de nous décrire ?

            Le ça est le plus souvent une zone obscure et on ne risque pas grand-chose à mettre les historiens au défi de nous décrypter nos rêves coloniaux, s’il en existe ? A quelle catégorie de rêves faudra-t-il les rattacher ? Celles du chapeau, symbole de l’homme, ou de la castration ? Celles de l’escalier, ou de Bismarck ? Ou enfin celle du rêve absurde ?

            Ou de celles, toutes nouvelles, issues de leur créativité fantasmatique, de la fatma mauresque dévoilée ou du cannibale blanc enfin démasqué ?

            Alors, et compte tenu de tous les aléas rencontrés par l’interprétation psychanalytique, déjà considérables pour l’analyse individuelle, comment est-il possible d’avancer des explications historiques relevant de l’impensé, de l’inconscient, du refoulement ?

            Non, ce n’est tout simplement pas sérieux !

            Nous avons choisi pour titre La supercherie coloniale, mais Le rêve colonial aurait été aussi un bon titre. Il aurait fait l’affaire. Pourquoi ne pas proposer à ce collectif de chercheurs de se livrer à des exercices individuels et collectifs d’interprétation psychanalytique de leurs rêves coloniaux ?

            En ce qui nous concerne, nous renonçons à cette ambition impossible, puisqu’il  conviendrait aussi d’explorer l’inconscient de nos parents et de nos grands parents, morts.

            S’agit-il du racisme actuel des Français, réel ou supposé, de la domination coloniale française passée, ou tout simplement de la fameuse libido ? L’importance accordée aux cartes postales des mauresques nues, au thème de l’érotisme colonial, pourrait le laisser croire.

             Il n’est qu’à consulter les quelques pages que l’Illusion Coloniale consacre aux femmes pour s’en convaincre (IL/128 et suivantes), en concentrant l’attention sur la nudité, les Mauresques, mais en ignorant tout de la nudité noire, fréquente dans beaucoup de sociétés africaines des 19ème et 20ème siècles, en même temps que de sa condition habillée, et beaucoup plus mélangée entre le nu et l’habillé à Madagascar et en Indochine. Dans ces deux pays, les situations  étaient géographiquement inversées, nudité sur le côtes et vêtement sur les plateaux dans la grande île, et nudité dans les hautes terres et vêtement dans les plaines en Indochine.

            Pour illustrer le propos, on n’hésite d’ailleurs pas à joindre, de façon tout à fait anachronique, une affiche d’un film américain daté de 1953 !

            Inconscient collectif des Français aux différentes époques coloniales ou inconscient collectif des Français des années 2000 ? Inconscient des peuples anciennement colonisés ou inconscient des descendants des mêmes peuples dans leur pays ou en métropole ?

            Ou plus simplement inconscient caché de ces chercheurs ?

            Tout cela est on ne peut plus embrouillé, et à cet égard la fameuse enquête de Toulouse entretient la plus grande confusion, car ses auteurs ont déclaré eux-mêmes que l’Algérie en était ressortie comme un de ses thèmes obsessionnels. Alors que la guerre d’Algérie se situe dans la période de décolonisation.

            Depuis le Colloque de janvier 1993, au cours duquel le ça colonial a fait une très étrange apparition, les chercheurs n’ont pas beaucoup progressé, sinon pas du tout, dans l’élucidation du ça colonial, ou du ça de l’Algérie, ou du ça de la France.

            Alors faudra-t-il recourir au ministère du prêtre exorciste pour faire sortir le diable colonial de notre corps, ou aux services de sorciers fétichistes pour extraire les mauvais esprits du colonialisme de notre corps et de notre tête ?

            Le ça comme fétiche ?

            Je conclurais volontiers ce chapitre en rappelant que l’historien Ki-Zerbo reprochait au grand historien colonial que fut Henri Brunschwig d’être un fétichiste de l’écriture, par opposition à la tradition orale. Cette nouvelle école de chercheurs a abandonné les rives de l’écriture ou de la tradition orale, pour nous proposer celles du fétichisme de l’inconscient, le ça colonial.

            Avec l’excuse de s’être fait ouvrir la porte de l’inconscient collectif colonial au Colloque de 1993 par l’entremise d’historiens reconnus pour le sérieux de leurs travaux.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Chapitre tiré de mon livre « Supercherie coloniale » (2008)

Publications du premier semestre 2016

Projet de publication au cours du premier semestre 2016

Tout d’abord merci à mes lecteurs et lectrices de l’année 2015, soit 3 452 visites, avec pour celles les plus importantes, et identifiées, 587 sur le thème des empires coloniaux, et 404 sur le thème de l’Algérie
Bonne année 2016

         En premier lieu, et comme annoncé, le texte du chapitre 9, tiré de mon livre « Supercherie coloniale », dont l’intitulé est « Le ça colonial ! L’inconscient collectif » (page 229 à 244) introduit sous le titre « Le fer à repasser » colonial ? Pourquoi pas ?

            En deuxième lieu, le texte sur la mémoire collective que j’ai publié sur le blog Etudes coloniales, reproduit ici avec l’accord de son responsable.

            Dans les semaines ou mois qui suivent :

            La revue Cipango, Année 2011, 18 : « Le Japon et le fait colonial -1 » – analyse critique

            « Dans le secret des archives britanniques – L’histoire de France vue par les Anglais 1940-1981 »  ou la décolonisation vue par les Anglais : François Malye et Kathrin Hadley – analyse critique

            « Notre révolte » par Maurice Challe » (1968) – compte-rendu sommaire et questions

            Guerres de décolonisation en Malaisie (1948-1960) et en Algérie (1954-1962) avec le roman de Han Suy : « …Et la pluie pour ma soif… » (1956)

            « Leçons indiennes »  Sanjay Subrahmanyam  (2015) – Analyse des réflexions, quelquefois dérangeantes, d’un intellectuel d’origine indienne présenté  par Le Monde du 17 avril 2015 comme « le père de la formule « histoire connectée », qui définit une démarche devenue centrale dans la discipline ». 

            Lecture critique du livre « Ecrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale » de Sophie Dulucq (2009), un sujet tout à fait stimulant, mais très difficile à situer dans le contexte des situations coloniales de l’époque considérée. Beau sujet d’agrégation d’histoire !

         Enfin, un analyse brève du contenu tout à fait passionnant du livre d’Eugen Weber, intitulé « La fin des terroirs », que beaucoup de chercheurs feraient bien de lire pour tenter de comprendre dans quel contexte historique métropolitain les conquêtes coloniales de la France entre 1870 et 1914 se sont déroulées : indigènes de métropole et indigènes d’outre-mer ?

Jean Pierre Renaud

« Le fer à repasser » postcolonial ? Pourquoi pas?

Les mystères de l’histoire postcoloniale : « Le fer à repasser ou « l’inconscient collectif » colonial, dans le journal la Croix du 22 décembre 2015

            Au cours des années passées, j’avais constaté, avec une certaine curiosité et surprise, que des historiennes, tout à la fois coloniales et postcoloniales, plutôt connues dans leur monde savant, proposaient à leurs lecteurs de découvrir qu’une des clés de la compréhension d’une histoire coloniale, qui intéressait peu de monde, était l’existence d’un « inconscient collectif », colonial, qui logeait clandestinement dans les profondeurs de la conscience des Français et des Françaises.

           Dans  les livres qu’ils ont publiés, les chercheurs du collectif Blanchard ont, également, et à maintes occasions, fait appel à cet « outil » historique de nature magique pour convaincre le lecteur que la France, tout au long de la période coloniale, a été imprégnée, sans en avoir conscience, de l’idéologie coloniale, une véritable immersion dans le fameux « bain colonial ».

            Pourquoi ne pas rapprocher ce « bain colonial » du bain des reines de Madagascar, le fandroana, à l’issue duquel le bon peuple de la Grande Ile, était aspergé par l’eau lustrale de ce bain royal ?

            Il est superflu de rappeler aussi que l’historien Stora s’inscrit dans ce courant de pensée de la psy-histoire.

        Je désespérais d’avoir un jour la divine surprise, pour ne pas dire magique,  c’est-à-dire la preuve que cet inconscient collectif existait bien. 

        Eureka ! La lecture d’un des billets d’Alain Rémond, publié dans le journal la Croix, du 22 décembre dernier, intitulé « Le fer à repasser » m’a évidemment rassuré, sauf à indiquer que son auteur ne m’a pas encore communiqué les références de sa source, si ce sondage a été effectivement effectué.

         Il conviendrait de citer en entier le contenu de ce billet spirituel, mais je me contenterai de quelques citations :

         « C’est un chiffre qui donne le vertige. 23,8% des Français redoutent d’avoir un fer à repasser à Noël, selon un sondage tout ce qu’il y a de plus sérieux…. D’où vient cette peur irrationnelle du fer à repasser à Noël, qui depuis des siècles et des siècles, traumatise l’inconscient collectif des Français ? La peur du fer à repasser à Noël durera-t-elle jusqu’à la fin des temps, comme quoi le ciel et la terre  passeront, le fer à repasser ne passera pas ? Je pose juste la question. »

         Grâce au fer à repasser, faux plis et mauvais plis coloniaux ou postcoloniaux, ont donc du souci à se faire !!!

         L’occasion m’est donc donnée de publier le chapitre 9 du livre « Supercherie coloniale », intitulé « Le ça colonial ! L’inconscient collectif !… », afin d’apporter ma modeste contribution à ce débat digne des théosophies les plus  obscures.

        Il s’agit du livre que j’ai pris la peine de publier moi-même en 2008, compte tenu, entre autres, du refus très poli d’un grand éditeur de la place, féru d’histoire, lequel, en toute conscience, s’interdisait de mêler sa voix à l’agitation historique ou mémorielle, au choix, qui agitait la petite planète des chercheurs postcoloniaux.

        Compte tenu du nombre des visites qui ont fréquenté mon blog en 2015, plus de 3.400, pourquoi ne pas ouvrir la nouvelle année par cette première publication, la deuxième (une réédition), étant consacrée à la « mémoire collective » tout aussi introuvable dans les sondages de toute nature et de tout acabit qui tombent chaque jour sur nos tables, comme les balles à Gravelotte.

        En ce qui concerne « la guerre des mémoires » qui ravagerait notre pays, et qui concerne avant tout l’Algérie, l’IFOP a effectué une enquête sur la mémoire de la guerre d’Algérie, commanditée à la fois par la Fondation Jean Jaurès et par le journal Le Monde.

              Comme je m’en suis expliqué sur ce blog, le 17 novembre 2014, il s’agit d’une enquête méritoire, une première sur le sujet peut-être, mais dont une partie de la méthodologie statistique prête sérieusement à discussion.

            Les résultats de cette enquête ont été publiés dans Le Monde du 31 octobre 2014, sous le titre

               « Les passions s’apaisent sur la guerre d’Algérie 

Soixante ans après le début du conflit, l’IFOP a sondé les Français pour « Le Monde » et la Fondation Jean Jaurès »

          Comment ne pas rappeler à tous ces chercheurs qui mettent en avant le concept de mémoire dans le domaine de l’histoire coloniale et postcoloniale, en tout cas, qu’ils seraient bien inspirés de faire des enquêtes de mémoire statistiquement sérieuses, plutôt que d’avancer des théories sans preuves ?

           C’est une demande que j’ai souvent formulée, mais sans succès, et lorsqu’une enquête mémorielle a enfin été effectuée, comme celle relatée plus haut, son ambition portait sur la mémoire algérienne chère à Monsieur Stora et non à la mémoire coloniale dans son ensemble.

         La deuxième publication aura donc pour titre « La guerre des mémoires », un article que j’ai publié le 11 novembre 2007 sur le blog « Etudes coloniales »

       L’ancien directeur des journaux Le Monde et La Croix, Monsieur Frappat, vient de publier un article intitulé « Souvenirs longue portée » à la gloire de la thèse idéologico-mémo-historique que défend Monsieur Stora sur la ou les mémoires coloniales.

           Seul problème, mais de taille, il s’agit d’une thèse idéologique sans évaluation statistique, sans enquête mémorielle sérieuse, une thèse qui fait appel à toute une panoplie d’outils qui manquent incontestablement de pertinence scientifique.

         Je l’ai fait savoir par courrier au très honorable Monsieur Frappat.

         Au cours des prochaines semaines, je me propose donc de publier aussi  une lettre adressée aux Psy, docteurs en histoire coloniale ou post coloniale, une interprétation libre de la BD Bidu-Cauvin publiée dans Spirou et intitulée :

« Dites- moi tout »

Jean Pierre Renaud

2015 : les Ecolos Out ?

La COP 21 a été un succès, il faut le reconnaître, même s’il sera nécessaire d’être très attentif à la mise en œuvre de cet accord mondial.

            ll convient toutefois de noter que la conférence semble avoir mis entre parenthèses, un sujet tabou, facteur inévitable du réchauffement climatique : l’évolution de la démographie mondiale.

        Mais où sont passés les Ecolos au cours de cette COP 21?

       Disappeared,  José Bové ?

        Disappeared, Eva Joly ?

        Disappeared, Cécile Duflot ?

          « Nous nous sommes quelque peu fossilisés » a-t-elle confessé dans le Monde du 16 décembre dernier : dans quelle ère géologique ?

           A la trappe ! Alors même que Nicolas Hulot s’érigeait en conseiller technique du pouvoir politique, et que lui-même avait été le candidat écolo écarté par les Ecolos aux dernières élections présidentielles.

          Depuis plusieurs dizaines d’années, les Ecolos de France, toujours en dispute, en conciles, en petits cénacles de disputes d’égo, en train de se marier et de divorcer d’avec les socialistes, n’ont jamais réussi à fonder un véritable mouvement comparable à celui des Verts allemands.

       Avec deux conclusions :

       & L’écologie française aurait gagné à rester une grande association d’idées et de propositions, un groupe de pression efficace au sein de la société française, plutôt que de s’embourber dans des formations politiques sans avenir.

       & A tort ou à raison, mais plutôt à raison, les Français pensent que  de deux choses l’une, ou  les Ecolos adorent trop les joutes verbales interminables, ou les Ecolos adorent trop les prébendes que tel ou tel soutien politique du jour leur vaut.

      Dernier exemple, les appels du pied de Placé !

Jean Pierre Renaud

Tous nos voeux aux habitants d’une Grande Ile en souffrance, Madagascar ! 2016, l’année du renouveau ?

        Pour avoir noué des liens familiaux avec la Grande Ile, il y a plus de cinquante années,  et pour avoir observé attentivement l’évolution de ce pays, l’élite officielle ou les élites non officielles qui ont gouverné Madagascar, ont, trop souvent, cédé au goût de l’argent facile ou d’un pouvoir pris ou conservé par la force.

            Au mieux, il s’est agi de la fausse résolution de discussions byzantines politiques interminables qu’adorent  les malgaches, dans le cadre des combinaisons politiques changeantes  les plus improbables.

Ces élites ou pseudo-élites n’ont pas été dignes de leur pays.

            Madagascar a en effet connu, depuis plus de quarante ans, une évolution catastrophique et détestable, alors que ce pays bénéficie de beaucoup d’atouts humains et économiques, avec la chance d’avoir encore une élite, en partie encore saine, que beaucoup d’autres pays lui envieraient.

            Il y donc bien quelque chose de « pourri » dans ce beau pays, et je reconnais qu’il doit être difficile pour des citoyens malgaches honnêtes, dévoués à la chose publique, d’accepter de travailler aux côtés d’une autre élite trop souvent corrompue.

            Pourtant, et à voir les nombreux documentaires que diffuse souvent la télévision, entre autres,  le dernier sur « Echappées Belles France 5 », le 19 décembre 2015, sous le titre «  Madagascar, à la recherche d’un monde perdu », il est possible de se poser la bonne  question : de quel monde perdu s’agit-il ?

            2016 doit donc être l’année du renouveau, et pour une partie de cette élite intègre qui existe bien, d’assumer son devoir national, c’est à dire prendre en mains les destinées de ce pays pour la construction d’un monde malgache « nouveau ».

            C’est le vœu que nous formons !

Jean Pierre Renaud