« Les interventions militaires de la France »
La Croix du 31 octobre 2014 avec les points de vue de MM Boniface, de Villepin et Chevènement
A plusieurs reprises sur ce blog, j’ai fait part de mes réserves sur les conditions des interventions militaires de la France, notamment en Afrique, et le 15 octobre dernier, j’ai proposé une lecture critique d’une chronique de M.Boniface intitulée « Les conditions d’une intervention militaire » (La Croix du 29 septembre 2014) en concluant cette analyse par la suggestion d’y ajouter trois conditions supplémentaires :
Dire guerre, de préférence à intervention, c’est-à-dire appeler un chat un chat.
Dire sans mort car l’opinion publique aujourd’hui indifférente le serait beaucoup moins s’il y avait des morts.
Dire avec l’ Europe, car la France, endettée jusqu’au cou, continue à faire cavalier seul, quitte à solliciter ensuite le soutien de l’Europe.
Les trois chroniques citées ci-dessus proposent un éclairage complémentaire sur les conditions qui devraient, ou pourraient, être celles des interventions militaires de la France, ou « guerres ».
M.Boniface, ancien collaborateur de M. Chevènement, conclut sa nouvelle analyse que je qualifierais de classique, parce qu’elle s’inscrit dans la ligne gaullo-mitterrandiste traditionnelle, avec la recommandation de « Renforcer la lisibilité de la politique française », titre de sa chronique.
M.Chevènement s’inscrit également dans cette ligne classique et approuve ce type d’interventions, à partir du moment où elles répondent au droit international, et en faisant référence à la présence de la France au Conseil de Sécurité.
L’ancien ministre souligne toutefois que 1) « les moyens de la France ne sont pas illimités » et souhaite que ces moyens soient utilisés « de préférence dans les zones géographiques où la France exerce traditionnellement son influence. »
Pourquoi classique, ou traditionnelle ?
Parce ce que type d’analyse revêt à mes yeux une couleur du passé en ne tenant pas compte des changements d’échelle des puissances du monde qui se sont produits depuis trente ans, avec l’arrivée de nouvelles puissances, Chine, Inde, ou Brésil…
Depuis de Gaulle et Mitterrand, le monde a bien changé !
La France et l’Europe ont besoin d’une révolution stratégique et le discours du gaulliste de Villepin que je qualifierais volontiers de moins gaulliste que celui des deux autres signataires, est un discours novateur sur l’évolution du monde, la nécessité d’y adapter la France par une nouvelle stratégie de la paix, avec un Commissaire européen à la paix, « une force militaire de réaction rapide sous drapeau de l’ONU», – j’écrirais volontiers de nature européenne-, « doublée d’une force de reconstruction étatique. C’est un savoir-faire de l’Europe. »
Dernier commentaire sur ces contributions :
Une grande discrétion sur la question des budgets de ces fameuses interventions militaires, mais surtout aucune remarque sur les pouvoirs exceptionnels d’un Président qui peut engager la France dans de nouvelles guerres, sans que le Parlement ne l’y autorise, dès le premier acte, c’est-à-dire, dès le « j’ai décidé » de déclarer la guerre !
Comment ne pas relier enfin ce type d’analyse au succès européen de Philae à des centaines de millions de kilomètres de la myopie politique de nos dirigeants sur l’état de la puissance française et européenne ?
Jean Pierre Renaud