Humeur Tique champêtre : vive les mésanges de la Sarthe !

Quel modèle ! Quel exemple !

            Quel plaisir infini de voir la façon dont un couple de mésange, jour après jour, prépare le nid pour accueillir les futurs oisillons, puis les sorties furtives de l’un ou l’autre pendant la couvée,  puis les allers et retours incessants pour nourrir la nichée  de l’aube au coucher du soleil, par tous les temps !

            Une sorte de travail forcé accompli au nom de la nature et de la vie qui ne manque pas de nous surprendre tant leur instinct familial est grand, tant le nid est maintenu en permanence dans un état de propreté étonnant. Une belle leçon pour les humains que nous sommes, car les mésanges accomplissent des centaines, et des milliers de courses, pour procurer à leur nichée la nourriture nécessaire, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, tout en procédant au nettoyage régulier de leur nid.

            C’est beaucoup mieux que ce que font tous les jours la plupart des ménages !

Humeur Tique: Travail dominical, bricolage, et manipulation de l’information!

Humeur Tique : la manipulation de l’information : le travail dominical !

             Le travail dominical : depuis des années, le groupe de pression des enseignes de bricolage s’emploie à obtenir l’autorisation légale d’ouvrir ses magasins le dimanche.

            Ces jours derniers, les salariés de Leroy Merlin et de Castorama ont manifesté pour l’ouverture de leurs magasins sept jours sur sept.

            Seul petit ou grand hic, l’opération a été financée par les directions de Leroy Merlin et Castorama, dixit le journal Le Monde du 14 mai 2013, dans  « Eco&Entreprises !

            Au journal de France 2, aucun souvenir d’avoir entendu les journalistes préciser ce point, tout de même important !

Quatre films très différents: « Quartet », « Derrière la colline » « La Sirga », et « Cheba Louisa »

Quatre films dans des genres très différents !

           Le premier film « Quartet » de Dustin Hoffman est jubilatoire et tout à fait dans l’air du temps, pas l’actuel très triste, mais de celui de la découverte de ce monde des troisième, quatrième ou cinquième âges… d’hommes et de femmes qui manifestent encore une grande joie de vivre !

        L’intrigue se passe dans un beau château de la campagne anglaise qui accueille une palette d’anciens musiciens et chanteurs. La maison a donc de quoi faire pour entretenir à la fois une éternelle jeunesse et de nombreux concerts, tout en laissant tel ou telle pensionnaire nouer une intrigue amicale ou sentimentale, avec le jeu central d’un ancien quatuor célèbre de l’Opéra Anglais, deux hommes et deux femmes, dont la diva et son ancien amoureux transi et toujours transi.

            Le deuxième « Derrière la colline » d’Elmin Alper et le troisième « La Sirga » de William Vega, ont pour seul mérite de nous proposer une sorte de dépaysement, l’un en Turquie, l’autre en Colombie, mais tous les deux dans un climat très étrange de peur, de menace anonyme, imprécise, un climat au sein duquel l’intrigue n’apparait pas véritablement.

            Enfin, le quatrième « Cheba Louisa » de Françoise Charpiat est effectivement une bouffée d’air frais dans le cinéma français.

          L’histoire d’une jeune femme issue de l’immigration algérienne, Djamila, bien intégrée dans la société française, mais aux prises avec les traditions de sa culture familiale d’origine : on ne s’y marie pas avec n’importe qui, et sûrement pas avec un « incirconcis ». La relation qu’elle noue avec sa jeune voisine de palier, pétillante de vie, jeune veuve, mère de deux enfants formidables dans leur joie de vivre nourrit constamment l’intrigue de ce film qui nous fait partager le quotidien de ce qu’il faut bien appeler une communauté de français d’origine immigrée attachée à sa culture, et dans le cas de ce film aux chants et danses d’une artiste célèbre d’Alger, la grand’mère Louisa de Djamila.

Le film est à découvrir par tous ceux qui ont envie de croire que l’intégration n’est pas seulement un mythe, à la condition de ne pas s’enfermer, des deux côtés, dans une démarche d’exclusion.

JPR et MCV

Humeur Tique: ONU, Polynésie, et hypocrisie postcoloniale: Et pourquoi pas une opération vérité?

Mais cartes sur table, y compris « niches » sous la table !

            Le 17 mai 2013, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté une résolution faisant de la Polynésie un territoire à décoloniser.

            Dans son numéro du 21 mai, le journal La Croix fait paraître un article sous le titre (page 8) :

            « En Polynésie, la question de la « décolonisation » désormais posée »

            Après tout pourquoi pas ?

           Pourquoi pas une opération vérité ?

          Un référendum sous le contrôle de l’ONU, mais à une condition, la publication de l’état complet et actuel des relations existant entre la France et la Polynésie, sur le plan des institutions, des échanges économiques et financiers, et des migrations.

        La France peut difficilement un jour demander à l’ONU l’autorisation d’intervenir en Côte d’Ivoire, en Libye, ou au Mali, et le lendemain récuser un vote de la même ONU sur un sujet qui dérange son histoire.

      Aux citoyens de Polynésie de décider de leur avenir en toute connaissance de cause !

      Et pourquoi ne pas inviter éventuellement les  citoyens d’autres îles à faire de même ?

Avec en supplément « alimentaire », comme c’est aujourd’hui la mode, le petit post- scriptum ci-après :

Dans le Canard Enchaîné du 22 mai 2013, et en première page, une petite chronique éclairante intitulée :

« Palme d’or à Tahiti

      « …En attendant un hypothétique référendum d’autodétermination, l’Etat français continuera donc de dépenser, chaque année, sous les cocotiers 1,5 milliard d’euros pour ses fonctionnaires et 590 millions en dotations versées directement dans les caisses de plus en plus vides du territoire.

       Une atroce colonisation ! »

    La Polynésie compte de l’ordre de 270 000 habitants

Gallieni et Lyautey, ces inconnus. Gallieni à Madagascar: les problèmes politiques

Gallieni et Lyautey, ces inconnus !

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

16

Gallieni à Madagascar : les problèmes politiques

         Les pages qui viennent d’être consacrées aux « œuvres » de Gallieni seraient sans doute incomplètes, s’il n’était fait mention, en finale, des problèmes politiques que le Gouverneur général rencontra pour les mener à bonne fin : l’abolition de l’esclavage, l’action des églises et des missions, les caractéristiques de la nouvelle société coloniale, les colons et le groupe de pression de la Réunion.

            L’abolition de l’esclavage

 Il convient de rappeler que l’esclavage constituait une des caractéristiques du fonctionnement de la plupart des sociétés africaines, sinon de leur totalité, à l’époque des conquêtes de la Troisième République.

            C’était aussi le cas à Madagascar et la décision d’abolition qui fut prise avant l’arrivée du général à Tananarive créa des difficultés inévitables dans l’ensemble du corps social et économique de l’île, identiques à celles que causa la même mesure dans les autres sociétés d’Afrique concernées.

            Dans le livre que nous avons déjà cité, le colonel Charbonnel donnait sa version de cette abolition décidée par M.Laroche, qui était alors le Résident Général de France à Madagascar, et que Gallieni venait remplacer :

        « M.Laroche s’était flatté de rester Résident Général, Gallieni succédant simplement au général Voyron. Quand il comprit qu’il fallait y renoncer, il prit par dépit, à la veille de la remise de ses pouvoirs, une mesure d’une extrême gravité, l’abolition de l’esclavage. »

Il est évident que cette mesure devait être prise un jour ou l’autre, même si elle devait être la source de beaucoup de difficultés dans l’ensemble de la société malgache, mais elle n’avait pas été préparée.

        Le colonel dépeignait  l’esclavage alors existant de façon peut être trop idyllique :

      «  A Madagascar, il était fort doux. Tout esclave était libre de travailler à son compte où et comme il l’entendait, avec la seule obligation de verser à son maître un impôt mensuel de cinq francs. Moyennant trois cents francs, il pouvait acheter sa liberté…. En contrepartie, le maître était tenu de soigner et de nourrir l’esclave tombé malade ou devenu vieux et surtout, ce à quoi les malgaches tenaient essentiellement, le maître avait l’obligation d’assurer, à la mort de son esclave, le transport de son corps au tombeau familial… Avoir des esclaves était un placement à 10% de l’an… »

        Donc un rapport d’argent qui était tout de même confortable !

     « La brusque suppression de l’esclavage fut d’abord bien accueillie par les libérés valides. Très vite les maîtres déclarèrent que, leurs recettes taries, ils ne pouvaient plus remplir leurs obligations. Les milieux qui nous étaient hostiles, notamment ceux touchant à la Cour, répandirent le bruit que les Français condamnaient les vieux esclaves à mourir de faim et à être inhumés n’importe où, comme des chiens. En quelques semaines, le nombre des rebelles doubla. » (C/p,45)

       Gallieni institua le système des corvées afin de trouver la main d’œuvre nécessaire aussi bien au secteur public qu’au secteur privé, mais Gallieni prit ensuite des mesures pour mettre fin au détournement du nouveau système mis en place.

     Le problème de la main d’œuvre fut un problème récurrent tout au long de la période coloniale, et les formules de travail contraint que l’administration coloniale mit en œuvre, notamment, le SMOTIG,  n’étaient pas très éloignées de l’ancien servage.

La puissance des églises et des missions

    Les missions étrangères, majoritairement protestantes et de mouvance  anglaise, occupaient une place importante dans la société des plateaux, notamment grâce aux nombreuses écoles confessionnelles qu’elles avaient déjà construites avant la conquête française.

      Gallieni évoqua le sujet dans de nombreuses lettres.

     Dans une lettre du 26 décembre 1903, au secrétaire général de l’Union Coloniale, il écrivait :

     « … Mais, je veux répondre simplement et brièvement encore à quelques-uns des griefs, présentés par votre correspondant anonyme qui, ou je me trompe fort, doit porter une robe de missionnaire catholique ou une redingote de pasteur, la première plutôt.

    Le contrat avec les Frères a été dénoncé en vertu des instructions très précises du ministre qui m’a prescrit, à moi comme à tous les autres  gouverneurs, de laïciser toutes nos écoles. Le moment était d’ailleurs venu où cette mesure pouvait être prise sans inconvénient, avec avantage même. Pendant les premières années de mon séjour à Madagascar j’ai réagi, et vous savez avec quelle vigueur, contre l’influence anglaise, en ne cessant de seconder par tous les moyens possibles la mission  catholique : subventions, dons d’argent et de terrains, conseils aux Malgaches, etc. Mais il n’est jamais entré dans mon idée de soutenir en quoi que ce soit l’œuvre religieuse de cette mission, et c’était cependant au développement de cette œuvre qu’était surtout employé le concours financier que je donnais aux Jésuites. Mais depuis, la situation a changé. La mission protestante française s’est solidement installée dans l’île….Vous voyez donc l’avantage de la suppression du contrat avec les Frères. Nous avons supprimé, du même coup, la subvention  aux écoles protestantes. Toutes ces écoles sont désormais soumises à la règle générale… »(GM/p,137)

     Dans une lettre du 1er juin 1904, Gallieni écrivait :

     « …je me suis toujours efforcé de me placer au-dessus des querelles religieuses. Mais j’ai vu bientôt que je faisais fausse route. Mais je n’ai jamais perdu de vue le programme que je m’étais tracé : faire de notre colonie une terre vraiment française et pouvant être utilisée dans l’intérêt de notre commerce, de notre industrie, de nos compatriotes. A l’origine, au moment de l’insurrection et pour réagir contre les tendances trop protestantes de mon prédécesseur, ce qui avait été mal interprété par nos Hovas, j’ai favorisé les missions catholiques françaises en leur accordant faveurs de toutes sortes, terrains, argent, main d’œuvre gratuite, etc. Mon tiroir est plein de lettres de remerciements et de gratitude.

Mais, j’ai vu bientôt que je faisais fausse route. Jésuites, frères et Sœurs me considéraient comme l’homme prédestiné, devant assurer dans l’île la ruine du protestantisme et la prééminence du catholicisme. Nous ne parlions pas le même langage. Je parlais de l’influence française, de l’organisation de la vie économique dans un sens français. On me répondait religion et catholicisme…

     D’où ces querelles religieuses qui ont absorbé tout mon temps pendant mon premier séjour et qui ont été si funestes à la paix intérieure de l’île, engendrant entre les villages, entre les familles, des haines qui se continueraient aujourd’hui, si je n’étais intervenu avec notre enseignement officiel. Nous n’étions plus les maîtres d’accomplir la tâche d’organisation et d’apaisement, que nous avions entreprises après la période d’anarchie que vous connaissez. Prêtres et pasteurs mettaient aux mains les populations de nos villages de l’Imerina et du Betsiléo. » (GLM/p, 153)

     Comment ne pas noter que les relations entre les églises et les autorités civiles de Madagascar ont toujours été « affectées » par le pouvoir et l’influence que ces églises exercent sur la vie de la grande île ?

     Les convulsions politiques actuelles sont encore marquées par ce facteur religieux capital.

Les colons

         Un sujet très sensible et sur lequel Gallieni nourrissait beaucoup trop d’illusions.

      S’il est vrai que la faible population de Madagascar pouvait laisser croire qu’il était possible d’y favoriser une colonisation européenne proprement dite, la réalité des faits fut très différente, en particulier sur le plan agricole, car le climat et les conditions sanitaires de vie sur la côte orientale,  la plus favorable aux cultures d’exportation, étaient alors rédhibitoires.

Gallieni prit tout un ensemble de mesures pour encourager des colons français à venir dans l’île, ou pour inciter d’anciens soldats à s’y enraciner, en instituant une politique de petites ou grandes concessions, mais le succès ne fut pas au rendez-vous.

      Lorsque Gallieni tenta de réorganiser le marché du travail, bouleversé par la suppression de l’esclavage, en instituant un régime de prestation, ce dernier fut souvent détourné par des colons peu scrupuleux :

      Dans une lettre du 12 janvier 1900,

    «  Comme je l’explique dans mes instructions, la prestation indigène n’était pour moi qu’un moyen transitoire entre la mesure de l’abolition de l’esclavage et la liberté du travail complète. Pour favoriser nos colons, j’ai même pensé que l’on pouvait aller plus loin, et j’ai créé tourte une série d’avantages pour les indigènes qui s’employaient au service de nos colons. Mais les abus ont été grands. Un certain  nombre de nos colons, les moins intéressants d’ailleurs, se sont mis aussitôt à souscrire des engagements avec les indigènes, ceux-ci se faisant ainsi exempter des prestations à fournir à l’Etat et remettant en échange une somme donnée à leurs employeurs qui, bien entendu, ne leur faisaient faire aucun travail… Ces individus ne faisaient rien et, n’ayant aucune ressource apportée avec eux, se bornaient à vivre de cette espèce de rente, qui leur était faite par les engagés indigènes » (GM/67)

    Dans une lettre du 13 septembre 1903, Gallieni écrivait :

    « … Et cependant nous sommes de plus en plus infestés par des aventuriers de tous pays qui débarquent dans nos ports, mettant notre police sur les dents, entrent en prison ou à l’hôpital et finalement, leurs consuls refusant énergiquement de se charger d’eux, se font rapatrier à nos frais. » (GM/p,118)

     Le colonel Lyautey commentait de la même façon la piètre qualité des colons qui arrivaient dans l’île.

    Le 3 juillet, à Fort Dauphin, Lyautey réunissait les membres de la Chambre consultative, composée uniquement de Français :

    « Sauf … deux officiers démissionnaires fixés ici dans une grande concession, tous les autres membres sont des créoles besogneux. » (LSM/p128)

     Fort Dauphin, le 30 décembre 1901 :

    « … Les redoutables, ceux dont vous dites qu’ils nous obligent à « concilier les intérêts inconciliables », ce sont les petits colons, les besogneux, ceux qui marchandent sou par sou la rémunération de leur main d’œuvre, qui font flèche de tout bois au détriment de l’indigène. C’est ceux-là dont il ne faut à aucun prix dans nos « possessions ». (LSM/p,214) 

      Les créoles de la Réunion, un groupe de pression aussi actif que celui des églises.

     Nous avons déjà évoqué cette question, à l’occasion des réflexions que le colonel Lyautey faisait à ce sujet, mais un extrait d’une des lettres de Gallieni, du 26 décembre 1903, adressée à M.Chailley, suffira à décrire les difficultés qu’il rencontrait pour gouverner la colonie face au groupe de pression réunionnais :

     « Quoiqu’il en soit et bien que mon maintien ici pendant une période aussi longue prouve que nous avons fait de grands progrès en France au point de vue colonial, je crois que j’aurais mieux fait de suivre mon premier mouvement. C’est bien difficile de conserver si longtemps le même poste sans mécontenter un grand nombre de personnes : fonctionnaires inaptes ou paresseux, qu’il a fallu révoquer ou auxquels il a été impossible de donner l’avancement exagéré qu’ils réclamaient ; hommes d’affaires avides et besogneux, toujours prêts à la critique, au chantage même, si on ne veut leur livrer en pâture les ressources de la colonie ou les aider à tromper les naïfs ; colons inexpérimentés ou ignorants, qui ont dissipé leurs capitaux et font retomber leurs erreurs sur l’administration ; politiciens, recrutés surtout parmi les créoles, qui voudraient introduire à Madagascar mœurs, élections, quémandage, accaparement de tous les emplois, qui font la ruine de notre voisine et qui, ici, auraient pour effet de mettre à l’écart les colons sérieux et d’opprimer les indigènes qui peuvent, à peu près seuls, assurer la prospérité future de notre colonie ; enfin missionnaires catholiques ou protestants, toujours jaloux des avantages faits aux voisins et qui voudraient vivre exclusivement de subventions employées cependant pour un autre but que l’intérêt de la colonie, ou qui désireraient pouvoir, sans être dérangés, arracher aux indigènes des dons pour la construction d’églises ou de temples, etc… » (G/M p,126)

     Commentaire : rien à ajouter, sauf le regret, qu’à ma connaissance, et sauf erreur, les historiens ne se soient pas suffisamment intéressés à l’impérialisme secondaire de l’île de la Réunion, dont certains effets durent encore de nos jours.

Jean Pierre Renaud

Réflexions sur les sociétés coloniales- Conclusion-Deuxième Partie

Réflexions sur les sociétés coloniales

Conclusion sur la problématique des sociétés coloniales françaises

Deuxième partie

La première partie a été publiée sur le blog du 10 mai 2013  (définition du concept, les scènes, le scénario, la politique coloniale (début))

Les indications techniques du scénario

      Le scénario reposait sur plusieurs indications techniques, une administration coloniale de type napoléonien dotée de tous les pouvoirs, l’obligation pour les nouvelles colonies de financer elles-mêmes leur développement, un statut des indigènes standard afin de simplifier et de faciliter la gestion des nouveaux territoires, un régime douanier protectionniste.

       Première indication technique, une administration coloniale de type despotique : les gouverneurs généraux disposaient quasiment de tous les pouvoirs, étant donné qu’il leur appartenait de faire application ou non, sur leur territoire, des lois ou décrets applicables en métropole.

    La France avait créé de toutes pièces une administration coloniale calquée sur l’administration française avec un découpage en colonies et en cercles. Au fur et à mesure des années, l’appareil administratif des fédérations et des colonies devint de plus en plus bureaucratique, alors que le maillage de l’administration de brousse était assez léger.

     A Paris, le ministère des Colonies ne fut jamais un ministère convoité, et la mobilité ou l’instabilité des gouvernements de la Troisième République, de l’ordre de six mois en moyenne,  laissait encore plus d’initiative et de pouvoir aux gouverneurs,   de véritables proconsuls de la République.

     Le pouvoir colonial : certains diraient, mais de façon un peu caricaturale, que l’administration coloniale fonctionnait comme une administration de type dictatorial, au mieux despotique, mais selon les territoires, les époques, et les hommes, la situation concrète était bien différente.

       Il serait possible d’avancer avec la même assurance que, dans beaucoup de cas de figure, l’irruption de l’administration coloniale n’a pas changé grand-chose dans le fonctionnement de la plupart des sociétés locales.

     La problématique du pouvoir a suivi plusieurs sortes de chemins, le premier, géographique, pour simplifier, de la côte vers l’hinterland,  le deuxième chronologique, le choc de la colonisation diffusant ses effets en suivant la courbe de la chronologie, et le troisième, celui de l’acculturation progressive et partielle de la population, très majoritairement dans les nouvelles villes, posant un défi de plus en plus grand à une soi-disant  politique d’assimilation qui ne trouvait pas son compte civique dans le Code de l’Indigénat.

      Deuxième indication technique, celle déjà rappelée du financement des colonies, avec la loi du 3 avril 1900, et un concours zéro de la métropole, sauf à garantir des emprunts.

     Indiquons que sur ce plan, la France imitait ce que faisait la Grande Bretagne dans son empire, mais les ressources des colonies anglaises n’avaient pas grand-chose à voir avec les françaises.

     Troisième indication technique, le Code de l’Indigénat

    S’il est vrai que le Code de l’Indigénat donnait à l’administration coloniale un outil de maintien de l’ordre public facile, il n’avait pas toujours une rudesse différente de celle des mœurs de certaines sociétés locales, et il n’était pas l’outil de travail préféré de l’administration coloniale, sauf dans certaines circonstances telles que le travail forcé local pour de bonnes (corvées) ou mauvaises raisons (portage, recrutement pour les plantations de Côte d’Ivoire ou de Madagascar par exemple…).

     La définition qu’en propose le « Dictionnaire de la colonisation française » (page 367) a un côté surréaliste par rapport au « moment colonial » et à la diversité des « situations » coloniales :

    « Connu sous le nom du Code de l’Indigénat, c’est un ensemble juridique et réglementaire répressif à l’encontre des seuls indigènes appliqué par l’administration en violation du principe fondamental de séparation des pouvoirs. Il prévoit des sanctions collectives, autre violation des principes du droit métropolitain. Il a symbolisé l’arbitraire le plus total »

     Le même dictionnaire précise qu’en Indochine, il a été supprimé en 1903, et assoupli, en Afrique noire, en 1938.

     En face du Code de l’Indigénat, l’administration coloniale mettait en œuvre, autant que possible, et pour autant qu’elle les connaisse, les coutumes, c’est-à-dire un droit coutumier qui variait selon les territoires et leurs peuples, qu’elle s’efforçait de respecter, sorte de contrepoids, que beaucoup de chercheurs feignent d’ignorer.

     La pratique concrète du pouvoir n’avait donc pas toujours le caractère « répressif » décrit plus haut.

     La référence au principe fondamental de la séparation des pouvoirs mériterait à elle seule un commentaire, alors que dans la France d’aujourd’hui, il a encore bien de la peine à être garanti.

     Un premier exemple pour aider à comprendre le type de problématique que rencontrait l’administration coloniale : l’ancien administrateur  Delavignette racontait qu’en Haute Volta (Burkina Fasso), il avait fait mettre en prison un homme qui avait tué sa femme. A sa libération, et de retour dans son village, l’intéressé revint remercier Delavignette en lui apportant un cadeau pour l’avoir si bien traité pendant ses années de prison.

     De façon plus subtile, le maintien du Code de l’Indigénat était non seulement un élément de l’ordre public, mais avant tout de l’ordre social, c’est-à-dire d’une ségrégation des droits qui existait entre les indigènes et les Français, notamment dans les villes qui comptaient le plus d’acculturés.

     Il symbolisait l’échec d’une politique coloniale incapable d’ouvrir la voie de la citoyenneté aux nouveaux « lettrés », et c’est sur ce terrain que la légitimité ou non de ce code est la plus critiquable, car elle méconnaissait les promesses démagogiques de la France, en même temps qu’elle rendait de plus en plus difficile l’association des nouveaux lettrés à la gestion  de leur pays, et c’est toute la question du truchement colonial dont l’importance a trop souvent été ignorée.

     Omnipotence du pouvoir colonial mais très souvent contrebalancée par celui du truchement indigène, du rôle des « lettrés » dans le fonctionnement concret du pouvoir colonial.

II – Les autres acteurs de la scène coloniale

      Henri Brunschwig observait la montée inexorable des lettrés en Afrique noire.

     Nous avons évoqué cet aspect important des institutions coloniales, en posant entre autres la question : qui manipule qui dans la société coloniale ? Des types de manipulation qui évoluaient en fonction des chronologies diverses de l’acculturation des territoires.

     Quels étaient les véritables acteurs du théâtre colonial, la société indigène ou la société européenne ?

     Comme nous l’avons déjà noté, l’administration coloniale fut pendant longtemps un acteur clé de la scène coloniale, disputant ou partageant ses pouvoirs avec les intérêts économiques locaux, lorsqu’ils commencèrent à exister dans les colonies qui disposaient d’atouts économiques et d’accès géographique facile.

     Les sociétés coloniales d’origine européenne furent peu nombreuses, hors Algérie, comme nous l’avons déjà dit, et elles étaient avant tout urbaines, et très « passantes », fondamentalement différentes de la société métropolitaine, même si elles ressemblaient souvent étrangement dans la construction de leurs lieux de vie, et dans la vie quotidienne elle-même, à celle de nos villes de province, à la différence près, capitale pour beaucoup de ses membres, souvent des « petits blancs », celle d’une sorte de conscience de nouvelle classe sociale supérieure à celle des indigènes que contribuait à favoriser effectivement le statut juridique auquel ils étaient soumis.

    C’est une des raisons qui expliquait pourquoi un indigène, soldat ou étudiant, venu en France, n’y ressentait pas le rapport de ségrégation qu’il connaissait en Côte d’Ivoire, au Soudan, à Madagascar, ou en Indochine.

     Les sociétés coloniales d’origine européenne constituaient souvent des sortes de kystes sociaux en bordure des sociétés indigènes démographiquement dominantes, et les sociétés coloniales d’origine européenne de la brousse étaient souvent réduites à leur plus simple expression : l’administrateur colonial, avec ou sans épouse, le médecin militaire avec ou sans épouse, le gendarme, le garagiste quand il y en avait un, éventuellement un commerçant d’origine étrangère.

     Le dernier roman de Paule Constant, « C’est fort la France ! », dont l’histoire se déroule après la deuxième guerre mondiale dans le cercle de Batouri, au Cameroun, donne une assez bonne image de ce type de société coloniale de brousse.

     Scènes variées à l’infini, avec des sociétés d’origine européenne souffrant en règle générale de deux faiblesses initiales, mais durables, l’hostilité des climats et l’absence de communications.

     La brousse fut longtemps un monde hostile aux blancs, et ce n’est pas par hasard que les européens s’installèrent et s’agglutinèrent sur les côtes et dans les nouvelles villes que la colonisation  y fit naître.

     En 1914, les grandes villes de l’Afrique de l’Ouest que nous connaissons, Dakar, Conakry, Abidjan, ou Lomé étaient à peine sorties de terre, pour ne pas citer des villes de l’hinterland qui ressemblaient à peine aux bourgs de nos campagnes les plus délaissées.

    En 1930, et à Madagascar, il n’était possible de rejoindre l’île que par bateau, et après un voyage de l’ordre de trente jours. Les européens, mais surtout les femmes européennes y vivaient avec la conscience d’être coupées du monde, dans une sorte de vase clos.

     Au cours de la première phase, les officiers et les aventuriers ont joué le premier rôle, mais rien n’aurait déjà été possible sans le concours des tirailleurs, des interprètes, de certains chefs de village ou de rois locaux, dans un climat d’insécurité publique généralisée qui favorisait l’intrusion française dans ces nouveaux territoires.

   Dans les phases suivantes, l’administration coloniale étendit son pouvoir dans tous les secteurs d’activité, mais en se gardant bien de toucher aux coutumes locales, lorsqu’elles étaient compatibles avec la conception du droit français, notamment en matière de droit criminel.

    Le plus souvent, c’est d’ailleurs cette administration, coloniale qui dans beaucoup des colonies fut à l’origine de la création des premiers grands équipements économiques, et ne trouva le concours d’un capitalisme national ou international que dans les colonies qui disposaient d’atouts économiques, comme ce fut le cas en Indochine, ou de possibilités de développement de cultures tropicales, en Guinée, Côte d’Ivoire, ou Madagascar.

    Les chercheurs spécialistes pourraient sans doute apporter toutes précisions utiles sur les grandeurs économiques, notamment capitalistiques, qui ont sous-tendu aux différentes époques citées les fameuses sociétés coloniales, et éclairer le rôle des pôles de développement capitalistique chers à François Perroux, lorsqu’ils ont existé.

    L’ouvrage collectif intitulé « L’esprit économique impérial » n’a pas apporté la preuve que « l’esprit économique impérial » des entreprises françaises ait beaucoup soufflé dans la plupart des colonies, et se soit donc traduit en termes de résultats de développement économique et d’investissement.

     Comme je l’ai indiqué dans un commentaire de lecture joint en annexe, les analyses qui y sont généralement présentées souffrent le plus souvent d’un manque d’analyse macroéconomique dans un domaine qui appellerait effectivement des évaluations, des comparaisons entre grandeurs financières ou économiques, entre petits ou grands agrégats.

    A lire ce pavé rédactionnel, on en tire la conclusion que l’impérialisme français n’a généralement pas été convaincant, sauf dans une colonie privilégiée, l’Indochine, anglaise.

L’impérialisme français serait donc à ranger, pour ceux qui en défendraient l’existence et l’efficacité coloniale, au rang des mythes comme ceux que l’économiste Bairoch a analysés dans le livre « Mythes et paradigmes de l’histoire économique »

      Deux types de sociétés coloniales coexistaient, l’européenne concentrée dans les villes, et très diffuse en brousse, avec le maillage toujours présent d’un commerce de traite, et les sociétés indigènes elles-mêmes, la composante de plus en plus importante des lettrés ou des évolués devenant au fur et à mesure des années, le véritable truchement de la colonisation.

    Dans l’ensemble des colonies et sur toute la période coloniale, il convient de considérer que les véritables acteurs de la scène coloniale ont été les « lettrés », les « évolués », qu’ils appartiennent à l’administration coloniale au sens le plus large, de l’armée à l’enseignement ou à la santé, les membres des églises, les anciens chefs ou nouveaux chefs  des territoires coloniaux, et les employés des entreprises privées.

Ce sont ces « évolués » qui ont assumé le changement colonial au fur et à mesure de leur croissance dans les sociétés coloniales.

      Dans le Togo des années 1950, avant l’indépendance, peuples du nord et peuples du sud faisaient le grand écart.

    Au nord vivaient côte à côte des peuples nus, animistes, et des peuples habillés, musulmans, les Tchokossis, qui se rencontraient par exemple à l’occasion du marché de Sansanné-Mango, ce qui ne voulait pas dire que les Gam-Gam ou les Tamberna ne disposaient pas de leurs propres codes religieux et sociaux, en juxtaposition de l’ordre public colonial et des codes religieux de l’ethnie dominante, les Tchokossis.

     Cette dernière ethnie comptait déjà une petite minorité de lettrés, mais il fallait aller sur la côte pour y trouver la grande majorité d’entre eux, mais à l’évidence, les uns et les autres ne vivaient pas dans le même monde.

     Au fur et à mesure des années, et surtout à partir des années 1920, les effectifs de lettrés grossirent, comme nous l’avons vu dans le cas de Madagascar, mais l’Indochine disposait incontestablement d’une élite autochtone qui ne trouva pas dans la politique française l’issue politique à laquelle elle avait droit, soit l’assimilation, soit l’association à une gestion des affaires de la colonie, précédant l’autonomie et l’indépendance.

     Rappelons que dans les années 1940,  Madagascar comptait de l’ordre de 300 000 personnes acculturées, avec environ et seulement 2 000 malgaches ayant accédé à la citoyenneté française

     Henri Brunschwig avait écrit qu’il n’y aurait jamais eu de colonies si le télégraphe n’avait pas existé, et pourquoi ne pas le paraphraser en écrivant qu’il n’y aurait jamais eu de colonisation sans le concours d’un truchement autochtone.

III – Echec ou succès pour la pièce coloniale ?

     S’il s’agissait de projeter dans les colonies un modèle de la société française dans les colonies, l’échec fut patent, tant pour les sociétés coloniales d’origine européenne le plus souvent réduites à singer celles de métropole, dans ses personnages les plus balzaciens, que pour les sociétés autochtones, dans leurs éléments « évolués » de plus en plus nombreux, que le pouvoir colonial refusait d’associer à la gestion de leurs territoires sur un pied d’égalité.

       Les sociétés coloniales d’origine européenne, dans leur composition et leur mode de vie, n’étaient pas de nature à diffuser en dehors des centres urbains où elle était concentrée la modernité qu’elle croyait et disait représenter ou incarner.

     A la réserve près de la sorte de modèle urbain qu’elles avaient contribué à créer et qui pouvait être regardé comme l’exemple de ce qu’il était possible de généraliser ailleurs, avec sa palette d’équipements de voirie, de santé, d’écoles, et de distribution d’eau et d’électricité.

Les évolués de plus en plus nombreux venaient en effet s’agglutiner dans les villes nouvellement créées, et occuper les emplois très divers que la colonisation politique ou économique avait suscités.

      C’est peut-être ce mouvement d’urbanisation qui a été un des facteurs les plus importants du changement colonial.

      Dans chaque « situation coloniale », la France jouait une pièce différente avec des acteurs différents, mais avec toutefois quelques éléments communs, sorte de décor standard pour toutes les colonies : une ségrégation territoriale de fait dans les villes, des sociétés coloniales européennes urbaines, sortes de kystes coloniaux, avec à leurs côtés, la ou les sociétés autochtones de la brousse, les véritables infrastructures coloniales, et au- dessus, la superstructure bureaucratique européenne qui donnait l’illusion de la modernité coloniale.

    Les véritables sources de rupture des systèmes des croyances et des pouvoirs autochtones, de leur ouverture aux  échanges et à la découverte du monde extérieur, reposèrent avant tout sur la création de voies de communications modernes qui n’existaient dans aucune de ces colonies.

      Autre source de rupture capitale, l’établissement de la paix publique dans les colonies, une paix publique qui n’existait pas dans la plupart de ces territoires !

     En gros, le scénario de l’ordre colonial, d’une paix publique rétablie dans l’ensemble des territoires a en effet plutôt bien fonctionné en Afrique et à Madagascar jusqu’en 1939, un ordre colonial servi par la mise en place de superstructures bureaucratiques, des formes d’Etats qui ne furent réputés nationaux qu’après les indépendances.

      Le scénario de l’assimilation, de l’accession des évolués à la citoyenneté, fut dès le départ un échec.

     La colonisation mit en route un processus d’acculturation et d’ouverture au monde extérieur facilité par la réalisation de grands équipements de communication, par un ensemble d’actions de santé publique, de scolarisation, de socialisation, de développement économique, mais ce furent les sociétés indigènes qui accompagnèrent et soutinrent le mouvement, beaucoup plus que les sociétés d’origine européenne.

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Humeur Tique: Flosse dans les eaux du Pacifique et floc! floc! com’ politique sous les eaux de Bourgogne et de Champagne!

Humeur Tique : Flosse dans les îles du Pacifique et le grand floc ! floc ! com’ inondations en Bourgogne et en Champagne !

Flosse, le « corrompu » insubmersible des îles du Pacifique, vient d’être brillamment réélu en Polynésie !

Comment interpréter un tel prodige ?

   Symbole toujours bien vivant, mais un peu esseulé, d’une chiraquie qui fut corrompue ?

  Symbole d’un clientélisme toujours prospère et encore trop bien enraciné dans nos outre-mer ? Capable aujourd’hui, comme hier, de protéger toutes ses niches, fiscales ou politiques ?

   Ou enfin symbole du respect de la Justice,  cette Justice de notre pays que les Polynésiens préfèrent voir, à leur place, mettre hors- jeu leur dinosaure politique ?

Floc ! Floc ! la Champagne et la Bourgogne sous les eaux ! Avec une com’ bien abstinente !

            Une com’ paradoxalement abstinente à l’occasion des grandes crues de printemps en Bourgogne et en Champagne.

 Chaque jour, la télévision a diffusé maints reportages sur les inondations qui ont ravagé ces belles provinces.

            Ne trouvez-vous pas étrange que les grands élus de ces provinces, souvent députés-maires ou sénateurs- maires, d’habitude toujours prêts à communiquer à la moindre occasion pour exister, aient fait vœu d’abstinence tout au long des derniers jours ?

               Trop d’eau à leur goût dans ces provinces gorgées de vins ?

           A moins que les grands féodaux d’Auxerre, de Dijon, ou de Troyes n’aient pris la poudre d’escampette vers le soleil pour faire floc ! floc ! dans des eaux bleues !

            Est-ce qu’il ne s’agirait pas tout simplement d’un abandon de poste ?

Les nouveaux héros de la politique française: après DSK, Cahuzac, et Guéant, à qui le tour? Quels modèles pour la jeunesse de France!

  Comment les jeunes préfectoraux, et tous les autres jeunes qui croient encore servir l’intérêt général, ne ressentiraient-ils pas du dégoût face au spectacle lamentable que propose l’ancien préfet, secrétaire général de l’Elysée, puis ministre ?

            Vraiment, du fricot haut de gamme !

            Et quelle image d’une haute fonction publique prête à tout pour faire du fric ! Hier préfet ou ministre, et aujourd’hui l’avocat d’une Françafrique qu’on croyait moribonde !

            Un mélange des genres encore trop présent dans une partie du « microcosme » parisien si bien décrit par les enquêtes d’’Ariane Chemin dans le journal Le Monde ! C’est fou ce que dans ce milieu on sait, ou se tenir par la barbichette, ou se passer le sel et le poivre !

            L’exemple de ce préfet « exemplaire » est tout de même encourageant pour les jeunes que les concours de l’ENA rebutent un peu, à voir la belle carrière argentée qui est promise au fils chanceux de cet ancien grand notable de la droite « sarkozyenne » !

Jean Pierre Renaud, ancien haut fonctionnaire

Réflexions sur les sociétés coloniales avec quelle problématique? 1ère partie

Réflexions sur les sociétés coloniales

Avertissement de l’auteur :

            Je n’avais pas prévu de publier l’analyse que j’avais faite des sociétés coloniales françaises de la période 1870-1960, hors celle de l’Algérie, un cas tout à fait particulier.

            Je suis revenu sur le terrain de ma formation universitaire d’origine il y a une dizaine d’années, en réaction, je dois le dire, aux textes ou aux discours qui avaient très souvent la faveur des médias, textes ou discours  imprégnés trop souvent d’idéologie, ou plus simplement d’ignorance.

            Le thème des sociétés coloniales a toujours été pour moi à la fois un sujet d’interrogation et d’invitation à la connaissance, et compte tenu du choix qui a été fait de ce sujet pour les concours du Capes et de l’Agrégation, il m’a semblé utile de livrer une partie de mes analyses sur ce blog.

            Les articles que j’ai consacrés à ce thème sur ce blog depuis le début de l’année ont été bien fréquentés, et m’incitent donc aujourd’hui à publier ce qui pourrait être la première conclusion de mes recherches sur le sujet.

            Cette publication est naturellement faite à l’attention des lectrices ou des lecteurs de mes contributions précédentes.

Conclusion sur la problématique des sociétés coloniales françaises

     Avec un aveu préliminaire capital, comment avoir l’ambition, sur un  tel sujet, aussi varié dans le temps que dans l’espace, de proposer une esquisse de conclusion ?

Première partie

    Les réflexions qui suivent constituent la conclusion d’une étude des sociétés coloniales françaises, étude articulée sur le plan ci-après :

I  – Le théâtre des sociétés coloniales

1-    Des sociétés coloniales aux caractéristiques liées étroitement à leur chronologie, c’est-à-dire à l’histoire.

2-    Des sociétés coloniales formées d’un nombre, souvent restreint, d’Européens.

3-    Des sociétés coloniales étroitement conditionnées par le potentiel géographique et économique de chacune des colonies

4-    Un éclairage sur la nature des sociétés locales face à ces nouvelles sociétés coloniales

II –  Les acteurs des sociétés coloniales

5-    Un éclairage sur la nature de ces sociétés coloniales elles-mêmes, d’origine européenne, à partir du vécu de quelques témoins.

III –  La problématique

&

            Pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité sur le sujet, il me parait utile de rappeler le ou les sens de l’expression « société coloniale » ! De quoi parlons-nous ?

    S’agit-il de la société d’origine européenne, de la société indigène, de la juxtaposition ou de la coopération des deux types de société, en précisant que les composantes des deux types de société sont à prendre en compte, selon les territoires et selon les époques ?

    Et le concept de société à l’occidentale, tel que nous le comprenons, n’était pas celui qui correspondait à la société coloniale du terrain, qui pourrait être étudiée comme une pièce de théâtre avec son intrigue ou ses intrigues de pouvoir colonial, ses acteurs, dont les rôles principaux n’étaient pas obligatoirement tenus par des européens, et ses échecs ou ses succès.

   Une société coloniale comme fruit du travail du colonisateur ou du colonisé ?

   Au cours de la période 1870-1914, quoi de commun et de comparable entre  la société coloniale du Soudan, de l’Oubangui-Chari, de Madagascar, ou de l’Indochine, et celles de métropole, parisienne ou provinciale ? Et ultérieurement, entre les colonies entre elles et celles de métropole, selon les périodes examinées ?

   Pourquoi ne pas déranger quelque peu les analyses habituelles des sociétés coloniales, en avançant l’hypothèse que, dans beaucoup de cas, ce sont les sociétés indigènes locales qui ont façonné sur la durée les sociétés coloniales, les sociétés coloniales d’origine européenne continuant à vivre dans leur monde enkysté ?

&

            Le mieux est de donner à nouveau et tout d’abord la parole à Henri Brunschwig afin de tenter de conclure sur les caractéristiques de la société coloniale de la première période, car le propos qu’il tient, vaut sans doute pour les autres colonies que celles d’Afrique noire, tout au moins pour la période antérieure à 1914 :

    «  Au cours de ces enquêtes, nous avons d’abord constaté qu’il y avait très peu de Blancs dans l’Afrique noire française vers 1914.  Rien de comparable à l’Afrique du Sud et à l’Algérie, où les Blancs formaient des minorités compactes et jalouses de leurs privilèges. Ils allaient dans ces régions malsaines non pour les coloniser, mais pour en revenir. Ils n’y faisaient pas souche et se préoccupaient en général plus de leurs intérêts individuels – promotion ou enrichissement – que de mission civilisatrice.

    Si peu nombreux qu’ils fussent, ils apparaissent profondément divisés. Les militaires méprisaient les civils ; les administrateurs dominaient les agents des divers services, cependant plus compétents qu’eux ; les fonctionnaires dédaignaient les commerçants et les colons, les catholiques rivalisaient avec les protestants.

    En métropole, une doctrine coloniale s’élaborait. Alliant les principes humanitaires de la Révolution française et des missions religieuses aux techniques modernes, elle promettait aux Noirs un niveau de vie supérieur et un accueil égalitaire dans la société blanche. Prétendant respecter les droits de l’homme et celui des peuples à disposer d’eux-mêmes au sein d’une prochaine association d’Etats autonomes, elle entretenait la bonne conscience de l’opinion publique en face du fait colonial. La France, apparemment, pratiquait une politique généreuse, différente de celle de ses rivaux. Elle n’eut en réalité de système colonial que sur le papier. » (page, 209)

            A lire ces quelques réflexions, certains pourraient se demander comment aussi peu de blancs ont pu provoquer autant de bouleversements dans les territoires colonisés, et la ou les thèses d’après lesquelles «  l’ordre » public colonial  n’aurait pas pu se maintenir sans le concours des fusils à tir rapide, ou sans la sorte de joug que faisait peser le Code de l’Indigénat sur les populations soumises, réduisent un peu trop le champ de la problématique de la colonisation et des sociétés coloniales, c’est-à-dire de leur fonctionnement.

            Il convient de rappeler à ce sujet les propos tenus aussi bien par le même historien que par l’ancien administrateur colonial Delavignette, dont nous avons fait état plus haut, à savoir le rôle des acteurs autochtones de la scène coloniale.

            Rétroactivement et pour le citoyen d’aujourd’hui, et comme nous l’avons déjà souligné, il est difficile de comprendre la nature et le fonctionnement de sociétés coloniales françaises très diverses, selon leur chronologie et leur cadre géographique, économique et humain, et en disposant des outils statistiques d’évaluation nécessaires.

            A lire beaucoup d’études historiques sur ces sujets, l’histoire coloniale souffre d’une vraie carence d’analyses quantitatives, aussi bien en termes de stock que de flux.

        C’est une histoire qui éprouve la plus grande peine à sortir du domaine des idées et à proposer des critères d’évaluationde mesure des dynamiques démographiques, politiques ou économiques internes, applicables pour l’ensemble de ces sociétés, tant les « situations » coloniales étaient diverses, en dépit d’un décor légal et administratif qui se voulait standard.

      Ces réserves importantes faites, est-il possible d’esquisser les éléments d’une comparaison entre elles, en présentant les traits qui paraissent pouvoir être partagés par les différentes sociétés coloniales ?

    Rien n’est moins sûr, mais nous tenterons d’éclairer à nouveau cet essai de synthèse à partir de la thématique bien connue du théâtre classique, avec les trois unités de lieu, d’action et de temps, dans quel théâtre, sur quelle scène, et avec quel scénario ou intrigue ? Avec quels acteurs, la société coloniale ou la société autochtone ? Avec quels résultats ?

     Conclusions de synthèse ou pistes de la réflexion proposée, qui a beaucoup d’égards, dans le contexte actuel de certaines doctrines de recherche historique, sont incontestablement dérangeantes, tant elles font appel à des concepts d’analyse de coopération ou de collaboration ?

     Il convient de rappeler en effet que certains chercheurs n’ont pas hésité à comparer la « collaboration » française des années 1940-1945 à celle des évolués ou lettrés qui accompagnèrent la colonisation française.

Les scènes :

    Contrairement au théâtre classique, l’intrigue coloniale se déroulait sur les scènes les plus diverses, géographiquement, entre côtes ou hinterland, forêts, savanes ou déserts, plaines côtières, plateaux, ou montagnes, économiquement entre côtes avec fleuves accessibles ou arrière-pays inaccessible, entre territoires riches ou pauvres, et plus souvent pauvres que riches, culturellement, entre pays de l’islam, du fétichisme, de l’animisme, du confucianisme, ou du christianisme, entre populations côtières déjà « contaminées »  par le contact de l’étranger et celles de l’hinterland qui n’avaient pas encore eu l’occasion de voir un blanc en chair et en os, et encore moins une blanche.

    Comment ne pas noter également qu’au fur et à mesure d’une meilleure connaissance des civilisations et des cultures rencontrées, de la prise de conscience de la relativité des différentes civilisations, le dogme des « races supérieures » de Jules Ferry se trouvait de plus en plus mis en question ?

    Au cours d’un débat célèbre sur l’expédition du Tonkin, Clemenceau avait déjà, et très sérieusement, mis ce dogme en question.

    Les sociétés indigènes avaient une composition très différente dans leur croyances, leur fonctionnement social, leurs mœurs, certaines plus ouvertes que d’autres à la colonisation, à l’acculturation européenne, majoritairement le long des côtes ou des axes de communication, d’autres closes, très longtemps refermées sur elles-mêmes.

    Le pouvoir colonial était donc, dès le départ, privé de pouvoir offrir des solutions standard à ce kaléidoscope humain.

Le scénario, la politique coloniale :

    Sur ces scènes les plus variées, plus ou moins accueillantes, quelle était l’intrigue, le scénario du pouvoir colonial, s’il en existait un, le rôle que les gouvernements français entendaient jouer dans les colonies qu’une folle fringale de conquête avait données au pays, en un mot, quelle était la politique coloniale de la France ?

    Les partisans des conquêtes coloniales le plus souvent situés à la gauche de l’échiquier parlementaire, les Jules Ferry, Faure, Freycinet, Rouvier, Lebon, Hanotaux et Etienne…affichaient de grandes ambitions, la promotion d’une civilisation européenne annoncée comme supérieure, l’ouverture de nouveaux marchés, le prestige de la France que la défaite de 1870 avait bien rabaissé, et faisaient miroiter à la myriade des peuples d’outre-mer, et pendant longtemps à une toute petite minorité de lettrés la perspective de l’assimilation, d’accès à la citoyenneté française.

    Après la Révolution Française de 1789, un nouveau rêve ?

    Il serait possible de décrire la politique coloniale comme une intrigue, un scénario de pure forme, abstrait, écrit par des auteurs qui ignoraient la plupart du temps les « situations coloniales » et le « moment colonial », une politique des formes, des constructions bureaucratiques, toutes en apparence aux yeux du petit public des initiés, alors que sur le terrain de la « situation coloniale » il en était évidemment tout autrement.

   La Grande Bretagne n’a pas éprouvé ce type d’état d’âme en matière de politique coloniale, étant donné qu’elle n’a jamais fait miroiter aux yeux des peuples indigènes qu’elle avait sous sa férule directe, ou indirecte le plus souvent, une accession à la citoyenneté britannique.

    La politique coloniale de la métropole n’était donc qu’une politique « sur le papier », pour reprendre l’expression d’Henri Brunschwig.

   Il parait difficile d’analyser le rôle de la métropole, et de ses scénarios, sans les inscrire dans chacune des périodes différentes que furent les années 1870-1914, 1914-1918, 1918-1939, 1939-1945, et 1945-1960, et de tenter de comprendre pourquoi la société coloniale européenne ne fut pas souvent, sinon jamais, le modèle réduit de la société métropolitaine, sa représentation, c’est-à-dire un échantillon représentatif, pas plus qu’un aiguillon de modernité coloniale.

   1870-1914 : comment qualifier la politique de la métropole à cette époque ?   Ignorante tout d’abord des régions, des peuples et des civilisations qu’elle entendait précisément civiliser, car les gouvernants et les conquérants partageaient le plus souvent la fameuse idéologie des races supérieures de Jules Ferry.

    Une métropole, ou plutôt des gouvernements généralement de gauche, pris d’une sorte de folie conquérante, mais ils n’étaient pas les seuls, à nouveau en rivalité avec l’Angleterre, comme le cas s’était déjà produit au cours des siècles précédents, une folie que les gouvernements était disposés à payer à crédit, comme ce fut le cas pour financer l’expédition désastreuse de Madagascar en 1895.

     Une situation d’autant plus paradoxale que la France était riche et qu’elle avait remboursé dans un temps record la dette de plusieurs milliards de francs or de la défaite que la Prusse lui avait imposé de payer !

   Afin de limiter définitivement le coût de ses aventures coloniales, la Chambre des Députés vota la loi du 3 avril 1900 qui lui interdisait de subventionner les nouveaux budgets des colonies, et cette interdiction dura jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

    La France se lançait d’autant plus volontiers dans les aventures coloniales qu’elle changeait de gouvernement tous les six mois, et que la France « profonde, » comme certains le diraient de nos jours, celle des villages, ne prêtait d’intérêt aux colonies qu’à l’occasion de tel ou tel exploit colonial, collectif ou individuel.

   Au résultat, en 1914, la France se trouva à la tête d’un empire géographique gigantesque plus riche en kilomètres carrés qu’en hommes et en ressources économiques. Les gouvernements et l’élite de cette époque aurait pu et dû se poser la question : un empire colonial pour quoi faire ? Alors que les Français répugnaient à émigrer, et qu’ils ne s’adonnaient pas au commerce international, comme les Anglais ou les Allemands, etc…

    Guerre 1914-1918 : les gouvernements français ne se privèrent pas de ponctionner les colonies, en hommes et en matières premières, pour subvenir aux besoins colossaux de la métropole en guerre contre l’Allemagne.

    Est connu l’appel massif fait aux tirailleurs, l’appui très efficace que le ministre Diagne donna à ce recrutement en Afrique noire. Est beaucoup moins connue la résistance diffuse ou organisée que certains peuples y opposèrent, notamment dans la Haute Volta de l’époque.

    Pendant la guerre, les colonies furent donc mises à contribution de leurs matières premières au profit de la défense de la métropole.

    1919-1939 : de façon tout à fait étrange, cette contribution aux armes de la France ne se traduisit par aucun changement dans sa politique coloniale !

 Il est possible d’avancer toutes sortes d’explications de cette politique de l’autruche, une ignorance persistante, un entêtement dans la croyance aux races dites supérieures, l’incompétence, la puissance des groupes de pression capitalistes, la mauvaise foi, l’incapacité des élites françaises à assumer l’héritage colonial, une incapacité causée par la saignée de la guerre, le laminage des élites, le retour de l’insécurité internationale en Europe, la crise économique, ou tout simplement l’indifférence de l’opinion publique à l’égard du patrimoine colonial ?

   Un groupe de chercheurs s’est illustré en tentant d’accréditer la thèse d’après laquelle la France aurait alors « baigné » dans une culture coloniale ou impériale, mais le groupe en question n’a jamais démontré, chiffres en mains, cet état de l’opinion publique.

   Rappelons simplement que Lyautey, le grand parrain de la fameuse Exposition Coloniale de 1931, laquelle devait emporter l’adhésion du peuple français, reconnaissait qu’en dépit de son succès populaire, elle n’avait pas modifié l’indifférence de l’opinion publique envers la chose coloniale.

   En résumé, les sociétés coloniales pouvaient continuer à voguer de leurs propres ailes, sur les mêmes bases juridiques et administratives qu’au cours de la période des fondations coloniales.

   Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la politique coloniale prenne un virage.

   Le plus surprenant fut que rien ne changeait, qu’il s’agisse de gouvernements de droite ou de gauche, comme ce fut le cas avec le Front Populaire en 1936.                   

Jean Pierre Renaud – Tous droits réservés

Guerre d’Algérie – Lettres d’un sous-lieutenant, vallée de la Soummam, avec le témoignage du sous lieutenant Durand, en sa mémoire!

Lettres d’un sous-lieutenant, vallée de la Soummam, suite et fin avec le témoignage du sous-lieutenant Durand, en sa mémoire !

 A la suite du livre que j’avais publié sur la guerre d’Algérie, un de mes lecteurs dont j’ignorais l’existence, me fit parvenir, le 29 août 2004, un témoignage avec quelques photos.

            Il s’agissait d’un camarade sous-lieutenant du 28ème Bataillon de Chasseurs Alpins qui avait servi, entre juin 1957 et mai 1958, avant mon arrivée à Vieux Marché, au poste de la Première Compagnie, à Tasga, qui abritait sous son ombrelle,  la SAS du lieu.

            L’officier en question, Georges Durand, avait suivi le même type de parcours que moi avant de venir en Algérie, mais lui venait de la rue d’Ulm, l’Ecole Normale Supérieure, et devint professeur d’histoire.

            Quelques extraits de son message :

            « Evidemment, en 1957-1958, ce « douar pourri » des Beni-Oughlis par l’insécurité ne permettait pas à l’officier SAS de circuler entre Vieux Marché et Sidi Aïch . La compagnie n’aventurait une section qu’à horizon du poste ; elle-même ne sortait que pour aller à Djennane et à Sidi Yahia et encore devait-elle avoir l’accord du bataillon qui mettait sa section d’appui en alerte. Au-delà, l’Ighzer Amokrane supposait des soutiens plus sérieux

            Les récits de Marçot en apprendront plus sur le quotidien dans cette guerre de capitaines et de sous-lieutenants que bien des témoignages moins distanciés ou de grandes fictions, trop orientées. Merci d’avoir conçu votre relation avec tant d’intelligence et de sensibilité

            Quelques réserves : un peu sévère pour les officiers et sous-officiers des unités combattantes. J’ai eu un capitaine, RM, d’une humanité, d’un sens des populations, d’une intelligence du type de guerre qui m’a permis de passer là-bas quinze mois sans avoir à me poser le problème de la page 10 « A quel stade refuserait-il de faire une saloperie ? »

           Hélas d’autres compagnies du 28ème BCA ne furent pas protégées de ces dérives. Par contre sur le terrain, je n’ai guère été interrogé par des « états d’âme » – vos colonels sont caricaturaux. Le colonel H, commandant la demi-brigade (sous-secteur d’El Kseur) était en opération avec nous sur la ligne de feu. Je suis même une nuit tombé en embuscade avec lui au col qui sépare les Béni-Oughlis de l’Ikedjane au-dessus de Tibane. Nous étions en « chasse » d’Amirouche qui devait passer la nuit à Taourirt. Le chouf qui contrôlait le djebel Duk nous a plaqué au sol, sa harka et ma section et c’est dans cette incommode posture que le colonel m’a livré la formule de « l’ ’optimisme militaire que je vous transmets. D, il ne faut jamais désespérer : il n’y a pas de situation militaire qui soit restée sans issue. »

            Georges Durand a fait au moins deux communications écrites sur son expérience de la guerre d’Algérie à l’Université de Lyon II :

            – l’une de caractère militaire, intitulée, « Quadrillage, bouclage, ratissage – Aspects opérationnels de la guerre d’Algérie »

            – l’autre intitulée, « Hommes et femmes de Kabylie dans la guerre d’Algérie -Témoignage d’un sous-lieutenant » dans laquelle il expose très clairement la problématique du comportement de la population entre le marteau et l’enclume, dans le climat de violence de l’insurrection, et je voudrais citer simplement ses mots de conclusion :

            « Quel dommage que la violence ait gâché notre présence, notre départ et notre absence ! La paix ne refleurira-t-elle jamais dans les oueds envahis par les lauriers roses s’éveillant sous la caresse des doigts de l’aurore, pareils à ceux d’où nous revenions au petit matin, soulagés d’une nuit d’embuscade…Vaine ? »

  Est-ce que l’ancien sous-lieutenant Georges Durand aurait dû vraiment faire repentance ?

Jean Pierre Renaud

         Post Scriptum: le camarade Durand m’avait adressé un petit dossier illustré de photos prises lors de son séjour, en vue d’une possible troisième édition à compte d’auteur.