Humeur Tique : devoir ou obligation de réserve d’un juge d’instruction antiterroriste ? Candidature à un autre poste ?

 Dans Le Figaro du 11 février 2013, page 7, au moins un quart de page de pub pour un livre de M.Trévidic, intitulé « Terroristes ».

            A n’en pas douter, cette publication a été autorisée par l’autorité judiciaire, ou ce serait à n’y rien comprendre ! Existerait-il une nouvelle conception de l’obligation de réserve des magistrats ? Encore plus souple que celle dont l’interprétation a déjà été donnée dans un passé récent par le Conseil Supérieur de la Magistrature ?

            Dans le cas présent, ne s’agirait-il pas d’une violation de l’obligation de réserve que lui imposeraient ses fonctions de juge antiterroriste ? (Article 10 ordonnance du 22/12/1958).

            Obligation de réserve ou non, sommes-nous encore dans une République Française en bonne santé institutionnelle ?

Certainement pas, à voir ce type de pub pour un livre d’un des juges antiterroristes chargés de la sûreté de l’Etat ? Qui risque aussi gros en s’exposant ainsi dans cette Com publique?

            Et pourquoi pas demain un autre livre du patron actuel du SDECE ou de la DCRI ?

CAPES et Agrégation, avec un brin d’impertinence historique!

CAPES et Agrégation, avec un brin d’impertinence historique !

Les sociétés coloniales (1850-1950) : le puzzle de l’histoire coloniale ! 

            Le puzzle historique, un puzzle géant, comme un jeu intellectuel cher à certaines écoles pédagogiques ! Dans le cas présent, celui des sociétés coloniales d’Afrique, des Antilles, et d’Asie entre les années 1850 et 1950 ! C’est peut-être le choix qui a été fait dans la conception de l’ouvrage collectif dirigé par JF.Klein et C.Laux.

            Un puzzle géant composé de nombreuses pièces que les candidats au Capes et à l’agrégation d’histoire sont chargés d’interpréter et de classer selon la définition, soit du Larousse du XXème siècle en six volumes, des années 1930 :

            « Jeu de patience composé d’une infinité de fragments découpés qu’il faut rassembler pour reproduire un sujet complet »

 soit du Petit Robert :

            « Multiplicité d’éléments qu’un raisonnement logique doit assembler pour reconstituer la réalité des faits »

            Un puzzle dont les concepteurs ont peut-être caché certaines pièces, faussé volontairement d’autres, afin de renforcer l’intérêt de ce nouveau jeu.

            Puzzle ou casse-tête matériel ou immatériel,  selon la définition, en deux ou trois dimensions selon les « faiseurs de puzzle », et dans le cas présent, la troisième dimension  présente un réel intérêt, s’il s’agit de la profondeur historique, de la période de temps choisie et de celle des sociétés coloniales antérieures ou postérieures à ce calendrier.

            Et tout autant, le long et le large, s’il convient de limiter ou non le champ géographique du raisonnement, c’est-à-dire pour un cas de société coloniale déterminée dans un espace de temps également déterminé.

            Encore et enfin, pour reprendre le titre d’une des rubriques du livre de Mme Coquery-Vidrovitch « L’histoire des colonisés vus d’en bas » dans « Les enjeux politiques de l’histoire coloniale », est-ce que les pièces de ce puzzle expriment une histoire vue d’en bas ou des histoires d’en bas ?

            Et en ce qui concerne les propositions qui ont été faites par leurs auteurs pour entrer dans la composition de ce puzzle, s’agit-il des sources qu’ils ont exploitées eux-mêmes, ou d’un travail d’historiographie ?

            Les « faiseurs de puzzle » proposent donc de nous intéresser successivement à trois sous-ensembles de pièces de ce puzzle : « Politiques et encadrement des sociétés en contexte colonial », « Acteurs, groupes sociaux, résistances et accommodements dans les sociétés coloniales », et enfin, « Les pratiques culturelles dans les sociétés coloniales ».

            Le puzzle aurait pu tout aussi bien s’organiser autour de trois pôles :

le pouvoir colonial, comme dans une pièce de théâtre, avec quel message, quelle thématique, ou quelle intrigue,

 les acteurs,

le jeu lui-même, convaincant ou non, et pour quel résultat : bide ou succès ?        

             Au cours de leur tentative de recomposition de ce puzzle historique, les candidats à ces concours ne manqueront donc pas de trouver sur leur route d’assez nombreux pièges que leur ont sans doute tendus les concepteurs de cet ouvrage collectif.

            A titre personnel, et avec une formation universitaire différente de celle d’un historien, et uniquement en ce qui concerne les contributions dont les sujets me sont un peu familiers, deux sortes de pièges me sont apparus, les premiers d’une nature générale, les seconds dans quelques-uns des cas particuliers analysés.

I – Quelques pièges de nature générale, en conservant à l’esprit le fil rouge du raisonnement logique qui doit conduire à la réalité des faits :

Grandeurs économiques et financières, statistiques et évaluation : des grandeurs mesurables, fiables, et comparables ?

Il est difficile d’analyser des sociétés coloniales, et encore plus de les comparer entre elles, sans avoir à sa disposition tout un ensemble d’indicateurs statistiques statiques ou dynamiques, en termes de flux, portant sur la démographie, l’économie, les structures économiques et sociales, l’immigration…, et cela en fonction évidemment d’une chronologie, avec toujours l’addition de la situation coloniale et de son moment.

Ajouterai-je que dans un certain nombre de ces sociétés coloniales les séries statistiques disponibles, si elles existent, n’auront pas toujours une fiabilité assurée. Pour ne prendre que l’exemple de l’Afrique occidentale, les chiffres de la population ont mis beaucoup de temps à être connus, ne serait-ce qu’en raison des difficultés concrètes de recensement, et du fait que la population n’avait pas « envie » de se faire recenser, puisqu’elle donnait alors prise aux impôts de capitation.

Une des contributions procède à un long examen des migrations de travail, mais il n’est pas très facile de les interpréter sans disposer de séries statistiques solides et sans les mettre en rapport avec d’autres migrations de travail telles que celles des migrations blanches des mêmes époques, comparables ou non, entre autres, d’origine anglo-saxonne. Etats Unis, Australie, Afrique du Sud, et Nouvelle Zélande ont accueilli tout au long du XIXème siècle des millions d’anglo-saxons, dont une partie, pour les Etats Unis venait de « la colonie »  d’Irlande.

De même, et dans un tout autre domaine, celui de la littérature ou du cinéma qui concernent plus les métropoles que les sociétés coloniales, il est difficile de porter une appréciation sans avoir à sa disposition un certain nombre d’indicateurs tels que le poids de l’édition de type « colonial » par rapport à l’édition de type « métropolitain », nombre d’ouvrages, thèmes, tirages, etc… .. aux différentes époques considérées.

Le même type de remarque méthodologique pourrait être faite pour la presse qui n’a pas, en tout cas à ma connaissance, ou qu’on m’en pardonne, fait l’objet d’un travail d’inventaire et d’évaluation qui permettrait d’affirmer comme l’ont fait certains chercheurs que la France baignait dans une culture coloniale, à une époque coloniale française dont les bornes chronologiques ne sont d’ailleurs pas les années 1850-1950, mais 1870-1960, et de façon plus rigoureuse pour l’Afrique noire, 1900-1960.

Cette thèse n’a pas encore été démontrée, comme je m’en suis expliqué dans le livre « Supercherie coloniale ».

Comment ne pas être surpris, comme je l’ai été, de voir un historien connu autant qu’apprécié, traiter longuement dans un livre de « L’idée coloniale en France de 1871 à 1962 », sans avoir fait procéder à une analyse statistique de la presse qui accréditerait l’influence effective de cette idée, tout au long de la période examinée ?

Il en est de même pour le cinéma. Dans le cas de la France, le cinéma colonial n’a pas beaucoup concerné l’Afrique noire, et les films diffusés avant 1939, n’ont pas été nombreux.t

En l’absence de chiffres comparables, il est donc difficile de faire des comparaisons !

Aliénation économique ou aliénation coloniale, selon le moment et le lieu ?

Autre remarque générale, liée au concept de situation coloniale, en matière d’entreprise, et donc de capitalisme colonial !

Il est difficile d’analyser une situation aliénée du travail, sans la rapporter à une autre situation aliénée du travail, dans le même continent à une étape comparable de développement, par exemple entre Indochine, Chine ou Inde, ou dans des étapes comparables de développement capitaliste, par exemple en France.

Pour reprendre une expression assez connue que nous trouverons plus loin : comment pouvait-on être coolie en Chine ?

Ordre colonial et truchement colonial

Dernière remarque générale, celle de la place et du rôle, au titre des acteurs et des groupes sociaux, ceux du truchement colonial, qu’on les appelle les lettrés, les évolués, ou les nègres blancs comme ce fut le cas en Afrique noire.

La dissertation intitulée « Ordre et maintien de l’ordre en situation coloniale » évoque le sujet, celui des intermédiaires, mais il est dommage que le texte n’ait pas été plus précis sur ce point, au lieu de perdre un peu le lecteur dans des considérations ou observations au demeurant intéressantes, mais en pratiquant une sorte de télescopage historique qui va des tournées de « maintien de l’ordre » des commandants de cercle aux fonctions des SAS, que j’ai bien connues, en passant au travail du renseignement et à l’évocation du rôle du célèbre Lawrence d’Arabie que l’auteur place gaiement dans une réflexion originale, mais crédible ? relative à une nouvelle stratégie fondée sur l’emploi des désordres dans les sociétés coloniales ?

Diable ! Lawrence d’Arabie revisité à ce point ? Dans quel type de société coloniale ?

Le texte était plutôt engageant au départ, en notant que le nouvel ordre colonial créait « un ordre colonial moins manichéen qu’il n’y parait. » (page126), s’il n’avait pas été un peu trop « tendance », au moins dans sa conclusion, en proposant un mot cher à certains chercheurs, l’impensé, ici, « l’impensée globale du désordre colonial. » (page 131)

Les pièges particuliers du puzzle historique

Dans la première partie, « Politiques et encadrement des sociétés en contexte colonial », les thèmes traités entrainent à l’évidence un grand risque de télescopage historique, de l’échec inévitable et peut-être programmé de la résolution du casse-tête, du fait de la variété des sujets et des époques, et à cet égard, il est possible de se poser la question de l’utilité de la pièce « Vichy » : où la mettre ?

Il manque peut-être à la pièce photographique du port de Tamatave, pour que le puzzle puisse fonctionner, un rapide état des communications à Madagascar,  à la date de 1895, c’est-à-dire le degré zéro.

Dans la deuxième partie du puzzle, « Acteurs, groupes sociaux, résistances et accommodements dans les sociétés coloniales », la pièce « Races et cultures d’entreprise. Travailler chez Denis Frères dans la Cochinchine des années 1930 » doit-elle se rapporter au concept moderne de culture d’entreprise, sans anachronisme ? Alors même que le concept d’analyse ne trouve pas toujours facilement, et même de nos jours, une application dans beaucoup de nos entreprises ?

Afin de pouvoir mesurer toute la relativité de la description, une citation :

« Ces derniers points montrent que « la culture d’entreprise », vue comme un ensemble de codes de reconnaissance dont l’assimilation est nécessaire pour faire partie  d’un groupe est ici biaisée par le rapport colonial. » (page 190)

Questions sur cette pièce du puzzle ? Un rapport colonial différent de celui qui existait dans la Chine voisine ? Différent également de celui qui existait encore dans beaucoup de nos entreprises à des époques de développement comparable en France, avec des salariés en condition aliénée, prolétaire, comparable, entre autres dans nos campagnes profondes, ou dans nos grands bassins industriels ?

Compte tenu de son importance et de sa grande influence, le  groupe de pression des compradors chinois, par ailleurs évoqué, dont la présence était antérieure à celle des Français, pourrait fournir une comparaison intéressante avec la hiérarchie raciale décrite.

Une pièce du puzzle colonial ou capitaliste ?

Dans les années 1930, et en France, il serait sans doute possible de trouver des exemples d’aliénation au travail, qu’il s’agisse des journaliers agricoles, travailleurs précaires,  embauchés à la fête de la Saint Jean, pour combien de temps ? Ou d’ouvriers ou ouvrières dans nos usines textiles ?

Dans la troisième partie, « Les pratiques culturelles dans les sociétés coloniales », quelques remarques sur une des pièces du puzzle, « La promotion sociale des indigènes au sein de la société coloniale à Madagascar, itinéraire du premier évêque malgache, Mg Ignace Ramarosandratana » (page 246)

Tout d’abord, et comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, parmi les pièces du puzzle rapportées aux acteurs, une ou plusieurs pièces sont manquantes relatives au groupe de plus en plus nombreux des intermédiaires de la colonisation et du truchement colonial, les lettrés, les évolués, ou les acculturés.

Dans le cas particulier de l’évêque, l’auteur note dès le départ : « Dans tous les cas, c’est bien l’impasse de la politique d’assimilation qui se révèle » (page 246)

.Je serais tenté de dire tout d’abord, à la condition sine qua non qu’il y ait jamais eu, sauf dans les discours, une politique d’assimilation.

Une deuxième remarque relative à l’intitulé d’une partie de la pièce « Prêtre, une position dans la société coloniale » : n’était-ce pas aussi le cas dans une société qui a priori n’était pas coloniale, la société française des siècles passés ?

Et pourquoi ne pas ajouter qu’à notre époque, il continue à en être encore ainsi, et quelquefois, dans la grande île ?

Troisième remarque relative au contexte de la pièce du puzzle : avant même la conquête de Madagascar par la France, l’île a été un champ de compétition entre missions protestantes et catholiques, une compétition qui continue de nos jours, avec une incidence importante sur le fonctionnement du pouvoir politique, avec quelquefois dans les villages des plateaux la construction d’une église face à un temple.

Difficile donc de ne pas analyser ce facteur, comme la description en est faite, comme un des facteurs importants de la situation politique de l’époque, avec les positions sans doute inévitables de tergiversation ou de manipulation de la part d’une administration coloniale théoriquement férue de laïcité : s’agissait-il d’un enjeu de position sociale ou d’un enjeu du pouvoir colonial ?

Une dernière remarque relative au « Chapitre 7 Sociétés coloniales au miroir de la littérature L’exemple impérial français. »

Nous avons déjà évoqué plus haut la difficulté de l’évaluation à la fois des vecteurs et de l’effet produit sur l’opinion publique par la littérature, alors que les premiers sondages d’opinion publique n’ont eu lieu en France qu’à la veille de  la deuxième guerre mondiale.

Prudemment, l’auteur esquisse les termes d’une approche du sujet, à partir de sa définition, de son évolution, et de son contenu, à savoir s’il s’agit de littérature coloniale ou exotique, et c’est là une partie importante de la question.

Rôle de propagande coloniale ou de contre-propagande coloniale ? à voir le nombre de romans qui n’ont jamais rien caché des réalités coloniales.

Est abordée également la question capitale du regard, avec la transposition du « Comment peut-on être Persan ? Ou comment peut-on être Français », entre civilisés, non civilisés, décivilisés… ?

Quel regard ? Celui du colonisateur ou celui du colonisé ? Le regard inversé du colonisateur, comme ce fut de plus en plus, et semble-t-il, le cas ?

En guise de conclusion d’analyse de ce puzzle historique, nous ferons nôtre le « Pour ne pas conclure » de l’auteur de cette pièce du puzzle :

«  Avec l’Histoire, la littérature en général, et coloniale en particulier, entretient des liens que l’on pourrait qualifier de dangereusement séduisants. Dangereux parce qu’elle n’est pas une duplication des faits historiques, dont elle est en quelque sorte décrochée, par le temps et par les sujets. Séduisants parce que l’on peut y lire l’histoire des projections des écrivains sur cette histoire, avec illusions, rêves, mensonges et témoignages. Souvent caricaturée, la littérature coloniale mérite d’être interrogée de façon renouvelée, comme c’est le cas aujourd’hui, pour la redécouvrir dans toute sa complexité qui témoigne des sociétés qu’elle s’attache à décrire. »

Histoire des idées ou histoire des faits, histoire des lettres ou histoire des chiffres ?

Vaste chantier aussi excitant sans doute sur le plan intellectuel que celui du puzzle dont la recherche de lien logique est proposée aux candidats comme exercice de préparation!

Jean Pierre Renaud

PS : dans les semaines qui viennent, nous proposerons à nos lecteurs et  à nos lectrices, car j’espère qu’il y en a, deux textes consacrés à Charles Péguy, et à Clio,le premier, avec pour thème « l’histoire ou les histoires », le deuxième, avec pour thème « l’Orient ou les Orients » vus par le grand peintre Gustave Courbet.

Humeur Tique : Mali et « France Go Home » ?

     Le gouvernement de la France est entré en guerre avec l’accord implicite du Parlement, pour combien de temps ? Nul ne le sait !

Quelques mois ou plus ? Avec en tout état de cause, l’obligation constitutionnelle pour le gouvernement d’avoir l’accord du Parlement au terme de quatre mois d’engagement des forces armées, c’est-à-dire le 14 mai 2013.

Que d’événements peuvent se passer d’ici là !

            Il est regrettable que l’Union Européenne elle-même n’ait pas pris ses responsabilités, s’il s’agit bien de lutter contre de nouvelles formes et forces du terrorisme au Sahara, ce qui est effectivement le cas.

            A titre de point de vue, comment ne pas citer celui d’un article paru dans le journal Jeune Afrique, numéro 2716, dans une rubrique intitulée « Mali Grand Angle » :

            «  Du sentiment d’être libéré à celui d’être occupé, de l’expédition salvatrice à la croisade, le chemin est court ainsi que l’ont expérimenté les Américains, de Bagdad à Kaboul. »

            Et il y a déjà longtemps, avec le « US Go Home » dans l’Europe libérée des années 50 !

Humeur Tique: Fabius et Florence Cassez, la com d’un ministre comme énamouré!

Humeur Tique : Fabius et Florence Cassez, la complicité com d’un ministre des Affaires Etrangères de la France enamouré !

Si vous avez regardé les journaux télévisés des chaines publiques à l’occasion de la libération de Florence Cassez, vous avez pu tout à loisir, mais jusqu’à gogo com’, vous rassasier de la vue des deux visages accolés du ministre et de la jeune femme, un ministre dont le visage semblait illuminé : par la jeune femme ou par la  grâce de la com ?

Tout est bon pour la com !

La France et les Touaregs ou l’actualité de l’histoire – Tahoua 1901 avec les Ouliminden

La France et les Touareg ou l’actualité de l’histoire

En 1901, la France et les Touareg à Tahoua, entre fleuve Niger et lac Tchad, avec le colonel Péroz et le commandant Gouraud

L’âme du peuple Touareg !

            Avec la guerre du Mali, les Touareg sont à nouveau à la mode, et un Etat malien qui n’existe plus, doit, une fois de plus, rechercher une solution humaine et institutionnelle pour associer le destin des tribus Touareg à celui du Mali.

            Pourquoi ne pas revenir sur un épisode historique qui en a dit long sur l’âme de ce peuple ?

            A la fin du dix-neuvième siècle, le gouvernement français poursuit son objectif colonial d’assurer la continuité territoriale entre l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale.

C’est dans ce cadre qu’il charge le colonel Péroz, assisté du commandant Gouraud, le futur général, de mettre en place le nouveau territoire du « Niger-Tchad ».

            Le gouvernement lance donc le colonel Péroz à l’aventure, sans moyens. En 1898, une autre colonne, celle de Voulet-Chanoine, était passée à l’histoire  des horreurs coloniales, en raison également, et en partie, du manque des moyens accordés par le gouvernement.

Le colonel Péroz accomplit sa mission dans de bonnes conditions, bien que très difficiles, alors que sa colonne devait traverser un  désert inconnu et privé de toute ressource en eau.

Dans cette actualité qui remet au goût du jour les destinées du peuple Touareg, un épisode mérite d’être raconté brièvement, celui d’un accrochage meurtrier entre les troupes commandées par le colonel Péroz et plusieurs tribus Touareg.

Le colonel en a fait le récit.

A Tahoua, avec les Touareg

«  Après plusieurs alertes, nous arrivons le sixième jour à Tahoua…. Les Touaregs Ouliminden, Kelgress, et Ifisen, s’y approvisionnent en grains… notre venue les a chassés dans le désert. Je me suis fait un point d’honneur de conduire pacifiquement cette campagne. La guerre dans ces contrées… Celui qui a comme moi, vécu les heures sombres de nos luttes contre les grands chefs noirs, Samory, Ahmadou, Tiéba, peut aisément reconstituer, en son esprit les épouvantes de l’invasion hunnique dans les Gaules.

Par  mille moyens divers, je m’étais efforcé d’entrer en relations avec les tribus Touaregs qui nomadisent dans le Sahara méridional. Je voulais les persuader de mes intentions pacifiques, de mon vif désir de respecter leur hégémonie sur leurs noirs vassaux, à la seule condition qu’ils reconnaissent la suprématie de la France et qu’ils nous payassent en hommes un très léger impôt. Enfin, je reçus la réponse des chefs Ouliminden :

« Gloire à Dieu le Tout-puissant, le Juste, l’Eternel, qu’il fasse descendre sa bénédiction sur la tête de Mahomet, son prophète, et que celui-ci se répande sur les fronts inclinés de vrais croyants.

Cette lettre est destinée au chef des Français.

Nous sommes dispersés dans le désert. Nous sommes pauvres. Nous avons faim, nous avons soif ; mais nous nous portons bien, car nous sommes libres. Nous échangions nos troupeaux contre les  grains et les étoffes sur les marchés des noirs azbins. Nos chameaux venaient paître et se refaire dans le pays des hommes noirs. Et ceux-ci nous payaient tribut. Il en était ainsi pour nous ; il en a été ainsi pour nos pères et les pères de nos pères. Maintenant, depuis l’arrivée des Français, nous sommes errants dans le désert, souffrant de la faim et de la soif, car nos vassaux se sont révoltés contre nous. Mais Dieu nous aide et nous soutient ; il nous donne la force de supporter tous ces maux.

Le chef des Français nous a écrit : « Soumettez-vous à moi et vos maux cesseront ».Les chefs des tribus se sont  réunis et ont écouté la lecture de la lettre du chef des Français et ils ont décidé de demander à nos femmes ce qu’elles pensaient de cette lettre.  

Et celles-ci ont répondu :

« O hommes, pourquoi délibérez-vous. Ces Français sont-ils vos vainqueurs. Vous êtes-vous mesurés contre eux la lance et le bouclier à la main, et Dieu, vous ayant retiré sa protection, les plus braves d’entre vous sont-ils restés morts sur le terrain et les autres ont-ils dû fuir couverts de blessures et hors  d’état de soutenir la lutte ? Et si vous n’avez pas mesuré vos armes contre celles des français, pourquoi parlez-vous de soumission

On ne se soumet qu’à son vainqueur ; ainsi ont parlé nos femmes ; salut »

Et il revint donc au commandant Gouraud de mener le tournoi meurtrier

Il fallait donc qu’en quelque brillant tournoi, en une joute sanglante, dans des passes d’armes où la lutte est sans merci, se décidât le sort des tribus Touaregs. La faim, la soif, la misère ne comptaient pour rien au regard de ce sentiment d’honneur chevaleresque, enrubanné par les encouragements héroïques de leurs femmes. Et la joute eut lieu, à la mare de Zanguébé d’abord, ensuite à Galma..

De notre côté, cent dix fusils ; mais à leur tête, un jeune chef de bataillon de trente-deux ans, connu de tous les Africains pour sa valeur, le commandant Gouraud, à ses côtés, l’élite de mes officiers et des sous-officiers du bataillon. Les Touaregs étaient huit cents… »

L’affrontement fut sanglant, à cheval ou au corps à corps et beaucoup de Touaregs y furent blessés ou tués ;

« L’honneur est satisfait. Les femmes ne refuseront plus à ceux qui survivent même s’ils nous acceptent comme maîtres.

Pauvres nobles Touaregs ! Ont-ils été assez calomniés par nous : « faux, menteurs, traîtres, lâches, fourbes, voleurs ! » Sauf Duveyrier et de Polignac, qui, du reste, seuls alors, ils les avaient vu d’assez près pour les connaître, tous les écrivains qui ont parlé d’eux les ont traité de si piteuse sorte. Et cependant, est-il au monde une race primitive plus intéressante par la droiture de ses sentiments, la valeur chevaleresque, l’esprit inné de compassion et de justice. »

&

Extrait de texte tiré du chapitre 22 «  Le colonel Péroz à la tête du 3ème Territoire Niger-Tchad (1900-1901) »,  dans le livre «  Confessions d’un officier des troupes coloniales- Marie Etienne Péroz »  Présentation et commentaire par Jean Pierre Renaud – editionsjpr.com

Jean Pierre Renaud

Gallieni et Lyautey, ces inconnus! Madagascar 1897 La reddition de Rabezavana

Gallieni et Lyautey, ces inconnus !

Eclats de vie coloniale

Morceaux choisis

Madagascar

12

1897, Madagascar, avec Lyautey, commandant du territoire du Nord-Est, lac Alaotra, forêt et vallée de la Mahajamba

Le reddition du chef rebelle Rabezavana

            Si le lecteur a pris la peine de lire les chapitres précédents, il aura pu prendre la mesure des hésitations qui étaient celles de Lyautey entre la mise en valeur de l’Indochine, le «  joyau des colonies » et l’aventure malgache.

Mais ses relations de confiance et d’amitié étaient telles qu’il n’hésita pas à  rejoindre le général Gallieni à Madagascar, afin de le seconder dans son grand commandement.

A peine débarqué à Tamatave, le 7 mars 1897, le général Gallieni le pressait déjà de le rejoindre dans la capitale :

A mon frère,

«…Logé, hébergé, nourri chez lui, l’accueil d’un grand frère… bref s’il me faisait monter « maoulen » (vite en annamite), c’est que mon vieux camarade de promotion, le colonel Gonard, commandant le cercle de Babay, ne tenait plus debout, rentrait en France, et que c’était moi qui le remplaçait.

«  Le plateau central de Madagascar, seule partie de l’intérieur encore effectivement occupée, était à ce moment divisé en deux territoires militaires : le premier, au Nord-Est, colonel Combes, lac Alaotra, la forêt et la vallée de la Mahajamba ; – la deuxième, au Sud-Ouest, colonel Borbal-Combret. – La région côtière jusqu’au plateau est territoire civil. Entre les deux territoires militaires, un cercle indépendant, ne relevant que du général, celui de Babay, à cheval sur le débouché Ouest de Tananarive, par la route de Majunga, allant au Sud jusqu’à un jour de marche de Tananarive, limité à l’Est à la Betsiboka, à l’Ouest à l’Ikopa, au Nord à Andriba, et au-delà les terres à conquérir. Grosse responsabilité à cause de la route à refaire et à protéger (celle de Tananarive à Majunga), ce qui, en tout pays d’insurrection, est un des plus sales problèmes à résoudre. Ce terrain était d’ailleurs entièrement pacifié, sauf un coin aux sources de la Betsiboka encore occupé par les chefs Rabezavana et Rabozaka contre lesquels opérait mon voisin de droite, le colonel Combes, l’homme du Soudan….

            Le colonel Combes, malade, demande à rentrer, et le Général veut me donner le premier territoire plus mon cercle, c’est-à-dire le tiers du Madagascar militaire occupé. Il me passe un petit frisson dans le dos à l’idée de succéder d’emblée dans ce vaste commandement, moi, chétif, tombant du Tonkin avec mes quatre galons, à ce légendaire colonel Combes, la terreur du Soudan, commandeur de la légion d’honneur, un des chefs les plus autoritaires et les plus éprouvés de l’Infanterie de Marine. Je ne me voyais pas, si récent colonial, m’imposant à ces troupes et surtout à leurs chefs de même grade que moi. Je me défends en invoquant ces motifs : le Général finit par reconnaître qu’il y a intérêt à me graduer la tâche, et, coupant le territoire en deux, ajoute simplement à mon cercle la rive droite de la Betsiboka, jusqu’à la Mahajamnba, en me donnant autorité sur le cercle voisin, Ambatondrazaka, commandant B…, pour assurer l’unité d’action…

            Puis je pars seul, sans un officier, n’en n’ayant pas un disponible, avec seulement quelques hommes d’escorte pour me mettre à la recherche du colonel Combes et de sa colonne. Je le trouve, après six jours de marche, le 18 avril, bivouaquant à Vohilena, en pleine opération contre Rabezavana.

            J’avoue que je n’arrivais pas très tranquille. La brusquerie et l’accueil de sanglier du colonel Combes sont légendaires. On le disait de fort méchante humeur, aigri, mécontent du Général, dont, imbu d’autres méthodes de guerre, il ne partageait pas la doctrine, et demandant à partir beaucoup plus par suite de ses divergences de vue que par raison de santé. Je m’apprêtais donc à être fort mal reçu. Il n’en fut rien. Il était réellement malade, en avait assez et m’attendit avec impatience pour me passer le commandement. Il n’avait qu’un regret que je discernais vite, celui de ne pas achever l’opération commencée contre Rabezavana qu’il comptait atteindre à Antsatrana, à quatre journées plus loin, position fortifiée où il pensait le trouver retranché et le réduire par la force.

J’insiste vivement pour qu’il continuât jusque-là, invoquant l’inconvénient, réel d’ailleurs, de changer  le commandement en pleine marche, en lui offrant de lui servir de major de colonne. …

Le lendemain, faisant appel à tous mes souvenirs d’état-major de brousse du Tonkin, je fis le contrôle le plus sévère du convoi et de l’approvisionnement des sacs de riz et gagnai ainsi la confiance du Colonel qui cessa de me regarder comme unnovice. Nous devînmes une paire d’amis et, malgré quelques bourrades sérieuses, nous le restâmes. »

La méthode de pacification Combes

« J’eus le même jour, un aperçu de la façon dont il entendait la pacification ? Le général Gallieni m’avait annoncé que je trouverais à la colonne deux émissaires de premier choix, qu’il avait envoyés pour servir d’intermédiaires avec les insurgés : un magistrat malgache, personnage considérable, et un jeune interprète. Tous deux étaient venus dans le costume européen dont ils sont affublés, l’un d’eux même en chapeau haut de forme ; et comme je m’en enquérais auprès du Colonel pour les interroger : « Ces deux civils ? me répondit-il, je n’aime pas ces gens- là, je ne les ai même pas regardés, je les ai fourrés dans un silo ; mais faites-en ce que vous voudrez, ça vous regarde. »

Je ne me le fis pas dire deux fois : je les fis remonter, ahuris et un peu défraichis, du fond de leur puits, et ce me furent, dans la suite, des agents incomparables.

Le 21 avril, nous piquions avec 400 fusils et 2 canons sur Antsatrana, qui était en effet, l’ancien siège de Rabezavana, lorsqu’il était gouverneur royal, où il avait son rova (sa citadelle), ses réserves, ses ressources…. Le 28 avril, nous arrivons devant Antsatrana ; mais nous y entrons sans combat, Rabezavana a déménagé….

Ce mécompte exaspère le colonel Combes ; du coup, il déclare qu’il part le lendemain et me remet le commandement. »

La méthode Gallieni

« Libre de mon action, j’en reviens sans délai aux méthodes que m’avait apprises Gallieni, et avant tout, renonçant à la colonne linéaire poussant droit devant elle, j’en reviens à la méthode des colonnes convergentes, la seule qu’on m’ait appris à regarder comme efficace….

Le 2 mai, sur un renseignement, je me rejette au Sud, où Rabezavana m’est signalé ; je ne le pince pas parce qu’il me file sous le nez, mais c’est à deux heures près que je tombe sur le village inconnu de Marotsipoy, bien caché dans une vallée latérale, où aucun européen n’avait pénétré. J’y pince cette fois d’énormes approvisionnements, les silos pleins de riz, combien de poulets ! des fusils, des cartouches. J’y prends aussi ses instruments de musique : une trentaine de grosses caisses, de tambours, de violons, et une malle où étaient ses uniformes officiels de Gouverneur royal, un habit rouge brodé et un chapeau de général à plumes blanches. Mais ce que je trouve avec le plus de joie, c’est un centre de rizières en pleine récolte… » (LTM/p,533)

Les opérations continuent :

« Le premier point à occuper ensuite, c’est Ambohimanjaka, que je sais être un ancien et important centre, nœud de communications, à mi-chemin entre moi et le cercle d’Ambatondrazaka, avec qui il faut me relier. Je veux y aller, mais je n’ai plus de fusils disponibles ; échange de télégrammes optiques, d’ultimatums avec Tananarive. Enfin, on m’envoie le 14 mai 250 tirailleurs de renfort et, le lendemain 15, je pars avec 400 fusils et 2 canons.- Là, ç’a été une jolie opération… tout cela me ramenait au centre 250 prisonniers, dont la mère de Rabezavana, 50 fusils et 3 000 boeufs, sans pertes de notre côté, avec 11 tués chez eux…. Ce beau coup de filet met de plus en plus la troupe en confiance…… Pour la première fois, on sort du vide ; on se sent sur un terrain qui commence à se solidifier, et le dîner, pour spartiate qu’il soit encore, est joyeux. A la nuit, je vais contrôler un de mes postes optiques ; je me fais stupidement éclairer par mon photophore qui nous repère, et la balle d’un guetteur voisin me tape en plein dans la lunette de l’objectif. Le petit télégraphiste, un gamin de Paris, qui en avait retiré son œil une seconde avant, en est tout bleu…

Le résultat de la razzia, qui atteignait notre adversaire dans ses ressources vives, ne s’est pas fait attendre. Depuis avant-hier, Rabezavana me fait des offres de soumission. » (LTM/p,535)

Le commandant Lyautey disposait alors de forces relativement importantes,  un effectif de 1 700 hommes, soit de l’ordre de deux bataillons, avec 3 canons.

« Antsatrana, 24 mai,

Je rouvre ma lettre pour la terminer sur une nouvelle sensationnelle : Rabezavana s’est rendu ce matin.

Le 22, je recevais un mot du capitaine Raymond me disant que, d’après tous ses renseignements, Rabezavana était sur ses fins, que la capture de ses troupeaux, de ses réserves lui avait porté le dernier coup, qu’il ne trouvait plus à vivre dans un pays désolé, que ses partisans le lâchaient par groupes, que le fruit était mûr, et qu’il ne fallait plus pour le cueillir, qu’une rapide et opportune démonstration de forces. Je suis parti à marche forcée avant-hier, avant le jour, avec la colonne et je suis arrivé hier soir. Dès l’aube, un billet de Raymond m’annonçait que le Monsieur se présentait aux avant-postes et serait ici dans deux heures. Personne au monde ne s’en doutait : j’avais gardé pour moi le secret absolu, de crainte que cela ne ratât. Comme il n’y avait plus de doute, je me mis à dicter un télégramme pour le Général, à tenir tout prêt à lancer par l’optique dès que la chose serait consommée. Au premier mot, la plume tomba des mains de mon interprète-secrétaire, le fidèle Jean-Baptiste Rahajarisafy, élève des jésuites de Tananarive, parlant français comme toi et moi, et l’écrivant, certes, mieux que moi : « C’est bien Rabezavana que vous dites, mon Commandant ? – Parfaitement. – Mais alors, l’insurrection est finie ? – Parfaitement….

Précédé de Raymond, Rabezavana arriva à cheval, suivi de 500 guerriers, dernier contingent de ses fidèles, tous armés de fusils à tir rapide, et qui nous eussent certes donné bien du fil à retordre, s’ils avaient eu encore de quoi manger. Sa troupe défila entre les deux rangs de la colonne. Entré dans la cour du rova, il mit le pied à terre, ses hommes jetèrent leurs fusils en un tas et tous se prosternèrent, tandis que leur chef, à mes pieds, malgré mes instances pour le relever, me récitait un discours de soumission qu’on me traduisait à mesure. Pour terminer, il tira de son doigt une bague, cabochon de corail monté en or, en me disant : « Ceci est mon anneau de commandement ; je ne commande plus. Prends-le pour que tous voient que désormais c’est toi qui commandes. »

Je le passai à mon doigt et ce fut le signal d’une grande acclamation. Si Dieu me prête vie, vous le verrez un jour en breloque à ma chaine de montre, car je ne compte plus m’en séparer.

Je n’avais garanti à Rabezavana que la vie sauve. Il s’attendait pour le moins à la déportation et, dans sa lassitude, c’est tout ce qu’il osait espérer. Après avoir tâté le bonhomme et causé avec les émissaires, j’ai pris un grand parti : c’est de le laisser libre, de le réintégrer ici même dans son ancien commandement et de lui confier la restauration de cette région, où tous le connaissent et le respectent, et l’œuvre de réconciliation qu’il est temps de commencer. Je le lui ai annoncé. Il se Tâte encore pour voir s’il ne rêve pas. Il vient de dîner avec nous. Nous avons trouvé au fond de nos caisses une bouteille de champagne et il y a fait honneur, retrouvant ses habitudes de haut fonctionnaire hova civilisé, accoutumé à fréquenter le « meilleur monde », comme il apparaissait dans sa tenue à table.

Sa femme, qu’il a tirée de ses bagages, est venue nous rejoindre au café et l’entente est scellée.

Demain, je commence avec lui une tournée où j’aurai son anneau au doigt, mais où il me servira d’ad latus et d’intermédiaire pour ramener à leurs foyers ces malheureuses populations et restaurer ce pays dévasté. Et je verrai bien si je me suis trompé.

Et, sans aucune exagération, c’est vraiment une bonne journée, pleine de choses et de lendemains. Et vive la méthode Gallieni ! La voici ayant fait une fois de plus ses preuves ; et c’est bien la vraie méthode coloniale. » (LTM/p,539)

Commentaire :

Le premier a trait au comportement hova face à l’envahisseur qu’étaient les troupes coloniales : certains commentateurs ont glosé sur la faible résistance de l’armée malgache lors de l’expédition de conquête, mais l’histoire a montré que cette résistance, mal commandée, avait pris d’autres formes, indirectes avec l’insurrection qui se développa dans l’île, une fois la capitale prise.

Car les forces en présence n’étaient pas négligeables : Rabezavana disposait de bandes qui comptaient des centaines de combattants, équipés d’armes modernes, c’est-à-dire des fusils à répétition.

Cet épisode montre que l’administration de la reine Ranavalona disposait de fonctionnaires de qualité, en tout cas sur les plateaux, tel l’ancien gouverneur Rabezavana.

Le même récit  fait état du système de communication militaire qui avait été mis en place par l’armée, c’est-à-dire un réseau de télégraphie optique, que viendra remplacer ultérieurement un réseau de télégraphie électrique.

Le livre « Le vent des mots, le vent des maux, le vent du large » (editionsjpr.com) a décrit le rôle que les communications, techniques et politiques, ont joué au cours des conquêtes coloniales des années 1880-1914 au Soudan, au Tonkin,  à Madagascar, et à Fachoda.

Dans le même livre, un chapitre a été consacré à la campagne de Combes sur le Niger, en 1885, et à sa méthode militaire qui alluma « un grand incendie » sur le Niger.

Jean Pierre Renaud