Les « propositions » du Parti Socialiste pour 2012 ?
Un catalogue ? Une stratégie ?
Au crible de la difficile problématique de la gauche face à l’Europe et au monde !
Outre le fait que les primaires risquent d’affaiblir la gauche avant son combat présidentiel, situation que je qualifierais volontiers de facteur secondaire par rapport aux véritables enjeux de la politique française dans les prochaines années, la gauche est mal armée pour affronter les défis auxquels la France doit faire face, ceux de l’Europe et du monde.
Et la question de fond qu’il convient de poser est celle de savoir, si dans la configuration actuelle du monde et de l’Europe, la gauche est en mesure de proposer un projet socialiste crédible.
Première difficulté, celle des pouvoirs réels dont dispose encore un gouvernement français face à l’Union européenne, pour ne pas citer ceux, encore beaucoup plus ignorés, de certaines autres institutions internationales !
Les Français ont en effet le droit et le devoir de connaitre le « qui fait quoi » en Europe par grands secteurs d’intervention politiques, le qui est responsable de quoi ?
Quelle est véritablement la marge de manœuvre de la France dans l’énergie, l’industrie, l’agriculture, les services, le crédit, la fiscalité, les interventions sociales, ou les impôts… ?
Quelle est la marge de manœuvre de la France pour mener une politique socialiste de répartition des revenus et des richesses dans le réseau enchevêtré des pouvoirs entre l’Union et ses membres ?
Pourquoi ne pas mettre en face de chacune des propositions « dépend de la France uniquement » ou « dépend de la France et de l’Europe » ? Et même éventuellement d’une autre autorité internationale ?
Et pourquoi ne pas mettre aussi, pour chacune d’entre elles, les dates de mise en œuvre des « 30 priorités » ?
Deuxième difficulté liée à la mondialisation, à la globalisation des échanges et des communications, celle de la nouvelle répartition des richesses dans le monde, au profit aussi, il faut le reconnaître des pays jusque-là défavorisés.
Comment expliquer qu’on refuse les délocalisations, alors qu’elles réalisent une nouvelle répartition internationale des richesses que la gauche serait bien en peine de réaliser sur le plan national ?
Que peut proposer la gauche, en matière de régulation mondiale, avec des effets rapides, à moyen terme de quatre ou cinq ans, alors qu’aucune puissance ne dispose aujourd’hui des leviers susceptibles de modifier la donne ? Alors que l’Europe fait encore trop preuve d’enfantillage dans la perception des problèmes et dans la définition des solutions !
Le citoyen européen a l’impression que l’Union européenne, dans son état actuel, est incapable de jouer le rôle qui devrait être le sien dans le débat international, la défense de ses intérêts, la promotion d’une politique.
Dans un tel contexte flou à tous points de vue, la gauche serait en mesure de proposer ses solutions et faire croire aux Français que leur vie va changer avec leur accession au pouvoir ?
Alors il est vrai qu’une partie de la gauche tient un discours humanitaire sur l’immigration, la diversité, ou la culture, mais cette posture revient à botter politiquement en touche, c’est-à-dire à reconnaître qu’il est beaucoup plus facile de positionner son discours sur le culturel que sur l’égalité.
En effet, et comme l’a parfaitement analysé le professeur Walter Benn Michaëls, en examinant la situation des Etats Unis, dans son petit livre « La diversité contre l’égalité », il était plus facile de promouvoir la « diversité » que l’«égalité » entre riches et pauvres. (voir analyse sur le blog du 16/05/2010)
Il est donc difficile d’être convaincu par ce discours, et la même conclusion pourrait d’ailleurs être proposée pour la droite, et c’est tout le problème!
Marx avait fort bien analysé les contradictions du capitalisme, et il manque sans doute de nos jours, une analyse parallèle des contradictions du socialisme, et tout autant d’un monde nouveau structuré par des forces à la fois mal identifiées et mal régulées.
La France est propulsée dans un monde tel que son modèle politique, économique, et social est obsolète. On continue à croire, ou à faire croire qu’un gouvernement national peut changer la donne internationale, à faire croire aux électeurs que leur vie va changer rapidement, alors que les partis, pour que les choses changent, devraient se positionner sur l’échiquier européen, proposer un projet qui tienne compte des contraintes européennes et mondiales.
Il convient à présent que le Parti Socialiste a publié son programme que les spécialistes disent aux Français si l’épure politique proposée s’inscrit oui ou non, dans la réalité du fonctionnement de l’Europe et du monde.
A première lecture, ces propositions sont muettes sur la stratégie proposée, leur calendrier de réalisation, alors que pour au moins quatre d’entre elles (les 3 (emprunt européen), 6 (droits douanes), 8 (TVA), 9 (achats publics), elles supposent une négociation au niveau européen, donc un accord, d’autant plus difficile à obtenir qu’elles mettent en avant une dose de protectionnisme, alors que c’est le tout libéral qui commande actuellement en Europe.
Il y manque enfin, et sans doute en « pole position », une proposition précise destinée à aider les « ghettos » urbains à retrouver les chemins de la République.
Une telle proposition aurait en outre l’immense avantage de consolider l’assise politique des éléphants roses de la Seine Saint Denis, notamment celle de l’imam caché de Sarcelles, grands élus qui n’ont pas encore véritablement démontré leur savoir-faire sur ce point.
Dans l’état actuel de ces propositions, il s’agit donc beaucoup plus d’un catalogue de bonnes intentions que d’un projet à stratégie politique possible de réalisation
Jean Pierre Renaud