Ingérence de la Françafrique dans les affaires intérieures de la République Malgache
Ou pour les lecteurs qui bénéficient d’un petit ou d’un grand vernis de culture coloniale, les nouveaux « faits accomplis coloniaux » du XXI°siècle »
Après Gallieni à Madagascar et Archinard à Ségou et Kankan, Guéant et Châtaignier sur le Rova (la colline royale) ?
Petite définition du fait accompli: le « fait accompli » peut être défini comme un acte d’insubordination à une autorité légitime politique ou publique, par exemple d’un préfet ou d’un général à leur gouvernement légitime. Une sorte de voie de fait politique, militaire, ou administrative, en dehors de toute règle de droit, un fait qui prime tout droit.
Dans le cas considéré, il s’agirait de la violation de traités internationaux, de la politique étrangère de la France, ou des instructions gouvernementales, s’il y en a.
Le fait accompli de Gallieni
En 1897, le général Gallieni tira parti des délais et aléas de communication avec le gouvernement pour déposer la reine Ranavalona III, alors qu’un câble avait été posé dans le canal du Mozambique, mais il fallait encore un certain temps pour rendre compte.
Tout au long de la période des conquêtes coloniales, les officiers de marine ou des troupes de marine pratiquèrent la politique du fait accompli, en profitant des très longs délais qui étaient nécessaires pour échanger instructions et comptes rendus entre autorités centrales, ministres et gouvernements, et autorités locales (gouverneurs ou officiers).
C’est ainsi que l’amiral Dupetit-Thouars prit possession de Tahiti, en 1843, sans en référer à son gouvernement, que le contre-amiral Rigault de Genouilly fit de même en Cochinchine, en 1859, et que le colonel Archinard prit Ségou en 1890, et Kankan, dans le fief de Samory, en 1891, dans les mêmes conditions..
Le colonel Archinard fut un grand adepte du fait accompli colonial, mais le concept de fait accompli colonial n’a jamais été clair, à partir du moment où des communications télégraphiques existaient, car avec la complicité d’un ministre du gouvernement, dans le cas d’Archinard, il s’agissait d’Etienne, le fait accompli militaire et colonial était souvent, et également un fait accompli politique.
Et pour ramener cette problématique de la communication coloniale à celle de la guerre, il suffit de lire les analyses de Keegan sur la guerre de 1914-1918, pour prendre conscience de la fragilité de tout système de communication, qu’elle ait des causes techniques ou politiques, et donc de l’écheveau toujours complexe des lignes de commandement.
Toujours est-il que les déclarations de l’ambassadeur Châtaignier, à Antananarivo, sur la situation politique de la grande île, ressemblent fort aux fameux faits accomplis coloniaux du XIX°siècle !
De deux choses l’une :
– Ou l’ambassadeur a agi « proprio motu », et c’est de l’ingérence ou du fait accompli dans les affaires intérieures de la République malgache, à la manière Archinard,
– Ou l’ambassadeur a agi sur instruction du préfet Guéant, et cela ressort tout à fait de ce que faisaient certains ministres de la III° République, à la manière Etienne.
Et en sous-titre: est-ce que, par la voix « Chataigner » la France espère tirer les « marrons » du feu?
Jean Pierre Renaud