Un coup de périscope historique sur la propagande coloniale en 1906
Le Petit Journal Militaire, Maritime, et Colonial
Supplément illustré du Petit Journal paraissant toutes les semaines – 3ème année
Abonnement (un an, 6 francs, soit 21 euros#) ou vente au numéro (10 centimes, soit 36 c d’euro #)
Un groupe de chercheurs, bien introduit dans les médias, diffuse un discours d’après lequel la propagande coloniale aurait inondé la France, « matraqué » le cerveau des Français, entre 1871 et 1962.
Quoi de mieux que d’analyser un des outils de la propagande coloniale supposée, celle du supplément d’un journal, le Petit Journal, dont le tirage frisait alors avec le million de numéros ?
A cette époque, la presse provinciale faisait d’ailleurs jeu égal avec la presse parisienne.
Le titre du supplément est assez clair sur son contenu, trois thèmes, le militaire, le maritime et le colonial.
Chaque supplément hebdomadaire comprenait 15 pages, dont une de publicité, et une ou deux consacrées aux mouvements de personnel militaire ou maritime parus au Journal Officiel, donc une douzaine de pages utiles à d’autres informations.
Les suppléments étaient abondamment illustrés de croquis, de photos et de cartes.
En ce qui concerne l’année 1906, les thèmes d’information dominants portent sur l’actualité des armées française et étrangères, avec un accent sur l’armée allemande, les nouveaux armements, les marines et leurs navires, les plans de défense français, et accessoirement sur les colonies.
Les 52 numéros du supplément ont consacré de l’ordre de 13% de leurs colonnes aux colonies, avec quelques numéros exceptionnels, notamment le numéro 110, celui concernant la Conférence d’Algésiras au Maroc.
Les informations coloniales traitées sont très variées : officiers tués, agitation en AOF, en Mauritanie, ou à Madagascar, folie de l’Empereur d’Annam, assistance médicale en AOF, Exposition coloniale de Marseille et musique malgache, Tchad et portage, budget général de l’AOF, mission de Brazza au Congo, avec aussi des informations sur les colonies étrangères, notamment une histoire de corruption étrange dans les colonies allemandes.
Une citation intéressante sur la relation entre exposition coloniale de Marseille et convictions coloniales du personnel gouvernemental, à l’occasion de la visite à Marseille et de son exposition, ville coloniale par excellence, du Président de la République :
« Une réception d’autant plus enthousiaste… qu’elle marque la fin d’une sorte de défaveur dont leur magnifique Exposition coloniale a semblé être l’objet jusqu’à présent de la part du personnel gouvernemental. » (numéro 146)
A la lecture des suppléments, il parait difficile de dire que le Petit Journal bourrait le crâne de ses lecteurs. Il ne leur cachait pas la vérité sur l’actualité coloniale, aussi bien les troubles, les réalisations, que les problèmes rencontrés.
Citons à cet égard les informations sur les abus du système de « portage » au Tchad, ou l’enquête de Brazza sur les exactions coloniales au Congo.
Le contenu lui-même des articles était d’une grande neutralité sur les différents sujets. Rien de triomphant ou de dithyrambique en faveur de la cause coloniale !
Nous aurons l’occasion de revenir sur certains des sujets abordés dans le courant de l’année.
Jean Pierre Renaud