« Chirac, le roman d’un procès » – Citation directe d’un témoin (fiction)

Chirac, le roman d’un procès

Fiction politique (le Monde-août 2010)

Citation directe d’un témoin (fiction)

Petit complément littéraire

            Le Président

            Nom, qualité, curriculum, ressources du témoin… Madame Andromède (alias Andrémère, pour les initiés)

            Madame : vous avez été convoquée, comme témoin, devant ce Tribunal à la suite de la lettre que vous lui avez adressée dans le cadre du procès de M.Chirac , lettre dont le contenu a attiré son attention.

            En tout début de cette correspondance, vous écrivez :

             « Compte tenu des fonctions que j’ai exercées au cœur des services de l’Etat pendant la période des emplois fictifs, au cœur du « système Chirac » (dont l’existence est contestée à tort par ses avocats), la lecture dans le Monde du texte, « Chirac, le roman d’un procès » a fait revivre, en foule, ainsi, sans doute, qu’à de très nombreux collègues, beaucoup de souvenirs sur le climat et le contexte politico – administratif de l’époque dans lequel nous travaillions. »

            Vos réflexions portent sur le déroulement du procès, « les exercices de haute voltige judicaire des avocats, les conciliabules politiques parallèles, aimables, haineux, ou tout simplement craintifs : qui va rembourser aux contribuables parisiens les sommes détournées ? Question effectivement bien lancinante pour les Chirac, mais sans doute beaucoup plus pour  Madame, dont toutefois les « jaunets » de présence chez LVMH, devraient atténuer les tourments. »

            Vous évoquez le cas du gendarme Roussin, « vous plaignez le pauvre gendarme Roussin » qui a lourdement payé son « obéissance au chef », après avoir, toutefois, largement profité des illuminations des « étoiles » de la constellation Chirac.

             En ce qui concerne Mme Casetta, vous nous faites part d’un soupçon relatif au choix de la trésorière, une paternité pleine d’humour, sans doute non avouée par une éminence de l’entourage du maire, et vous regrettez que le décès de M. »Mery de Paris » ait éteint toute action pénale, alors qu’il avait parfaitement décrit le système de corruption politique qui fonctionnait à l’avantage du parti du maire, tel que vous le connaissiez.

            Madame : que pouvez-vous dire au tribunal sur le climat politico – administratif qui régnait à l’époque des faits, et sur des points particuliers dont ce Tribunal n’aurait pas connaissance, afin de permettre aux juges de mieux en saisir la portée, et sur les faits eux-mêmes, ces emplois fictifs pour lesquels M.Chirac est renvoyé devant notre tribunal ?

            Madame Andromède

            Bien que toutes ces affaires soient très loin, il m’a semblé utile de vous faire part de ce que mes collègues et moi-même voyions et ressentions à cette époque. II a fallu ce procès fictif pour me remémorer  l’ambiance administrative dans laquelle nous travaillions à cette époque.

            Dans notre pratique administrative quotidienne, il nous apparaissait bien que la mairie et le RPR ne faisaient qu’un, en décisions, en personnel, et en moyens, logements, voitures et… petits fours. Il était clair également qu’une partie des services de l’Etat étaient affiliée au système Chirac.

            De nos jours, il devrait être encore possible d’interroger des centaines de fonctionnaires de la ville ou de l’Etat qui avaient beaucoup de peine à établir un distinguo entre la mairie de Paris et le RPR.

            Nous savions qu’il existait, en parallèle des procédures publiques de marchés, d’appels d’offre, un système de « racket » des entreprises, fort bien décrit par M.Mery, mais les services de la ville disposaient d’une armada de très bons techniciens du droit et de la finance, ce qui faisait que dans les dossiers présentés, il était exceptionnel qu’une illégalité sérieuse puisse être détectée.

            Le Président

            Certains ont évoqué l’existence d’un haut fonctionnaire dans l’entourage immédiat du maire, qui aurait été le grand trésorier secret du RPR. En avez-vous eu connaissance ?

            Madame Andromède

            Effectivement, un préfectoral de mes amis, avait effectivement bien connu ce collègue qui officiait  alors à l’ombre du maire.

            Le Président     

            Vous nous décrivez bien le système qui fonctionnait, connu de centaines de fonctionnaires, mais comment se fait-il alors qu’aucune dénonciation n’ait été faite à ce sujet ?

            Madame Andromède                   

            Pour dénoncer des faits délictueux, je n’apprendrai rien à personne, en disant qu’il faut des preuves, c’est un des objets, sinon le seul, de notre débat, mais il faut aussi du courage, et ce n’est pas ce qui est le plus répandu, d’autant plus lorsqu’on est le pot de terre contre le pot de fer.

            Quant aux preuves, certaines sont apparues à la lumière du jour judiciaire, mais beaucoup d’entre elles étaient très difficiles à réunir, compte tenu de l’habileté des montages juridiques ou financiers, et lorsqu’il y en avait, vous savez bien que le maire disposait d’une armée d’avocats de qualité, et bien rémunérés, pour que d’atermoiements en atermoiements, on finisse par dire, comme à ce procès : c’est vraiment une vieille affaire, une très vieille affaire que tout le monde a oubliée, laquelle met en cause un vieil homme, le pauvre, lequel a, au surplus, rendu quelques services, et qu’il est aujourd’hui populaire…

            Le Président

            Très bien, mais venons en au cœur du dossier : M.Chirac est poursuivi par la justice pour des emplois fictifs de la Ville de Paris, qu’il aurait initiés ou couverts, lesquels auraient servi à recruter des personnes mises, en fait, à la disposition du RPR. Avez-vous eu connaissance de l’existence de ces emplois ?

            Madame Andromède

            J’en ai eu effectivement connaissance à l’occasion d’une conversation, d’un coup de fil, mais sans avoir ni la volonté, ni la possibilité, d’établir un dossier à charge à ce sujet.

            Car, sur un plan général, comment voulez-vous que les services de l’Etat aient pu réellement contrôler, l’aient-ils voulu, et à moins que la délibération du Conseil de Paris, ne l’ait précisé, l’affectation d’un emploi à un des services de la ville, au siège du RPR, dans une association, ou à la permanence d’un élu, alors qu’il existait des dizaines de milliers d’emplois et des centaines de services.

            Et cela d’autant moins que toutes les administrations s’adonnaient à une vieille pratique de mise à la disposition syndicale, mutualiste, ou associative

            Alors, quelques emplois fictifs ou pas, quelle importance ? 

            Le Président

            Mais plus précisément, n’êtes vous pas étonnée de voir ce tribunal juger, somme toute, une petite affaire de corruption politique, alors que la réalité dépassait incontestablement la fiction que vous avez rapportée.

            Madame Andromède

            Effectivement, mais ce procès met du baume au cœur à tous ceux qui voyaient ces grands justiciables gagner du temps, toujours du temps, grâce aussi au concours d’avocats madrés, quelquefois sans doute, de magistrats zélés, sans qu’ils n’aient jamais de comptes à rendre à la justice, mais surtout aux citoyens, et à la République.

            Avec l’usure du temps, la disparition des preuves, plus de pénal !

            Dix, quinze ans après, tout est oublié, et la justice s’entend dire alors : si tard ! Et pour quelle utilité !

            Permettez moi encore un dernier mot sur l’enrichissement personnel, fruit de la corruption politique.

            Nous les avons tous entendu,  élus mis en cause ou pas, avocats, quelquefois juges, et très souvent journalistes, rétorquer que dans la plupart des dossiers judiciaires de corruption : « Il n’y avait pas d’enrichissement personnel !

            Aurai-je l’impertinence de poser une question simple : est-il possible de vivre sur un des grands trains de vie de la République sans fortune personnelle ? Alors fortune ou quelquefois carrière politique « assistée » ?

            Monsieur le Président

            Madame, je vous remercie. Voyez -vous autre chose à ajouter ?

            Madame Andromède

            Tout simplement, le jeu de mots d’un de mes collègues, incorrigible farceur devant l’Eternel et la République ; lisant un des sous-titres des mémoires Chirac, tome 1 : « chaque pas doit être un but », il proposait tout simplement d’écrire à la place :  « chaque pas doit être un sou » ?

                   Pégase

La revue du 14 juillet 2010 et l’Europe en cachette

La revue du 14 juillet 2010

L’Europe en arrière-plan, plus que les « indépendances » !

            Je n’avais plus remis les pieds sur les Champs Elysées pour assister au défilé du 14 juillet depuis de longues années. Cette année, je voulais, donner la possibilité d’en faire voir, au moins un, à mes petits enfants.

            Je n’ai jamais été militariste, mais j’ai toujours respecté l’Armée, et j’ai regretté la suppression du service militaire par Chirac, un des rares outils qui existait pour brasser les Français issus de toutes les classes sociales, formidable instrument de prévention qui manque tant dans certains de nos quartiers.

            Je n’ai, jamais, et non plus, sous-estimé l’importance des forces armées dans les relations internationales.

            Vous dirai-je que j’ai été impressionné par la démonstration militaire à laquelle j’ai assisté ? Mais en même temps, je me suis une fois de plus interrogé sur notre capacité à soutenir un tel effort, surdimensionné par rapport à celui de nos voisins européens, anglais mis à part.

            C’est donc bien vers une armée européenne qu’il faut aller en donnant toute sa puissance aux accords de défense déjà passés en Europe.

L’Europe en cachette

            Il ne se passe pas une semaine, sans qu’un journal n’évoque le projet d’une nouvelle adhésion d’un pays à l’Union Européenne, le Monde du 28 juillet pour l’Islande, celui du 29 juillet pour la Turquie avec l’intervention tonitruante du Premier Ministre Britannique en faveur de l’entrée de la Turquie, ou enfin le Figaro du 12 août dernier, avec la décision qu’ont prise certains de nos partenaires d’accorder un passeport européen aux millions de leurs ressortissants qui n’habitent pas dans l’Union.

            Est-ce bien sérieux ? Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe sans limite ?

            Le Monde du 28 juillet évoquait le dossier de l’Islande, mais sans nous éclairer sur les conséquences de son adhésion éventuelle sur la nature et le fonctionnement des institutions. L’Europe, nouveau « machin » international, pour reprendre un des mots de de Gaulle au sujet de l’ONU ? Une Europe qui n’est pas efficace à 27, et qui voguerait vers les 30 et plus ?

            Décidément, nos responsables politiques sont devenus fous : les Anglais auront réussi  à faire de l’Europe un grand marché libéral, mais alors, il faut repenser  les objectifs et tailler dans la machine administrative et politique qui parait déjà fonctionner comme une usine à gaz.

Insécurité des sondeurs ou insécurité du journal Le Monde (15 et 16/08/10): la manipulation politique

Sondages sur l’insécurité (IFOP et CSA) : information et manipulation politique

« De l’insécurité des sondeurs face à la mesure des politiques de sécurité » (le Monde des 15 et 16 août, page 8)

Insécurité des sondeurs, du journal ou des journalistes ?

Ou peur de déplaire ?

J’ai lu ce papier à plusieurs reprises pour en comprendre le sens exact, un papier assez ambigu, et auquel je reprocherai de botter en touche.

Il s’agissait de deux sondages avec deux objets différents, étant donné qu’ils ne s’inscrivaient pas dans la même durée. Marianne a donc fait un coup politique avec son sondage, et pourquoi ne pas le dire ? Après le Figaro !

            La conclusion logique de cet article n’était-elle pas ? Attention, à la manipulation politique de l’information, car les deux instituts livraient deux sondages qui valaient ce que valent tous les sondages, avec ou sans chiffre d’affaires !

L’Afrique Noire est-elle maudite? Un livre de M.Moussa Konaté! lecture

« L’Afrique Noire est-elle maudite ? »

Un livre de M.Moussa Konaté

Lecture critique

            Ce livre est à lire par tous ceux qui tentent de mieux comprendre le fonctionnement « apparent » et « non apparent » des sociétés  d’Afrique Noire, un livre lucide et courageux qui ose dire leurs quatre vérités aux Blancs, mais aussi aux Noirs.

            Un témoignage d’autant plus utile et courageux, « ce texte vers quoi tendait toute ma vie », que son auteur est un des grands intellectuels de l’Afrique occidentale et qu’il n’est sans doute pas facile de porter une telle voix de vérité.

            Un des mérites de ce livre est qu’il ne renvoie pas, comme trop souvent, toute la responsabilité des malheurs actuels de l’Afrique sur les Blancs, tous coupables de tous nos malheurs, et ad vitam aeternam, à la suite de la traite des noirs et de la colonisation française.

            Je remarquerais à cet égard, que cette dernière n’a exercé ses pleins pouvoirs, dans l’ensemble des territoires d’Afrique de l’Ouest,  de type « dictatorial », c’est vrai, avec la mise en place d’un vrai « système colonial », qu’entre les années 1914 et 1945, une très courte période à l’échelle historique.

            C’est d’ailleurs une autre critique de type historique que je ferais volontiers à l’auteur, celle de laisser accroire, qu’avant la colonisation, l’Afrique de l’Ouest connaissait un « âge d’or », ce qui n’est pas vrai, tant étaient permanentes les luttes et guerres intestines entre ethnies et royaumes rivaux, entre talibés musulmans et bambaras animistes, par exemple, dans le bassin du Niger, avec une très forte incidence des croyances religieuses.

            C’est d’ailleurs cet état de guerre quasi permanent à la fin du dix neuvième siècle qui facilita la conquête de ces territoires.

            Egale hésitation à accorder un crédit à « la thèse du complot blanc », les anciennes puissances coloniales ayant toujours un intérêt à maintenir leurs anciennes colonies en mauvais état.

            Le lecteur non averti des choses africaines sera sûrement frappé par la description que fait M.Konaté de la société africaine, une description sans concession d’une société dotée d’une très forte cohésion sociale et religieuse interne.

            Une description sans concession du modèle social africain !

            C’est en prenant connaissance de son constat implacable sur le poids du modèle social africain, sur les immenses contraintes collectives que fait peser le pacte originel de la famille et des ancêtres sur l’individu que la lecture de ce livre est la plus stimulante, même pour un lecteur qui a une petite pratique des cultures africaines.

            Un pacte originel toujours vivant, en dépit des agressions qu’a subies la société africaine du fait de l’esclavage et de la colonisation, fondé sur la famille, la solidarité« la pierre angulaire du modèle social africain » (p,143), le respect des anciens, le règne des mâles, la convivialité sociale, un pacte étroitement contrôlé, grâce à un maillage de croyances religieuses et de sanctions qui empêchent les libertés individuelles de s’exprimer.

             L’auteur écrit : « solliciter l’assistance d’autrui équivaut à dire :

            « Si tu ne m’aides pas, les ancêtres te maudiront et tu seras mis au ban de la société. Nul besoin de le formuler explicitement, car tout Noir africain a intériorisé cette menace. » (p,182)

            Car il ne s’agit plus alors de renvoyer sur les blancs la responsabilité des malheurs actuels de l’Afrique, mais de proposer un diagnostic sur les causes du blocage social et culturel qui empêchent l’Afrique de donner toute sa mesure dans le concert des nations.

            L’auteur exécute brillamment les pratiques anciennes liées à la vieille Afrique, notamment la polygamie et l’excision, et reconnaît donc à la femme tous ses droits. Le chapitre III s’intitule « Mâle aujourd’hui, mâle toujours : un monde d’hommes » et son analyse montre bien toute la difficulté que la société africaine rencontre pour abandonner ces pratiques ancrées dans de très fortes traditions de respect, sans doute immodéré des anciens, puisque la sanction toujours présente, est celle de la malédiction qu’encourt la femme qui s’écarte de la tradition, une sorte de mort civile.

            L’auteur met en question le modèle social africain, « une harmonie intangible » (p,141), le « consensus obligatoire » (p,147), « la pensée unique, fabrique des Noirs africains iidentiques » (p,143), en ce qui concerne l’enfant, « l’intelligence est bridée à l’aube de sa vie » (p,143), « ce contrôle de la parole et de la pensée se poursuit à l’âge adulte » (p,145).

             « Quand les ancêtres se confondent avec l’irrationnel

            Quand l’enfant se présente à un examen, sa réussite dépend de la bénédiction qu’il aura eue ou non de ses parents, des esprits qu’invoque le marabout, le féticheur ou le devin. ». (p,149)

            « Car seuls le féticheur, le marabout, le sorcier et autres devins ont le droit de s’isoler pour réfléchir : cela était prévu. » (p,168)

            Il faut lire à ce sujet les romans d’Hampâté Bâ et de Kourouma pour bien réaliser combien la société africaine est encore profondément imprégnée du religieux et des interdits de la tradition, ce que beaucoup de Français ignorent complètement.

            Une description lucide, mais qui pose toutefois la question de sa représentativité : vaut-elle pour toute l’Afrique de l’Ouest ? Qu’en est-il des effets dévastateurs de l’urbanisation et de la démographie galopantes sur ce fameux pacte originel ? Avec leurs effets destructeurs, comparables peut-être à ceux de l’ancienne colonisation.

            L’auteur montre en effet que les grandes valeurs de la société africaine, la famille, la solidarité, le respect des anciens sont détournées par toutes sortes de corruptions :  

      « En fait, le « parent » a le pas sur tous les autres hommes, et la « famille » est au dessus du droit » (p,183)

            Et si un cadre s’exile, la raison en est que

            « Or ce que l’Occident lui offre d’essentiel, c’est la liberté d’être un individu, et d’échapper à « la malédiction de l’ancêtre »

            Encore plus novateur encore, et courageux, est sans doute son regard sur les « barrières invisibles » dont peu d’auteurs africains ou européens osent parler, de peur sans doute de compliquer et de passionner encore plus le débat sur l’esclavage et les discriminations.

            « Le système des castes est une des grandes injustices du continent noir africain » (p,164)… Aujourd’hui encore, les descendants d’esclaves sont eux-mêmes considérés comme des esclaves » (p,165), « la ségrégation est omniprésente en Afrique, qu’elle soit géographique, ethnique, ou tribale » (p,165)

            Un mot sur les autres barrières, les frontières territoriales dont l’auteur déclare qu’elles sont à mettre au passif de la colonisation : avant que la France ne conquière l’Afrique occidentale, il existait bien quelque chose qui ressemblait étrangement à des frontières, puisqu’on n’entrait pas dans un territoire sans l’autorisation de son chef, roi ou almamy, avec la fonction codifiée des récadères, les  porte-canne.

            Sur tous les sujets de société ou de religion qui paralysent l’épanouissement  de l’Afrique noire, le constat de M.Konaté est implacable, et il indisposera sûrement beaucoup d’intellectuels africains. Quant aux blancs, pour la minorité d’entre eux qui ont une petite culture historique et coloniale, ils sont, à la fois peu nombreux, et depuis longtemps, familiarisés avec le réquisitoire sur la traite des esclaves et les colonisations blanches, sources aujourd’hui confondues de tous les malheurs de l’Afrique.

            L’auteur a au moins le mérite de reconnaître qu’il fallait des vendeurs pour qu’il y ait des acheteurs, et que la traite n’était pas le privilège des « nazaréens » de l’ouest, mais aussi celui des musulmans de l’est. Aux yeux des spécialistes, ce débat est un peu dépassé.

            En ce qui concerne la colonisation, l’auteur écrit : « C’était la fin d’un cauchemar » (p,117), dont acte, pour le moment !

            Quant aux propos tenus sur la guerre des mémoires, je serais très curieux de savoir si l’auteur a la possibilité de mettre à la disposition des lecteurs français les résultats d’une ou de plusieurs enquêtes d’opinion sérieuses, faites dans l’Afrique de l’ouest, aux fins de donner du crédit à ce discours.

            Quant à l’école, le « monde à l’envers »

            « L école à l’occidentale fut sans doute le facteur le plus perturbant pour les sociétés africaines. En donnant le savoir à « n’importe qui », de surcroît à des jeunes, elle vint soudain rompre le système traditionnel, où un certain savoir était concentré entre les mains de quelques individus, souvent âgés. Pour les Noirs africains, ce fut longtemps le monde à l’envers. » (p,80)

            « Mais son image d’outil de déstructuration des sociétés africaines leur colle à la peau. » (p,81)

            Sur ce point, l’opinion de l’auteur ne parait pas en concordance intellectuelle parfaite avec son analyse sans complaisance du « modèle social » africain, longuement décrit, éclairant sur les sources de blocage de la société africaine, notamment le poids démesuré des anciens dans le contrôle social.

 .          Même réserve sur le jugement qu’il porte sur la langue !

            Langue du colonisateur ou langues africaines ?

            « Ecole nouvelle et langues d’Afrique noire

            Pour avancer, les noirs africains ont besoin d’être apaisés et de reprendre confiance en eux-mêmes. Cela sera impossible tant qu‘ils n’auront pas retrouvé le plein usage de ce qui fonde leur identité, c’est-à-dire leurs langues, vecteurs de leurs cultures et de leur mémoire » (p,205)

            Vaste et ambitieux chantier, ambigu aussi. Ambitieux parce que beaucoup d’ethnies, dotées de leur langue propre, à l’époque de la conquête, situées par exemple en Côte d’Ivoire, ou au Togo, à quelques kilomètres, les unes des autres, étaient privées de la faculté de communiquer entre elles, sauf à recourir à la langue véhiculaire d’une ethnie plus forte, c’est-à-dire dominatrice, qu’on le veuille ou non.

             Au risque de provoquer l’auteur, est-ce que l’usage du poular, du malinké, du haoussa, n’était pas, et n’est pas encore de nos jours la marque d’une langue « impériale » ?

            L’usage du haoussa, se serait-il autant développé sans la puissance du Sokoto islamisé et de ses razzias chez les peuples voisins non islamisés, et à la saison sèche?

            Et enfin, comment ne pas citer le témoignage du grand savant Hampäté Bâ qui se plaisait à reconnaître que la colonisation française tant décriée, et souvent à juste titre, avait eu au moins le mérite de doter l’Afrique occidentale d’une langue de communication mondiale, une « face diurne » contre une « face nocturne », selon le grand conte initiatique peul Kaïdara.

            Le challenge d’un nouveau modèle social et d’un pacte originel modernisé           

            Après avoir décortiqué les forces et les faiblesses du modèle social africain, ses dérives, et avoir osé briser un autre tabou, celui des « barrières invisibles », l’auteur esquisse les solutions d’une renaissance.

            En définitive, M.Konaté n’est pas pessimiste sur l’avenir de l’Afrique noire. Il estime qu’il est possible de réorienter dans un sens positif les valeurs anciennes, notamment celle de la solidarité, « pierre angulaire du modèle social africain », et de trouver un équilibre entre deux nécessités, le retour à la sagesse africaine et l’épanouissement de nouvelles libertés individuelles.

            Citons un de ses propos de conclusion :

            « Pour l’Afrique noire, rien n’est donc perdu, à condition qu’elle se libère peu à peu des angoisses et reprenne confiance en elle. Elle a la capacité de devenir la lumière que cherche notre monde embourbé dans ses contradictions. Si l’Afrique noire a le courage de se regarder en face, elle sera en mesure d’accomplir son devoir historique en proposant une voie de salut  à une humanité de plus en plus déboussolée. (p,230) »

            « Lumière du monde » ? Quel challenge !

            Le téléphone portable

             Et le lecteur me pardonnera de raccorder cette lecture à celle du livre de M.Cooper, intitulé « Le colonialisme en question », livre bien connu des « postcoloniaux », et, en particulier à la longue analyse qu’il fait du concept de modernité (p,153 à 201).

            Est-ce que le livre de M.Konaté ne proposerait pas un exemple « moderne », en temps et en lieu, de son analyse conceptuelle et historiographique à donner le « tournis » intellectuel et historique, avec le tout nouveau  rôle du téléphone portable en Afrique, une des clés peut-être de l’ambition « moderne » de M.Konaté’ pour l’Afrique ?

            Jean Pierre Renaud

Humeur Tique: burqua à l’hôpital, langue chinoise dans nos lycées, nez et oreilles coupés d’une jeune femme afghane

Humeur Tique : voile à l’hôpital, langue chinoise à l’école, nez et oreilles coupés d’une jeune Afghane

            Le voile à l’hôpital : (Libé du 7/07/10- entretien Coroller Lévy)

            « Une femme a fini par descendre au bloc avec son voile »

            « Le port du voile intégral par certaines femmes pose-t-il problème ?

             Il  y a un gros malaise. Est-il normal qu’une infirmière passe trois quarts d’heure pour convaincre une femme qui a mal aux oreilles d’enlever son voile ? Ou qu’une autre refuse de dégager son cou alors qu’on doit lui faire une radio panoramique dentaire ? Quand on sait à quel point l’hôpital souffre de pénuries de personnel, ça n’est pas normal. C’est inadmissible.

            S’agit-il de cas isolés ?

            Je peux vous en citer des dizaines. Ainsi cette femme hospitalisée en ambulatoire pour un examen ou une petite opération, je ne m’en souviens plus. Elle a été prévenue, avant son arrivée qu’elle devra se doucher à la bétadine et enfiler une tenue opératoire. Elle est intégralement voilée. L’infirmière lui redonne les consignes. La patiente dit : Non, je ne prends pas de douche à l’extérieur de chez moi, et je descendrai au bloc avec mon voile…Le chirurgien, déjà en retard, a refusé de la prendre. »

            Sans commentaire !

            Mais une invitation à goûter les caricatures régulières, et toujours dévastatrices, de Plantu, sur le voile intégral, la dernière (Monde du 10 août dernier) intitulée « Est-ce que vous reconnaissez la femme que vous avez agressée ? », l’homme, qui est accusé, étant interrogé en présence de trois femmes en burqua.

            La langue chinoise à l’école

            « Nous devons enseigner le chinois dans nos écoles », Jean-Pascal Tricoire, président du directoire de Schneider Electric (La Tribune du 24/07/10)

            Pour avoir travaillé en Chine pendant cinq années, M.Tricoire parle en connaissance de cause : un gouvernement sérieux et responsable ne peut continuer à parler Chine, investissements et exportations en Chine, sans donner un vrai coup de pouce à l’enseignement de la langue chinois dans nos lycées.

            Et en prime, comprendre le chinois, c’est aborder, sans truchement,  une autre culture du monde, au moins, et sinon plus riche, que la nôtre.

            Nez et oreilles coupés d’une jeune Afghane

         Ces dernières semaines, de très nombreux Français ont eu l’occasion de voir à la télévision une jeune femme afghane punie par les talibans, nez et oreilles coupés, pour avoir osé enfreindre leur interdiction faite aux filles de fréquenter une école.

            Une telle séquence télévisée suffit à répondre à la question : pourquoi la France est en Afghanistan ?

            Renouvelons à ce sujet le conseil qui avait été donné il y a quelques mois de voir le film intitulé « Le cahier », consacré précisément à la scolarisation des jeunes filles afghanes.

Humeur Tique: Paris Plage et Paris Garde à Vue

Humeur Tique Judiciaire

Paris Plage et Paris Garde à vue !

Un billet d’humeur républicaine !

            Un beau soir d’été, à Paris : quatre jeunes de 18 à 22 ans sont arrêtés par la police pour tapage nocturne dans un hall d’immeuble. Il est près de 23 heures. Ils sont placés en garde à vue pendant 24 heures et déférés au Parquet le lendemain, et entendus le surlendemain.

            Les quatre jeunes, dont trois nés Français, effectuent des études et certains d’entre eux travaillent en parallèle. Ils sortent du Palais de Justice presque 48 heures après.

            Aucun d’entre eux n’a de casier judiciaire !

            Motif de leur arrestation : tapage nocturne et réunion dans un hall d’immeuble, et une première sanction, un timbre amende.

            Après audition chez un procureur, et passage chez le juge des libertés, ils seront convoqués à une audience du tribunal après les vacances.

            Conclusion : la police réprime à plein régime, la justice suit, s’épuise à instruire et à juger des infractions qui, dans notre bonne République, mériteraient des réponses beaucoup plus intelligentes, et surtout proportionnées.

            Est-ce que les autorités de la République croient qu’on fabrique de bons petits Français en les soumettant à des procédures policières et judiciaires stupides ?        Est-ce qu’un passage obligatoire en garde à vue, toujours humiliante, est de nos jours considéré comme la condition à remplir pour devenir un bon citoyen ?

            Paris Plage et Paris Garde à vue, vous avez aimé ? Vous aimerez ?

            Et notre belle République Française devenue folle ?

Humeur Tique : devoir de vacances avec les gens du voyage

Information critique et amalgame ?

Gens du voyage, Roms, information critique du Monde ? Editorial du 30/07/10, article du 29/07/10 – l’amalgame ?

            Aux yeux d’un fidèle et ancien lecteur du Monde, la façon dont le journal a traité le sujet sensible des gens du voyage ne peut pas donner satisfaction, et  beaucoup de lecteurs du journal ont été habitués, dans leur vie professionnelle, à beaucoup plus de rigueur intellectuelle.

            Sur un autre sujet sensible, l’immigration, le Monde n’avait pas, au cours des mois précédents, fait preuve, non plus, de la plus grande rigueur intellectuelle, et statistique.

            Des chiffres incertains, 400 000 ou 600 000 gens du voyage ? (le29/07/10).

           « Plus de 400 000 gens du voyage sont officiellement recensés en France. »

            Pourquoi ne pas donner le chiffre précis ?

            Le journal ne nous explique pas pourquoi 95% de ces personnes qui auraient la nationalité française, occuperaient donc pour beaucoup d’entre eux des campements illégaux, étant donné qu’on en compterait 300 sur 600.

            Libé du 11 août 2010 cite, de son côté, le chiffre de 600 camps roms illégaux, selon le ministère de l’intérieur.

            Les autorités auraient donc, depuis de nombreuses années, accepté que ces nationaux occupent des campements illégaux ?

            L’éditorial du Monde du 30 juillet dernier avait pour titre : « Gens du voyage : la tentation de l’amalgame ».

            Très bien, mais est-ce que la meilleure façon d’éviter cet amalgame ne serait-il pas de bonne pratique républicaine de donner aux lecteurs citoyens une information rigoureuse et critique sur un sujet aussi sensible, qui continue d’ailleurs à faire la Une de l’actualité.

            Et de donner la carte ou la liste des grandes communes qui n’ont pas respecté, jusqu’à présent, l’obligation qu’elles ont de créer des espaces de stationnement pour les gens du voyage!

            La ville de Bordeaux est-elle dans ce cas ?

            Sans partager les propos démagogiques de BHL, lequel écrivait dans un style qui lui est propre : « quant aux intéressés, quant aux honnêtes gens (puisque c’est, semble-t-il, le mot du jour) qui vivent dans une précarité honnête ou une opulence fiscalisée leur culture nomadisée… »

            Opulence fiscalisée, quel magnifique mot du jour !