Bain colonial, accès de fièvre coloniale, ou accès d’exotisme ?
Les colonies de la République française ou celles du peuple français ?
Et si la France coloniale n’avait pas été plutôt la France officielle au lieu de celle du peuple français, la France des pouvoirs, des institutions officielles, de leurs corps constitués, publics et privés, rassemblés, gouvernement, administration, armée, églises, et grand capital ? Comme hier et aujourd’hui, la Françafrique ? Pour le fric ou le prestige ?
Avec des réseaux d’influence parallèles, hier comme aujourd’hui ? Comment ne pas être surpris, en particulier, par la résistance et la puissance encore des relations maçonnes, et tout autant religieuses !
Et si l’imaginaire des Français avait été plus attiré par un ailleurs étranger, et par toute autre chose que la colonie ou l’empire, dont on nous dit qu’ils étaient symboles de racisme et de mépris de l’autre ?
Au terme de notre analyse, le lecteur éprouvera des doutes sur le sérieux du discours mémoriel et médiatique de ces chercheurs qui n’ont pas apporté, jusqu’à présent, de preuves à l’appui de leur discours.
Nous sommes donc encore loin de pouvoir recenser et définir notre culture coloniale, selon la définition Herriot, pour autant qu’elle existe, par ce qui reste quand on a tout oublié.
Puisqu ‘on ne connaît pas encore ce reste !
Ce reste largement hypothéqué, et par les suites de la guerre d’Algérie et par la forte proportion de populations européennes ou maghrébines issues du Maghreb, et surtout d’Algérie, actuellement en France. Mais de là à tendre le voile de cette mémoire sur toute notre histoire coloniale, une telle option n’est pas fondée.
Si la démonstration historique avait été faite par les auteurs du livre en question, l’expression République coloniale (aux mains de qui ?) répondrait mieux à l’analyse qui reste encore à faire sur la réalité de cette République coloniale. Mais comme nous l’avons écrit, ce livre développe un discours idéologique, le plus souvent outrancier, et ne se penche absolument pas sur les formes qu’ont pu revêtir, ses groupes de pression, politiques, religieux, économiques, maçons, et surtout sur les effets réels de cette superstructure « coloniale » sur l’opinion des Français.
Car, s’il a bien existé un groupe parlementaire colonial, un groupe de pression économique et financier colonial, plus proche des industries traditionnelles que modernes, une toile d’araignée maçonne qui, à travers les différentes institutions françaises, a poursuivi avec la plus grande constance ses objectifs de plus grande France, au nom d’impératifs de plus en plus désuets, tels que la civilisation, le bien des peuples colonisés, le peuple français n’a jamais eu la fibre coloniale, pas plus qu’il n’a eu la fibre maritime ou commerçante.
Et aussi en parallèle, les églises, mais qui n’ont pas toujours, et loin s’en faut, porté ce discours d’une plus grande France.
La France coloniale a été la France officielle, et c’est la thèse historique que nous proposons, jusqu’à preuve du contraire. Celle des pouvoirs, des institutions, et rarement celle du peuple. Car il est difficile de ranger dans la catégorie d’une culture coloniale ou impériale, l’écho populaire que pouvaient recevoir les récits des conquêtes militaires, la chute de Behanzin au Dahomey avec ses ingrédients médiatiques incomparables, les sacrifices humains et les Amazones, la prise de Tananarive après la calvaire de l’armée française, ou l’épopée de Fachoda, à travers les marais
Ou encore la conquête du Sahara avec les chevauchées fantastiques des spahis, en plein désert, au pays de la soif et de la chaleur, contre les rezzous des Touaregs.
Il ne faut jamais oublier que dans notre histoire nationale, notre roman national, l’esprit de gloire montré du doigt par Montesquieu, n’a jamais été loin des Français. Non plus d’ailleurs que celui de croire qu’on aimait les petits Français pour eux-mêmes !
On pourrait aussi disserter à loisir sur le point de savoir si ces engouements temporaires ne ressemblent pas étrangement à ceux que provoquent les grands exploits sportifs, ou la découverte de mondes nouveaux, et c’est ici que notre réflexion bifurque : une France au goût de l’exotisme, plus qu’une France coloniale.
Ce qui ne devrait pas empêcher de jeunes chercheurs de se lancer dans une quête nouvelle, celle de la ressemblance tout à fait étrange qui pourrait exister entre la France officielle de la 5ème République avec la France de Jules Ferry et de ses suivants, cette France au sein de laquelle une petit groupe d’hommes, et souvent un seul, sous la 5ème République, décide de poursuivre une politique africaine qui a incontestablement des relents d’ancien régime ou de lancer, toujours pour d’excellents motifs de paix, ou de grandeur internationale, des expéditions militaires à l’étranger, le Parlement étant toujours mis devant le fait accompli.
Les partisans de ces interventions, défenseurs d’une grandeur passée, font valoir qu’elles sont faites aujourd’hui, et c’est nouveau, à l’initiative de l’ONU, c’est vrai, mais le gouvernement a-t-il demandé l’approbation du Parlement pour intervenir en Côte d’Ivoire, ou au Darfour ? C’est à l’occasion de votes sur d’autres sujets, le budget, ou les lois, ou d’élections générales, que les parlementaires et les électeurs, auraient l’occasion d’approuver ou de refuser de telles initiatives, mais elles sont toujours un élément, parmi d’autres, d’un paquet politique à prendre ou à laisser.
Il en est donc aujourd’hui à peu près comme du temps de Jules Ferry. Et ce n’est qu’à partir du moment où une initiative extérieure perturbe gravement la vie du pays que ce dernier s’y intéresse, comme cela a été le cas pour la guerre d’Algérie.
Croyez vous que le peuple français se sentait plus concerné par les aventures coloniales que par nos aventures modernes en Afrique ou au Moyen Orient ? En principe humanitaires !
Dans le livre Images et Colonies, l’historien Meynier avait accordé, dans ses analyses, une place à l’exotisme, notamment en tentant de classer par thème colonial les différents supports d’information et de culture qui avaient été mis à sa disposition. (IC/124), supports dont le nombre était à la fois faible, et non représentatif, pour les raisons citées dans le corps de cet ouvrage.
Ces réserves faites, il avait relevé le thème de l’exotisme dans la moitié des affiches (sur 30), dans le tiers des illustrations de magazines et livres coloniaux (sur 76), et dans les quatre cinquièmes des cartes postales (sur 116).
Goût de l’exotisme, curiosité de l’étranger, découverte de l’Orient, de l’Egypte, et maintenant de l’Afrique, l’engouement des Français pour un ailleurs de rêve ou d’étrangeté suivait les modes des époques.
Des Français attirés par l’exotisme, sans doute, peut être aussi par les mœurs étranges des peuples africains ou asiatiques , mais cela était-ce tellement différent de la curiosité que l’ancienne France avait manifesté pour le Canada ou la Louisiane ? Ou de celle des téléspectateurs de l’an 2007 qui s’intéressent aux Papous de Nouvelle Guinée, aux Himbas de Namibie, ou aux Nenets de Sibérie, sous la conduite de Charlotte de Turckheim ?
La route des épices et les mirages, mais aussi les richesses des Indes orientales ou occidentales ? Est-ce qu’un Français devait être colonial, sans le savoir et sans le vouloir, au prétexte qu’il buvait du café ou chocolat, sirotait du rhum, ou assaisonnait ses mets de poivre ou de cannelle ? Ou encore mange quelques grains de riz disputés à la volaille ?
Est-ce que la France a jamais été coloniale dans ses profondeurs, à Paris et dans ses provinces ? Histoire coloniale d’une France officielle plutôt que celle de son peuple, d’attirance pour l’exotisme plus que pour les colonies ou l’Empire ?
Et pour terminer, comment ne pas évoquer un souvenir récent, lors d’une visite à la cathédrale de Chartres et à ses vitraux magnifiques ? Dans un des salons de thé de la vieille ville trônait sur un coin du comptoir une magnifique statue en plâtre, d’environ un mètre de haut, d’un jeune antillais au teint chocolat, pieds nus, avec un chapeau sur la tête, portant sur son épaule un magnifique régime de bananes, prunelles noires sur globes oculaires blancs.
Cela ne vous rappelle pas les billes de loto de Négripub ?
Personne ne semblait voir cette belle statue colorée, alors qu’elle s’inscrivait parfaitement dans le panorama mémoriel abondamment décrit par ce collectif de chercheurs, comme un phare au coin du comptoir – caisse de ce salon de thé. Incontestablement, un des symboles de l’inconscient colonial des Français !
Et tout cela est bien dommage, parce que beaucoup de ces images ressorties des placards étaient souvent belles !
Alors, s’il ne s’agissait que d’une invitation au voyage de Baudelaire ?
« Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme, et volupté. »
Mais cher lecteur, vous ne partageriez peut être pas le goût de l’exotisme de Baudelaire qui le portait vers les canaux plutôt glacés et embrumés de la Hollande. Ne préféreriez-vous pas les plages blanches de Gauguin, celles des îles Marquises, et les eaux émeraude des îles du Pacifique ?
Les livres en question
Les citations sont suivies d’un numéro de page et de l’une ou deux initiales ci-après :
Images et Colonies – Actes du Colloque 1993 (C)
Images et Colonies- BDIC-Achac- 1993 (IC)
Culture Coloniale – 2003 (CC)
Culture Impériale – 2004 (CI)
La République Coloniale – 2003 (RC)
La Fracture Coloniale – 2005 (FC)
Supercherie Coloniale (2008) Mémoires d’Hommes 9 rue Chabanais 75002 Paris (20 euros port compris)