« Emmanuel Macron, les Feuillants et le libéralisme »
Par Vincent Giret
Le Monde du 26 février 2016, page 7
Ou sur quelle planète vivent ces gens-là ?
Dans cette critique bien rédigée du livre de Jean-Marc Daniel, économiste, et « adepte assumé du social-libéralisme », un livre intitulé « Valls, Macron : le socialisme à la française. Pour un manifeste feuillant », le lecteur a le droit et le devoir de se poser une ou deux questions de base :
« feuillant » qu’est-ce à dire pour un Français d’aujourd’hui ? Qui connait ce terme appelé en renfort pour éclairer la situation politique de la France ?
Comment ne pas se demander si cette catégorie d’intellectuels (en compagnie de l’illustre Régis Debray) a quitté le siècle de la Révolution, et ne continue pas à irriguer des courants politiques qui n’ont rien compris, ou qui ne veulent pas comprendre, que le « grand jeu » économique et social, et encore plus politique ne se joue plus, et se joue de moins en moins « à domicile ».
Marché ou non, offre ou non, demande ou non, la question préjudicielle à poser et à laquelle il convient de répondre est celle de savoir comment il est possible de prendre des décisions, dans l’univers flottant du monde actuel, sans qu’une autorité de régulation, dans chacun des nouveaux univers de l’économie mondiale, ne contribue à mettre ou à remettre un peu d’ordre dans le désordre social et économique que nous connaissons.
Qui prend ou devrait prendre les décisions stratégiques, dans le cas de l’Europe et d’une Union qui n’existe pas, ou qui contribue à alimenter ce désordre, faute pour les pays de la zone euro d’avoir eu le courage de la doter d’institutions politiques, économiques et militaires, capables de peser sur les décisions du monde, en n’acceptant pas n’importe quoi, et donc d’adopter et de mener une politique qui corresponde à sa puissance.
Le contenu de ce livre ainsi que sa brillante critique illustre tout à fait le fait que dans une certaine élite ou intelligentsia qui nous gouverne, en tournant le plus souvent en rond, de droite ou de gauche, beaucoup trop de ses membres n’ont pas véritablement changé de siècle, si l’on peut s’exprimer ainsi, car nous ne sommes plus en 1789.
Comment ne pas relever aussi que le monde politico-médiatique tourne en rond, obsédé par le court terme, et dans le cas présent les élections présidentielles ? Depuis 2015, ils ne pensent qu’à ça !
C’est à se demander si tous ces gens-là ont véritablement quitté l’ancien monde de la Révolution française, et ne devraient pas faire partie d’une association hors du temps, très bien décrite par Fred Vargas dans son dernier roman, où l’intrigue met en scène précisément une association qui cultive le souvenir de Robespierre et de ses amis, mais naturellement avec une dose de meurtres à l’appui.
Jean Pierre Renaud